Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 72

Date de la décision : 16-04-2013

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Boutique Jacob Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,369,868 pour la marque de commerce JACOB COHËN COMPANY & Dessin au nom de Playtime Image Rights Limitée

[1]               Le 30 octobre 2007, Playtime Image Rights Limitée (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce JACOB COHËN COMPANY & Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous, fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins le 7 août 2007.

JACOB COHËN COMPANY & DESIGN

[2]               L’état déclaratif des marchandises qui figure dans la demande au dossier, laquelle a été modifiée le 3 décembre 2009, est ainsi rédigé : [TRADUCTION] « jeans et pantalons ».

[3]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 16 juillet 2008.

[4]               Basco IP, L.P. (Basco) a produit une déclaration d’opposition le 16 décembre 2008. La Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle conteste essentiellement les motifs d’opposition.

[5]               Les parties ont toutes deux produit des éléments de preuve et un plaidoyer écrit. Toutes deux ont également participé à une audience.

[6]               Le 25 septembre 2012, soit après le dépôt des plaidoyers écrits, mais avant l’audience, Boutique Jacob Inc. a demandé l’autorisation de produire une déclaration d’opposition modifiée afin de rendre compte du fait qu’elle était désormais propriétaire des marques de commerce invoquées dans la déclaration d’opposition initiale par suite de la restructuration organisationnelle de Basco et de la cession des marques de commerce à Boutique Jacob Inc., ainsi que pour supprimer des renvois à certains enregistrements de marque de commerce. Le 27 novembre 2012, le registraire a accordé à l’Opposante l’autorisation de produire une déclaration d’opposition modifiée.

[7]               Sauf indication contraire, j’emploierai ci-après le terme « Opposante » pour désigner soit Basco soit Boutique Jacob Inc., selon la période en cause.

Motifs d’opposition soulevés

[8]               Les motifs d’opposition soulevés sur le fondement de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch T-13 (la Loi) peuvent être résumés comme suit :

a)   la demande n’est pas conforme aux alinéas 30b), 30h) et 30i) de la Loi;

b)   la Marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)a) de Loi, car elle est constituée d’un mot n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes;

c)   la Marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposante présentées dans le tableau suivant :

Marque de commerce

No d’enregistrement

JACOB

LMC261,827 et LMC679,745

JACOB MAISON

LMC529,769

JACOB LINGERIE (Dessin)

 

LMC588,281 et LMC679,746

JACOB (Dessin)

 

LMC589,276 et LMC679,738

JACOB OUTLET

LMC671,841 et LMC672,063

JACOB OUTLET & DESIGN

 

LMC679,747

JACOB LINGERIE

LMC679,748

d)   la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’alinéa 16(1)a) de la Loi, car la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce JACOB, JACOB JR., JACOB CONNEXION, JACOB LINGERIE et JACOB OUTLET de l’Opposante antérieurement employée en liaison avec des articles vestimentaires et/ou la vente au détail d’articles vestimentaires;

e)   la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’alinéa 16(1)c) de la Loi, car la Marque crée de la confusion avec les noms commerciaux JACOB, JACOB JR., JACOB CONNEXION, JACOB LINGERIE, JACOB OUTLET et BOUTIQUE JACOB antérieurement employés en liaison avec la vente au détail d’articles vestimentaires;

f)   la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi.

Fardeau de preuve des parties

[9]               La partie requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à la partie opposante de s’acquitter du fardeau initial consistant à présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition soulevés [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298; et Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

Aperçu de la preuve

[10]           Je fournis ci-dessous un aperçu de la preuve produite par les parties, que j’examinerai plus en détail, le cas échéant, dans mon analyse des différents motifs d’opposition. Je ne tiendrai aucun compte, dans mon examen de la preuve, des éléments qui constituent des opinions personnelles sur les questions de fait et de droit qui doivent être tranchées par le registraire dans la présente procédure.

Preuve de l’Opposante

[11]           L’Opposante a produit des copies certifiées de 7 des 11 enregistrements de marque de commerce invoqués au soutien de son opposition, lesquels appartenaient à l’époque à Basco.

[12]           L’Opposante a également produit un affidavit de Joseph Basmaji, daté du 2 septembre 2009 et accompagné des pièces « JB-1 » à « JB-11 ». M. Basmaji n’a pas été contre-interrogé.

[13]           Dans sa preuve, M. Basmaji désigne collectivement les marques de l’Opposante formées du mot JACOB ou comprenant ce mot comme étant les Marques JACOB; je reprendrai donc cette désignation collective. Au besoin, je distinguerai entre elles les différentes Marques JACOB.

[14]           Au moment où il a souscrit son affidavit, M. Basmaji était le président de Basco, de 9101-2096 Québec Inc. (9101-2096) et de Boutique Jacob Inc. (Boutique Jacob), toutes membres du groupe d’entreprises Jacob.

[15]           M. Basmaji présente des éléments de preuve relativement à l’emploi et à la promotion des Marque Jacob en liaison avec des vêtements, des bijoux, des lunettes de soleil, des sacs à main et d’autres accessoires mode et avec l’exploitation d’une chaîne de magasins de détail. Partout dans son affidavit, M. Basmaji désigne collectivement ces marchandises et services par les termes Produits JACOB et Services JACOB, respectivement.

[16]           M. Basmaji explique qu’au départ, les Marques Jacob appartenaient à Boutique Jacob, qui les a cédées à 9101-2096, qui, à son tour, les a cédées à Basco. Il explique également que les Marques JACOB sont en usage au Canada depuis au moins 1976 et qu’elles ont été employées successivement par Boutique Jacob, soit à titre de propriétaires initiales soit à titre de licenciées de 9101-2096, et par Basco.

