Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 50

Date de la décision : 2012-02-28

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Buddha Foodha, Inc. à l’encontre de la demande nº 1 282 207 pour la marque de commerce BUDDHA-BAR au nom de George V Eatertainment

 

 

[1]               Le 7 décembre 2005, George V Restauration, une société anonyme (qui est ensuite devenue George V Eatertainment) (la Requérante), a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce BUDDHA-BAR (la Marque) fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les services suivants : « Services de restaurant, services de bar, services hôteliers ».

 

[2]               La demande, telle qu’elle a été initialement déposée, était également fondée sur l’emploi de la Marque en France et sur l’enregistrement consécutif à la demande d’enregistrement de marque de commerce no 4739281 produite le 23 novembre 2005 auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) pour l’Union européenne. De plus, dans cette demande, la Requérante a revendiqué la priorité à l’égard de l’enregistrement de la marque de commerce no 4739281.

 

[3]               Le 17 juillet 2007, la Requérante a produit une demande révisée dans laquelle l’emploi et l’enregistrement à l’étranger ont été modifiés de façon à viser l’enregistrement de la Marque no 053395625 en France plutôt que l’enregistrement consécutif à la demande no 4739281 produite devant l’OHMI. La Requérante a également produit une copie certifiée de l’enregistrement no 053395625 en France.

 

[4]               Cette demande révisée a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 7 novembre 2007.

[5]               Le 29 août 2008, Buddha Foodha Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande. Les motifs d’opposition soulevés se résument comme suit (bien que l’Opposante ait soulevé plusieurs détails au soutien du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30d), je n’en relèverai que quelques-uns) :

1.      La demande d’enregistrement de la Marque ne respecte pas les exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) :

a)      la demande ne répond pas aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi en ce qu’elle ne renferme pas d’état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises spécifiques en liaison avec lesquelles la Requérante projette d’employer la Marque;

b)      la demande n’est pas conforme avec l’alinéa 30d) de la Loi en ce que la Requérante n’emploie pas et n’employait pas la Marque à toutes les dates pertinentes en France en liaison avec les services, tels qu’ils sont énoncés dans la demande;

c)      la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30d) de la Loi en ce que la Requérante n’avait pas droit de fonder la présente demande sur la demande no 4739281 produite devant l’OHMI étant donné que les services énoncés dans cette demande sont les suivants :

Services de restauration (alimentation), services de bars, services de cafés, services hôteliers, hébergement temporaire; services de thermalisme, soins du visage, enveloppements corporels, massages, cirages, services de manicure, maquillage, réflexologie, gommages corporels au sel, assistance en nutrition, aromathérapie, soins balnéaires, services d’esthétisme, services de remise en forme, fitness, méditation

tandis que dans la présente opposition, la revendication de priorité à l’égard de la demande no 4739281 produite devant l’OHMI vise les services suivants :

Services de restaurant, services de bars, services hôteliers (français)

Restaurants services, bars services, hotels services (anglais)

d)     la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30d) de la Loi en ce que la Requérante n’avait pas droit de fonder la présente demande sur la demande no 4739281 produite devant l’OHMI et de revendiquer la priorité en vertu de l’article 34 de la Loi en se fondant sur cette dernière demande étant donné qu’il ne s’agissait pas de la demande la plus ancienne que la Requérante avait produite dans un pays de l’Union, autre que le Canada, pour l’enregistrement, aux fins de son emploi en liaison avec le même genre de services que ceux énoncés dans la présente demande, de la même marque de commerce, ou sensiblement la même, contrevenant ainsi à l’article 34 de la Loi. La Requérante a produit des demandes plus anciennes pour l’enregistrement du même genre de services, y compris, notamment :

 (i) L’enregistrement no 99804764 en France pour BUDDHA-BAR, enregistrée en France le 26 juillet 1999 par la Requérante en liaison avec les services suivants : services de restauration (alimentation);

