Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 8

Date de la décision : 2014-01-17

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Paramount International Export Ltd. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,446,276 pour la marque de commerce FIJI BLOND & DESSIN au nom de Gold Wings Entertainment Ltd.

[1]               Le 15 juillet 2009, Gold Wings Entertainment Ltd. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce FIJI BLOND & DESSIN (la Marque), illustrée ci-dessous, sur la base de l'emploi au Canada depuis avril 2008.

FIJI BLOND & DESIGN

[2]               L'enregistrement de la Marque a été demandé en liaison avec les marchandises suivantes :

(1) Boissons alcoolisées, nommément bières et ales.
(2) Vêtements et uniformes, nommément chemises, tee-shirts, casquettes, chapeaux, tabliers, pantalons, pantalons d'entraînement, jupes, cravates et foulards, pulls d'entraînement et chandails.
(3) Articles de service pour restaurants et pubs, articles-cadeaux, souvenirs et articles souvenirs, nommément napperons, tasses, grandes tasses, sous-verre, couteaux, serviettes de table, verres à boire et vases, seaux à glace en métal, en céramique et en acrylique, stylos, sacs de sport, sacs à main, tabliers, chemises, tee-shirts, casquettes, chapeaux, tabliers, pantalons, pantalons d'entraînement, jupes, cravates et foulards, pulls d'entraînement et chandails.

[3]               La demande a été annoncée en vue de la procédure d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 19 janvier 2011.

[4]               Paramount International Export Ltd. (l'Opposante) s'est opposée à la demande en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi) sur le fondement des motifs suivants : (i) la demande n'est pas conforme aux exigences prévues aux alinéas 30b), 30h) et 30i) de la Loi; (ii) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque aux termes de l'alinéa 16(1)a) de la Loi, étant donné l'emploi antérieur par l'Opposante des marques de commerce FIJI et LIL FIJI au Canada en liaison avec de l'« eau potable »; (iii) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en vertu de l'alinéa 16(1)c) de la Loi, au vu de l'emploi antérieur de la marque de commerce FIJI par l'Opposante au Canada; (iv) la Marque n'est pas enregistrable au sens de l'alinéa 12(1)d) de la Loi, étant donné les marques de commerce FIJI enregistrées de l'Opposante telles qu'elles sont énoncées à l'annexe A ci-jointe; et (v) la Marque n'est pas distinctive au sens prévu à l'article 2 de la Loi. 

[5]               À l'appui de ses motifs d'opposition, l'Opposante a produit la déclaration de Davit Ricanati, président de Fiji Water Company, assermenté le 20 décembre 2011.

[6]               À l'appui de sa demande, la Requérante a produit la déclaration de Bobby Naicker, président, secrétaire et seul directeur de la Requérante, assermenté le 18 mai 2012.

[7]               Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits.

[8]               Aucune audience n'a été tenue.

Obligations

[9]               La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, il revient à priori à l'Opposante de présenter suffisamment de preuves recevables desquelles on peut raisonnablement conclure que les faits allégués à l'appui de chaque motif d'opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (C.F. 1re inst.) page 298].


Motifs d'opposition sommairement rejetés

[10]           L'Opposante a soulevé plusieurs motifs d'opposition sur le fondement de l'alinéa 30b) de la Loi. Toutefois, aucune preuve n'a été produite à l'appui de ces motifs et l'Opposante n'a présenté aucune observation à cet égard. L'Opposante ne s'est donc pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait en ce qui concerne ces motifs.

[11]           L'Opposante a allégué, que contrairement à l'alinéa 30h) de la Loi, la marque de commerce telle qu'elle a été employée par la Requérante est différente de la Marque illustrée dans la demande. Toutefois, aucune preuve n'a été produite à l'appui de ce motif et l'Opposante n'a présenté aucune observation à cet égard. De plus, je note que l'article 30h) exige seulement du requérant qu'il inclut un dessin de la marque de commerce et le nombre de représentations exactes nécessaires, sauf si la demande concerne un mot ou des mots qui ne sont pas illustrés dans une forme particulière. Or, il n'est pas certain que ce motif d'opposition ait été dûment plaidé. 

[12]           L'article 30i) de la Loi exige que tout requérant se déclare convaincu qu’il a droit d’employer au Canada la marque de commerce visée par la demande. Lorsqu'un requérant présente la déclaration requise en vertu de l'alinéa 30i) de la Loi, ce motif ne doit être accepté que dans des situations exceptionnelles, comme lorsqu'il y a preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à la p. 155]. La Requérante a fourni la déclaration requise et il ne s'agit pas d'un cas exceptionnel.