[17]           Dans son affidavit, M. Basmaji affirme expressément que 9101-2096 et Basco ont successivement octroyé à Boutique Jacob une licence l’autorisant à employer les Marques JACOB en liaison avec les Produits JACOB et les Services JACOB. De même, il affirme expressément que l’emploi sous licence des Marques JACOB par Boutique Jacob était connu de 9101-2096 et Basco, et effectué sous le contrôle et la supervision de ces dernières. J’estime raisonnable d’accorder une pleine valeur probante aux affirmations de M. Basmaji, lesquelles, en l’absence d’un contre-interrogatoire, n’ont pas été remises en cause. D’autant plus qu’à l’audience, la Requérante a affirmé qu’elle ne contestait pas le fait que l’emploi sous licence des Marques JACOB par Boutique Jacob satisfaisait aux exigences du paragraphe 50(1) de la Loi, lequel exige que le propriétaire d’une marque de commerce contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services pour que l’emploi de sa marque de commerce par un licencié lui soit attribué. Par conséquent, j’estime que l’affidavit de M. Basmaji constitue une preuve suffisante pour établir que l’emploi sous licence des Marques JACOB par Boutique Jacob peut être attribué à 9101-2096 et à Basco, successivement.

Preuve de la Requérante

[18]           La Requérante a produit les affidavits de Gay Owens, Jayda Sutton et Aaron Maxwell. Mme Sutton et M. Maxwell ont été contre-interrogés par l’Opposante. Les transcriptions des deux contre-interrogatoires et les réponses aux engagements données pendant le contre-interrogatoire de M. Maxwell ont été versées au dossier. Je me reporterai aux contre-interrogatoires de Mme Sutton et M. Maxwell dans la mesure uniquement où ils sont pertinents aux fins de mon examen de leurs affidavits respectifs et des observations des parties.

[19]           Mme Owens, une recherchiste en marques de commerce travaillant pour l’agent de marques de commerce de la Requérante, a produit les résultats d’une recherche qu’elle a effectuée dans le registre dans le but de repérer les marques de commerce employées en liaison avec des vêtements et comprenant l’élément JACOB.

[20]           Mme Sutton, une stagiaire en droit au sein du cabinet qui agit comme agent de marques de commerce pour la Requérante, a produit les résultats de recherches qu’elle a effectuées dans Internet.

[21]           Au moment où il a souscrit son affidavit, le 23 décembre 2009, M. Maxwell exerçait des fonctions de comptable agréé au sein du cabinet d’avocats Belluzo and Associati. En avril 2009, il avait été embauché par la Requérante à titre de directeur; il a travaillé pour la Requérante pendant moins d’une année.


[22]           Dans son affidavit, M. Maxwell affirme essentiellement ce qui suit :

•    la demande d’enregistrement de la Marque est inscrite au nom de la Requérante;

•    la Marque est employée au Canada depuis au moins le 7 août 2007;

•    à titre de pièce « A », il a produit des factures concernant la vente de jeans et de pantalons en liaison avec la Marque à l’importateur canadien Se.Ce. Apparel Ltd., lequel est responsable des ventes aux consommateurs canadiens;

•    les jeans et pantalons vendus à Se.Ce. Apparel Ltd. s’accompagnent d’une étiquette arborant la Marque.

[23]           En contre-interrogatoire, M. Maxwell a affirmé sous serment ce qui suit :

•    il est au courant de ce que fait la Requérante; il participe aux activités courantes de la Requérante, lesquelles consistent à détenir les droits afférents à la Marque et à exploiter ces droits; la Requérante ne joue aucun rôle dans le processus de marketing et de branding de la Marque [pp. 12 et 13 de la transcription];

•    la pièce « A » de son affidavit est constituée d’une seule facture datée du 7 août 2007 et émise par Giada S.P.A. (Giada), une entreprise autorisée par la Requérante à employer la Marque [pp. 21 à 23 de la transcription];

•    son témoignage écrit, dans lequel il affirme que la Marque est employée au Canada depuis au moins le 7 août 2007 et que la facture annexée à son affidavit comme pièce « A » concerne la vente de jeans et de pantalons, était fondé sur des renseignements qui lui ont été fournis par Modiano, un cabinet italien spécialisé dans les marques de commerce [pp. 13, 15, 16 et 24 de la transcription];

•    il ne sait pas laquelle des deux marques figurant au haut de la facture a été employée en liaison avec les marchandises énumérées dans la facture [pp. 25 et 26 de la transcription]. Je souligne qu’aucune de ces deux marques, lesquelles ont été décrites en contre-interrogatoire comme [TRADUCTION] « Jacob Cohën avec un grand J » et [TRADUCTION] « Jacob Cohën Company avec une machine à coudre », n’est identique à la Marque.

[24]           Des copies de l’accord de licence et de l’accord de renouvellement supplémentaire intervenus entre la Requérante et Giada ont été fournies en réponse aux engagements, de même que des traductions anglaises de ces documents.

[25]           Ce survol du contre-interrogatoire de M. Maxwell m’amène à examiner la prétention de l’Opposante selon laquelle l’affidavit de M. Maxwell constitue une preuve par ouï-dire et devrait être soit écarté soit considéré comme n’ayant aucune valeur probante.

