Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 12

Date de la décision : 2015-01-23

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE LARTICLE 45, engagée à la demande de Barrette Legal Inc., visant l'enregistrement no LMC604,304 de la marque de commerce LEONARDO DA VINCI au nom de Dallevigne S.P.A.

[1]               À la demande de Barrette Legal Inc., le registraire des marques de commerce a donné un avis en vertu de l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch-13 (la Loi) le 7 décembre 2012 à Cantine Leonardo da Vinci Soc. Coop. A.R.L., la propriétaire inscrite à ce moment de l'enregistrement no LMC604,304 pour la marque de commerce LEONARDO DA VINCI (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée en liaison avec les produits [traduction] « vins ».

[3]               L’avis prévu à l’article 45 exigeait que la propriétaire inscrite présente une preuve indiquant qu’elle avait employé la Marque au Canada en liaison avec les produits visés par l'enregistrement à un moment quelconque entre le 7 décembre 2009 et le 7 décembre 2012.

[4]               La définition pertinente d'« emploi » est énoncée à l'article 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Après l'envoi de l'avis, le registraire a enregistré un changement de nom de l'enregistrement à Dallevigne S.P.A. (la Propriétaire). Ce changement de nom n'est pas en cause dans cette procédure.

[6]               En réponse à l'avis du Registraire, le 3 juillet 2013, la Propriétaire a produit l'« affidavit » de Sergio Dagnino. Ce document compte quatre pages, et chaque page a été timbrée et signée par un notaire italien, Paolo Castellari. La première page est en anglais et comporte l'essentiel des déclarations de M. Dagnino, suivie de deux pages de photos en preuve, et la dernière page est un long document notarié transcrit en italien par M. Castellari.

Admissibilité du document de M. Dagnino

[7]               J'aimerais d'abord faire remarquer que la Loi et le Règlement sur les marques de commerce sont muets en ce qui concerne la forme que doivent prendre les affidavits et les déclarations solennelles qui sont présentés devant le registraire dans le cadre d’une opposition ou d'une procédure de radiation en vertu de l’article 45. Comme l’a déjà mentionné le registraire, bien qu’il soit souhaitable que la preuve soit conforme aux Règles de la Cour fédérale, la conformité n’est pas une obligation [voir Tension 10 Inc c Tension Clothing Inc (2004), 45 CPR (4th) 136 (COMC)]. Le registraire accepte généralement les affidavits souscrits dans d'autres pays tant qu'ils sont conformes aux exigences de ce pays [voir, par exemple, Dubuc c Montana (1991), 38 CPR (3d) 88 (COMC) et Bull, Housser & Tupper LLP c Sacha London, SL (2013), 113 CPR (4th) 371 (COMC)]. De plus, surtout dans le contexte des procédures de radiation en vertu de l’article 45 – qui se veulent sommaires et expéditives –, il est fréquent que le registraire considère comme de simples détails techniques certaines des irrégularités que peuvent présenter les affidavits et les déclarations solennelles [voir, par exemple, Brouillette, Kosie c Luxo Laboratories Ltd (1997), 80 CPR (3d) 312 (COMC) et 88766 Canada Inc c Tootsie Roll Industries Inc (2006), 56 CPR (4th) 76 (COMC)]

[8]               Pour les raisons exposées ci-dessous, toutefois, je suis d'accord avec la Partie requérante que le document de M. Dagnino ne devrait pas être admis comme preuve en l'espèce.

[9]               Sur chaque page du document de M. Dagnino, le timbre du notaire et sa signature figurent dans la marge de droite. Toutefois, sur la première page, je remarque que le constat d'assermentation en anglais est incomplet. Même si « Italy » [Italie] et « 2013 » sont indiqués, l'espace pour la ville, le jour et le mois sont vides et la signature du notaire ne figure pas à l'endroit prévu. Il est possible que le timbre et la signature du notaire ailleurs sur la page soient adéquats en vertu de la loi italienne. De plus, il est possible que la dernière page du document inclue un constat d'assermentation complet et d'autres détails suffisants pour des déclarations sous serment en vertu de la loi italienne. Toutefois, aucune traduction de la portion italienne du document n'a été fournie par la Propriétaire.

[10]           Je suis d'accord avec la Partie requérante que la Propriétaire aurait dû fournir une traduction de la portion italienne de l'« affidavit » pour permettre au registraire de déterminer si le document répond aux exigences d'un affidavit. À cet égard, même si j'acceptais qu'un notaire italien ait signé le document et y ait apposé son sceau, cela ne peut pas, en soi, mener à la présomption que les déclarations de M. Dagnino ont été faites sous serment devant le notaire [voir 88766 Canada Inc c 167407 Canada Inc (2010), 89 (4th) 293 (COMC)]. Il se peut que la certification de M. Castellari atteste simplement de l'identité de M. Dagnino et non pas du fait qu'il ait été assermenté. Sans traduction, nous ne connaissons tout simplement pas le statut du document.

[11]           Je ne considère pas qu'il s'agisse d'un simple détail technique qui peut être ignoré par le registraire. Bien que la Partie requérante ait soulevé cette question, la Propriétaire a choisi de ne pas produire de traduction de la portion italienne du document, pas plus qu'elle n'a fourni d'observations en réponse en ce qui a trait à l'admissibilité de l'« affidavit ».