(ii) L’enregistrement no 053395625 pour BUDDHA-BAR, enregistrée en France le 24 novembre 2005 par la Requérante en liaison avec les marchandises et les services suivants :

Services de restauration (alimentation), services de bars, services de cafés, services hôteliers, hébergement temporaire

 

Services de thermalisme, soins du visage, enveloppements corporels, massages, cirages, services de manicure, maquillage, réflexologie, gommages corporels au sel, assistance en nutrition, aromathérapie, soins balnéaires, services d’esthétisme, services de remise en forme (service de santé)

 

Services de remise en forme physique (activités sportives), méditation

e)      la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30d) de la Loi en ce que la Requérante n’avait droit d’invoquer la demande no 4739281 produite devant l’OHMI au soutien de la présente demande et de revendiquer la priorité à l’égard de la demande no 4739281 produite devant l’OHMI en vertu de l’article 34 de la Loi étant donné que la période de six mois au cours de laquelle devait être produite la demande de priorité relativement à la date de production de la plus ancienne demande d’enregistrement de la même marque de commerce, ou sensiblement la même, en vue de son emploi avec le même genre de services avait expiré en ce qui concerne les enregistrements nos 99804764 et 053395625 en France, appartenant à la Requérante, contrevenant ainsi à l’alinéa 31(1)a) de la Loi.

f)       la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30e) de la Loi étant donné qu’au 7 décembre 2005, la Requérante avait effectivement commencé à employer la Marque au Canada en liaison avec les services visés par la demande;

g)      la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30e) de la Loi étant donné qu’au 7 décembre 2005, la Requérante n’avait pas l’intention de commencer à employer la Marque au Canada en liaison avec les services visés par la demande;

h)      la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30i) de la Loi étant donné que la Requérante n’aurait pas pu être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque compte tenu de l’emploi allégué de la marque de commerce par d’autres propriétaires, y compris l’Opposante;

2.      La Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi pour les raisons suivantes :

a)    La Marque ne distingue pas véritablement les services de la Requérante des marchandises et services des autres propriétaires de noms commerciaux et de marques de commerce dans le commerce, nommément :

         BUDDHA DOG – employée par l’Opposante;

         BUDDA BOOM BUDDA BING – employée par PRC TradeMarks Inc.;

         SMILIN’ BUDDHA CABARET – employée par Robert Ravinder Paul Jir;

         BUDDHA’S VEGGIE RESTAURANT – 5802 Macleod Trail SW, Calgary (Alb.);

         Bamboo Buddha Chinese Restaurant – 752 King Street West, Toronto (Ont.);

         Buddha House Restaurant – 282 Jane Street, Toronto (Ont.);

         Buddha’s Vegetarian Foods – 666 Dundas Street, Toronto (Ont.);

         The Smokin’ Buddha – 265 King St., Port Colborne, (Ont.);

         The Organic Buddha Café – 443 Danforth Ave., Toronto (Ont.);

         Laughing Buddha – 194 Elgin St., Sudbury (Ont.);

         House Of Buddha – 53 Main Street South, Georgetown (Ont.);

         Buddha’s – Commercial Drive, Vancouver (C.-B.);

         Buddha Belly Deli – 459 304th Street, Kimberley (C.-B.);

         Buddha Village Restaurant – 3018 Dewdney Avenue, Regina (Sask.)

b)      La Requérante a autorisé des licenciés et des tiers à employer la Marque contrairement à l’article 50 de la Loi; la Marque n’est donc pas distinctive;

c)      Par suite du transfert de la Marque, il subsistait des droits, chez deux ou plusieurs personnes, à l’emploi de la Marque et ces droits ont été exercés par ces personnes faisant ainsi en sorte que la Marque n’est pas distinctive, conformément au paragraphe 48(2) de la Loi;

 

[6]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

 