Admissibilité de l’affidavit de M. Maxwell

[26]           L’Opposante soutient que l’affidavit de M. Maxwell constitue une preuve par ouï-dire et ne satisfait pas aux critères de la nécessité et de la fiabilité pour les raisons suivantes :

•    il n’a aucune connaissance directe des questions à l’égard desquelles il a témoigné;

•    ses affirmations sont fondées sur des renseignements fournis par un tiers;

•    la Requérante n’explique pas pourquoi un affidavit souscrit par une personne ayant une connaissance directe de l’emploi de la Marque au Canada – par exemple, un employé de Giada – n’a pu être produit.

[27]           À l’audience, la Requérante a fait valoir qu’à titre de directeur de la Requérante, M. Maxwell était en position de présenter une preuve en son nom. Elle a également affirmé que le contre-interrogatoire avait permis d’établir que M. Maxwell est au courant de l’activité de la Requérante, laquelle consiste à détenir les droits afférents à la Marque.

[28]           Je suis d’accord avec la Requérante lorsqu’elle affirme que M. Maxwell, en tant que directeur de la Requérante, a qualité pour présenter une preuve au nom de la Requérante. Cependant, il est apparu lors du contre-interrogatoire de M. Maxwell que les affirmations de ce dernier voulant que la Marque soit employée au Canada depuis au moins le 7 août 2007 et que la facture datée du 7 août 2007 concerne la vente de jeans et de pantalons en liaison avec la Marque sont fondées sur des renseignements qui lui ont été fournis par Modiano, une tierce partie. Par conséquent, ces affirmations constituent à première une preuve par ouï-dire inadmissible. La question à se poser est donc celle de savoir si ces affirmations satisfont aux critères de la nécessité et de la fiabilité, ce qui permettra, du même coup, de déterminer le poids qu’il convient d’accorder à la preuve [voir Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.)]. Étant donné que M. Maxwell n’explique pas pourquoi il s’est procuré les renseignements auprès de Modiano plutôt qu’en consultant les dossiers d’entreprise de la Requérante ou en s’adressant à d’autres personnes travaillant pour la Requérante, j’estime qu’il convient de n’accorder que peu de poids, voire aucun, à cette partie du témoignage de M. Maxwell.

[29]           Cela dit, le témoignage de vive voix de M. Maxwell concernant l’emploi de la Marque sous licence par Giada est corroboré par les copies des accords fournis en guise de réponse à ses engagements. En outre, j’estime qu’il est raisonnable d’inférer que les copies de ces accords proviennent des dossiers d’entreprise de la Requérante. Conséquemment, j’accepte d’accorder une importance à cette partie de la preuve de la Requérante.

[30]           J’analyserai maintenant les motifs d’opposition.

Motifs d’opposition rejetés sommairement

[31]           Les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 30h), 30i) et 12(1)a) de la Loi peuvent être rejetés sommairement.

[32]           À moins que la demande vise un mot ou des mots non décrits en une forme spéciale, un requérant est tenu au titre de l’alinéa 30h) de fournir un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre prescrit de représentations exactes de cette marque. L’Opposante allègue que la représentation de la Marque qui figure dans la demande n’est pas une représentation exacte de la marque de commerce qui a été employée au Canada depuis la date de premier emploi revendiquée. J’estime que l’allégation de l’Opposante n’appuie pas un motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’alinéa 30h) de la Loi et il s’ensuit que le motif d’opposition n’est pas dûment plaidé. À mon avis, il aurait été plus judicieux et plus efficace que l’Opposante formule cette allégation relativement à un motif fondé sur l’alinéa 30b). En fait, comme je l’explique plus loin, les observations de l’Opposante concernant le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) sont en partie fondées sur son argument voulant que la marque de commerce employée au Canada ne soit pas la Marque.

[33]           L’alinéa 30i) de la Loi exige du requérant qu’il fournisse une déclaration portant qu’il est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada. D’après la jurisprudence, lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée, on ne peut conclure à la non-conformité avec l’alinéa 30i) qu’en présence de circonstances exceptionnelles, telles la mauvaise foi ou le non-respect d’une loi fédérale, rendant la déclaration du requérant invraisemblable [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155; et Société canadienne des postes c. Registraire des marques de commerce (1991), 40 C.P.R. (3d) 221 (C.F. 1re inst.)]. Il n’existe aucune circonstance de cette nature en l’espèce.

[34]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)a) en rejeté en raison du défaut de l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve initial. L’Opposante n’a produit aucun élément de preuve et n’a présenté aucune observation au soutien de ce motif d’opposition. En fait, à l’audience, l’Opposante s’est ralliée à la thèse de la Requérante voulant que la Marque ne contrevienne pas à l’alinéa 12(1)a) de la Loi.

Non-conformité à l’alinéa 30b) de la Loi

[35]           L’Opposante allègue que la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30b) de la Loi en ce que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec chacune des marchandises décrites dans la demande depuis la date de premier emploi revendiquée, ni à toute autre époque pertinente. À titre subsidiaire, l’Opposante allégue que la Requérante a abandonné la Marque puisqu’elle ne l’a pas employée de façon continue.

[36]           La date pertinente pour l’examen de ce motif d’opposition est la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)]. L’alinéa 30b) exige en outre que la marque visée par la demande ait été employée de façon continue dans la pratique normale du commerce depuis la date revendiquée dans la demande [voir Labatt Brewing Co c. Benson & Hedges (Canada) Ltd (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.F. 1re inst.)].

