Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Central City U-Lock Ltd. à la demande no 242654 présentée au nom de JCM Professional Mini-Storage Management Ltd. visant l’enregistrement de la marque de commerce U LOCK et Dessin

 

 

                Le 5 janvier 2005, JCM Professional Mini-Storage Management Ltd. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce U LOCK & Dessin (la Marque) reproduite ci‑dessous :

 

U LOCK & Design

 

La demande est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 1er mai 2004 au moins, en liaison avec les services suivants : « crédit-bail et exploitation d’installations de mini‑entreposage en libre-service ». La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot LOCK en dehors de la Marque.

 

                La demande a été publiée aux fins d'opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 19 octobre 2005. Le 14 novembre 2005, Central City U-Lock Ltd. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. L’Opposante invoque les motifs suivants : la demande d’enregistrement n’est pas conforme aux exigences des alinéas 30a), b) et i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi); aux termes de l’alinéa 12(1)b), la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des services de la Requérante; la Marque n’est pas distinctive. 

 

                La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration.

 

                À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit un affidavit souscrit par Lisa Saltzman ainsi que des copies certifiées conformes de l’enregistrement nLMC245975 et de la demande no 1283150. La Requérante a, pour sa part, produit un affidavit souscrit par Robert Madsen. En contre‑preuve, l’Opposante a produit un affidavit souscrit par Dulce De Jesus Queiroga Campos. Il n’y a eu aucun contre‑interrogatoire.

 

                Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue, à laquelle seule l’Opposante était représentée.

 

Fardeau de preuve et dates pertinentes

 

                     C’est à la requérante qu’il incombe de démontrer suivant la prépondérance des probabilités que la demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi, mais l’opposante a le fardeau initial de présenter suffisamment d’éléments de preuve recevables pouvant raisonnablement étayer la conclusion que les faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, (1990) 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298]. 

 

                     Les dates pertinentes pour l’examen des motifs d’opposition invoqués sont les suivantes :

         art. 30 – la date à laquelle la demande d’enregistrement a été produite [voir Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475];

         al. 12(1)b) – la date à laquelle la demande d’enregistrement a été produite [voir Fiesta Barbeques Ltd. c. General Housewares Corp. (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)];

         absence de caractère distinctif – la date à laquelle l’opposition a été produite [voir Metro‑Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a)

 

                     S’agissant du test applicable à l’égard de l’alinéa 30a) de la Loi, le registraire des marques de commerce a déclaré dans Dubiner and National Yo-Yo and Bo-Lo Ltd. c. Heede Int’l Ltd. (1975), 23 C.P.R. (2d) 128, que la demande d’enregistrement [traduction] « doit décrire clairement les marchandises ou services dans les termes ordinaires du commerce ». De plus, dans McDonald’s Corporation and McDonald’s Restaurants of Canada Ltd. c. M.A. Comacho‑Saldana International Trading Ltd. carrying on business as Macs International (1984), 1 C.P.R. (3d) 101, à la à la page 104, l’agent d’audience a conclu qu’il suffisait à l’opposante de présenter une argumentation suffisante pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard d’un motif fondé sur l’alinéa 30a).

 

                L’Opposante a allégué que les services de la Requérante ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce. Elle soutient à cet égard que la Requérante a omis de préciser de quel type d’entreposage il s’agit, en sorte que l’entreposage visé par la demande est ambigu. L’Opposante ajoute que les « installations de mini‑entreposage » ne figurent pas dans le Manuel des marchandises et des services de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

                     Cependant, la preuve de la Requérante comprend des extraits d’annuaires téléphoniques canadiens décrivant le « mini‑entreposage » comme un libre service, au sens où le locataire entrepose lui‑­même ses biens. Il ressort de la propre preuve de l’Opposante que l’expression mini‑entreposage figure sous la rubrique des services d’entreposage de plusieurs annuaires. 