[7]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit les affidavits de Martin Boyd, un traducteur espagnol pour Multi-Languages Corporation, souscrit le 27 octobre 2009; et Carolyn Hewitt, une technicienne juridique travaillant pour le cabinet d’avocats représentant l’Opposante dans les présentes procédures, également souscrit le 27 octobre 2009. L’affidavit de M. Boyd vise à fournir une traduction juste et exacte de l’espagnol à l’anglais de l’enregistrement no 4739281 produit devant l’OHMI. L’affidavit de Mme Hewitt vise à fournir des copies certifiées de divers historiques de dossiers d’instruction, d’enregistrements et de demandes d’enregistrement de marques de commerce, ainsi que des imprimés des différentes recherches sur Internet. La Requérante a choisi de ne produire aucun élément de preuve.

 

[8]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Seule la Requérante était représentée à l’audience.

 

[9]               À l’audience, la Requérante a volontairement retiré l’emploi et l’enregistrement à l’étranger ainsi que la revendication de priorité dans sa demande. J’ai informé la Requérante que je reporterais à une date ultérieure ma décision sur la recevabilité d’une telle modification à l’étape de la décision et je lui ai demandé de déposer une demande modifiée à cet égard et d’en fournir une copie à l’Opposante, ce que la Requérante a fait le jour même. Je dois donc me prononcer sur ce point en premier.

 

Question préliminaire : la demande modifiée proposée du 6 décembre 2011

 

[10]           J’examinerai tout d’abord le retrait de l’emploi et de l’enregistrement à l’étranger.

 

[11]           Les modifications d’une demande d’enregistrement sont régies par les articles 30 à 32 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement). Plus particulièrement, l’article 30 prévoit ceci :

 

30. Sauf dans les cas prévus aux articles 31 et 32, la demande d’enregistrement d’une marque de commerce peut être modifiée avant ou après l’annonce faite en vertu du paragraphe 37(1) de la Loi.

 

De son côté, l’alinéa 32d) du Règlement est libellé comme suit :

 

32. La modification d’une demande d’enregistrement d’une marque de commerce n’est pas permise après l’annonce de la demande dans le Journal, si elle vise, selon le cas :

[…]

d) à modifier la demande n’alléguant pas que la marque a été employée et enregistrée dans un pays de l’Union ou pour un pays de l’Union en une demande alléguant ce fait;

 

[12]           Par conséquent, une demande peut être modifiée, après avoir été annoncée dans le Journal, pour retirer le fondement lié à l’emploi et à l’enregistrement à l’étranger. Ce raisonnement est conforme aux décisions rendues par la Commission dans d’autres instances d’opposition où on a indiqué que même si l’opposant parvient à réfuter l’argument fondé sur l’enregistrement et l’emploi de la marque à l’étranger, l’examen de la demande peut toujours se poursuivre sur le fondement de l’emploi projeté de la marque au Canada, suivant les conclusions relatives aux autres motifs d’opposition [voir Reitmans (Canada) Ltd. c. Thymes Ltd., 2011 COMC 100, par. 37; Canada Dry Mott’s Inc. c. Krush Global Ltd., 2011 COMC 86, par. 17].

 

[13]           Je confirme donc que cette modification a été acceptée par le registraire. Étant donné que la présente demande ne repose maintenant que sur le seul fondement de l’emploi projeté de la Marque au Canada, tous les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30d) se rapportant à l’emploi et à l’enregistrement de la Marque à l’étranger sont devenus théoriques et sont rejetés sommairement.

 

[14]           En ce qui concerne le retrait de la revendication de priorité, les articles 31 et 32 du Règlement ne contiennent aucune interdiction expresse à l’égard d’une telle modification. J’ai bien pris note de l’argument de l’Opposante figurant aux pages 20 et 21 de son plaidoyer écrit concernant la validité de la revendication de priorité, selon lequel :

[traduction]

[A] une fausse déclaration concernant une revendication de priorité est l’équivalent d’inclure, dans une demande d’enregistrement, une déclaration selon laquelle la demande est fondée sur l’emploi projeté alors qu’en fait, la marque de commerce a déjà été employée, ou d’inclure une date de premier emploi alors qu’en fait, la date réelle de premier emploi est postérieure à la date alléguée.

