Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS LAFFAIRE DE LOPPOSITION

de Bliss World LLC à la demande nº 1151208

produite par Menorah Management Investments Inc.

en vue de lenregistrement de la marque de commerce

BEAUTY & BLISS

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Le 29 août 2002, Menorah Management Investments Inc. a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce BEAUTY & BLISS, fondée sur l’emploi projeté au Canada, en liaison avec les marchandises suivantes :

 

Produits de soins de la peau, nommément crème faciale, lotion corporelle, crème pour les mains, parfums; cosmétiques, nommément rouge à lèvres, ombre à paupières, vernis à ongles, fard à joues, fond de teint, cache‑cernes, fard à cils, eye-liner, crayons de contour des yeux, crayons à lèvres, brillant à lèvres, baume pour les lèvres, produits chatoyants.

 

 

La demande comporte un désistement du droit à l’usage exclusif du mot BEAUTY en dehors de la marque dans son ensemble.

 


La demande en cause a été publiée dans l’édition du 31 décembre 2003 du Journal des marques de commerce et a fait l’objet d’une déclaration d’opposition de la part de Bliss World LLC le 31 mai 2004. Le registraire a fait parvenir une copie de la déclaration d’opposition à la requérante, comme le prescrit le paragraphe 38(4) de la Loi sur les marques de commerce, le 10 juin 2004. La requérante a répondu en produisant et signifiant une contre-déclaration.

 

La preuve de l’opposante consiste en un affidavit d’Elizabeth Corrigan, vice-présidente de la chaîne d’approvisionnement de la société de l’opposante, ainsi qu’en copies certifiées conformes d’enregistrements de marques de commerce canadiennes visant les marques BLISS, BLISSLABS et BLISSOUT inscrits au nom de l’opposante. Les marques BLISS et BLISSLABS embrassent une gamme de produits cosmétiques et de soins personnels, notamment du shampoing, des teintures à cheveux, du démaquillant, de l’ombre à paupières, du rouge à lèvres, du déodorant et des produits analogues. La marque BLISSOUT s’applique aux services suivants :

 

Services de vente par correspondance ayant trait aux produits cosmétiques et aux produits de traitement de beauté.

Services de magasin sur catalogue ayant trait à des bijoux, des vêtements, des cosmétiques, des produits de soins de santé et d’établissement thermal.

 

L’opposante désigne ses marques BLISS, BLISSLABS et BLISSOUT susmentionnées sous l’expression « marques Bliss » et je ferai de même.

 

La requérante a décidé de ne produire aucune preuve. Les deux parties ont déposé un plaidoyer écrit et ont été représentées à l’audience.

 

la déclaration dopposition


Selon le premier motif d’opposition, fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, la marque BEAUTY & BLISS faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable du fait qu’elle crée de la confusion avec l’une ou plusieurs des marques déposées de l’opposante susmentionnées.

 

Dans les deuxième, troisième et quatrième motifs d’opposition, fondés sur le paragraphe

16(3), il est allégué que la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque BEAUTY & BLISS parce que, à la date de production de la demande, la marque faisant l’objet de la demande créait de la confusion avec i) les marques de l’opposante susmentionnées ainsi que les marques BLISS SPA et BLISSMILES de l’opposante, antérieurement employées et/ou révélées au Canada par l’opposante; ii) les noms commerciaux de l’opposante BLISS WORLD, BLISS SPA, BLISSWORLD.COM et BLISS antérieurement employés et/ou révélés au Canada par l’opposante; iii) la demande de marque de commerce nº 1015050 de l’opposante visant la marque BLISS pour des produits cosmétiques et de soins personnels.

 

Selon le cinquième motif d’opposition, la marque faisant l’objet de la demande n’est pas distinctive des marchandises de la requérante en raison de l’emploi antérieur et/ou de la révélation antérieure par l’opposante de la famille susmentionnée de marques de commerce et de noms commerciaux.

