Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : MOTOLOK

ENREGISTREMENT No LMC 405140

 

 

 

Le 3 novembre 2006, à la demande de Cassels, Brock & Blackwell, s.r.l., le registraire a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T‑13 (la « Loi »), à Cash Banas, propriétaire inscrit de la marque de commerce MOTOLOK (la « Marque »), dont le numéro d’enregistrement est le LMC 405140. La Marque est enregistrée en liaison avec un « dispositif antivol pour automobile ». L’avis prévu à l’article 45 a été envoyé également à la représentante du propriétaire inscrit pour signification, Blake, Cassels & Graydon, s.r.l.

 

Suivant l’article 45, le propriétaire inscrit d'une marque de commerce doit indiquer si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services que précise l'enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis, dans la présente procédure entre le 3 novembre 2003 et le 3 novembre 2006. Si la marque n’a pas été employée pendant cette période, le propriétaire inscrit doit indiquer la date à laquelle elle a été employée pour la dernière fois et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

 

L’emploi en liaison avec des marchandises est défini à l’article 4 de la Loi, reproduit ci‑après :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

    (2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

 

    (3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

L’article 45 offre un moyen simple et rapide de supprimer du registre les marques qui ne sont plus employées. Le fardeau de la preuve incombe au seul propriétaire inscrit [88766 Inc. c. George Weston Ltd. (1987), 15 C.P.R. (3d) 260, p. 266] et, la preuve n’étant soumise à aucun contre‑interrogatoire, toute ambiguïté relevée dans celle‑ci doit être interprétée à l’encontre des intérêts du propriétaire inscrit [Aerosol Fillers Inc. c. Plough (Canada) Ltd. (1979), 45 C.P.R. (2d) 194, p. 198 (C.F. 1re inst.); conf. par 53 C.P.R. (3d) 62 (C.A.F.)]. Toutefois, compte tenu de l’objectif et de la portée de l’article 45, le critère auquel le propriétaire inscrit doit satisfaire n’est pas exigeant. Il est établi en droit qu’il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve pour répondre adéquatement à un avis prévu à l’article 45.

 

En réponse à l’avis prévu à l’article 45, Blake, Cassels & Graydon, s.r.l., a produit l’affidavit de Ernest W. Painter. Je reproduis ci‑après le corps entier de l’affidavit de M. Painter, daté du 6 juin 2007 :

 

[traduction]

  1. Je soussigné, ERNEST W. PAINTER, homme d’affaires, résidant de la ville de Brantford, dans la province de l’Ontario, JURE ET DÉCLARE SOUS SERMENT PAR LES PRÉSENTES QUE :

 

  1. Je vends les dispositifs antivol pour automobile MOTOLOK (ci‑après les « produits MOTOLOK ») au Canada depuis un certain nombre d’années et, auparavant, mes prédécesseurs en titre, Motolok Limited et Cash Banas, les vendaient. J’ai acquis l’entreprise associée à la marque de commerce MOTOLOK en 1995. Nos clients sont des agents agréés qui, à leur tour, vendent ces dispositifs à des grossistes et à des détaillants.

 

  1. Au moment de l’acquisition, je n’étais pas bien. J’ai par la suite éprouvé une série de graves problèmes de santé […], qui m’ont empêché de poursuivre mes activités. En raison de ces problèmes de santé, j’ai dû être hospitalisé périodiquement et passer de longues périodes à me remettre. En bout de ligne, j’ai dû mettre un terme à toutes mes activités professionnelles et commerciales. Depuis ce temps, je suis incapable de consacrer le temps et l’énergie nécessaires à des activités de marketing et de vente de produits MOTOLOK au Canada. J’estime que c’est aux environs de 1999 que j’ai effectué les dernières ventes de produits MOTOLOK au Canada à des agents agréés. Je sais que ces derniers avaient en main un stock de produits MOTOLOK qui ont été vendus sur le marché canadien jusqu’en 2004.

