Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 212

Date de la décision : 2010-12-02

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Monster Cable Products, Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement n° 1349306 pour la marque de commerce MONSTER au nom de Monster Daddy, LLC

 

 

 

Les actes de procédure

[1]               Le 29 mai 2007, Monster Daddy, LLC (la Requérante) a produit la demande numéro 1349306 pour l’enregistrement de la marque de commerce MONSTER (la Marque), fondée sur un emploi projeté de la Marque en liaison avec les marchandises suivantes :

Adhésifs à usage général industriel et commercial; produits chimiques pour la fabrication de solutions nettoyantes; nettoyants et lingettes tout usage; produits nettoyants, nommément savons à lessive et lingettes jetables à usage domestique, commercial et industriel; cires pour véhicules; lubrifiants et huiles automobiles; préparations de désinfection et d’assainissement tout usage (les Marchandises).

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition le 19 décembre 2007 dans le Journal des marques de commerce.

[3]               Monster Cable Products, Inc (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition le 2 avril 2008. La Requérante a produit une contre-déclaration le 25 juin 2008, dans laquelle elle niait tous les motifs d’opposition énumérés ci-après.

[4]               L’Opposante a produit l’affidavit de David Tognotti et des certificats d’authenticité pour chacun des enregistrements indiqués dans sa déclaration d’opposition, tandis que la Requérante a produit l’affidavit de Sara Ann Layfield, ainsi qu’une copie certifiée conforme de l’historique du dossier de la demande canadienne 1386992 pour l’enregistrement de la marque de commerce MONSTER, propriété de l’Opposante. Les auteurs des affidavits n’ont pas été contre-interrogés. Aucune contre-preuve n’a été versée au dossier.

[5]               Chaque partie a déposé un plaidoyer écrit, et seule l’Opposante était représentée à l’audience.

Les motifs d’opposition

[6]               Les motifs d’opposition invoqués sont les suivants :

1.      la demande ne respecte pas les dispositions de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), parce que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises, étant donné que l’Opposante avait adopté, employé et enregistré auparavant ses marques de commerce comme il est indiqué ci-après;

2.      la Marque n’est pas enregistrable selon l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques déposées auparavant par l’Opposante, à savoir MONSTER, numéro d’enregistrement LMC463392; MONSTER, numéro d’enregistrement LMC655938; MONSTER, numéro d’enregistrement LMC666620; MONSTER POWER, numéro d’enregistrement LMC611734; MONSTER POWER, numéro d’enregistrement LMC455217; MONSTER CABLE, numéro d’enregistrement LMC444635; MONSTER CABLE, numéro d’enregistrement 664281; et MONSTER COMPUTER, numéro d’enregistrement LMC530302;

3.      la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque selon l’alinéa 16(3)a) de la Loi, parce que, à l’époque pertinente, la Marque créait de la confusion avec les marques employées antérieurement par l’Opposante, à savoir MONSTER, MONSTER POWER, MONSTER CABLE et MONSTER COMPUTER, en liaison avec les marchandises énumérées dans les enregistrements susmentionnés;

4.      la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque selon l’alinéa 16(3)a) de la Loi, parce que, à l’époque pertinente, la Marque créait de la confusion avec les marques employées antérieurement par l’Opposante, à savoir MONSTER et MONSTER COMPUTER, en liaison avec des produits nettoyants; des préparations de nettoyage, nommément des solutions servant au nettoyage d’équipements électroniques et de dispositifs d’affichage électronique; des lingettes de nettoyage; et des chiffons de nettoyage;

5.      la Marque ne distingue pas, ni n’est apte à distinguer, les Marchandises de celles de l’Opposante, pour les raisons susmentionnées.

Charge de la preuve dans les procédures d’opposition en matière de marques de commerce

[7]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi, mais l’Opposante doit d’abord produire une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on pourrait raisonnablement conclure que les faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition existent. Dès lors que l’Opposante a satisfait à ce fardeau initial, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir la décision Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company [2005] C.F. 722].

