Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Unilever Canada Inc. à la demande no 1,116,050 en vue de l’enregistrement de la marque de commerce BETTER THAN BOUILLON produite par Superior Quality Foods, Inc.

 

 

Le 19 septembre 2001, Superior Quality Foods, Inc. (la requérante) a produit une demande pour faire enregistrer la marque de commerce BETTER THAN BOUILLON (la marque), employée en liaison avec des soupes et des bases pour soupe (les marchandises). La demande est fondée tant sur l’emploi de la marque au Canada depuis au moins le 15 janvier 1997 que sur l’emploi et l’enregistrement de la marque aux États‑Unis d’Amérique. Il y a eu désistement du droit à l’usage exclusif du mot « BOUILLON » en dehors de la marque.

 

Aux fins de toute opposition éventuelle, la demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 7 mai 2003. Unilever Canada Inc. (l’opposante) a produit une déclaration d’opposition axée sur le caractère descriptif de la marque le 2 octobre 2003.

 

La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration où elle nie les allégations formulées dans la déclaration d’opposition.

 

L’opposante a produit l’affidavit de Scott Cooper à l’appui de son opposition. M. Cooper, l’un des directeurs de l’opposante, a fourni les définitions tirées du dictionnaire de « bouillon » et de « better ». Je n’ai accordé aucun poids à la conclusion personnelle de M. Cooper à savoir si la marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse.

 

La requérante a produit l’affidavit de Paul Smalley pour étayer sa demande. M. Smalley, le gérant national des ventes au détail de la requérante, a décrit l’entreprise de cette dernière et fourni les détails concernant l’emploi et la promotion de la marque au Canada et ailleurs.

 

Ni l’un ni l’autre auteur des affidavits n’a été contre‑interrogé.

Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. L’opposante, dans son argumentation, fait allusion à divers faits, notamment d’autres marques inscrites au registre des marques de commerce, qui n’ont pas été présentés en preuve, et je ne tiendrai pas compte de ces allusions.

 

Les deux parties ont pris part à l’audience.

 

Il incombe à la requérante de montrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme à la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), mais il appartient à l’opposante de produire d’abord une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie son opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, p. 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et autres (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Motifs d’opposition

La principale question à trancher en l’espèce est de savoir si la marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des soupes et des bases pour soupe. Cette question est la pierre angulaire des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 38(2)a), b) et d) de la Loi. Je traiterai d’abord du motif fondé sur l’alinéa 38(2)b), c’est‑à‑dire que la marque n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)b).

 

Alinéas 38(2)b) et 12(1)b)

La Commission des oppositions estime que la date pertinente pour ce qui est de l’alinéa 12(1)b) est la date de production de la demande [voir Havana Club Holdings S. A. c. Bacardi & Company Limited (2004), 35 C.P.R. (4th) 541 (C.O.M.C.); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)]. Je constate que, bien que l’auteur de l’affidavit de la requérante ait fourni le chiffre des ventes et les frais de publicité afférents à la marque de la requérante, ces montants sont présentés sous forme de sommes globales, ce qui m’empêche de déterminer les montants qui datent d’avant le 19 septembre 2001.

 

La question de savoir si la marque de la requérante donne ou non une description claire de ses marchandises doit être examinée du point de vue de l’acheteur moyen de ces marchandises. En outre, l’on ne peut disséquer la marque pour obtenir les éléments qui la composent et l’analyser ensuite soigneusement; il faut plutôt l’examiner dans son intégralité pour en dégager l’impression immédiate [voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 40 C.P.R. (2d) 25, p. 27 et 28; Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce, 2 C.P.R. (3d) 183, p. 186]. On entend par la nature d’une marque un attribut, un aspect ou une caractéristique des marchandises, tandis que « claire » signifie [traduction] « facile à comprendre, qui va de soi, ordinaire » [voir Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29, p. 34].

 

La mention de la « qualité » à l’alinéa 12(1)b) signifie que les mots qui dénotent un degré d’excellence ne sont pas enregistrables. De toute évidence, « better » (qui signifie « mieux ») fait partie de ces mots, comme le confirme la définition [traduction] « d’un genre meilleur, plus extraordinaire ou plus souhaitable » [voir la deuxième édition de l’Oxford Canadian Dictionary et la neuvième édition de The Concise Oxford Dictionary]. La requérante soutient que « better » est un terme comparatif, et non un mot élogieux, et avance que la version élogieuse de « better » est « best ». Toutefois, la définition que le Petit Larousse Illustré donne à « élogieux » est « rempli de louages, flatteur, louangeurs », et je souscris au point de vue de l’opposante que « better » est un mot élogieux et que « best » est simplement la forme superlative élogieuse.

 

Selon l’Oxford Canadian Dictionary, « bouillon » est défini ainsi [traduction] « aliment liquide obtenu en faisant bouillir des morceaux de viande ou de poisson dans de l’eau » et dans The Concise Oxford Dictionary [traduction] « soupe claire; consommé ».

 

Le fait qu’une combinaison donnée de mots ne figure pas au dictionnaire n’empêche en rien une marque de commerce de donner une description claire ou une description fausse et trompeuse. Si chaque élément d’une marque a un sens bien connu en français ou en anglais, il se peut que la combinaison de ces éléments contrevienne à l’alinéa 12(1)b) de la Loi. En l’espèce, bien que j’aie reproduit les définitions tirées des dictionnaires des mots clés de la marque, j’estime que le sens de chacun de ces mots clés est bien connu.