 

  1. Au cours de la dernière année, mon état de santé s’est amélioré au point où j’ai été en mesure de reprendre certaines de mes activités commerciales. Au cours de cette même année, avant et après le 3 novembre 2006, j’ai eu des discussions avec les personnes compétentes sur la question de la reprise de mes activités de marketing et de vente de produits MOTOLOK. J’ai l’intention de remettre les produits MOTOLOK sur le marché canadien au cours des six à douze prochains mois, sous réserve de la signature des accords nécessaires.

 

Un plaidoyer écrit a été produit par Blake, Cassels & Graydon, s.r.l., et Cassels, Brock & Blackwell, s.r.l., et une audience au cours de laquelle des membres de chacun de ces cabinets ont présenté des arguments a été tenue.

 

À l’audience, le mandataire représentant le propriétaire inscrit m’a dit que la veille, Ernest W. Painter avait été inscrit à titre de propriétaire de l’enregistrement en cause. Un examen du registre des marques de commerce indique que, le 11 mars 2009, un changement de propriété a été enregistré sur le fondement d’un document signé le 4 juin 2007, qui apparemment avait pour effet de céder l’enregistrement le 30 juin 1995 nunc pro tunc. La documentation relative à la cession ne m’a pas été soumise dans le cadre de la présente procédure.

 

Les deux principales questions de savoir si l’on a établi l’emploi de la marque au cours de la période pertinente et s’il existe des circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi sont abordées ci‑après.

 

Emploi de la marque

Bien que M. Painter affirme que les [traduction] « produits MOTOLOK ont été vendus sur le marché canadien jusqu’en 2004 », cette affirmation ne fait pas la preuve d’un emploi au sens de l’article 4 à quelque moment que ce soit, et encore moins pendant la période de trois ans pertinente. Il n’explique pas la manière dont la Marque est liée aux marchandises que précise l’enregistrement, de sorte que je ne peux conclure que des ventes ont été effectuées de manière à satisfaire aux conditions de l’article 4.

 

M. Painter n’indiquant pas la nature de l’entreprise associée à la marque de commerce MOTOLOK, j’ignore s’il est un fabriquant, un importateur ou si une autre partie et, le cas échéant, quelle partie, prend part à la production des marchandises. Il décrit de vagues voies commerciales : les marchandises sont apparemment vendues à des agents agréés qui, à leur tour, effectuent la vente à des grossistes et à des détaillants. Le type de grossiste ou de détaillant n’est pas mentionné, et il est impossible de dire qui est l’utilisateur final des marchandises. Le fait que son produit puisse demeurer dans les voies commerciales sans être vendu pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans est une curiosité inexpliquée.

 

Dans l’ensemble, puisque je n’ai pas vu le colis ni le moyen par lequel la Marque peut être liée aux marchandises, je ne peux dire 1) si la Marque a été à quelque moment que ce soit employée conformément à l’article 4, et 2) si elle a été ainsi employée, si cet emploi profite à M. Painter. Je peux difficilement admettre qu’en raison de son mauvais état de santé, M. Painter a été incapable de fournir d’autres détails concernant la manière dont la Marque a été employée, alors qu’il soutient l’avoir employée pendant à peu près quatre ans et être sur le point de la remettre sur le marché.

 

Circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi

Pour établir l’existence de circonstances spéciales, le propriétaire inscrit doit préciser la date à laquelle la marque de commerce a été employée pour la dernière fois et la raison du défaut d’emploi depuis cette date. Bien que M. Painter ait allégué qu’il a employé la Marque vers 1999, la preuve ne montre l’emploi à aucun moment. Dans les circonstances, j’admets uniquement que la date à laquelle M. Painter a acquis la Marque, en 1995, est la date du dernier emploi [GPS (U.K.) v. Rainbow Jean Co. (1994), 58 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.)]. (Je ferai remarquer cependant que l’issue de la présente décision ne changerait pas si je prenais en considération le fait que la Marque n’a pas été employée pendant huit ans plutôt que pendant 12 ans.)