 

Cependant, je souligne que les exemples mentionnés par l’Opposante sont régis expressément par les alinéas 32b) et c) du Règlement, qui prévoient que la modification d’une demande d’enregistrement d’une marque de commerce n’est pas permise après l’annonce de la demande dans le Journal, si elle vise, selon le cas à changer la date de premier emploi ou de révélation, au Canada, de la marque de commerce [al. 32b)]; ou à modifier la demande qui allègue que la marque de commerce a été employée ou révélée en une demande alléguant qu’il s’agit d’une marque de commerce projetée [al. 32c)]. Encore une fois, les articles 31 et 32 du Règlement sont muets quant au retrait d’une revendication de priorité. De plus, je tiens à souligner qu’une telle modification ne semble être contraire à aucune disposition de la Loi. Par conséquent, bien que je comprenne l’argument de l’Opposante, je dois conclure qu’une telle modification est permise en vertu de l’article 30 du Règlement. (Je souligne que l’Opposante ne s’est pas opposée à la demande modifiée proposée de la Requérante en soi.)

 

[15]           En conséquence, je confirme que le retrait de la revendication de priorité a été accepté par le registraire. Tous les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30d) se rapportant à la question de la validité de la revendication de priorité de la Requérante, tels qu’invoqués par l’Opposante, sont maintenant devenus théoriques et sont rejetés sommairement.

 

[16]           En terminant, il convient de souligner que la demande modifiée produite le 6 décembre 2011 mentionne que la Requérante est George V Restauration, une société anonyme, ce qui est erroné; puisque le changement de nom a été enregistré par le registraire le 18 juillet 2008, on aurait dû plutôt lire George V Eatertainment. J’estime qu’on peut légitimement présumer qu’une telle erreur est le résultat d’un oubli.

 

Analyse

 

[17]           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al.  (2002) 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

[18]           Lorsqu’on applique ces principes à l’espèce, les autres motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30 peuvent également être rejetés sommairement de la façon suivante :

 

         Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a), tel qu’invoqué, n’est pas un motif d’opposition valable dans la mesure où l’Opposante n’a pas invoqué l’existence de faits importants à l’appui de celui-ci;

 

         Les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30e) sont rejetés au motif que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à cet égard. Aucun élément de preuve ne met en doute l’emploi projeté que la Requérante invoque comme fondement à la demande d’enregistrement qu’elle a produite;

 

         Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) n’est pas valable. Le simple fait que la Requérante ait pu être au courant de l’existence de noms commerciaux et de marques de commerce employés par des tiers, y compris l’Opposante, ne l’empêche pas de faire, dans sa demande, la déclaration exigée par l’alinéa 30i) de la Loi.

 

Même si le motif avait été valable, un motif fondé sur l’alinéa 30i) ne peut être retenu lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée par cette disposition que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsque la mauvaise foi du requérant est établie [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. Rien ne démontre que la Requérante était de mauvaise foi en l’espèce. Effectivement, le simple fait que la Requérante détenait déjà un enregistrement à l’égard de la même marque de commerce en liaison avec diverses marchandises et divers services, y compris des « services de restauration (alimentation) », fondé sur l’emploi et un enregistrement à l’étranger, sans aucune revendication d’emploi ou d’emploi projeté au Canada dans l’enregistrement [voir la copie de l’enregistrement no LMC662480 incluse dans la copie certifiée de l’historique du dossier d’instance pour l’enregistrement de la marque de commerce no 1 148 691 au Canada produite à titre de pièce 2 jointe à l’affidavit de Mme Hewitt] ne peut permettre de conclure à l’existence de mauvaise foi.