[13]           À la lumière de ce qui précède, les motifs d'opposition invoqués en vertu des alinéas 30b), 30h) et 30i) de la Loi sont sommairement rejetés.

Analyse des autres motifs d'opposition

Enregistrabilité – Alinéa 12(1)d) de la Loi

[14]           L'Opposante a allégué que la Marque n'est pas enregistrable en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi, étant donné les marques de commerce enregistrées FIJI de l'Opposante telles qu'elles sont énoncées à l'annexe A jointe aux présentes.

[15]           La date pertinente pour l'examen de ce motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)i) est la date de ma décision ‑[voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[16]           Ayant exercé le pouvoir discrétionnaire du Registraire, je confirme que chaque enregistrement allégué existe au nom de Paramount International Export, Ltd. et donc que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait. La question consiste donc à déterminer si la Requérante s'est acquittée du fardeau de prouver que la Marque ne risque pas de créer de la confusion avec l'une ou l'autre des marques de commerce enregistrées de l'Opposante.

[17]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[18]           En appliquant le critère relatif à la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Il n'est pas nécessaire que ces facteurs se voient attribuer le même poids. [Voir Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4e) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin v Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4e) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4e) 361 (CSC) pour consulter une discussion exhaustive sur les principes généraux qui régissent le critère relatif à la confusion.]

[19]           Dans ses observations écrites, l'Opposante s'est concentrée sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce FIJI (numéro d'enregistrement LCM575,968). Je ferai de même. S'il n'y a pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque enregistrée FIJI de l'Opposante, il serait donc peu probable qu'il y ait confusion entre la Marque et les autres marques enregistrées de l'Opposante, puisque ces marques de commerce ressemblent encore moins à la Marque. Donc, une comparaison de la Marque avec la marque de commerce FIJI permettra de statuer efficacement sur l'issue de ce motif d'opposition. 

Alinéa 6(5)a) – Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles ont été révélées

[20]           Dans ses observations écrites, l'Opposante affirme que sa marque de commerce FIJI et la Marque présentent toutes deux un caractère distinctif inhérent. Je ne suis pas d'accord.

[21]           La marque de commerce de l'Opposante se compose seulement du mot FIJI, ce qui fait clairement référence à l'origine géographique des marchandises de l'Opposante. M. Ricanati le confirme dans son affidavit et mentionne que l'étiquette avant des bouteilles d'eau potable de l'Opposante indique que l'eau « [traduction] provient des îles Fiji » [paragraphes 8-12, 20-21 et pièce J]. 

[22]           Même si la Marque contient aussi le mot FIJI, elle possède d'autres caractéristiques qui, à mon avis, ajoutent un certain caractère distinctif inhérent à la Marque. Plus particulièrement, elle contient une bannière et un insigne qui dominent le dessin, accompagnés d'une large représentation de ce qui semble être un joueur de rugby ou autre athlète de grande taille transportant un ballon. En plus de ces éléments plus distinctifs, la Marque contient aussi le mot « BLOND » qui, aux dires de M. Naiker dans son affidavit, a pour but d'évoquer le fait que la bière de la Requérante est une bière au goût léger [voir le paragraphe 25]. Dans l'ensemble, j'estime que la Marque possède un caractère distinctif inhérent plus élevé que la marque de commerce de l'Opposante. 

[23]           Une marque de commerce peut aussi acquérir un caractère distinctif en devenant connue par l'emploi ou la promotion. Dans ce cas, la Requérante ne semble pas contester le caractère distinctif acquis de la marque de commerce FIJI de l'Opposante [voir les paragraphes 25 et 26 des observations écrites de la Requérante]. L'affidavit de M. Ricanati contient l'information suivante au sujet de l'Opposante et de son emploi de sa marque de commerce FIJI au Canada :

         M. Ricanati est le président de Fiji Water Company LLC (« FIJI »), une entreprise qui commercialise, vend et distribue l'eau de marque FIJI de l'Opposante aux États-Unis [voir le paragraphe 1]. Au Canada, l'eau de marque FIJI de l'Opposante est distribuée et vendue par Fiji Water of Canada Ltd [voir le paragraphe 23]. L'Opposante, en tant que propriétaire des marques de commerce FIJI jointes en pièce F de l'affidavit Ricanati et énoncées à l'annexe A jointe aux présentes, exerce le plein contrôle sur la qualité de l'eau embouteillée associée à ses marques de commerce FIJI.