 

Trois critères permettent de déterminer s’il existe des circonstances justifiant le défaut d’emploi. Dans l’affaire Bereskin & Parr c. Bartlett (2008), 70 C.P.R. (4th) 469 (C.O.M.C.), l’agente d’audience Barnett a résumé dans les termes suivants la procédure qui permet de déterminer s’il existe de telles circonstances :

16          La question de savoir s'il y a présence ou non de circonstances spéciales qui justifient l'absence d'emploi nécessite la prise en considération de trois critères. Le premier est la durée au cours de laquelle la marque n'a pas été utilisée. Le second est de savoir si les motifs d'absence d'emploi étaient attribuables à des circonstances indépendantes de la volonté de l'inscrivant. Le troisième est de savoir si ce dernier a l'intention sérieuse de reprendre l'emploi de la marque dans un bref délai : Canada (Registraire des marques de commerce) c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 488 (C.A.F.). Les « circonstances spéciales » du deuxième critère, à savoir si l'absence d'emploi était attribuable à des circonstances indépendantes de la volonté de l'inscrivant, signifie des « circonstances de nature inhabituelle, peu courantes et exceptionnelles » (John Labatt Ltd. c. The Cotton Club Bottling Co. (1976), 25 C.P.R. (2d) 115 (C.F. 1re inst.)).

 

17          La Cour d'appel fédérale, dans son récent arrêt Scott Paper Limited c. Smart & Biggar et Le procureur général du Canada, 2008 CAF 129 (C.A.F.), a quelque peu clarifié l'interprétation du critère des circonstances spéciales faite dans l'arrêt Harris Knitting, précité. En se basant sur la grille d'analyse d'Harris Knitting Mills, la cour a conclu que l'examen approprié, lorsqu'il s'agit évaluer s'il y a présence ou non de circonstances spéciales qui justifieraient l'absence d'emploi de la marque, doit porter sur la raison de l'absence d'emploi, et qu'aucun autre facteur ne doit être pris en considération. Selon cette analyse, il doit être satisfait au deuxième critère du test d'Harris Knitting Mills pour pouvoir conclure que l'absence d'emploi de la marque est justifiée par une ou des circonstances spéciales. Selon mon analyse, cette conclusion ne signifie pas que les deux autres critères ne sont pas des facteurs pertinents : toutefois, ces deux critères ne pourraient, à eux seuls, constituer des circonstances spéciales. Dans tous les cas, l'intention de reprendre l'emploi doit être étayée par la preuve (Arrowhead Spring Water Ltd. c. Arrowhead Water Corp (1993), 47 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.); NTD Apparel Inc. c. Ryan (2003), 27 C.P.R. (4th) 73 (C.F. 1re inst.)).

 

Si l’on applique cette procédure à la présente affaire, il faut dans un premier temps tenir compte du fait qu’il y a eu défaut d’emploi pendant environ 12 ans.

 

En ce qui concerne le second critère, j’admets que les circonstances qui ont empêché M. Painter d’utiliser la Marque étaient indépendantes de sa volonté. L’on a attiré mon attention sur une autre décision fondée sur l’article 45, où la maladie a été considérée comme étant une circonstance indépendante de la volonté de l’inscrivant. Dans cette affaire, cependant, une lettre du médecin de l’inscrivant avait été produite [voir Bereskin & Parr, précitée].

 

La preuve ne permet cependant pas de préciser la période exacte au cours de laquelle la maladie a empêché M. Painter d’employer la Marque. Il semblerait qu’il ait été incapable de travailler à partir de 1999 ou peu après, jusqu’à la fin de 2005.

