Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 136

Date de la décision : 2013-08-23

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par International Business Machines Corporation à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,433,465 pour la marque de commerce FILENEXUS au nom de Loris Technologies Inc.

Introduction

[1]               La présente opposition concerne la demande produite par Loris Technologies Inc. (la Requérante) le 3 avril 2009 pour l’enregistrement de la marque de commerce FILENEXUS (la Marque) en liaison avec :

Logiciel pour la saisie de copies papier de toute source ainsi que de fichiers et de documents électroniques, de même que pour l'indexage, l'archivage, l'organisation, la récupération, la gestion et la répartition du flux des travaux électroniques connexes; logiciel de saisie et de gestion de documents; logiciel pour la saisie, l'indexage, l'assemblage et le stockage de documents en vue d'y accéder ultérieurement ou de les récupérer par voie électronique (les Marchandises); et installation, soutien et personnalisation de logiciel de saisie et de gestion de documents (Services1);

et en liaison avec :

Offre d'accès en ligne à un logiciel de saisie et de gestion de documents permettant la saisie, l'indexage, l'organisation des archives, la récupération électronique, la gestion et la répartition du flux des travaux de tout type de copies papier et de fichiers ou documents électroniques; services de saisie et de gestion de documents électroniques pour des tiers; services de stockage et de récupération de documents électroniques hors site pour des tiers; soutien à des tiers pour la création, la gestion et l'accès à des bases de données de documents et de fichiers électroniques (Services2).

Les Services1 et Services2 sont ci-après dénommés conjointement « les Services ».

[2]               La demande se fonde sur un usage depuis au moins aussi tôt que 1997 en liaison avec les Marchandises et les Services1 et sur un usage projeté relativement aux Services2.

[3]               Les motifs d’opposition soulevés par International Business Machines Corporation (l’Opposante) se fondent sur les alinéas 30(b), 30(i), 12(1)(d), 16(1)(a),(b), 16(3)(a), (b) et 2 (caractère distinctif) de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch. T-13, (la Loi). Les motifs d’opposition spécifiques sont précisés à l’annexe A de la présente décision.

[4]               La première question consiste à déterminer si l’Opposante a présenté suffisamment de preuves en appui à ses motifs d’opposition. Si tel est le cas, je dois alors décider si la Marque a été employée depuis la date revendiquée de premier emploi et finalement, si la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce FILENET de l’Opposante.

[5]               Pour ce qui est de la première question, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial relativement au motif d’opposition fondé sur les alinéas 30(i), 16(1)(b) et 16(3) (b) de la Loi. Je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial relativement à l’alinéa 30(b) et au reste des motifs d’opposition. Cependant, la Requérante a prouvé l’emploi de la Marque à la date revendiquée de premier emploi. Je conclus également, pour les raisons précisées dans la présente affaire, que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce de l’Opposante.

Obligation légale et fardeau de la preuve

[6]               Il incombe à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial consistant à présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Une fois ce fardeau de preuve initial respecté, il incombe à la Requérante d’établir que la demande est conforme aux dispositions de la Loi et qu’aucun des motifs d’opposition soulevés par l’Opposante ne fait obstacle à l’enregistrement de la marque de commerce visée par la demande [voir Joseph E Seagram & Sons Ltd et al c. Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 CPR (3d) 325 (COMC); John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CFPI) et Wrangler Apparel Corp c. The Timberland Company (2005), 41 CPR (4th) 223 (CFPI)].

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i)

[7]               L’alinéa 30(i) de la Loi exige que la Requérante se déclare convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises et les services décrits dans la demande. Une telle déclaration est présentée dans la demande. Une opposante peut se fonder sur l’alinéa 30(i) dans des cas précis, notamment lorsque la mauvaise foi de la requérante est alléguée [voir Sapodilla Co Ld c. Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Il n’y a aucune allégation de cette nature dans la déclaration d’opposition ni aucune preuve au dossier à ce sujet.

[8]               Par conséquent, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i) de la Loi.

Motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(1)(b) et 16(3)(b) de la Loi

[9]               Il incombe à l’Opposante de prouver que sa demande produite antérieurement était en cours à la date de publication de la présente demande (le 25 novembre 2009) [consulter l’alinéa 16(4) de la Loi]. La demande 606562 sur laquelle se fonde l’Opposante pour appuyer ces motifs d’opposition a été produite le 11 mai 1988. Cependant, elle a fait l’objet d’un enregistrement le 24 février 1989 sous le numéro d’enregistrement LMC352209. Elle n’était donc plus en cours le 25 novembre 2009.

[10]           Par conséquent, je rejette ces motifs d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b) de la Loi

[11]           L’affidavit de M. Kunkel ainsi que certaines allégations contenues dans l’affidavit de M. Maguire abordent le sujet de la date revendiquée de premier emploi de la Marque au Canada par la Requérante en liaison avec les Marchandises et les Services1.

[12]           M. Kunkel est vice-président et directeur général du bureau d’enquête privé Mitchell Partners Investigation Services (Mitchell). En mai 2010, Mitchell a été retenu par la firme d’agents de l’Opposante pour mener une enquête relativement à la date de premier emploi apparent de la Marque par la Requérante ou tout prédécesseur en titre revendiqué. On a demandé à M. Kunkel de tenter de situer le tout premier emploi apparent de la Marque au Canada par la Requérante, et de voir spécifiquement s’il pouvait situer toute référence à la marque de commerce employée par la Requérante depuis « au moins aussi tôt que 1997 ». Il déclare avoir utilisé Internet pour mener diverses recherches, y compris le moteur de recherche Google à l’aide de divers mots de recherche comme la Marque, FILE NEXUS, LORIS, LORIS TECHNOLOGIES, et 1997 ainsi qu’une combinaison de ces mots et d’autres. Il cherchait alors des références ou la présence de FILENEXUS ou FILE NEXUS en liaison apparente avec le commerce, les marchandises ou les services de la Requérante.

[13]           Il a cherché dans le site Web de la Requérante pour tenter de trouver des références à la Marque depuis au moins aussi tôt que 1997. Ces recherches ont été menées au cours de la semaine du 23 au 26 mai 2010.

[14]           Sa conclusion est qu’au moment de ses recherches, la première référence qu’il a trouvée de l’emploi de la Marque par la Requérante remonte approximativement à l’an 2000; cette référence a été découverte sur une fiche technique en ligne datée de « janvier/00 ». Il a produit une copie de ce document.

[15]           Ses recherches dans le site Web de la Requérante ont révélé qu’il comporte une section réservée à la promotion de la Marque, et qu’une partie de cette section du site Web de la Requérante fournit diverses « études de cas » en lien avec la Marque. Il n’a pas été en mesure de trouver aucune mention de la Marque sur le site Web avant 2000. La première étude de cas qui fait référence à la Marque remonte à l’année 2001. Elle apparaît dans une publication datant de 2004, mais le corps du texte comporte des références à ICI Canada Inc. comme ayant installé en 2001 un produit portant la Marque de la Requérante et il a produit une copie de la publication.

[16]           Il conclut en déclarant qu’il n’a pu situer aucune référence sur le site Web de la Requérante ni nulle part ailleurs dans Internet suggérant l’emploi de la Marque au Canada ni ailleurs par la Requérante « au moins aussi tôt que 1997 ». La première référence qu’il a pu situer était dans les années 2000 et 2001.

[17]           M. Colin Maguire est le chargé de compte –logiciels de gestion du contenu d’entreprise (ECM) pour IBM Canada Ltd. (IBM Canada), une filiale en propriété exclusive de l’Opposante. Il est responsable des ventes et de la promotion des marques de gestion du contenu d’entreprise (ECM) de l’Opposante au Canada, y compris la marque FILENET. Il occupe ce poste depuis la fin de 2006, au moment où IBM a fait l’acquisition de la marque et des activités commerciales de FILENET auprès de FileNet Corporation, une compagnie mère de son ancien employeur FileNet Canada Inc. Depuis janvier 1997, il occupe les mêmes fonctions de chargé de compte pour FileNet Canada Inc. Il était l’une des personnes responsables des ventes et de la promotion de la marque et des produits FILENET au Canada.