         L'eau de marque FIJI est vendue et continue d'être vendue dans plusieurs magasins au Canada, y compris Wal-Mart, Overwaitea, Safeway, Sobey's, Western Grocers, A & P, Loblaws et d'autres.

         Depuis 2004 jusqu'à ce jour, plus de 1,6 million de caisses de bouteilles d'eau de marque FIJI ont été vendues au Canada (plus de 520 000 caisses avaient été vendues à la fin de 2007).

         L'eau de marque FIJI est vendue et continue d'être vendue partout au Canada. Les ventes brutes d'eau de marque FIJI au Canada depuis 2004 dépassent les 26,9 millions de dollars (entre 2004 et la fin de 2007, ces revenus dépassaient les 7 millions de dollars).

         Depuis 2004, plus de 3 millions de dollars ont été consacrés au marketing et à la promotion de l'eau de marque FIJI au Canada (plus de 850 000 $ à la fin de 2007).

[24]           En plus de l'information susmentionnée, M. Ricanati a fourni une photo d'une bouteille d'eau montrant l'emploi de la marque de commerce FIJI de l'Opposante, ainsi que des factures émises par Fiji Water of Canada Ltd à des clients canadiens entre janvier 2007 et septembre 2011 pour la vente d'eau de marque FIJI. M. Ricanati a aussi fourni une liste complète d'événements qui, à ses dires, ont été parrainés par FIJI au Canada. Même si ce n'est pas tout à fait clairement indiqué dans l'affidavit de M. Ricanati, les événements semblent avoir été parrainés par Fiji WAter Company LLC, le distributeur des produits de marque FIJI de l'Opposante aux États-Unis. 

[25]           D'après la preuve produite par l'Opposante, je conclus que la marque de commerce FIJI de l'Opposante a été considérablement révélée au Canada en liaison avec de l'eau potable.

[26]           Je note que M. Ricanati a aussi fourni de l'information semblable concernant les ventes par l'Opposante de ses produits ainsi que l'emploi et la promotion de sa marque de commerce aux États-Unis. Cependant, comme j'ai conclu que la marque de commerce FIJI de l'Opposante avait été bien révélée au Canada, je ne considère pas qu'il soit nécessaire de discuter de la preuve en détail.

[27]           La Marque a également été révélée au Canada, mais dans une moindre mesure par rapport à la marque de commerce de l'Opposante. M. Naicker fournit l'information suivante au sujet de la Requérante et de son emploi de la Marque dans son affidavit.

         M. Naicker est le président, secrétaire et seul directeur de la Requérante.

         La Requérante a été constituée en société le 24 janvier 2005 en Colombie-Britannique.

         La Requérante exerce actuellement ses activités dans sept restaurants et pubs, tous situés en Colombie-Britannique. Les établissements de la Requérante sont annoncés comme des établissements dans lesquels ont trouve des éléments propres à des bars sportifs et qui offrent une atmosphère familiale et conviviale.

         La Requérante a commencé à vendre sa bière FIJI BLOND en avril 2008. Depuis que la Requérante a commencé à vendre sa bière en 2008, sous forme de pintes, de pots et de verres, le nombre total de barils consommés dans ses établissements n'a cessé d'augmenter chaque année, allant de 250 barils en 2008 à 900 barils en 2011. Les ventes totales de la bière FIJI BLOND de la Requérante en 2011 dépassaient les 125 000 dollars.

         La bière FIJI BLOND de la Requérante est annoncée dans les établissements de cette dernière sur ses menus et ses panneaux lumineux. La Requérante annonce aussi sa bière FUJI BLOND avec l'appui d'équipes de rugby et dans le cadre de tournois et d'événements de rugby, sur son site Web et sur FACEBOOK® et TWITTER®.

[28]           D'après la preuve produite par la Requérante, je peux conclure que la Marque a été révélée au Canada dans une certaine mesure, particulièrement en Colombie-Britannique. Cependant, dans l'ensemble, la preuve laisse entendre que la Marque n'est pas aussi bien connue que celle de l'Opposante au Canada.