Les dates pertinentes

[8]               La date pertinente pour l’analyse de chacun des motifs d’opposition variera selon le motif d’opposition à considérer :

  inobservation des conditions de l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande (29 mai 2007);

  enregistrabilité de la Marque selon l’alinéa 12(1)d) de la Loi : la date de la décision du registraire [voir l’arrêt Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (C.A.F.)];

  droit à l’enregistrement de la Marque, lorsque la demande est fondée sur un emploi projeté : la date de production de la demande (29 mai 2007) [voir le paragraphe 16(3) de la Loi];

  caractère distinctif de la Marque : la date de production de la déclaration d’opposition (2 avril 2008) est généralement acceptée comme date à retenir [voir Andres Wines Ltd. et E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.), et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi

[9]               La Requérante a produit la déclaration requise par l’alinéa 30i) de la Loi, dans laquelle elle affirme être convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises. Le simple fait que l’Opposante ait adopté, employé et enregistré ses marques avant la date de production de la demande de la Requérante ne signifie pas que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’enregistrer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises. La Requérante pouvait quand même affirmer, de bonne foi, qu’elle avait le droit d’enregistrer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises.

[10]           En principe, ce motif d’opposition sera accueilli si des circonstances exceptionnelles ont été établies, par exemple la mauvaise foi de la Requérante [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. Aucune preuve de cette nature n’apparaît dans le dossier. Le premier motif d’opposition est donc rejeté.

Le quatrième motif d’opposition

[11]           L’Opposante fait valoir que la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque parce que, à l’époque pertinente, la Marque créait de la confusion avec les marques antérieurement employées par l’Opposante, à savoir MONSTER et MONSTER COMPUTER, en liaison avec des produits nettoyants; des préparations de nettoyage, nommément des solutions servant au nettoyage d’équipements électroniques et de dispositifs d’affichage électronique; des lingettes de nettoyage; et des chiffons de nettoyage.

[12]           L’Opposante doit prouver qu’elle avait déjà employé ses marques et n’avait pas abandonné l’emploi desdites marques à la date de publication de la demande de la Requérante (19 décembre 2007) [voir le paragraphe 16(5) de la Loi].

[13]           M. Tognotti a été chef du contentieux de l’Opposante, et son vice-président aux affaires administratives. Il affirme que l’Opposante est le principal fabricant mondial de câbles à haute performance qui raccordent les composantes audio et vidéo pour usage à la maison, sur la voiture et au travail, ainsi que dans les ordinateurs et les jeux électroniques. Je décrirai d’abord la preuve d’emploi des marques de l’Opposante, MONSTER et MONSTER COMPUTER, en liaison avec des produits nettoyants et des préparations de nettoyage.

[14]           M. Tognotti affirme que les marques de commerce MONSTER (une expression définie dans son affidavit, qui renvoie à toutes les marques de commerce déposées de l’Opposante qui sont énumérées ci-dessus) ont été employées au Canada par l’Opposante et par ses prédécesseurs en titre durant plus de 20 ans, en liaison avec des produits nettoyants; des préparations de nettoyage, nommément des solutions servant au nettoyage d’équipements électroniques et de dispositifs d’affichage électronique; des lingettes de nettoyage; et des chiffons de nettoyage (marchandises qu’il appelle dans son affidavit « produits nettoyants MONSTER »).

[15]           Il a produit comme pièce 2 de son affidavit des copies d’extraits du catalogue canadien de 2006 de l’Opposante, où apparaissent certains produits nettoyants pour écrans de télévision, mis en vente sous la marque MONSTER. La pièce 4 consiste en des factures antérieures à la date pertinente, qui attestent la vente au Canada de produits portant la marque MONSTER, notamment des produits nettoyants.