[18]           M. Maguire soutient qu’il n’avait aucune connaissance de l’emploi par la Requérante de la Marque au Canada depuis 1997. Il n’a appris l’existence de FILENEXUS que très récemment. Il déclare que compte tenu de son rôle de chargé de compte pour la marque FILENET depuis 1997, si un concurrent avait employé une marque de commerce semblable telle que FILENEXUS dans son domaine, il se serait attendu que la marque et les activités commerciales soient rapidement portées à son attention.

[19]           Compte tenu de cette preuve, je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial, qui a été qualifié de léger [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990) 30 CPR (3d) de 293 à 298]. Le fardeau de preuve est donc transféré à la Requérante, qui doit prouver qu’elle employait la Marque à la date revendiquée de premier emploi, nommément en 1997 (qui, en fait, est présumée être le 31 décembre 1997, voir Khan c. Turban Brand Products Ltd (1984), 1 CPR (3d) 388 (COMC)) en liaison avec les Marchandises et les Services1.

[20]           M. Bevan est le président de la firme de la Requérante depuis 1984. Il déclare que la Requérante s’est incorporée en 1980 sous le nom Brass Tabs Investments Inc. En 1994, l’entreprise a changé son nom pour Information Bridge Technologies Inc et finalement, en 1998, l’entreprise a changé son nom pour celui qu’elle porte présentement.

[21]           Il déclare que la Requérante est un développeur de logiciels de création d’images et de gestion de documents. Il affirme que la Requérante est le créateur et développeur d’un logiciel lié à la Marque. Ce logiciel permet aux utilisateurs d’indexer, de regrouper et d’archiver tous les dossiers et fichiers de pratiquement tous les types et de pratiquement toutes les sources à l’intérieur d’une seule et même base de données électronique cohésive. Le logiciel permet entre autres aux utilisateurs de récupérer des dossiers et des fichiers et de gérer adéquatement le déroulement des opérations de ces dossiers et fichiers.

[22]           Il soutient que depuis au moins 1997, la Requérante vend, dans la pratique normale du commerce, des licences pour utiliser le logiciel en liaison avec la Marque pour la gestion des documents. Il affirme que le client conserve les disques compacts sur lesquels le logiciel est gravé, mais la Requérante demeure propriétaire du logiciel FILENEXUS.

[23]           Il affirme que depuis 1997 et jusqu’à ce jour, le logiciel FILENEXUS est vendu et livré aux consommateurs en format disque compact (CD). Sur le CD, la Marque était et continue d’être affichée sur la face du CD. Il déclare qu’aucun CD original contenant le logiciel FILENEXUS de 1997 n’a pu être trouvé. Cependant, il a produit une photocopie de la marque du CD original de démonstration (pièce D) employé pendant la période de 1997-2000 par les employés de la Requérante pour donner des présentations à des clients potentiels. Il affirme que la Marque, telle que montrée à la pièce D, est demeurée la même et a été affichée sur la face des CD du logiciel FILENEXUS produit au Canada et vendu et expédié aux consommateurs au Canada et aux États-Unis depuis 1997 jusqu’à aujourd’hui. Dans le cas des clients situés aux États-Unis, la Requérante leur expédie les CD affichant la Marque sur l’étiquette à leur adresse aux États-Unis.

[24]           Il soutient que depuis au moins 1997, lorsqu’un client achète le logiciel FILENEXUS, la Requérante fournit les services suivants :

Soutien technique pour installer le logiciel FILENEXUS sur le système informatique du client;

Soutien technique pour adapter le logiciel FILENEXUS aux applications et aux besoins particuliers du client;

Formation des employés du client sur la manière d’exploiter le logiciel FILENEXUS;

Soutien technique permanent et réponse aux questions opérationnelles, travaux d’entretien sur le système FILENEXUS au besoin.