 

[19]           Il reste le motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif de la Marque.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

 

[20]           Comme il a été dit précédemment, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif, tel qu’invoqué par l’Opposante, a trois volets. Le deuxième et le troisième volets peuvent être rejetés sommairement au motif que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à cet égard. Il n’y a aucune preuve se rapportant à l’emploi de la Marque, produite par la Requérante elle-même ou par ses prédécesseurs en titre, le cas échéant, qui met en doute le caractère distinctif de la Marque conformément au paragraphe 48(2) ou l’article 50 de la Loi. Il reste donc à examiner le premier volet du motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif.

 

[21]           Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial concernant ce motif d’opposition en particulier, l’Opposante doit démontrer qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 29 août 2008 en l’espèce, les noms commerciaux et les marques de commerce allégués dans sa déclaration d’opposition étaient devenus connus dans une certaine mesure afin de priver la Marque de son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.)]. En reprenant les commentaires formulés par Mme De Paulsen, membre de la Commission, dans Whole Foods Market IP, L.P. c. Salba Corp. N.A., 2012 COMC 5, un motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif ne se limite pas à l’exécution réelle des services ou de la vente réelle des produits au Canada. Un tel motif peut également se fonder sur une preuve établissant la connaissance de l’existence ou la réputation des marques de commerce ou des noms commerciaux de l’Opposante ou d’autres propriétaires répandue de bouche à oreille et sur la preuve d’une notoriété et d’une renommée obtenues par voie d’articles de journaux ou d’articles de magazines plutôt que par de la publicité [Motel 6, par. 58 et 59]. Ce qui m’amène à examiner la preuve de l’Opposante sur ce point, laquelle a été présentée au moyen de l’affidavit de Mme Hewitt.

 

[22]           Dans son affidavit, Mme Hewitt affirme avoir reçu des directives de la part d’un avocat de son cabinet lui indiquant de chercher dans la base de données sur les marques de commerce canadiennes en ligne et de repérer les marques de commerce actives contenant le mot « BUDDHA ». Elle a joint à son affidavit, à titre de pièce 12, un imprimé des résultats de ses recherches. Elle a également joint à titre de pièces 13 à 35, des imprimés des 23 résultats de recherche trouvés, dont la demande d’enregistrement de la marque de commerce BUDDHA DOG de l’Opposante portant le no 1 316 554, en liaison avec des « services de restauration sur place et de commandes à emporter » depuis au moins aussi tôt que le 1er juillet 2005. Après avoir examiné ces pièces, je souligne que la plupart des marques de commerce relevées par Mme Hewitt grâce à ses recherches dans le registre concernent des marques dont la demande d’enregistrement n’a pas encore été admise ou des marques qui n’ont pas encore été enregistrées. Compte tenu du petit nombre de demandes d’enregistrement acceptées ou d’enregistrements trouvés (moins de quatre), j’estime que les recherches effectuées par Mme Hewitt dans le registre ne permettent pas de tirer d’importantes conclusions quant à l’état du marché [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); et Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

 

[23]           S’agissant plus particulièrement de l’emploi ou de la révélation par l’Opposante de la marque de commerce BUDDHA DOG au Canada, Mme Hewitt indique qu’on lui a demandé d’aller sur le site Web de l’Opposante, www.buddhafoodha.com, et d’imprimer des pages tirées du site Web et de liens connexes. Elle a joint, à titre de pièces 36 à 57, les pages Web qu’elle a personnellement choisi d’imprimer. Elle a également joint, à titre de pièces 58 et 59, une liste des résultats de ses recherches et les liens connexes se rapportant à l’emploi de la marque BUDDHA DOG par l’Opposante. De plus, elle a joint, à titre de pièces 60 à 63, des articles et une entrevue se rapportant à l’emploi ou à la révélation par l’Opposante de la marque BUDDHA DOG au Canada.

