Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 3

Date de la décision : 2015-01-12

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE LARTICLE 45, engagée à la demande de Industria de Diseno Textil, S.A., visant l'enregistrement no LMC395,023 de la marque de commerce PASTA ZARA & DESSIN au nom de FFAUF S.A.

[1]               Le 18 décembre 2012, à la demande de Diseno Textil, S.A. (la Partie requérante), le registraire a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à FFAUF S.A. (l'Inscrivante), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC395,023 de la marque de commerce PASTA ZARA & DESSIN (reproduite ci-dessous) (la Marque) :

PASTA ZARA & DESIGN

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des [traduction] « pâtes alimentaires » (les Produits).

[3]               L'avis donné en vertu de l'article 45 enjoignait à l'Inscrivante de fournir une preuve démontrant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les Produits à un moment quelconque entre le 18 décembre 2009 et le 18 décembre 2012 (la période pertinente). À défaut d'avoir ainsi employé la Marque, l'Inscrivante devait indiquer la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               La définition d'« emploi » qui s'applique en l'espèce est énoncée à l'article 4(1) de la Loi, lequel est ainsi libellé :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point quavis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que l'article 45 de la Loi a pour objet et portée d'offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du « bois mort » et qu'à ce titre, le niveau de preuve auquel le propriétaire inscrit doit satisfaire pour établir l'emploi est peu élevé [Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF)].

[6]               En réponse à l'avis de registraire, l'Inscrivante a produit une copie d'un document non daté intitulé [traduction] « Affidavit de Massimo Storaro », accompagné des pièces « A » à « E-1 » à « E-12 ». D'entrée de jeu, je dois souligner que l'on retrouve dans la copie de cet « affidavit » la signature originale d'une personne non identifiée, apposée à côté d'une correction manuscrite qui a été apportée au paragraphe 15.k. de l'« affidavit ». Je reproduis ci-dessous des parties du document qui montrent la correction manuscrite et la signature en question, la page de signature de l'« affidavit » et ce qui semble tenir lieu de page d'attestation :

[7]               Les parties ont toutes deux produit des observations écrites et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

[8]               Dans ses observations écrites, la Partie requérante a soulevé une objection quant à l'admissibilité du document Storaro; elle soutient qu'il ne remplit pas les conditions requises pour être considéré comme un affidavit, notamment pour les raisons suivantes :

-          à la page 7, il n'y a aucune signature d'une personne autorisée à faire prêter serment (qui plus est, aucune date ou aucun lieu de signature et/ou d'assermentation n'est spécifié(e))

-          le signataire (autre que Massimo Storaro) n'est pas une des personnes désignées dans la Loi sur la preuve au Canada [LRC 1985, ch C-5] et, de surcroît, ne s'identifie pas comme tel;

-          la formule qui fait suite à la signature du « déposant » est en italien, plutôt qu'en français ou en anglais;

-          il est clair, pour les personnes qui comprennent le moindrement l'italien, que cette déclaration en italien atteste simplement de l'identité du signataire Massimo Storaro; elle n'atteste pas qu'il a été assermenté.

[9]               En début d'audience, j'ai demandé à l'agent de l'Inscrivante s'il avait par erreur conservé l'original du document Storaro, car il n'est nulle part spécifié dans la lettre de présentation qu'il a adressée au registraire au moment de la production de la preuve de l'Inscrivante que le document fourni est seulement une copie. Je reproduis ci-dessous les parties pertinentes de sa lettre au registraire datée du 13 juin 2013 :

[traduction]
En réponse à l'avis donné en vertu de l'article 45, […] nous soumettons respectueusement l'Affidavit de Massimo Storaro ainsi que les Pièces correspondantes A à E. Veuillez prendre notre qu'une copie de l'Affidavit et des Pièces correspondantes a été transmise par courriel et par courrier au Représentant pour signification de la Partie requérante.

[10]           J'ai également questionné l'agent de l'Inscrivante quant à la présence de la signature originale à côté de la correction manuscrite reproduite ci-haut.