[16]           M. Tognotti a indiqué aussi les chiffres d’affaires annuels, en unités vendues au Canada, de produits nettoyants portant la marque MONSTER. Ces chiffres vont de près de 14 000 unités en 2003 à plus de 200 000 unités en 2007. Il a dit que les produits nettoyants portant la marque MONSTER sont disponibles entre autres dans les magasins Best Buy, les magasins Future Shop, les magasins The Source by Circuit City et les magasins London Drugs. Enfin, il a produit des extraits du site Web de l’Opposante pour illustrer les produits nettoyants sur l’emballage desquels figure la marque MONSTER.

[17]           Au vu de cette preuve, j’arrive à la conclusion que l’Opposante s’est acquittée de la charge initiale qui lui incombait, selon l’article 16 de la Loi, de démontrer qu’elle a employé au Canada la marque MONSTER en liaison avec des produits nettoyants. Cependant, elle n’a produit aucune preuve quant à l’emploi antérieur de sa marque MONSTER COMPUTER. La Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque MONSTER de l’Opposante.

[18]           Le test applicable à cette question est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, qui prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Pour me prononcer, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment celles énumérées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; enfin le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[19]           Ces facteurs ne sont pas limitatifs, et il n’est pas nécessaire d’accorder à chacun d’eux le même poids [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)]. Je renvoie également aux deux arrêts de la Cour suprême du Canada, Mattel, Inc., 2006 CSC 22, et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, où le juge Binnie s’est exprimé sur la manière d’apprécier les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi pour savoir s’il existe une probabilité de confusion entre deux marques de commerce.

[20]           La marque de la Requérante et la marque MONSTER de l’Opposante présentent un caractère distinctif inhérent lorsqu’elles sont employées en liaison avec les Marchandises et avec des produits nettoyants respectivement, car elles ne donnent pas une description de l’un quelconque de ces produits. Le caractère distinctif d’une marque peut être renforcé par son emploi ou par sa promotion au Canada.

[21]           J’ai déjà évoqué la preuve produite par l’Opposante pour attester l’emploi de sa marque MONSTER en liaison avec des produits nettoyants. C’est, dans une certaine mesure, une marque connue au Canada. Une bonne partie de la preuve de l’Opposante concerne l’emploi de la marque MONSTER et d’autres marques de l’Opposante en liaison avec des câbles et connecteurs et avec des équipements d’alimentation électrique. Cependant, l’emploi de la marque MONSTER de l’Opposante en liaison avec ces marchandises est moins pertinent pour l’analyse de ce motif d’opposition, qui se limite, dans la déclaration d’opposition, aux produits nettoyants.

[22]           La preuve de la Requérante n’atteste pas un emploi ou une promotion de la Marque au Canada en liaison avec l’une quelconque des Marchandises. Le premier facteur énuméré au paragraphe 6(5) de la Loi milite donc en faveur de l’Opposante.

[23]           Il n’existe aucune preuve d’emploi de la Marque au Canada, alors qu’il est établi que la marque MONSTER est employée au Canada depuis au moins 2003 en liaison avec des produits nettoyants. Le deuxième facteur énuméré au paragraphe 6(5) de la Loi favorise l’Opposante.

[24]           S’agissant de la nature des marchandises respectives des parties, il y a manifestement chevauchement entre les produits nettoyants de l’Opposante et les marchandises décrites comme « nettoyants et lingettes tout usage; produits nettoyants, nommément savons à lessive et lingettes jetables à usage domestique, commercial et industriel » (ci-après appelés « produits nettoyants de la Requérante »). Dans son plaidoyer écrit, la Requérante fait valoir que les produits nettoyants respectifs des parties n’ont pas le même objet. Je ne sais pas quel est l’objet des produits nettoyants de la Requérante, si ce n’est qu’ils sont à usage domestique, commercial et industriel. La description de ses Marchandises ne dit pas qu’elles ne pourraient pas servir à nettoyer des écrans de télévision et autres équipements électroniques que l’on peut trouver dans une maison ou dans un environnement commercial ou industriel. Quant aux autres marchandises visées par la demande, je ne vois aucun chevauchement avec les produits nettoyants de l’Opposante.