La requérante concède que la marque peut suggérer un rapport avec ses marchandises, mais elle soutient qu’elle n’en donne pas une description claire. Elle fait valoir, au paragraphe 34 de son plaidoyer écrit, que [traduction] « les mots “better than” ne sont pas élogieux dans l’acception traditionnelle du terme, en ce sens qu’ils ne disent pas que les marchandises sont supérieures par leur nature ou leur qualité, mais seulement qu’elles sont d’un genre plus souhaitable comparativement à autre chose […]; “better than”, étant une expression de relativité, ne saurait donner une description claire des marchandises ». Elle conclut, au paragraphe 35, que [traduction] « l’expression BETTER THAN BOUILLON ne donne d’aucune façon une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises » et ajoute, au paragraphe 37, que [traduction] « le fait que les marchandises sont de meilleure qualité que le bouillon traditionnel ou que le consommateur apprécierait en fait davantage les marchandises que le bouillon n’est pas une caractéristique ou une qualité essentielle des marchandises ». La requérante précise que sa marque est un simple battage publicitaire et qu’il n’y a aucun lien évident entre la marque et les marchandises.

 

J’estime que ces arguments ne sont pas convaincants. Je suis en fait d’avis que la marque, à la première impression, annonce clairement que les soupes et les bases pour soupe de la requérante sont meilleures que le bouillon (en anglais, « better than bouillon »), une description élogieuse contraire à l’alinéa 12(1)b). Je constate par ailleurs que la marque inclut une locution grammaticale ordinaire que les autres propriétaires, dans l’industrie, devraient avoir le droit d’employer pour décrire raisonnablement leurs produits.

 

La requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que sa marque ne donne pas une description claire de la nature ou de la qualité de ses marchandises. J’accueille donc le motif fondé sur l’alinéa 12(1)b).

 

Pour terminer, je mentionnerais qu’il est bien entendu possible de faire enregistrer une marque par ailleurs non enregistrable en application de l’alinéa 12(1)b) pour peu que l’on invoque le paragraphe 12(2) ou l’article 14. La requérante ne s’est toutefois prévalue ni de l’une ni de l’autre de ces dispositions et, l’eut-elle fait, il n’est pas certain qu’elle aurait été plus avancée.

J’ajouterais par ailleurs que je ne vois aucune raison de tenir compte de l’argument de l’opposante selon lequel la marque donne une description fausse ou trompeuse des marchandises.

 

Alinéa 38(2)d)/caractère distinctif

Le juge Denault a déclaré dans Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R. (3d) 418 (C.F. 1re inst.), p. 428 :

Bien que le caractère distinctif d’une marque de commerce soit très souvent apprécié lors de l’examen de la question de savoir si la marque de commerce projetée crée de la confusion avec une autre marque de commerce au sens de l’article 6 de la Loi, il est possible de rejeter une demande d’enregistrement au motif qu’elle n’est pas distinctive, indépendamment de la question de la confusion, à condition que ce moyen soit invoqué dans une opposition. […] Le caractère distinctif est une caractéristique fondamentale et essentielle d’une marque de commerce. Le moyen fondé sur l’absence de caractère distinctif peut donc être soulevé en opposition par quiconque et s’appuyer sur le défaut de distinguer ou d’être adapté à distinguer la marque de commerce projetée des marchandises de tous les autres propriétaires.

 

En l’espèce, l’opposante fait valoir que la marque de la requérante n’est pas distinctive parce qu’elle donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises de la requérante.

 

La date pertinente pour ce qui est du caractère distinctif est la date de production de la déclaration d’opposition [voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), p. 130, et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 (C.A.F.), p. 424].

 

Dans Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA – The Engineered Wood Association (2000), 7 C.P.R. (4th) 239, p. 253, le juge O’Keefe a déclaré « qu’une marque de commerce qui donne une description claire ou une description fausse et trompeuse [est] nécessairement sans caractère distinctif ». Par conséquent, sur la foi de la constatation à laquelle je suis arrivée plus tôt voulant que la marque donne une description claire, je conclus que la marque n’est par ailleurs pas adaptée en soi à distinguer les marchandises de la requérante de celles des autres propriétaires d’autres marchandises similaires.

 

De même, puisque le chiffre des ventes et les frais de publicité de la requérante ont été présentés sous forme de sommes globales, il m’est impossible de déterminer les montants qui datent d’avant le 2 octobre 2003, si bien qu’il n’y a aucun fondement qui me permettrait de conclure qu’en date du 2 octobre 2003, la marque avait acquis au Canada un caractère distinctif suffisant à distinguer réellement les marchandises de la requérante.

 

J’accueille donc ce motif d’opposition.

 

Alinéas 38(2)a) et 30i)

Puisque j’ai déjà tranché en faveur de l’opposante relativement à deux motifs, il ne m’est pas nécessaire d’analyser le motif fondé sur l’alinéa 30i).

 

Décision

En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande aux termes du paragraphe 38(8).

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), CE 27e JOUR D’AVRIL 2007.

 

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions aux marques de commerce

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.