 

[25]           M. Bevan déclare qu’en 1997, la Requérante a installé son logiciel de gestion de documents FILENEXUS au Centre de santé St-Joseph (St-Joseph) de Toronto, en Ontario. Il a été installé afin de gérer les documents et les fichiers relatifs aux services des comptes des patients et de la paie. Il affirme que sur le CD qui a été fourni, la Marque était affichée de la même manière que sur le CD de démonstration produit à la pièce D. Il déclare que les techniciens de la Requérante ont installé le logiciel FILENEXUS à St-Joseph et que le processus d’installation comprenait l’adaptation du logiciel FILENEXUS au compte afin de répondre aux besoins particuliers de St-Joseph. La Requérante a également fourni une formation et un soutien permanent au personnel de St-Joseph qui utilise le logiciel FILENEXUS.

[26]           M. Bevan a produit à la pièce E un CD contenant une vidéo du directeur du service des comptes des patients à St-Joseph qui présente un court témoignage des avantages du logiciel FILENEXUS; il déclare « J’utilise FILENEXUS depuis 1996 ». Il a produit un autre CD contenant une vidéo du coordonnateur de la paie à St-Joseph qui déclare « Nous utilisons FILENEXUS depuis environ quatre ans maintenant ». Ces vidéos ont été créées par la Requérante en 2000 en tant que témoignages aux fins de future promotion du logiciel FILENEXUS et des services connexes.

[27]           L’Opposante s’est prononcée contre cette partie de la preuve en alléguant que son contenu était une preuve par ouï-dire inadmissible. Aucun affidavit n’a été produit par les personnes qui font les déclarations dans la vidéo, et qui confirment que ces déclarations sont véridiques. L’Opposante n’a pu contre-interroger ces personnes et finalement, la Requérante n’a fourni aucune raison pour laquelle il était impossible d’obtenir un affidavit de ces personnes ou de tout autre représentant de St-Joseph [voir R c. Khan [1984]2 SCR 62]. À ce titre, j’exclus le contenu de ces vidéos de la preuve de la Requérante.

[28]           M. Bevan soutient qu’en 1997, la Requérante a vendu son logiciel FILENEXUS à Richmond Hill Hydro situé à Richmond Hill, en Ontario. Il affirme qu’il fait maintenant partie de PowerStream, une compagnie de distribution d’électricité qui est la propriété exclusive de la municipalité. Il affirme qu’au moment de la livraison, des CD du logiciel FILENEXUS ont été fournis et chacun de ces CD portait la Marque affichée sur la face du CD.

[29]           M. Bevan explique que le logiciel FILENEXUS a été installé à Richmond Hill Hydro avec l’aide de la Requérante afin de gérer leurs documents et leurs fichiers électroniques sur les consommateurs, nommément pour indexer, regrouper et classer de tels documents dans un seul répertoire électronique cohésif et y accéder ensuite pour récupérer cette information, ces documents et ces fichiers au besoin.

[30]           M. Bevan a produit à la pièce G un CD contenant une vidéo du superviseur des systèmes d’information à Richmond Hill Hydro dans lequel il déclare « Nous avons installé FILENEXUS au début de 1997 ». La vidéo a été créée par la Requérante en 2000 en tant que témoignage aux fins de future promotion du logiciel FILENEXUS et des services connexes. Pour les mêmes raisons que celles mentionnées ci-dessus concernant les autres vidéos de même nature, je maintiens l’objection de l’Opposante et je ne tiens pas compte de cette portion de la preuve dans le dossier.

[31]           Il a produit à la pièce H une copie du bon d’achat no 8014 daté du 12 septembre 1997 concernant l’achat du logiciel FILENEXUS et les services d’installation, de formation et de soutien connexes. Dans le cadre de cette transaction, l’acheteur était une entreprise nommée Labelad/Sandylion (Labelad) et située à Markham, en Ontario. Le vendeur est identifié comme étant Prism Computer Concepts (Prism). M. Bevan soutient qu’en 1997, Prism était un détaillant autorisé pour la Requérante. M. Bevan soutient que Prism n’a offert que le service de vente. La Requérante a fourni et installé le logiciel FILENEXUS. Elle a également fourni les services de formation et de soutien au client. Il a produit à la pièce I une copie du contrat de services de soutien/horaire de services de soutien mensuels entre la Requérante et Labelad en lien avec l’achat du logiciel FILENEXUS. L’entente de services de soutien concerne le soutien de maintenance du logiciel FILENEXUS pour la période du 14 novembre 1997 et 13 décembre 1997.