 

                     Il appert de la preuve soumise que l’expression « mini‑entreposage en libre service » est employée couramment dans le commerce pour décrire des services d’entreposage où le locataire entrepose lui‑même ses marchandises. Je conclus donc que la formule « crédit-bail et exploitation d’installations de mini‑entreposage en libre-service » décrit suffisamment la nature des services rendus et qu’il n’est pas nécessaire que la Requérante précise davantage la nature du « mini‑entreposage ». Ce motif est donc écarté.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

 

                     L’Opposante soutient que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30b), parce que la Marque n’a pas été employée au Canada en liaison avec les services mentionnés dans la demande à compter de la date de premier emploi alléguée. Dans la mesure où les faits pertinents pour l’examen de ce motif sont plus facilement accessibles à la Requérante qu’à l’Opposante, le fardeau de preuve de cette dernière est moins exigeant et elle peut s’en acquitter à l’aide de la propre preuve de la Requérante [voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.); Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.)]. Dans un tel cas, toutefois, l’Opposante doit démontrer qu’il y a clairement incompatibilité entre la preuve et la prétention de la Requérante [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)].

 

                     Compte tenu de la preuve, j’estime que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial afférent au motif fondé sur l’alinéa 30b). À l’égard de ce motif, elle a allégué que ni le nom ni la marque de la Requérante ne figurent dans les résultats des recherches de dénominations sociales ou les recherches Internet effectuées par Mme Saltzman et M. Campos, ajoutant que la Requérante n’a pas employé sa marque dans les propres annonces qu’elle a fait paraître dans l’édition 2003-2004 des Pages Jaunes de Langley-North Delta-Surrey-White Rock.

 

                     Pour s’acquitter du fardeau de preuve afférent à ce motif, l’Opposante devait soit présenter des éléments de preuve propres à soulever un doute à l’égard de l’affirmation de la Requérante qu’elle a commencé à employer sa marque le 1er mai 2004 soit signaler suffisamment d’ambiguïtés ou de contradictions dans la preuve de la Requérante pour faire douter de la véracité de la date de premier emploi déclarée. 

 

                     Comme l’Opposante, je trouve curieux que ni le nom de la requérante ni sa marque de commerce ne figurent dans les résultats des recherches juridiques ou Internet effectuées par les auteurs des affidavits déposés par l’Opposante, mais ce seul fait ne permet pas de douter de la véracité de la déclaration de la Requérante selon laquelle elle emploie sa marque depuis le 1ermai 2004 au moins. En outre, bien que la Marque ne figure pas dans la publicité extraite des Pages Jaunes jointe à l’affidavit de M. Madsen, cet affidavit ne renferme aucune déclaration portant que la marque avait été employée dans cette publicité, sans compter que la marque figure sur un échantillon de [traduction] « carte de proposition de clients » remise ou envoyée à des clients en 2003, joint à titre de pièce B à l’affidavit de M. Madsen. Je n’ai donc aucune raison de penser que M. Madsen ne comprend pas ce qu’est l’emploi d’une marque de commerce au sens de l’article 4 lorsqu’il affirme que la marque en cause a été employée en liaison avec les services visés par la demande. 

 

                     Puisque l’Opposante n’a pas fait naître de doute concernant la véracité de la déclaration de la Requérante selon laquelle elle emploie la marque en cause depuis le 1er mai 2004 au moins, la Requérante n’était pas tenue de faire la preuve d’un tel emploi. Si elle voulait approfondir cette question, l’Opposante aurait pu contre‑interroger M. Madsen. Le troisième motif d’opposition n’est donc pas retenu.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

 

                     L’alinéa 30i) de la Loi oblige les requérants à joindre à leur demande d’enregistrement une déclaration portant qu’ils sont convaincus d’avoir le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les services visés. Cette déclaration a été produite en l’espèce et, lorsqu’un requérant fournit la déclaration exigée, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) ne peut être reçu que dans des cas exceptionnels, notamment lorsque la mauvaise foi du requérant est établie [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155]. Comme ce n’est pas le cas en l’espèce, je rejette ce motif d’opposition.  

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b)

 

                     La question de savoir si la Marque de la Requérante donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des services visés par la demande doit être envisagée du point de vue de l'acheteur ordinaire des services. Le mot « nature » s'entend d'une particularité, d'un trait ou d'une caractéristique du produit et le mot « claire » signifie [traduction] « facile à comprendre, évident ou simple » [Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corà la page (1968), 55 C.P.R. 29 (C. de l'É.), à la page 34]. De plus, il ne faut pas scruter séparément chacun des éléments constitutifs de la Marque, celle-ci doit plutôt être considérée dans son ensemble et sous l'angle de la première impression [voir les décisions Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.), aux pages 27 et 28, et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce, 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 186].