[37]           Dans la mesure où la Requérante est plus à même de connaître les faits pertinents, le fardeau de preuve initial qui incombe à l’Opposante à l’égard de ce motif d’opposition est moins exigeant [voir Tune Masters c. Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.)]. L’Opposante peut s’acquitter de son fardeau initial en s’appuyant sur la preuve de la Requérante [voir Labatt Brewing Co c. Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.)]. L’Opposante doit, cependant, démontrer que la preuve de la Requérante est manifestement incompatible avec la date revendiquée dans la demande [see Ivy Lea Shirt Co v Muskoka Fine Watercraft & Supply Co (1999), 2 CPR (4th) 562 (TMOB), aff’d 11 CPR (4th) 489 (FCTD)].

[38]           Les observations de l’Opposante au sujet de la preuve de la Requérante comportent deux volets. D’une part, l’Opposante soutient que l’emploi de la Marque au Canada par Giada, la licenciée de la Requérante, ne peut pas être attribué à la Requérante parce que l’accord de licence n’englobait pas le Canada. À l’audience, la Requérante a décliné mon invitation à fournir des précisions sur le territoire visé par la licence.

[39]           À titre subsidiaire, l’Opposante prétend que la marque de commerce employée au Canada n’est pas la Marque. Il n’est pas nécessaire que j'examine cette prétention subsidiaire de la Requérante pour trancher en sa faveur.

[40]           En effet, j’estime, comme le soutient l’Opposante, que la licence octroyée à Giada par la Requérante n’incluait pas le Canada pour les raisons suivantes :

•    selon l’article 1.2 de l’accord de licence daté du 20 février 2006, le terme « Territoire » désigne les états énumérés à l’Annexe B de l’accord. Le Canada ne figure pas dans la liste des pays fournie à l’Annexe B de l’accord.

•    l’article 2.3 de l’accord de licence prévoit que, sauf autorisation écrite spéciale et préalable de la part de la Requérante, et nonobstant toute disposition potentiellement contraire contenue dans l’accord, Giada n’est pas autorisée à employer la Marque en dehors du Territoire;

•    l’article 12 prévoit que l’accord de licence constitue la totalité de l’entente intervenue entre les parties et que toute modification doit être faite par écrit;

•    aucune modification n’a été apportée au Territoire dans l’accord de renouvellement supplémentaire daté du 11 décembre 2008.

[41]           Étant donné que la licence n’inclut pas le Canada, la Requérante ne peut pas prétendre avoir employé la Marque au Canada par l’entremise de sa licenciée Giada. En d’autres termes, l’emploi de la Marque par Giada au Canada ne peut être attribué à la Requérante au titre du paragraphe 50(1) de la Loi.

[42]           Je suis d’avis que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de démontrer qu’à la date du 30 octobre 2007, la Marque n’avait pas été employée au Canada par la Requérante depuis le 7 août 2007. En l’absence d’observations de la part de la Requérante qui pourraient me convaincre du contraire, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme à l’alinéa 30b) de la Loi.

[43]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) est accueilli.

Enregistrabilité aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[44]           La date pertinente pour l’examen du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

[45]           J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que tous les enregistrements invoqués existent et sont au nom de Boutique Jacob Inc.; l’Opposante s’est donc acquittée de son fardeau de preuve initial. La question qui se pose maintenant est celle de savoir si la Requérante s’est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et une ou plusieurs des marques de commerce déposées de l’Opposante.

[46]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[47]           Dans l’application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même. [Voir Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.); et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.) pour une analyse approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion.]

[48]           À l’audience, l’Opposante a axé ses observations sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque JACOB faisant l’objet des enregistrements nos LMC261,827 et LMC679,745. J’aurai ferai autant, car j’estime que la comparaison de la Marque avec la marque JACOB permettra de trancher efficacement ce motif d’opposition, d’autant plus que la preuve d’emploi ou de promotion de la marque de commerce JACOB & Dessin (LMC589,276 et LMC679,738) pourra servir comme preuve d’emploi ou de promotion de la marque JACOB. En d’autres termes, s’il appert qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque déposée JACOB, il n’existera pas davantage de probabilité de confusion entre la Marque et les autres marques de commerce déposées invoquées par l’Opposante.


Alinéa 6(5)a) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[49]           Après examen global du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)a), qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis des marques des parties, j’estime que ce facteur favorise l’Opposante.

[50]           La Requérante ne conteste pas le fait que la Marque ne possède pas de caractère distinctif inhérent, ou très peu. En réalité, la Requérante affirme que la Marque est une marque faible.

[51]           De même, l’Opposante reconnaît la faiblesse intrinsèque de la marque JACOB. Elle convient que « Jacob » peut correspondre au nom ou au nom de famille d’un particulier et que, pour cette raison, la marque JACOB est intrinsèquement faible.

[52]           Abstraction faite de la question du ouï-dire, l’affidavit de M. Maxwell ne contient aucune information permettant de conclure que la Marque est devenue connue au Canada. En fait, la Requérante ne fait aucune affirmation selon laquelle la Marque aurait acquis un caractère distinctif.

[53]           En revanche, et bien qu’il soit critiquable, ne serait-ce que parce que les Marques JACOB et les Produits JACOB y sont désignés collectivement, je conviens avec l’Opposante que l’affidavit de M. Basmaji me permet de conclure que la marque JACOB bénéficie d’un caractère distinctif acquis considérable. En effet, j’estime, après lecture objective de l’affidavit de M. Basmaji dans son ensemble, que ce dernier établit un emploi et une promotion considérables de la marque JACOB au Canada.