[25]           En général, lorsque l’on considère la nature du commerce des parties, ce qui est déterminant, c’est l’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande. [Voir M. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Il pourrait être utile de savoir quelle est la nature véritable du commerce de chacune des parties lorsqu’on lit l’état déclaratif des marchandises, pour ainsi déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce qu’avaient à l’esprit les parties, plutôt que tous les commerces possibles pouvant être englobés dans le texte de l’état déclaratif. [Voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.)].

[26]           Mme Layfield est à l’emploi de la Requérante comme adjointe exécutive depuis 2007. Elle ne décrit pas les activités de la Requérante dans son affidavit. En l’absence d’une description du commerce de la Requérante, je dois m’en remettre à la description des marchandises qui figure dans la demande. Puisque je suis déjà arrivé à la conclusion que les produits nettoyants de l’Opposante et les produits nettoyants de la Requérante se chevauchent partiellement, je présume que les produits en cause pourraient être vendus à la faveur des mêmes circuits commerciaux.

[27]           Les troisième et quatrième facteurs indiqués au paragraphe 6(5) de la Loi favorisent donc partiellement de l’Opposante pour autant que soient concernés les produits nettoyants de la Requérante. Quant aux autres marchandises, ces deux facteurs militent en faveur de la Requérante.

[28]           Le degré de ressemblance entre deux marques est l’un des facteurs les plus importants lorsqu’il s’agit d’apprécier la probabilité de confusion entre deux marques [voir Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145]. La Marque est identique à la marque MONSTER de l’Opposante. Ce facteur favorise également l’Opposante.

[29]           Le registraire peut aussi tenir compte des autres circonstances de l’espèce présentées en preuve par les parties. Une grande partie de la preuve contenue dans l’affidavit de Mme Layfield porte sur l’état du registre aux États-Unis. La Requérante tente de démontrer que, aux États-Unis, les marques respectives des parties ont pu coexister dans le registre. Toutefois, on doit accorder peu de poids à la coexistence de marques sur des registres de marques étrangers [voir par exemple Quantum Instruments, Inc. c. Elinca S.A., 60 C.P.R. (3d) 264, p. 268-269 (C.O.M.C.)]. Il en est ainsi parce que d’autres facteurs, qui n’existent pas au Canada, peuvent justifier l’enregistrement simultané de marques dans un ressort étranger (par exemple, différences de nature juridique, ou état différent du registre).

[30]           La Requérante a produit une copie certifiée de l’historique de la demande 1386992 pour l’enregistrement de la marque MONSTER, produite par l’Opposante le 5 mars 2008 en liaison avec des préparations de nettoyage, des chiffons et lingettes de nettoyage et des gaz comprimés en bouteilles servant au nettoyage et à l’époussetage. Cette demande a été produite sur la foi d’un enregistrement et d’un emploi aux États-Unis, et d’un emploi projeté au Canada. Dans ladite demande, l’Opposante revendique une date de priorité, à savoir le 7 septembre 2007, c’est-à-dire une date postérieure à la date de production de la demande de la Requérante. Dans son plaidoyer écrit, la Requérante affirme qu’il y a une contradiction entre, d’une part, le contenu de l’affidavit de M. Tognotti, qui affirme que l’Opposante emploie depuis 20 ans au Canada sa marque MONSTER en liaison avec des produits nettoyants, et d’autre part, la demande 1386992, qui est fondée sur un emploi projeté au Canada.

[31]           Sans déterminer si le contenu d’une demande produite par un opposant peut être invoqué contre lui, je précise que ladite demande a été déposée après la date pertinente se rapportant à ce motif d’opposition. Cet élément n’est donc pas utile pour ce qui concerne ce motif d’opposition. Quoi qu’il en soit, c’est la demande de la Requérante qui est l’objet de la présente opposition. Les déclarations de M. Tognotti figurent dans un affidavit et sont appuyées par une preuve effective d’emploi de la marque MONSTER de l’Opposante. Enfin, il n’y a pas d’ambiguïté dans l’affidavit de M. Tognotti pour ce qui concerne l’emploi de la marque MONSTER de l’Opposante au Canada avant la date de production de la demande de la Requérante.