[32]           M. Bevan a fourni le total des chiffres de ventes pour l’année 1997. Ils s’élevaient à approximativement 50 000 $.

[33]           À partir de cette preuve, l’Opposante a soulevé quatre questions principales : il n’y a aucune preuve documentaire de vente unique par la Requérante des Marchandises en liaison avec la Marque au 31 décembre 1997; il n’y a aucune preuve que les Services1, si réalisés en 1997, l’ont été en liaison avec la Marque; si des marchandises et des services ont été vendus en liaison avec la Marque, ils n’étaient pas les Marchandises et Services1; et finalement, si une marque de commerce a été employée en liaison avec les Marchandises et Services1 en 1997, il ne s’agissait pas de la Marque.

[34]           De toute évidence, la production d’une facture prouvant la vente par la Requérante des Marchandises et Services1 en liaison avec la Marque constituerait la meilleure preuve. Cependant, je dois analyser la preuve dans son ensemble, y compris le contre-interrogatoire de M. Bevan. Il faut comprendre que la date alléguée de premier emploi remonte à plus de 15 ans. La preuve documentaire produite par M. Bevan et son contre-interrogatoire ne contredisent pas cette date de premier emploi et certains éléments appuient une telle date, par exemple, le bon d’achat produit à la pièce H et le contrat de services de soutien/horaire de services de soutien mensuels produit à la pièce I de l’affidavit de M. Bevan.

[35]           En ce qui concerne l’argument selon lequel si la Marque était employée à la date revendiquée de premier emploi, ce n’était pas en liaison avec les Marchandises et Services1, l’Opposante allègue que, comme l’a admis M. Bevan lors de son contre-interrogatoire, le système de la Requérante a évolué au fil des ans. Au début, nommément à la fin de 1996 et en 1997, il consistait en un processus d’imagerie de documents. Aucune date ne précise quand le logiciel de la Requérante a réussi à gérer les documents numérisés. M. Bevan a clairement expliqué lors de son contre-interrogatoire que le processus de numérisation constituait le début du système de la Requérante et qu’à la fin de 1997, la Requérante avait amélioré son système. En résumé, le logiciel de la Requérante était à toutes les dates pertinentes un logiciel informatique permettant de capturer, d’indexer, de regrouper et de stocker les documents aux fins d’accès et de récupération électroniques subséquents.

[36]           Je conclus que la description des diverses fonctions du logiciel de la Requérante et des services fournis par la Requérante, qui remontent à 1997 en liaison avec un tel système, et décrits par M. Bevan dans son affidavit et lors de son contre-interrogatoire correspondent à la description des Marchandises et Services1.

[37]           Finalement, l’Opposante allègue que la marque de commerce qui apparaît sur le CD n’est pas la Marque, car le mot FILE est écrit à la première ligne; sous ce mot est écrit le mot NEXUS; et dans la portion supérieure droite de ce mot, il y a l’inscription « tm » laissant supposer que la marque de commerce est NEXUS. Je considère l’emploi de FILE et NEXUS écrits sur deux lignes séparées comme l’emploi de la Marque [voir Promafil Canada Ltd c. Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59].

[38]           Je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau de faire la preuve que la Marque était employée au Canada en liaison avec les Marchandises et Services1 à la date revendiquée de premier emploi et par conséquent, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b) de la Loi.

Motifs d’opposition fondés sur la probabilité de confusion avec la marque de commerce de l’Opposante

[39]           Le reste des motifs d’opposition (alinéas 16(1)(a), 16(3)(a), 12(1)(d) et caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2 de la Loi) tournent tous autour de la question de probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce FILENET de l’Opposante. Chacun de ces motifs d’opposition doit être abordé à différentes dates, mais dans ce dossier, le meilleur des cas pour l’Opposante est le motif d’opposition fondé sur l’enregistrabilité, car elle n’a pas à établir l’emploi antérieur de sa marque de commerce. Si les marques en cause ne créent présentement aucune confusion, elles ne créeraient aucune confusion aux dates pertinentes antérieures (date de premier emploi de la Marque, date de production de la demande ou date de production de la déclaration d’opposition) en tenant pour acquis que l’Opposante se serait acquittée de son fardeau de preuve à l’une ou l’autre de ces dates.