 


Selon le dernier motif d’opposition, la demande contrevient à l’alinéa 30i) parce que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait droit d’employer la marque BEAUTY & BLISS en raison de l’emploi antérieur et/ou de la révélation antérieure par l’opposante de la famille susmentionnée de marques de commerce et de noms commerciaux.

 

la preuve de lopposante

Le témoignage par voie d’affidavit de Mme Corrigan peut être résumé de la manière suivante. L’opposante a son siège principal dans la ville de New York, où elle exploite des spas de jour et fabrique, distribue et vend une gamme de produits de soins personnels et de produits cosmétiques. L’opposante est propriétaire des enregistrements de marques de commerce de ses marques Bliss dans plus de 50 pays dans le monde, notamment aux États-Unis, en Suisse, au Japon et au Brésil. Les marques Bliss ont été pour la première fois employées aux États-Unis en juillet 1996. L’opposante possède et exploite trois spas de jour à New York, un à Londres en Angleterre (ouvert depuis novembre 2001), et un cinquième à San Francisco depuis juillet 2005. Les marchandises et services de l’opposante sont offerts en vente dans les spas de l’opposante et les marchandises sont également offertes en vente par des détaillants internationaux tels que Bloomingdales, Harrod’s, Neiman Marcus et Saks. Les produits des marques Bliss sont annoncés et vendus en ligne à l’adresse www.blissworld.com (le site a été lancé en août 1998) et par des catalogues de vente par correspondance (depuis juillet 1996). Le catalogue est intitulé BLISSOUT et met en évidence les marques Bliss de l’opposante. La marque BLISSCERTIFICATES est employée depuis juillet 1996 en liaison avec des bons‑cadeaux qui sont échangeables pour les produits et services de l’opposante.

 


Les produits des marques Bliss de l’opposante sont vendus au Canada depuis mars 1997. De mars 1997 à 2002, ces ventes se réalisaient au moyen du site Internet et du catalogue de l’opposante. Depuis 2003, les produits se vendent également dans des points de vente au détail au Canada, notamment chez Sephora, Holt Renfrew et Lux Inc. Les ventes au Canada des marchandises de l’opposante portant les marques Bliss ont dépassé 100 000 $ par an en 2003 et 2004.

 

Les marchandises et services de l’opposante vendus sous ses marques Bliss ont fait l’objet d’articles et sont annoncés depuis au moins août 1998 dans diverses publications distribuées au Canada, entre autres dans Canadian Living, Town & Country, Elle, Family Circle et Self.

 

la question principale

La question principale que soulève la présente procédure est de savoir si la marque BEAUTY & BLISS faisant l’objet de la demande crée de la confusion avec l’une ou plusieurs des marques Bliss de l’opposante i) à la date pertinente, qui est celle de ma décision, à l’égard du premier motif d’opposition et ii) à la date pertinente, qui est celle de la production de la demande en cause, à l’égard des deuxième, troisième et quatrième motifs d’opposition.

 

La charge de la preuve et le test en matière de confusion


Le fardeau de persuasion incombe à la requérante, qui doit établir quil nexisterait aucune probabilité de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, entre la marque BEAUTY & BLISS faisant lobjet de la demande et lune ou plusieurs des marques BLISS, BLISSLABS et BLISSOUT de lopposante. Ce fardeau de persuasion signifie quen labsence dune conclusion décisive au terme de la production de lensemble de la preuve, la question doit être tranchée à lencontre de la requérante : voir la décision John Labatt Ltée c. Les Compagnies Molson Limitée, (1990) 30 C.P.R. (3d) 293, aux pages 297 et 298 (C.F. 1re inst.).

 

Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Pour décider sil existerait une probabilité raisonnable de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de lespèce, notamment de celles qui sont énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune a été en usage; le genre des marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées quelles suggèrent. Cette liste nest pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. Tous les facteurs énumérés ne doivent pas nécessairement recevoir le même poids : voir la décision Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst).