[32]           Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante fait valoir qu’elle est propriétaire d’une famille de marques comprenant le mot « monster ». Le fait que l’Opposante soit la propriétaire inscrite de nombreuses marques au Canada comprenant ce mot ne lui permet pas de bénéficier de la protection élargie que confère l’existence d’une famille de marques. Il faut la preuve de l’emploi antérieur effectif de ces marques [voir MacDonald’s Corporation c. Yogi Yogurt Ltd. (1982), 66 C.P.R. (2d) 101].

[33]           L’Opposante a établi un emploi antérieur de la marque MONSTER CABLE en liaison avec des câbles. Je me réfère à l’emballage produit comme pièce 1, et aux factures produites comme pièce 4 de l’affidavit de M. Tognotti. L’emploi des marques MONSTER COMPUTER et MONSTER POWER n’est pas établi. Il y a des illustrations d’emballages portant ces marques dans la pièce 1 de l’affidavit de M. Tognotti, mais les factures ou autres preuves attestant des ventes au Canada de produits portant ces marques sont inexistantes.

[34]           J’aimerais souligner que, pour prouver l’emploi de sa marque MONSTER, l’Opposante s’appuie sur le catalogue déposé comme pièce 2 de l’affidavit de M. Tognotti. Ce catalogue n’établit pas en soi l’emploi antérieur de la marque MONSTER au Canada en liaison avec l’un quelconque des produits de l’Opposante, notamment ses produits nettoyants. Bien qu’un avis de droit d’auteur puisse figurer sur le catalogue, lequel précède la date de production de la demande de la Requérante, cet avis ne prouve pas qu’il y a eu au Canada transfert de la propriété de biens apparaissant dans ce catalogue.

[35]           L’Opposante n’a pas prouvé l’emploi d’une famille de marques MONSTER, et je ne crois donc pas que cet argument constitue une circonstance de l’espèce.

[36]           Au vu de cette analyse, j’arrive à la conclusion que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existait à la date pertinente aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque MONSTER de l’Opposante, lorsque ces marques étaient employées en liaison avec nettoyantes; nettoyants et lingettes tout usage; produits nettoyants, nommément savons à lessive et lingettes jetables à usage domestique, commercial et industriel. La Marque est identique à la marque MONSTER de l’Opposante, et il y a une similitude entre les produits nettoyants de la Requérante et ceux de l’Opposante. Cependant, j’estime qu’il n’existe aucune probabilité de confusion entre les marques des parties lorsque la Marque est employée en liaison avec des adhésifs à usage général industriel et commercial, des produits chimiques pour la fabrication de solutions nettoyantes, des cires pour véhicules, des lubrifiants et huiles automobiles; et des préparations de désinfection et d’assainissement tout usage, car il n’y a pas de lien entre ces marchandises et les produits nettoyants de l’Opposante.

[37]           Le quatrième motif d’opposition est donc partiellement accueilli

L’enregistrabilité de la marque selon l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[38]           L’Opposante s’est acquittée du fardeau initial qui lui incombait en produisant des certificats d’authenticité pour chacune des marques déposées invoquées dans le cadre de ce motif d’opposition. J’ai vérifié le registre, et ces marques sont toutes existantes. Les enregistrements les plus pertinents sont ceux de la marque MONSTER, à savoir : LMC463392; LMC655938; LMC666620. Toutefois, aucun d’eux, pas plus que les autres enregistrements appartenant à l’Opposante, ne se rapporte à des produits nettoyants. Ces enregistrements visaient les marchandises suivantes :

            [traduction]

câbles et connecteurs pour divers types de câbles, y compris câbles de force, câbles audio et câbles vidéo;

            équipements d’alimentation électrique, tels que blocs de fusibles, limiteurs de surtension et condensateurs;

            jeux vidéo, appareils de jeux vidéo pour emploi avec une télévision, et accessoires d’appareils de jeux vidéo;

            équipements audiostéréophoniques;

            équipements de téléphone mobile, par exemple chargeurs de piles pour téléphones cellulaires;

            piles;

            bulletins et magazines contenant des nouvelles de l’industrie.