[54]           Comme la Requérante ne semble pas contester le caractère distinctif acquis de la marque JACOB, il n’est pas nécessaire que j’expose en détail la preuve produite à l’appui de cette question. Il suffit de mentionner qu’en plus d’avoir produit des échantillons représentatifs de l’emploi et de la promotion de la marque JACOB en liaison avec les Produits JACOB et les Services JACOB, M. Basmaji a fourni les éléments de preuve suivants :

•    à la date à laquelle il a souscrit son affidavit (le 2 septembre 2009), Boutique Jacob exploitait 161 magasins de détail sous les enseignes JACOB, JACOB CONNEXION, JACOB LINGERIE ou JACOB OUTLET. Les Produits JACOB étaient vendus dans ces magasins situés dans les provinces du Québec, de l’Alberta, de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse;

    ces 10 dernières années, Boutique Jacob a engagé des dépenses annuelles de 3 millions de dollars pour faire la promotion et la publicité des marques JACOB;

•    de 1980 à la date de son affidavit, les ventes de Produits JACOB en liaison avec les marques JACOB ont connu une croissance annuelle à long terme supérieure à 5 %. À la date de son affidavit, la croissance annuelle à long terme des ventes était de l’ordre de 150 millions à 400 millions de dollars.

Alinéa 6(5)b) : la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

[55]           Ce facteur jouant manifestement en faveur de l’Opposante, il n’est pas nécessaire que je m’y attarde.

Alinéa 6(5)c) : le genre de marchandises, services ou entreprises; et alinéa 6(5)d) : la nature du commerce

[56]           S’agissant des facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et d), l’analyse de la probabilité de confusion aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi repose sur l’examen de l’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande d’enregistrement de la Marque et de l’état déclaratif des marchandises et services figurant dans les enregistrements nos LMC261,827 et LMC679,745 de l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); et Mr Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Ces facteurs favorisent l’Opposante.

[57]           Les états déclaratifs des marchandises qui figurent dans les enregistrements de l’Opposante comprennent tous deux des jeans et des pantalons; la Marque est employée en liaison avec des jeans et des pantalons.

[58]           La demande d’enregistrement de la Marque ne comporte aucune restriction quant aux marchés sur lesquels les marchandises de la Requérante peuvent être distribuées. Dans l’état actuel des choses, il semble improbable que les marchandises de la Requérante soient offertes dans les magasins de l’Opposante. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de déterminer la probabilité de confusion, il n’est pas nécessaire de démontrer que les marchandises des parties sont vendues dans les mêmes commerces, le simple fait que les parties aient la possibilité de le faire suffit [voir Cartier Men’s Shops Ltd c. Cartier Inc (1981), 58 C.P.R. (2d) 68 (C.F. 1re inst.)].

Alinéa 6(5)e) : le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[59]           S’agissant de déterminer le degré de ressemblance entre des marques de commerce, il est bien établi en droit que les marques doivent être considérées dans leur ensemble; il faut éviter de les placer côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs.

[60]           Dans Masterpiece, précité, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur l’importance que revêt le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans l’analyse de la probabilité de confusion. Dans les motifs du jugement, M. le juge Rothstein a déclaré ce qui suit au paragraphe 49 :

[...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. Ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires [...].

[61]           Pour les raisons exposées ci-dessous, j’estime que les différences entre les marques considérées dans leur ensemble sont suffisamment importantes pour compenser toute similitude découlant de leur élément commun JACOB.

[62]           Relativement à l’approche à privilégier pour évaluer la ressemblance entre deux marques de commerce, M. le juge Rothstein s’est exprimé ainsi au paragraphe 64 : « il est vrai que dans certains cas le premier mot sera l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif d’une marque de commerce, mais j’estime qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de celle-ci est particulièrement frappant ou unique ».

[63]           Je ne considère pas le mot JACOB comme un élément particulièrement frappant de la Marque. En effet, le mot JACOB ne figure pas seul; il est accompagné des mots COHËN COMPANY et tous sont imprimés dans les mêmes caractères. Je suis d’avis que la Marque sera prononcée JACOB COHËN COMPANY ou, à la limite, JACOB COHËN. En d’autres termes, j’estime qu’il est peu probable que les consommateurs emploient uniquement le mot JACOB pour designer la Marque.

[64]           En outre, bien que l’on puisse affirmer que les mots JACOB COHËN COMPANY constituent la partie dominante de la Marque, l’image de la machine à coudre n’en demeure pas moins un élément important de la Marque. Elle contribue à distinguer la Marque de la marque JACOB sur le plan visuel.

[65]           Enfin, je pense que l’image de la machine à coudre comprise dans la Marque est susceptible d’évoquer dans l’esprit des consommateurs les machines à coudre qu’utilisaient les tailleurs et les couturières il y a plusieurs décennies. À mon avis, l’image de la machine à coudre combinée aux mots JACOB COHËN COMPANY suggère l’idée d’une entreprise fondée il y a plusieurs années par un tailleur du nom de Jacob Cohen. En revanche, la seule idée évoquée par la marque de l’Opposante est celle du prénom ou du nom de famille Jacob.

Autres circonstances de l’espèce

[66]           L’Opposante n’invoque aucune circonstance additionnelle à l’appui de sa cause. L’Opposante conteste cependant le fait que les circonstances additionnelles invoquées par la Requérante, à savoir l’absence de preuve de confusion réelle et la preuve de l’état du registre et de l’état du marché, puissent appuyer une conclusion d’absence de probabilité de confusion.