 

Lexamen des facteurs prévus au paragraphe 6(5)


Les marques Bliss de lopposante possèdent un caractère distinctif inhérent à des degrés relativement faibles, car elles sont dans une certaine mesure laudatives ou laissent à tout le moins entendre que les marchandises et services de lopposante procureront un sentiment de bonheur et de bien-être. De la même manière, la marque faisant lobjet de la demande possède à un degré relativement faible un caractère distinctif inhérent pour une autre raison, soit que le terme BEAUTY décrit les effets attendus des marchandises de la requérante. À la date pertinente, soit celle de ma décision, les marques Bliss de lopposante avaient acquis une certaine notoriété au Canada principalement grâce aux ventes des marchandises de lopposante par des détaillants canadiens depuis 2003. Toutefois, je suis également disposé à conclure que les marques de lopposante avaient acquis au moins une certaine notoriété au Canada depuis environ 1997 grâce à une publicité massive dans des magazines provenant des États-Unis. Aucun élément de preuve nétablit que la requérante a commencé à employer sa marque et, par conséquent, elle ne peut prétendre que sa marque BEAUTY & BLISS a acquis un caractère distinctif. La période pendant laquelle les marques des parties ont été en usage au Canada joue en faveur de lopposante, car les produits des marques Bliss Marks sont vendus au Canada depuis 1997.

 

Les marchandises des parties sont essentiellement les mêmes, soit des cosmétiques, des parfums et des articles de toilette. La requérante fait valoir au paragraphe 27 de ses observations écrites que [traduction] « la requérante a l’intention de tenter de vendre ses marchandises à différents clients, dans des milieux différents et en utilisant des voies de distribution différentes. » Toutefois, elle n’a produit aucune preuve à l’appui de son affirmation et, en l’absence de preuve, je dois présumer que les parties cibleraient le même groupe de consommateurs et commercialiseraient leurs marchandises en empruntant des voies de commercialisation identiques ou qui se chevauchent.


Les observations de l’opposante au sujet du degré de ressemblance entre les marques des parties, reproduites ci-dessous, se trouvent à la page 11 de son plaidoyer écrit :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Je partage pour l’essentiel la position de l’opposante exprimée dans les observations ci-dessus.

 

À la page 13 de son plaidoyer écrit, l’opposante mentionne comme circonstance pertinente de l’espèce qu’elle a employé un ensemble de marques au Canada, et plus particulièrement BLISS, BLISSLABS et BLISSOUT :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je suis encore une fois largement d’accord avec les observations ci-dessus de l’opposante.

 

Conclusions


Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de persuasion et n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucun risque raisonnable de confusion entre la marque BEAUTY & BLISS visée par la demande et les marques Bliss de l’opposante. Le premier motif d’opposition est donc accueilli.

 

Les considérations qui se rapportent à la partie i), susmentionnée, des motifs d’opposition selon lesquels la requérante n’a pas droit à l’enregistrement sont essentiellement les mêmes que celles qui ont été examinées au sujet de l’enregistrabilité, sous réserve que la date pertinente à l’égard des considérations est la date de production de la demande, soit le 29 août 2002. Comme j’y ai fait allusion précédemment, l’opposante ne peut prétendre à plus qu’une réputation minimale de sa marque avant 2003, c’est-à-dire avant le début des ventes réalisées par les détaillants canadiens. Par conséquent, l’opposante ne peut invoquer le facteur du caractère distinctif acquis à l’appui de la question de la confusion. Cependant, compte tenu des autres facteurs qui militent toujours en faveur de l’opposante, je conclus que la probabilité d’un risque raisonnable de confusion entre les marques des parties équivaut à la probabilité de l’absence de risque raisonnable de confusion. Comme je ne puis arriver à une conclusion décisive, la question de la confusion doit être tranchée à lencontre de la requérante.

 

Comme j’ai conclu en faveur de l’opposante pour le premier et le deuxième motif d’opposition, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs. Cependant, j’aurais vraisemblablement statué à l’encontre de la requérante sur les autres motifs en raison du fait que je n’étais pas en mesure d’arriver à une conclusion décisive.

 


Dispositif

Compte tenu de ce qui précède, la demande visée est repoussée.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 15 JUILLET 2008

 

 

 

 

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo

 

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