[11]           En réponse, l'agent de l'Inscrivante m'a informée qu'il avait reçu uniquement une copie électronique du document Storaro. Il n'a jamais reçu l'original de ce document. Il m'a également informée que la correction manuscrite est de lui et que la signature apposée à côté est la sienne. Après avoir pris connaissance de ces faits, la Partie requérante a fait valoir, en plus des raisons énumérées ci-dessus au paragraphe 8, que la production auprès du registraire d'une copie du document Storaro, au lieu de l'original, était en elle-même fatale à l'Inscrivante.

[12]           Je dois donc décider si le document Storaro est admissible ou non. S'il s'avère qu'il est non admissible, l'enregistrement en cause devra être radié pour absence d'une preuve de l'emploi de la Marque pendant la période pertinente.

L'admissibilité du document Storaro

[13]           Il est clairement indiqué à l'article 45 de la Loi que la preuve d'emploi doit être produite par la voie d'un affidavit ou d'une déclaration solennelle. Par conséquent, la preuve présentée doit prendre la forme d'un document souscrit ou d'une déclaration faite sous serment devant un commissaire à l'assermentation [voir Motorcycle International, LLC c 680187 Ontario (Empire Tobacco Company) 2006 CanLII 80440 (COMC), p. 2].

[14]           En l'espèce, l'espace réservé à la signature du « Notaire » ou du « Commissaire à l'assermentation » à la page 7 a été laissé en blanc, la page d'attestation est rédigée uniquement en italien et le sceau apposé sur chacune des pages de l'« affidavit » et sur la page de présentation des pièces A à E-12 est illisible. Ainsi, il est impossible de déterminer avec certitude si les déclarations de M. Storaro ont été faites sous serment devant une personne autorisée à faire prêter serment.

[15]           Bien que je reconnaisse que l'article 52 de la Loi sur la preuve au Canada n'exclue pas les notaires de pays étrangers [voir Legault Joly c Akzo Nobel Coatings International B.V. (2002) 25 CPR (4th) 277 (COMC) à 279; et Dubuc et al c Montana (1991) 38 CPR (3d) 88 (COMC) à 91], même si j'admettais que la page d'attestation a été signée par M. Giuseppe Sicari, notaire en Italie, le fait que ce dernier ait signé le document et y ait apposé son sceau ne permet pas en soi de présumer que les déclarations de M. Storaro ont été faites devant lui [voir 88766 Canada Inc c 167407 Canada Inc (2010) COMC 167, au para. 13 (CanLII)]. Il se pourrait que la signature et le sceau de M. Sicari attestent simplement de l'identité du signataire Massimo Storaro et non que ce dernier a été assermenté.

[16]           J'estime que ces irrégularités ne sont pas que de simples détails techniques dont le registraire peut faire abstraction. De nouveau, j'insiste sur le fait que l'Inscrivante, malgré qu'elle ait été avisée de l'objection soulevée par la Partie requérante quant à l'admissibilité du document Storaro, a choisi de poursuivre en tenant pour acquis qu'il s'agissait d'un affidavit régulièrement souscrit. L'Inscrivante aurait pu tenter de corriger la situation. À titre d'exemple, si l'Inscrivante avait fourni une traduction des parties du document qui sont rédigées en italien pour indiquer que les déclarations de M. Storaro ont été faites sous serment ou qu'elles auraient été considérées comme équivalentes à un affidavit ou à une déclaration solennelle en Italie, ma décision aurait pu être différente. Or, l'Inscrivante n'a pas fourni une telle traduction et n'a pas expliqué ces ambiguïtés; elle a simplement affirmé que [traduction] « l'Affidavit Storaro a été exécuté et souscrit devant Giuseppe Sicari, notaire en Italie, dans la tradition civile, [lequel] a subséquemment notarié la signature du déposant […] ». En l'absence d'une telle traduction, je considère au mieux le document Storaro comme l'équivalent d'un document produit comme preuve dans une procédure en vertu de l'article 45 qui porterait le sceau d'un notaire canadien, mais auquel il manquerait un constat d'assermentation en bonne et due forme [voir, à titre d'exemple, Cameron IP c Jones (2013), 112 CPR (4th) 333 (COMC)]. Pour cette raison, je conclus que le document Storaro ne peut être admis en preuve dans la présente procédure, et cela sans qu'il me soit nécessaire d'examiner les autres irrégularités que la Partie requérante a relevées dans le document Storaro.