 

[24]           Madame Hewitt affirme que le 26 juin 2008, elle s’est rendu sur les lieux du restaurant BUDDHA DOG situé au 163 Roncesvalles Avenue, à Toronto (Ontario). Elle affirme que sur la façade du restaurant figurait une enseigne BUDDHA DOG. Le restaurant offrait des services de restauration sur place et de commandes à emporter. Elle a dîné au restaurant durant sa visite.

 

[25]           S’agissant de l’emploi par d’autres propriétaires de marques de commerce ou de noms commerciaux comportant le terme « BUDDHA » énoncés ci-dessus dans la déclaration d’opposition, Mme Hewitt affirme qu’on lui demandé de faire des recherches sur Google sur chaque marque et nom commercial et d’imprimer la première page de chacun de ses résultats de recherche ainsi que les pages Web connexes des propriétaires de ces marques et noms commerciaux. Elle affirme que lorsqu’il existait un site Web ou qu’un autre site Web affichait une publicité annonçant l’emploi de la marque ou du nom commercial par le tiers, elle devait se rendre sur le site archive.org, faire des recherches pour trouver le site Web et imprimer les résultats de ses recherches. Elle a joint ses résultats de recherches à titre de pièces 64 à 84.

 

[26]           Je ne tiens pas à commenter en détail chacun des éléments de preuve inclus dans la volumineuse preuve produite par Mme Hewitt concernant l’emploi ou la révélation de la marque BUDDHA DOG par l’Opposante et chaque marque de commerce ou nom commercial d’autres propriétaires comportant le terme « BUDDHA » dans la déclaration d’opposition. Disons simplement que l’examen des différentes pièces jointes à l’affidavit de Mme Hewitt m’a convaincu que l’Opposante a soumis une preuve assez substantielle établissant la connaissance ou la réputation de sa marque de commerce BUDDHA DOG ainsi que des marques de commerce et noms commerciaux allégués d’autres propriétaires comportant le terme « BUDDHA » avant la date de production de la déclaration d’opposition, sauf pour BUDDA BOOM BUDDA BING, Buddha Belly Deli et Buddha Village Restaurant. Cela m’amène à examiner l’argument formulé par la Requérante lors de l’audience selon lequel l’existence d’autres marques de commerce ou noms commerciaux comportant le mot « BUDDHA », dans le marché ou dans le registre des marques de commerce, ne prive pas la Marque de la Requérante de son caractère distinctif.

 

[27]           Le simple fait que la marque de commerce BUDDHA DOG elle-même et environ dix autres marques de commerce comportant le terme « BUDDHA » employé en liaison avec des services de restauration et d’autres services du même genre coexistent sur le marché canadien, comme l’a fait valoir l’Opposante, me pousse à conclure que les consommateurs sont habitués de faire de subtiles distinctions entre les marques de commerce ou les noms commerciaux comportant le terme « BUDDHA » en liaison avec des services de restauration sur le marché. Je suis d’accord avec la Requérante que les différences entre la Marque de la Requérante et la marque de commerce BUDDHA DOG de l’Opposante ainsi que les marques de commerce et les noms commerciaux composés du mot « BUDDHA » d’autres propriétaires devraient être suffisantes, dans les circonstances, pour empêcher qu’il y ait probabilité de confusion. Il n’est pas nécessaire d’analyser en détail les autres circonstances énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi étant donné que j’estime qu’aucune d’entre elles n’est suffisamment importante pour établir une probabilité de confusion en l’espèce [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.); et Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.) pour une analyse complète des principes généraux régissant le test en matière de confusion].

 

[28]           Par conséquent, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau de preuve et qu’elle a prouvé qu’il n’y avait pas de risque raisonnable de confusion entre les marques en cause à la date pertinente du 29 août 2008. Le premier volet du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est donc également rejeté.


Décision

 

[29]           Compte tenu de ce qui précède et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B.

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