Alinéa 6(5)b) – La période d'emploi de chaque marque de commerce

[29]           La Marque est employée au Canada depuis avril 2008. L'enregistrement numéro LMC575,968 de l'Opposante pour sa marque de commerce FIJI, revendique comme date de premier emploi au Canada le mois de juillet 1997. Bien que l'Opposante n'ait pas produit de preuve d'emploi au Canada remontant aussi loin que juillet 1997, elle a fourni des preuves qui remontent à 2004. Je peux donc conclure que l'Opposante emploie sa marque de commerce depuis au moins 2004. Par conséquent, ce facteur s'applique en faveur de l'Opposante.

Alinéas 6(5)c) et d) – Le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[30]           Au moment d'examiner les alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, c'est l'état déclaratif des marchandises figurant dans la demande concernant la Marque et l'état déclaratif des marchandises figurant dans les demandes de l'Opposante portant les numéros LMC575,968 pour FIJI qui régissent l'évaluation de la probabilité de confusion an vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi [voir les décisions Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[31]           L'état déclaratif des marchandises dans l'enregistrement de l'Opposante couvre « l'eau potable ». En revanche, la demande concernant la Marque couvre les marchandises suivantes : boissons alcoolisées, nommément bières et ales; vêtements et uniformes; ainsi qu'une variété d'articles de service pour restaurants et pubs, articles-cadeaux, souvenirs et articles souvenirs.

[32]           L'Opposante soutient que les bières et ales de la Requérante sont des « boissons » et que ses autres marchandises sont toutes associées aux « breuvages » qu'elle vend. Puisque les marchandises (eau potable) de l'Opposante sont aussi des boissons, l'Opposante fait valoir que les marchandises des parties sont très semblables. Même si la Requérante n'est pas en désaccord avec le fait que les marchandises des deux parties sont des « boissons », elle soutient qu'il existe une distinction claire entre les deux.

[33]           Bien qu'il soit vrai que les parties vendent toutes deux des « boissons », je ne considère pas que les boissons alcoolisées comme la « bière » et « l'eau potable » de l'Oposante figurent dans la même catégorie ni proviennent de la même industrie. Cela dit, je suis consciente du fait que le paragraphe 6(2) de la Loi indique que « l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. » [soulignement ajouté]

[34]           En ce qui concerne les voies de commercialisation, la Requérante soutient qu'il n'y a aucun recoupement. À cet égard, la Requérante note que sa bière n'est vendue que dans ses propres restaurants et qu'elle ne peut seulement être achetée en fût et non en bouteilles ou en canettes [voir la déclaration Naicker, aux paragraphes 9 et 10]. La Requérante affirme que sa bière ne se vend dans aucun marché, restaurant ou pub, à l'exception des établissements qu'elle exploite et dont elle est propriétaire et qu'elle n'a jamais vendu de bouteilles d'eau dans ses établissements [voir l'affidavit Naicker, au paragraphe 11]. La Requérante souligne également qu'il n'existe aucune preuve indiquant que l'eau de l'Opposante est vendue dans des pubs comme ceux de la Requérante. Par conséquent, la Requérante fait valoir qu'il n'y a aucun recoupement concernant la vente des marchandises des deux parties dans les points de vente, les restaurants, les marchés ou les pubs.     

[35]           Je note que la demande d'enregistrement de la Marque ne contient aucune restriction quant aux marchés de distribution des marchandises de la Requérante. Dans l'état actuel des choses, il semble peu probable que les marchandises de la Requérante soient vendues dans les mêmes points de vente que celles de l'Opposante. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de déterminer la probabilité de confusion, il n’est pas nécessaire de démontrer que les marchandises des parties sont vendues dans les mêmes points de vente, le simple fait que les parties aient la possibilité de le faire suffit [voir Cartier Men’s Shops Ltd c. Cartier Inc (1981), 58 CPR (2d) 68 (CF 1re inst.)].

Alinéa 6(5)e) – Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[36]           Au moment de déterminer le degré de ressemblance entre deux marques de commerce, la loi stipule clairement que celles-ci doivent être considérées globalement. En outre, il ne convient pas de placer les marques de commerce côte à côte pour les comparer en observant les similitudes et les différences entre elles. Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir.

[37]           Dans l'affaire Masterpiece, supra, la Cour suprême du Canada a pris en considération l'importance du degré de ressemblance entre les marques de commerce au moment d'analyser le risque de confusion. Dans les motifs du jugement, le juge Rothstein mentionne ceci, au paragraphe 49 :

... le degré de ressemblance, soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au para. 6(5) ... si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires [...].