[67]           Pour les raisons exposées ci-dessous, je conclus qu’aucune des circonstances additionnelles invoquées par la Requérante n’a d’importance en l’espèce.

Absence de preuve de confusion réelle

[68]           Il a été dit maintes fois qu’un opposant n’est pas tenu de démontrer l’existence de cas de confusion. C’est au requérant qu’il incombe d’établir l’absence de probabilité de confusion. L’absence de preuve de confusion ne décharge pas le requérant de son fardeau de preuve. Néanmoins, une inférence négative peut être tirée de l’absence de cas de confusion réelle lorsque les marques coexistent depuis une longue période [voir Mattel, précité, p. 347].

[69]           Abstraction faite de ma conclusion selon laquelle l’emploi de la Marque au Canada par Giada ne peut être considéré comme ayant été effectué par la Requérante, l’affidavit de M. Maxwell est nettement insuffisant pour me permettre de conclure, comme le soutient la Requérante, que la Marque et la marque JACOB coexistent sur le marché canadien depuis quatre ans. En conséquence, le fait qu’il n’existe en l’espèce aucune preuve de cas de confusion réelle n’est pas utile à la cause de la Requérante.

Preuve de l’état du registre et de l’état du marché

[70]           La Requérante soutient que les résultats de la recherche dans le registre [pièces « B » à « L » de l’affidavit de Mme Owens] et des recherches effectuées dans Internet [pièces « A » et « B » de l’affidavit de Mme Sutton] démontrent que des marques de commerce comprenant l’élément JACOB sont couramment employées par des tiers au Canada en liaison avec des vêtements.

[71]           La Requérante soutient, en outre, que l’affidavit de Mme Sutton démontre que des marques de commerce employées en liaison avec des vêtements et qui se ressemblent ou comportent des éléments identiques ou similaires et qui sont enregistrées au nom d’entités distinctes (par exemple des marques telles que KENNETH COLE Dessin et COLE HAAN Dessin; TOMMY HILFIGER & Dessin et TOMMY BAHAMA; JASON ALEXANDER et ALEXANDER MCQUEEN) coexistent dans le registre et sur le marché [paragraphes 4 à15, pièces « C » à « M »]. Je ne m’attarderai pas davantage à cette partie de la preuve de Mme Sutton, car j’estime qu’elle n’est pas pertinente pour l’appréciation des questions en litige.

[72]           Je reviens à la preuve qu’a produite la Requérante dans le but de démontrer que des marques de commerce comprenant l’élément JACOB sont couramment employées par des tiers en liaison avec des vêtements. J'examinerai d’abord l’affidavit de Mme Owens.

[73]           Mme Owens fournit les détails complets de six demandes et de cinq enregistrements de marque de commerce repérés lors de la recherche qu’elle a effectuée dans le registre le 13 janvier 2009.

[74]           La preuve de l’état du registre est pertinente uniquement dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions quant à l’état du marché, et de telles conclusions sur l’état du marché ne peuvent être tirées que lorsqu’un nombre important d’enregistrements pertinents a été repéré [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welch Foods Inc c. Del Monte Corp (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc c. Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

[75]           Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante demande que le registraire exerce son pouvoir discrétionnaire pour confirmer que les quatre demandes admises relativement aux marques de commerce nominales et figuratives HENRY JACOBSON repérées par Mme Owens le 13 janvier 2009 ont bien été abandonnées en septembre 2009. Je refuse d’exercer le pouvoir discrétionnaire du registraire à cette fin. Comme je l’ai expliqué à l’Opposante à l’audience, dans les procédures d’opposition, le registraire exerce son pouvoir discrétionnaire uniquement pour vérifier que les enregistrements et demandes de marques de commerce dûment plaidés figurent bel et bien au registre, et non pour confirmer des renseignements figurant au registre qui n’ont pas été adéquatement mis en preuve par les parties [voir Quaker Oats Co of Canada c. Menu Foods Ltd (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.OM.C.); Royal Appliance Mfg Co c. Iona Appliance Inc (1990), 32 C.P.R. (3d) 525 (C.O.M.C.)].

[76]           Cela dit, j’estime, comme l’a fait valoir l’Opposante lors de sa plaidoirie, que les marques HENRY JACOBSON ne sont pas pertinentes, car elles comprennent l’élément JACOBSON, et non l’élément JACOB [pièces « B » à « E » de l’affidavit de Mme Owens].

[77]           Je conviens en outre avec l’Opposante que :

         la marque déposée JUNE JACOBS n’est pas pertinente, car les articles vestimentaires compris dans l’état déclaratif des marchandises sont décrits de la manière suivante : « t-shirts et tabliers pour la promotion de produits et de services de beauté et chaussettes et gants pour hydratation et exfoliation » (l’italique est de moi) [pièce « F »];

•    l’élément JACOBS compris dans les marques déposées ST. JACOBS COUNTRY et ST. JACOBS COUNTRY & Dessin ainsi que dans la marque déposée WATERLOO‑ST. JACOBS RAILWAY désigne un emplacement géographique [pièces « J » à « L »].

[78]           Les autres marques repérées sont LITTLE MARC JACOBS, MARC BY MARC JACOBS et MARC JACOBS [pièce « G » à « I »]. Outre le fait que deux de ces marques étaient seulement admises au moment où la recherche a été effectuée, ces trois marques appartiennent à la même entité. Bien que l’Opposante ait concédé que la marque déposée MARC JACOBS est employée au Canada en liaison avec des vêtements, trois marques appartenant à la même entité ne sont pas suffisantes pour inférer que des marques de commerce comprenant l’élément JACOB sont couramment employées au Canada par des tiers en liaison avec des vêtements.