[17]           Étant donné que l'Inscrivante n'a pas satisfait aux exigences de l'article 45 de la Loi, la preuve n'étant pas présentée sous la forme requise d'un affidavit ou d'une déclaration solennelle, je dois conclure que cette situation équivaut à un défaut de fournir la preuve demandée. En conséquence, l'enregistrement doit être radié.

[18]           Si le document Storaro s'était avéré admissible, j'aurais conclu que l'emploi de la Marque en liaison avec les Produits pendant la période pertinente a été démontré pour les raisons qui suivent.

L'emploi de la Marque démontré par le document Storaro

[19]           Contrairement à la prétention de la Partie requérante, j'aurais été convaincue que l'emploi de la Marque par la licenciée exclusive de l'Inscrivante à l'échelle mondiale, Pasta ZARA S.p.a. (Pasta Zara), peut être attribué à l'Inscrivante en vertu de l'article 50 de la Loi. Selon la traduction anglaise du contrat de licence signé intervenu entre l'Inscrivante et Pasta Zara en 2010 qui est jointe comme pièce A au document Storaro, l'Inscrivante [traduction] « souhaite défendre et promouvoir l'image de [ses marques de commerce, y compris la Marque] dans ses domaines d'activité actuels et en vue d'une expansion future ». L'Inscrivante [traduction] « se réserve le droit d'approuver toute démarche au préalable et de faire des suggestions d'ordre opérationnel ». La licence prévoit également que [traduction] « les produits visés par la licence doivent demeurer les mêmes au fil du temps et présenter un niveau de qualité élevé en ce qui a trait aux matières premières qui les composent et à leur transformation, leur conditionnement et leur commercialisation ». En outre, au paragraphe 6 de son « affidavit », M. Storaro réfère à l'article 3 du contrat de licence, lequel prévoit que le consentement de l'Inscrivante est requis pour sous-traiter la production de produits auxiliaires et exige que la production des pâtes ait lieu dans les usines de Pasta Zara; il précise qu'il s'agit de [traduction] « un moyen pour [l'Inscrivante] d'exercer un contrôle sur la qualité des produits fabriqués par Pasta Zara ». Partant, je conviens avec l'Inscrivante que la concession de cette licence à Pasta Zara atteste clairement de l'intention de l'Inscrivante d'exercer un contrôle sur la qualité et les caractéristiques des produits fabriqués et commercialisés sous licence (y compris les Produits) par Pasta Zara et qu'il ne fait aucun doute qu'elle a exercé un tel contrôle.

[20]           J'aurais également été convaincue que l'on peut conclure d'au moins une partie des factures et des étiquettes d'expédition qui sont jointes comme pièce E que des ventes de pâtes alimentaires par l'Inscrivante ont eu lieu au Canada pendant la période pertinente. Les factures et les étiquettes d'expédition jointes comme pièces E-4, 6, 8, 9 et 11 font toutes état de ventes de produits de pâtes par la licenciée de l'Inscrivante, Pasta Zara, à des distributeurs canadiens, qui vendent les produits au détail aux consommateurs.

[21]           Contrairement à la prétention de la Partie requérante, j'aurais jugé la preuve suffisante pour me permettre de conclure que la Marque figurait sur l'emballage des Produits au moment de leur transfert dans la pratique normale du commerce.