[39]           Il existe une preuve d’emploi de la marque MONSTER au Canada en liaison avec certaines de ces marchandises. Cependant, la différence entre la nature de ces marchandises et celle des Marchandises me porte à conclure que, même si la Marque est identique aux marques visées par les trois enregistrements susmentionnés, il n’existe aucune probabilité de confusion entre les marques respectives des parties. Le deuxième moyen d’opposition est donc rejeté.

Le moyen d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque

[40]           Pour s’acquitter de sa charge initiale, l’Opposante devait prouver que ses marques étaient devenues suffisamment connues le 2 avril 2008, date de production de la déclaration d’opposition, pour enlever tout caractère distinctif à la Marque [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, p. 58]. Je limiterai mon analyse à l’emploi par l’Opposante de la marque MONSTER en liaison avec ses produits nettoyants, car cette marque offre à l’Opposante les meilleures chances d’obtenir gain de cause quant à ce motif d’opposition.

[41]           La preuve d’emploi par l’Opposante de la marque MONSTER en liaison avec ses produits nettoyants a déjà été décrite. Cette preuve établit que la marque MONSTER de l’Opposante, employée en liaison avec de telles marchandises, était suffisamment connue au Canada à la date pertinente, et l’Opposante s’est donc acquittée de sa charge initiale. Il appartient à la Requérante de montrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n’était pas susceptible de créer de la confusion avec la marque susdite de l’Opposante de telle sorte qu’elle était apte à distinguer, ou distinguait véritablement, partout au Canada, les Marchandises des marchandises de l’Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272].

[42]           Il reste à déterminer quelle est la probabilité de confusion entre la Marque et la marque susdite de l’Opposante. La différence, s’agissant des dates pertinentes, entre ce motif d’opposition et le quatrième motif d’opposition ne modifiera pas mon analyse des divers facteurs considérés. Ma conclusion est que la Marque n’était pas distinctive et n’était pas apte à distinguer, à la date pertinente, les produits nettoyants de la Requérante des produits nettoyants de l’Opposante portant la marque MONSTER. Ce motif d’opposition est donc accueilli en partie.

Le troisième motif d’opposition

[43]           Ce motif est semblable au quatrième motif d’opposition sauf qu’il est fondé sur un emploi antérieur des marques MONSTER et MONSTER COMPUTER de l’Opposante en liaison avec les marchandises visées par les enregistrements de ces marques. L’Opposante ne se fonde pas, pour ce motif d’opposition, sur l’emploi antérieur de sa marque MONSTER en liaison avec des produits nettoyants.

[44]           La différence entre la nature des marchandises de l’Opposante, décrites au paragraphe 37 ci-dessus, et celle des Marchandises m’autorise à conclure qu’il n’existe aucune probabilité de confusion entre les marques respectives des parties. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

 

Décision

[45]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande se rapportant aux :

nettoyants et lingettes tout usage; produits nettoyants, nommément savons à lessive et lingettes jetables à usage domestique, commercial et industriel;

et rejette l’opposition en ce qui concerne :

les adhésifs à usage général industriel et commercial, produits chimiques pour la fabrication de solutions nettoyantes, cires pour véhicules, lubrifiants et huiles automobiles, et préparations de désinfection et d’assainissement tout usage;

en application du paragraphe 38(8) de la Loi [voir Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 C.P.R. (3d) 492 (C.F. 1re inst.), qui autorise une décision partagée].

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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