 

                     Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante invoque la définition des mots « you » et « lock » figurant au dictionnaire en ligne Merriam-Webster. Ce dictionnaire donne la définition suivante de « you » : [traduction] « le ou les sujets à qui l’on s’adresse – employé comme pronom de la deuxième personne du singulier ou du pluriel dans toute relation grammaticale, mais non comme pronom possessif. Le verbe « lock » est notamment défini comme suit : [traduction] 1. « mettre le verrou » b: fermer ou bloquer au moyen d’un verrou ou d’un dispositif semblable à un verrou. 2. a. emprisonner à l’intérieur ou maintenir à l’extérieur, mettre à l’abri ou rendre inaccessible au moyen d’un verrou ».

 

                     L’Opposante a également invoqué les résultats de recherches de dénominations sociales et de marques de commerce et de recherches Internet mis en preuve, lesquels indiquaient que des tiers employaient l’expression « U LOCK » ou son équivalent phonétique pour décrire des services d’entreposage où la responsabilité de mettre les biens entreposés sous clé incombait au client. 

 

                     Citant la décision Best Canadian Motor Inns Ltd. c. Best Western International Inc. (2004), 30 C.P.R. (4th) 481 (C.F. 1re inst.) (Best Canadian Motor Inns), l’Opposante fait valoir que la phrase descriptive « U LOCK » est manifestement la particularité dominante et la plus importante de la Marque, tant sous l’angle de la police de caractères que sous celui de la forme ou de la première impression. Elle soutient en outre que l’arrière‑plan du dessin de la Marque donne l’impression qu’il est plus petit que les mots descriptifs « U » et « LOCK ». 

 

                     Il est possible de conclure des définitions des mots « you » et « lock » puisées au dictionnaire que ces mots, employés ensemble, expriment une particularité, un trait ou une caractéristique des services de la Requérante, à savoir des installations d’entreposage permettant aux clients de mettre leurs biens sous clé. De plus, des éléments de preuve établissent que d’autres commerçants ont recours à ces mots pour décrire leurs services d’entreposage.

 

                     Étant donné ma conclusion que l’expression « U LOCK », sous sa forme sonore, donne une description claire ou une description fausse et trompeuse des services visés par la demande, je dois me demander si d’autres éléments du dessin de la Marque font en sorte que celle‑ci demeure enregistrable. Le dessin représente un bâtiment portant sur sa façade l’expression « U LOCK ». Le mot « LOCK » est surmonté de la lettre U posée à angle et présentée dans une police plus grosse et plus épaisse.

 

                      Je suis d’avis que la représentation d’un bâtiment ne peut être distinctive à l’égard d’un commerçant. En outre, même si la police et le style de la lettre U sont différents de ceux du mot « LOCK », ces deux inscriptions demeurent les mots dominants de la Marque. Après application du test « donne, dans sa forme sonore une description claire » formulé dans Best Canadian Motor Inns, j’estime qu’en voyant la Marque le client moyen prononcerait « YOU LOCK ». Je conclus en conséquence que, suivant la première impression qui se dégage de la marque dans son ensemble, elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse, dans sa forme sonore, des services de la Requérante au Canada, contrevenant ainsi à l’alinéa 12(1)b) de la Loi. Ce motif d’opposition est donc retenu 

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)d)

 

                     L’Opposante soutient qu’une marque constituée d’un terme descriptif employé par des commerçants exploitant une entreprise similaire pour décrire une qualité ou une caractéristique de leurs services ne peut être distinctive, et je lui donne raison sur ce point. Il a été statué dans Imperial Tobacco Ltd. c. Benson and Hedges (Canada) Inc. (1983), 75 C.P.R. (2d) 115, qu’une marque purement descriptive est nécessairement dénuée de caractère distinctif. Puisque j’ai déjà conclu que, sous sa forme sonore, la Marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse des services visés par la demande, il s’ensuit qu’elle n’est pas distinctive.  De plus, comme la Requérante n’a pas démontré que la Marque était employée en liaison avec les services visés au sens du paragraphe 4(2) de la Loi, la Marque n’a pas acquis de caractère propre à distinguer les services de la Requérante de ceux d’autres commerçants dans tout le Canada. Ce motif d’opposition est donc lui aussi accueilli.

 

Dispositif

 

                     Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi

 

 

FAIT à Gatineau, le 5 novembre 2009.

 

 

 

C.R. Folz

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

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