[22]           À cet égard, j'aurais été convaincue qu'une corrélation peut être établie entre les descriptions qui figurent sur certains des emballages illustrés dans le catalogue des produits Pasta Zara 2013 joint comme pièce D et les descriptions qu'on retrouve sur les factures et les étiquettes d'expédition jointes comme pièces E-4, 6, 8, 9 et 11. Bien que ce catalogue soit postérieur à la période pertinente, j'aurais jugé raisonnable d'inférer que les exemples d'emballages illustrés dans ce catalogue sont représentatifs de ceux qui étaient utilisés pendant la période pertinente. M. Storaro explique que, tel qu'il appert du catalogue, il existe au moins 10 types de produits de pâtes, qui entrent tous dans la description des Produits et qui arborent tous la Marque sur leur emballage. M. Storaro explique que les Produits importés au Canada conservent [traduction] « le même emballage ». M. Storaro précise également pour chacune de ces factures, le montant rattaché aux Produits liés à la Marque. Le poids en grammes et le nombre de paquets par boîte indiqués sous les descriptions des produits dans les factures et dans les documents d'expédition, ainsi que le nom des produits (p. ex. MAGIE DI PASTA; LE FANTASIE, TRAFILATA IN BRONZO, etc.) correspondent à ceux qui sont indiqués dans le catalogue, bien que l'on ne puisse pas établir de correspondance entre les numéros de référence des produits de pâtes qui figurent dans les factures et le ou les [traduction] « CODES d'emballage EAN » indiqués dans le catalogue.

[23]           J'aurais, en outre, été convaincue que l'emploi de la Marque dont témoignent les exemples d'emballages reproduits ci-dessous (tableau tiré des observations écrites de la Partie requérante) constitue un emploi de la Marque telle qu'elle est enregistrée :


Enregistrement 395023

Pièce « D » - CATALOGO GENERALE

PASTA ZARA & DESIGN

PASTA ZARA & DESIGN

PASTA ZARA & DESIGN

PASTA ZARA & DESIGN

PASTA ZARA & DESIGN

PASTA ZARA & DESIGN

[24]           J'aurais jugé que la Marque qui figure sur ces emballages ne diffère pas substantiellement de la Marque telle qu'elle est représentée dans l'enregistrement en cause. Les caractéristiques dominantes de la Marque, à savoir le dessin d'une paysanne tenant dans ses bras une gerbe de céréales et les mots « pasta ZARA » figurant à l'intérieur d'une forme elliptique au bas du dessin, ont été préservées, de sorte que la Marque ainsi employée conserve son identité et demeure reconnaissable en soi comme la Marque qui est enregistrée [voir Le Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour lInformatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); et Promafil Canada Ltee c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[25]           Enfin, relativement à la prétention de la Partie requérante voulant que l'on puisse mettre en doute l'affirmation de M. Storaro selon laquelle les produits importés conservent « le même emballage » au Canada, au vu du fait que ledit emballage n'est ni en français ni en anglais, j'aurais souligné que la question de la conformité à des textes législatifs autres que la Loi n'est pas une considération pertinente dans une procédure en vertu de l'article 45 [voir Lewis Thomson & Sons Ltd c Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 CPR (3d) 483 (CF 1re inst.)]. Dans tous les cas, comme l'a souligné le registraire dans Aetna Life Insurance Company of Canada c SNJ Associates, inc, 2001 CanLII 38009 : [traduction] « Même si l’emballage type produit en preuve […] n'était pas conforme au Règlement sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation, il se peut très bien que les distributeurs canadiens apposent des étiquettes supplémentaires pour se conformer à la loi canadienne ».

Décision

[26]           Compte tenu de ma conclusion, énoncée précédemment, selon laquelle l'Inscrivante n'a pas produit une preuve sous forme d'affidavit ou de déclaration solennelle, ce qui équivaut au défaut de produire une preuve, je conclus que l'enregistrement doit être radié.

[27]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu de l'article 63(3) de la Loi, l'enregistrement sera radié conformément aux dispositions de l'article 45(5) de la Loi.

_____________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.