[79]           Je conclus que la preuve fournie par Mme Owens n’est pas utile à la cause de la Requérante. J’examinerai maintenant la preuve fournie par Mme Sutton.

[80]           La preuve est constituée de copies de pages extraites de sites Web que Mme Sutton a consultés postérieurement aux recherches qu’elle a effectuées dans Internet le 17 décembre 2009 à l’aide des mots-clés « Jacob Clothing » [paragraphe 2 et pièce « A »] et « Jacobson Clothing » [paragraphe 3 et pièce « B »].

[81]           L’Opposante a concédé que la marque MARC JACOBS dont il est fait mention dans l’affidavit est employée au Canada en liaison avec des vêtements, mais soutient que l’affidavit de Mme Sutton n’aide en rien la cause de la Requérante. Je suis d’accord avec l’Opposante, mais je n’adhère pas à sa thèse voulant que la preuve, telle qu’elle a été présentée, avait pour but délibéré de tromper le registraire.

[82]           D’une part, bien que je sois convaincue que les sites Web existaient au moment où Mme Sutton les a consultés, cette preuve n’est pas admissible, car la véracité des contenus n’a pas été démontrée; très peu d’information a été fournie pour établir que ces sites Web sont des « sites Web officiels » ou que l’information qu’ils contiennent est fiable [voir ITV Technologies, Inc c. WIC Television Ltd (2003), 29 C.P.R. (4th) 182 (C.F. 1re inst.), p. 192].

[83]           D’autre part, et bien qu’il puisse n’exister aucun motif de mettre en doute la fiabilité de l’information contenue dans les sites Web consultés par Mme Sutton, cette preuve n’est pas utile à la cause de la Requérante pour les raisons suivantes :

         ROMY AND JACOB est employée en liaison avec des vêtements pour chiens;

         JACOB & CO est employée en liaison avec des montres;

         le site Web de JACOB ASH/SCHUESSLER, que Mme Sutton présente comme un grossiste et distributeur de vêtements de chasse, est associé à une adresse aux États-Unis. Le témoignage écrit de Mme Sutton selon lequel JACOB ASH vend et expédie des marchandises au Canada constitue une preuve par ouï-dire inadmissible, car il est fondé sur une conversation téléphonique avec un employé de l’entreprise. Lors de son témoignage, Mme Sutton a dit ne pas se rappeler à qui elle avait parlé et ne pas savoir quelles marques de vêtements seraient vendues par l’entreprise [pp. 20 à 22 de la transcription];

         comme Mme Sutton affirme que JACOB ROGERS est le nom d’un groupe de musique, il semble raisonnable de conclure que les t-shirts arborant la marque JACOB ROGERS sont des articles promotionnels. Quoi qu’il en soit, Mme Sutton ne sait pas si des ventes d’articles vestimentaires arborant la marque JACOB ROGERS ont eu lieu au Canada [p. 22 de la transcription];

         en contre-interrogatoire, Mme Sutton a attesté n’avoir jamais acheté de produits de l’entreprise MAX JACOB INTERNATIONAL LTD, qui, a-t-elle affirmé, se spécialise dans la distribution de produits promotionnels, de cadeaux publicitaires et de cadeaux d’entreprise, y compris des vêtements. De plus, lorsque j’ai demandé à Mme Sutton si elle connaissait la marque des vêtements vendus par cette entreprise, l’avocat de la Requérante ne lui a pas permis de répondre [pp. 22 à 25 de la transcription];

         le site Web de JACOB CLOTHING INC. indique que l’entreprise exerce des activités de commerce et de distribution en gros de vêtements usagés et est située à Los Angeles, en Californie; elle œuvre dans le domaine du vêtement et exporte des marchandises sélectionnées en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie. En contre-interrogatoire, Mme Sutton a reconnu que le Canada ne fait pas partie des pays mentionnés sur ce site Web et a admis n’avoir jamais acheté de vêtements de cette entreprise [p. 27 de la transcription];

         JACOBSON LADIES WEAR LTD. est le nom d’une entreprise située à Sydney, en Nouvelle-Écosse; il comprend l’élément JACOBSON, et non l’élément JACOB. De plus, lors de son témoignage de vive voix, Mme Sutton a affirmé ne pas savoir si l’entreprise est toujours en activité et ne pas avoir vérifié quelles marques de vêtements elle vend ou vendait [p. 28 de la transcription].

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[84]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir; aussi ai-je effectué mon analyse dans cette optique. Bien que mon appréciation des circonstances de l’espèce m’amène à conclure que les facteurs énoncés aux alinéas 6(5)a) à 6(5)d) favorisent l’Opposante, je suis d’avis que les différences entre la Marque et la marque JACOB dans la présentation, dans le son et dans les idées suggérées sont suffisamment importantes pour faire basculer la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante. En conséquence, je conclus que la Requérante s’est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque JACOB visée par les enregistrements nos LMC261,827 et LMC679,745. En outre, comme je l’ai mentionné précédemment, j’estime que la comparaison de la Marque avec la marque JACOB de l’Opposante faisant l’objet des enregistrements nos LMC261,827 et LMC679,745 permet de trancher efficacement ce motif d’opposition.

[85]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est rejeté intégralement.