 

J’en arrive au troisième critère. M. Painter n’a fourni aucune date précise en ce qui concerne la remise sur le marché canadien des produits MOTOLOK. Il dit plutôt ceci : [traduction] « J’ai l’intention de remettre les produits MOTOLOK sur le marché canadien au cours des six à douze prochains mois, sous réserve de la signature des accords nécessaires » (je souligne). M. Painter n’a pas expliqué ce que les « accords nécessaires » pourraient être, et il n’y a aucun moyen de déterminer si ses intentions sont réalistes. Il n’a produit aucune copie de négociations, projets d’ententes, projets de colis ou autres choses semblables, ni expliqué les étapes qu’il faudrait franchir pour remettre le produit sur le marché. À la place, nous ne disposons que de déclarations très vagues.

 

M. Painter affirme ceci : [traduction] « Au cours de cette même année, avant et après le 3 novembre 2006, j’ai eu des discussions avec les personnes compétentes sur la question de la reprise de mes activités de marketing et de vente de produits MOTOLOK ». Bien que cette déclaration vise une partie de la période de trois ans pertinente, elle ne sert pas bien les intérêts de l’Inscrivant étant donné son extrême imprécision. Il n’a pas précisé qui les « personnes compétentes » pourraient être.

 

Dans l’ensemble, la preuve soumise par M. Painter fait état d’une volonté chez ce dernier de redémarrer son entreprise, mais la volonté seule ne peut avoir pour effet de maintenir un enregistrement; une preuve de la prise de mesures concrètes est requise. La question du genre de preuve qu’il faut produire est abordée dans l’affaire Arrowhead Spring Water Ltd. c. Arrowhead Water Corp. (1993), 47 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.) dans les termes suivants :

12     Il importe donc, lorsque le défaut d'emploi a été reconnu et que le titulaire de l'enregistrement invoque des « circonstances spéciales », que la preuve présentée pour obtenir une protection supplémentaire ne soit pas limitée à une simple affirmation; la preuve doit contenir des détails qui corroborent l'assertion. La registraire a conclu que l'intention de reprendre l'emploi constituait une simple affirmation et que l'appelante n'avait pas démontré qu'elle avait sérieusement l'intention de reprendre l'emploi de la marque au Canada dans un proche avenir. La preuve ne comprenait pas de détails supplémentaires, comme une date projetée de reprise ou une explication des mesures à prendre pour reprendre effectivement l'emploi de la marque. L'appelante n'a pas fait connaître avec quelque certitude que ce soit son intention de reprendre l'emploi; elle n'a donné à notre Cour aucun renseignement au sujet de la durée du défaut d'emploi. Pour reprendre les propos de la registraire : [TRADUCTION] « l'affirmation que le propriétaire de la marque de commerce a l'intention d'employer la marque de commerce au Canada ne suffit pas en soi pour lui permettre de conserver l'enregistrement ».

 

[Voir également Lander Co. Canada c. Alex E. Macrae & Co. (1993), 46 C.P.R. (3d) 417 (C.F. 1re inst.).]

 

S’il est vrai que M. Painter a fait mention d’une date de reprise, cette date n’est absolument pas ferme, étant donné qu’elle dépend de la signature préalable d’ententes dont on ne sait rien. (J’ajouterais également qu’il n’y a rien dans l’affidavit qui me convainc que la remise sur le marché à laquelle M. Painter renvoie impliquerait l’emploi de la Marque au sens de l’article 4 de la Loi.)

 

En conclusion, bien que la raison du défaut d’emploi de la Marque ait été indépendante de la volonté de son propriétaire, M. Painter ne m’a pas convaincue qu’il a ou qu’il avait l’intention sérieuse de reprendre l’emploi de la Marque dans un avenir prochain.

 

Dispositif

Pour les motifs qui précèdent, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués par le paragraphe 63(3) de la Loi, je conclus que l’enregistrement doit être radié conformément au paragraphe 45(5) de la Loi.

 

 

 

FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 20 MARS 2009.

 

 

 

 

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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