[12]           Si l'Inscrivante avait produit une traduction pour indiquer que les déclarations de M. Dagnino avaient été faites sous serment ou que le document pouvait être considéré en Italie comme l'équivalent d'un affidavit ou d'une déclaration solennelle, j'aurais alors pu considérer que le document de M. Dagnino était admissible en l'espèce. Sans une traduction ou des observations de la part de la Propriétaire, je considère, au mieux, le document de M. Dagnino comme un document produit en preuve dans le cadre d'une procédure en vertu de l'article 45, qui aurait été timbré par un notaire canadien, mais qui ne comprendrait pas un constat d'assermentation adéquat [voir, par exemple, Cameron IP c Jones (2013), 112 CPR (4th) 333 (COMC)]. Par conséquent, je conclus que le document de M. Dagnino est inadmissible en l'espèce.

Insuffisance de la preuve

[13]           Quoi qu'il en soit, même si j'acceptais le document de M. Dagnino comme une preuve adéquate, je ne considérerais pas que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en vertu des articles 4 et 45 de la Loi pour les raisons exposées ci-dessous.

[14]            L'« affidavit » de M. Dagnino est bref, la portion importante est composée des deux paragraphes suivants et d'une pièce :

[traduction]
1. Je suis le directeur général de [la Propriétaire]. J'ai accès aux dossiers de l'Inscrivante et je les ai consultés pour préparer cet affidavit. J'ai une connaissance directe des faits énoncés dans cet affidavit, et je suis autorisé par l'Inscrivante à prêter serment et à produire cet affidavit à l'appui de cette action.

2. Jointes et marquées en pièce A se trouvent de véritables reproductions d'étiquettes montrant l'emploi de la marque de commerce susmentionnée.

[15]           La pièce A est composée de trois étiquettes. Les étiquettes semblent être pour différents formats de bouteilles de vin. La marque de commerce LEONARDO figure en haut de chaque étiquette qui indique le millésime 2010. La première étiquette est composée principalement de texte en anglais et en italien. Les deuxième et troisième étiquettes comprennent au moins un peu de texte en anglais et en français. À côté du code à barres de la deuxième étiquette, il y a « ONTARIO AGENT [agent pour l'Ontario] : DIONYSUS (#555) » avec un numéro de téléphone de l'indicatif régional 416.

[16]           Encore une fois, la dernière page de l'« affidavit » semble être la page de certification du notaire italien pour laquelle aucune traduction n'a été produite par la Propriétaire.

[17]           Il est bien établi que les simples affirmations d'emploi ne suffisent pas à démontrer l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le critère relatif à la preuve d’emploi soit peu exigeant dans le cadre de cette procédure de radiation en vertu de l'article 45 [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu’il ne soit pas nécessaire de présenter une surabondance de preuves [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il faut néanmoins produire des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure à un emploi de la marque de commerce en liaison avec les produits visés par l’enregistrement au cours de la période pertinente.

[18]           En l'espèce, je remarque que M. Dagnino n'affirme même pas l'emploi de la Marque au Canada, et non plus au cours de la période pertinente. Je ne suis pas disposé à tirer des inférences de la présence de « Ontario Agent » [agent pour l'Ontario] sur l'une des étiquettes jointes et la présence de « 2010 » sur les étiquettes comme millésime des vins. Même si j'inférais que les étiquettes figuraient dans les faits sur les produits de la Propriétaire, M. Dagnino ne donne aucun détail à l'égard de la pratique normale du commerce de la Propriétaire. En l'absence de factures ou de tout renseignement à l'égard des ventes et de la distribution des vins de la Propriétaire, je suis incapable de conclure qu'un transfert des produits est survenu dans la pratique normale du commerce au Canada au cours de la période pertinente ou que cela répondait aux exigences des articles 4 et 45 de la Loi.

[19]           Quoi qu'il en soit, comme susmentionné par la Partie requérante, la marque de commerce qui figure sur les étiquettes est LEONARDO, plutôt que la Marque comme enregistrée.

[20]           Le test en matière de variation, énoncé dans Canada (Registraire des marques de commerce) c Compagnie International pour linformatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF), à 525, est le suivant :

[traduction]
Le test pratique qu'il convient d'appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce qui est enregistrée avec la marque de commerce qui est employée et à déterminer si les différences entre ces deux versions de la marque sont à ce point minimes qu'un consommateur non averti conclurait, selon toute probabilité, qu'elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des produits ayant la même origine.

[21]           Comme la Cour d'appel l'a fait observer, [traduction] « Il faut répondre non à cette question sauf si la marque a été employée d'une façon telle qu'elle a conservé son identité et est demeurée reconnaissable malgré les différences existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée. » [à 525].

[22]           Pour trancher cette question, il faut se demander si les « caractéristiques dominantes » de la marque de commerce ont été préservées [Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)]. La détermination des éléments constituant les caractéristiques dominantes et la question de savoir si la variation est suffisamment mineure pour que l'on puisse conclure à l'emploi de la marque de commerce telle qu'elle est enregistrée sont des questions de fait qui doivent être tranchées en fonction des circonstances propres à chaque cas.

[23]           Même si la marque de commerce qui figure sur les étiquettes, LEONARDO, est la première partie de la Marque comme enregistrée, l'omission des mots DA VINCI est insuffisante pour constituer une représentation de la Marque. LEONARDO est un prénom en un seul mot alors que la Marque est le nom bien connu d'un personnage historique célèbre. L'omission de DA VINCI modifie de façon substantielle la caractéristique dominante de la Marque dans sa présentation, sa sonorité et les idées qu'elle suggère, de telle sorte qu'elle perd son identité et qu'elle n'est plus reconnaissable comme la Marque.

[24]           Compte tenu de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré l'emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l'enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi. De plus, je ne dispose d'aucune preuve de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque.

Décision

[25]           En conséquence, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu de l'article 63(3) de la Loi, l'enregistrement sera radié, conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi.

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Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

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