[38]           Dans sa discussion sur la démarche à suivre pour évaluer le degré de ressemblance entre des marques de commerce, M. le juge Rothstein indique ceci, au paragraphe 64 : « Il est vrai que dans certains cas, le premier mot sera l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif d’une marque de commerce, mais j’estime qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de celle-ci est particulièrement frappant ou unique ».

[39]           Je suis d'avis que les mots FIJI et BLOND que contient la Marque ne sont pas particulièrement saisissants ni uniques. Je trouve plutôt que le dessin de la bannière et de l'insigne sur lequel figure une représentation d'un joueur de rugby comme étant l'élément le plus dominant ou le plus unique de la Marque. À mon avis, la combinaison des mots FIJI BLOND et des éléments de dessin de la Marque crée une impression visuelle globale qui permet de distinguer la Marque de la marque de commerce FIJI de l'Opposante. 

[40]           Les marques sont également différentes sur le plan de leur sonorité. À cet égard, je note que le mot FIJI que contient la Marque n'est pas utilisé seul. Il est suivi du mot BLOND. Par conséquent, il est plus probable que les consommateurs prononcent ces mots ensemble, en voyant la Marque.

[41]           À mon avis, les idées que suggèrent les marques en cause sont aussi différentes. La présence du mot BLOND, qui peut être considéré comme une référence descriptive à un type de bière, ainsi que la représentation du joueur de rugby font en sorte que la Marque évoque la « bière » et le « sport », alors que l'idée suggérée par la marque de commerce FIJI de l'Opposante ne peut qu'évoquer l'origine géographique des marchandises de l'Opposante.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[42]           En appliquant le critère relatif à la confusion, j'ai étudié les marques des parties sur le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Même si mon évaluation de la situation dans ce cas m'amène à conclure qu'un plus grand nombre de facteurs énoncés au paragraphe 6(5) s'appliquent en faveur de l'Opposante, je suis d'avis que les différences entre la Marque et la marque de commerce FIJI de l'Opposante, sur le plan de l'apparence, de la sonorité et des idées qu'elles suggèrent, sont suffisamment importantes pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante. Je conclus donc que la Requérante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, soit d'établir que la confusion entre la Marque et la marque de commerce FIJI de l'Opposante, laquelle fait l'objet de la demande d'enregistrement LMC575,968, n'est pas probable. De plus, comme je l'ai déjà mentionné, je suis d'avis qu'une comparaison de la Marque et de la maque de commerce FIJI de l'Opposante, portant le numéro d'enregistrement LMC575,968, permet de statuer efficacement sur ce motif d'opposition.

[43]           Le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d) est donc rejeté.

Absence de droit à l'enregistrement en vertu de l'alinéa 16(1)a) de la Loi

[44]           L'Opposante a allégué que la Marque créait de la confusion avec ses marques de commerce FIJI et LIL FIJI, lesquelles avaient déjà été employées au Canada en liaison avec de « l'eau potable ». 

[45]           L'Opposante a le fardeau initial de démontrer que l'une de ces marques de commerce, ou les deux, ont été employées au Canada avant la date de premier emploi revendiquée par la Requérante et qu'elle n'a pas abandonné cet emploi à la date de l'annonce de la demande concernant la Marque [paragraphe 16(5) de la Loi].

[46]           À nouveau, j'estime que le fait de comparer la Marque avec la marque de commerce FIJI permettra de statuer efficacement sur ce motif d'opposition. Par conséquent, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de déterminer si l'Opposante s'est acquittée du fardeau initial d'établir l'emploi antérieur de sa marque de commerce alléguée LIL FIJI.

[47]           Je suis convaincue que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, soit d'établir l'emploi antérieur et le maintien de l'emploi de sa marque de commerce FIJI. Cependant, l'évaluation de chaque facteur énoncé au paragraphe 6(5) en date du 30 avril 2008 plutôt qu'en date d'aujourd'hui n'a pas d'incidence importante sur mon analyse précédente des circonstances de l'espèce.

[48]           Par conséquent, le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(1)a) est rejeté, pour des raisons semblables à celles énoncées relativement au motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d).