Absence de droit à l’enregistrement aux termes du paragraphe 16(1) de la Loi

[86]           Lorsque la demande d’enregistrement est fondée sur l’emploi antérieur de la marque de commerce au Canada, la date pertinente pour l’examen d’un motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement aux termes du paragraphe 16(1) de la Loi est la date de premier emploi revendiquée dans la demande. Toutefois, si, invoquant l’alinéa 30b) comme motif d’opposition, un opposant conteste avec succès la date à laquelle le requérant prétend avoir employé la marque pour la première fois, la date pertinente pour l’examen d’un motif fondé sur le paragraphe 16(1) devient la date de production de la demande [voir Record Chemical Co c. American Cyanamid Co (1972), 6 C.P.R. (2d) 278 (C.O.M.C.); Everything for a Dollar Store (Canada) Inc c. Dollar Plus Bargain Centre Ltd (1998), 86 C.P.R. (3d) 269 (C.O.M.C.)].

[87]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) ayant été accueilli, la date pertinente pour l’examen des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(1)a) et 16(1)c) devient la date à laquelle la demande d’enregistrement de la Marque a été produite. Cela dit, la question de savoir si la date pertinente est la date de premier emploi revendiquée ou la date de production de la demande n'a aucune incidence en l'espèce.

Absence de droit à l’enregistrement aux termes de l’alinéa 16(1)a) de la Loi

[88]           L’Opposante a le fardeau initial de démontrer que chacune des marques de commerce invoquées au soutien de ce motif d’opposition était déjà en usage au Canada à la date pertinente et n’avait pas été abandonnée à la date d’annonce de la demande d’enregistrement de la Marque [paragraphe 16(5) de la Loi].

[89]           Là encore, j’estime qu’une comparaison de la Marque avec la marque de commerce JACOB permettra de trancher efficacement ce motif d’opposition. Je considère, par conséquent, qu’il n’est pas nécessaire de déterminer si l’Opposante s’est ou non acquittée de son fardeau initial d’établir l’emploi antérieur des autres marques de commerce qu’elle a invoquées, à savoir JACOB JR., JACOB CONNEXION, JACOB LINGERIE et JACOB OUTLET.

[90]           J’estime que l’Opposante s’est acquittée du fardeau initial qui lui incombait d’établir l’emploi antérieur et le non-abandon de sa marque de commerce JACOB. Je précise, par ailleurs, que l’examen de chacun des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) en fonction de la date du 30 octobre 2007, plutôt qu’en fonction de la date d’aujourd’hui, n’a pas d’incidence significative sur ma précédente analyse des circonstances de l’espèce.  

[91]           En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) est rejeté pour des raisons similaires à celles qui ont motivé le rejet du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

Absence de droit à l’enregistrement aux termes de l’alinéa 16(1)c) de la Loi

[92]           L’Opposante a le fardeau initial de démontrer que les noms commerciaux JACOB, JACOB JR., JACOB CONNEXION, JACOB LINGERIE, JACOB OUTLET et BOUTIQUE JACOB invoqués au soutien de ce motif d’opposition étaient déjà en usage au Canada à la date pertinente et n’avaient pas été abandonnés à la date d’annonce de la demande d’enregistrement de la Marque [paragraphe 16(5) de la Loi].

[93]           Bien que l’Opposante soutienne que l’affidavit de M. Basmaji établit l’emploi au Canada des noms commerciaux JACOB ou BOUTIQUE JACOB depuis aussi tôt que 1976, elle semble reconnaître que sa preuve n’établit pas l’emploi antérieur des noms commerciaux JACOB JR., JACOB CONNEXION, JACOB LINGERIE et JACOB OUTLET. Il convient de mentionner également que la preuve qu’a présentée M. Basmaji pour le compte de l’Opposante renvoie essentiellement aux marques JACOB. En d’autres termes, il n’est fait aucune distinction dans la preuve de l’Opposante entre l’emploi de JACOB comme nom commercial et l’emploi de JACOB comme marque de commerce.

[94]           Cela dit, si je concluais que la preuve, telle qu’elle est présentée par M. Basmaji, est suffisante pour permettre à l’Opposante de s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)c), il faudrait que je conclue également que ce motif d’opposition peut être rejeté pour des raisons similaires à celles énoncées ci-dessus relativement aux motifs d’opposition fondés sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque JACOB.


 

Absence de caractère distinctif

[95]           Le motif d’opposition, tel qu’il est plaidé, est fondé sur la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce et noms commerciaux de l’Opposante invoqués dans la déclaration d’opposition.

[96]           La date pertinente pour l’examen de ce motif d’opposition est la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

[97]           J’estime que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial d’établir que sa marque JACOB était devenue suffisamment connue au Canada à la date du 16 décembre 2008 pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.); Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c. Bojangles Café Ltd (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)]. Je suis d’avis, là encore, que la comparaison de la Marque avec la marque JACOB permettra de trancher efficacement ce motif d’opposition, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de déterminer si l’Opposante s’est ou non acquittée du fardeau initial qui lui incombait à l’égard des autres marques de commerce ou des autres noms commerciaux qu’elle a invoqués.

[98]           Pour des raisons similaires à celles énoncées précédemment, l'examen de chacun des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) en fonction de la date du 16 décembre 2008 n'a pas d'incidence significative sur ma précédente analyse des circonstances de l’espèce. En conséquence, j’estime que la Requérante s’est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer qu’il n’existait pas, à la date du 16 décembre 2008, de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque JACOB de l’Opposante.

[99]           Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.


 

Décision

[100]       Ayant accueilli le motif d’opposition fondé sur la non-conformité de la demande aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi, dans l’exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

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