Absence de droit à l'enregistrement en vertu de l'alinéa 16(1)c) de la Loi

[49]           L'Opposante a allégué que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en raison de son nom commercial FIJI, lequel a déjà été employé au Canada par l'Opposante ou un prédécesseur.

[50]            Il appartient initialement à l'Opposante de démontrer l'emploi de son nom commercial avant la date de premier emploi revendiquée par la Requérante et de prouver qu'elle n'a pas abandonné son nom commercial à la date de l'annonce de la demande de la Requérante [paragraphe 16(5)]. Je remarque que l'affidavit Ricanati fait référence à l'Opposante (Paramount International Export Ltd.) et à deux autres entités, nommément Freedom Water Company LLC et Fiji Water of Canada Ltd, lesquelles sont identifiées comme distributeurs de l'eau de marque FIJI aux États-Unis et au Canada, respectivement. Toute référence à l'emploi de FIJI proprement dit dans l'affidavit Ricanati semble faire référence à l'emploi de FIJI en tant que marque de commerce plutôt qu'en tant que nom commercial.

[51]           Quoi qu'il en soit, même si la preuve, telle qu'elle a été introduite par M. Ricanati, était suffisante pour permettre à l'Opposante de s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombait concernant le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 16(1)c), ce motif d'opposition peut être rejeté pour des raisons semblables à celles énoncées au titre des motifs d'oppositions précédents, sur la base de la confusion entre la Marque et la marque de commerce FIJI de l'Opposante.

Absence de caractère distinctif

[52]           L'Opposante a allégué que la Marque ne distingue pas, ni n'est adaptée de manière à distinguer les marchandises de la Requérante des marchandises ou des services des autres, y compris ceux de l'Opposante. En outre, l'Opposante a fait valoir que la Marque avait été employée en dehors de la portée de l'article 50 de la Loi par d'autres entités, y compris Lighthouse Breweing Company, et que la Marque n'est que fonctionnelle ou simplement décorative.

[53]           La date pertinente pour l'examen de ce motif d'opposition est la date de production de la déclaration d'opposition, à savoir le 16 juin 2011 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)];

[54]           Je suis convaincue que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, soit d'établir que sa marque FIJI avait été suffisamment révélée au Canada en date du 16 juin 2011 pour annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.); Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c. Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. Comme j'estime que la comparaison de la Marque et de la marque FIJI permet de statuer efficacement sur l'issue de ce motif d'opposition, il n'est pas nécessaire d'examiner si l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait concernant ses autres marques de commerce alléguées ou son nom commercial allégué.

[55]           Toutefois, l'examen de chacun des facteurs énoncés dans le paragraphe 6(5) en date du 16 juin 2011 n'a pas d'incidence importante sur mon analyse des circonstances de l'espèce. Pour des raisons semblables à celles précédemment énoncées, je suis convaincue que la Requérante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait de démontrer qu'en date du 16 juin 2011, il n'y avait aucune probabilité raisonnable que la Marque crée de la confusion avec la marque FIJI de l'Opposante. Par conséquent, je suis convaincue qu'à la date pertinente, la Marque distinguait, ou était adaptée de manière à distinguer, les marchandises de la Requérante de celles de l'Opposante.

[56]           En ce qui concerne les autres allégations faites par l'Opposante au titre du motif fondé sur le caractère non distinctif dans la déclaration d’opposition, je note qu'aucune preuve n'a été produite à l'appui de ces allégations et que l'Opposante n'a produit aucune observation relativement à ces allégations. Je n'estime donc pas nécessaire de fournir une analyse plus poussée sur cette question.

[57]           À la lumière de ce qui précède, le motif d'opposition fondé sur le caractère non distinctif est rejeté.

Décision

[58]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition au titre du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.


Annexe A

 

 

Marque de commerce

Numéro d'enregistrement

Marchandises

FIJI DESIGN

LMC574,651

EAU POTABLE

FIJI

LMC575,968

EAU POTABLE

FIJI Design

LMC684,399

EAU POTABLE


FIJI & 2 Dimensional Label Design

LMC686,221

EAU POTABLE

FIJI & Design (Placement of Labels on Bottle)

LMC685,472

EAU POTABLE


FIJI & Front Label Design

LMC686,220

EAU POTABLE

FIJI AND FALLS DESIGN

LMC574,435

EAU POTABLE


 

LIL FIJI

LMC751,691

EAU POTABLE


LIL' FIJI & Design

LMC751,692

EAU POTABLE

 

 

 

 

 

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