[40]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial de preuve relativement au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) si l’enregistrement sur lequel elle s’appuie est en règle à la date de ma décision. Le registraire a le pouvoir de vérifier le registre afin de confirmer l’existence des enregistrements sur lesquels une opposante s’appuie [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada ltée c. Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

[41]           Une copie certifiée de l’enregistrement LMC352209 pour la marque de commerce FILENET a été produite dans le cadre de l’affidavit de M. Maguire. J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et je note que cet enregistrement demeure en vigueur. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à cet égard.

[42]           Le test en matière de confusion est précisé à l’article 6(2) de la Loi. Certaines des circonstances de l’espèce dont il faut tenir compte lors de l’évaluation de la probabilité de confusion entre deux marques de commerce sont décrites à l’article 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou les noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les nom commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [voir Clorox Co c. Sears Canada Inc (1992), 41 CPR (3d) 483 (CFPI) et Gainers Inc c. Marchildon (1996), 66 CPR (3d) 308 (CFPI)].

[43]           Le juge Binnie de la Cour Suprême du Canada a commenté l’évaluation de ces critères [voir Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 et Mattel Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321]. Le facteur le plus important est souvent le degré de ressemblance entre les marques [voir Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc et al (2011), 96 CPR (4th) 361 (CSC)].

Caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[44]           Aucune des marques en l’espèce ne possède de caractère distinctif inhérent marqué. La marque de commerce de l’Opposante est composée de deux mots communs anglais, « File » et « Net ». Le mot « file » est défini dans le Dictionary of Computer and Internet Terms (pièce E de l’affidavit de M. Legault) comme suit : « un bloc d’information emmagasiné sur un disque, une cassette ou un médium similaire » [traduction]. Le mot « net » est défini dans le Random House Webster’s Unabridged Dictionary (pièce O de l’affidavit de M. Legault) comme suit : « 9. Tout réseau comportant des ordinateurs et de l’équipement de télécommunications » [traduction]. La combinaison « Filenet » suggère donc à tout le moins des produits informatiques.

[45]           Le mot « Nexus » est défini dans le Random House Webster’s Unabridged Dictionary comme « un moyen de connexion; raccord, lien » [traduction]. La combinaison « file » et « nexus » suggère donc le caractère du logiciel de la Requérante en ce sens qu’il relierait divers fichiers informatiques.

[46]           Une marque de commerce peut acquérir un caractère distinctif par son emploi ou sa promotion au Canada. J’examinerai maintenant la preuve des parties concernant cette question.

[47]           À la preuve de la Requérante déjà décrite ci-dessus en vertu du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b) de la Loi, je dois considérer les faits supplémentaires suivants. M. Bevan a fourni les revenus annuels de ventes du logiciel FILENEXUS ainsi que de la réalisation des services connexes de 1997 à 2010, qui varient de 50 000 $ à plus de 1 million $, et ils s’élèvent à un total de plus de 10 millions $. Il a produit à la pièce L un échantillon représentatif des factures de la Requérante couvrant la période de 1997 à 2011, toutes en lien avec la vente au Canada ou aux États-Unis du logiciel FILENEXUS et de la réalisation au Canada des services connexes. Il allègue que, présentement, le prix pour une vente et une installation typiques du logiciel FILENEXUS pour un client au Canada se situera aux alentours de 50 000 $ à 100 000 $.

[48]           Il déclare que pour les années 2001 à 2010, 35 % du total des ventes étaient attribuables aux ventes du logiciel FILENEXUS et qu’approximativement 65 % du total des ventes étaient attribuables aux services liés à FILENEXUS. Il allègue que pour cette même période, approximativement 85 % des revenus provenaient des clients au Canada et 15 % des clients aux États-Unis.

[49]           M. Bevan allègue que de 1997 à aujourd’hui, la Requérante a annoncé son logiciel FILENEXUS et ses services connexes au Canada par le biais de différents médias tels que l’Internet et des médias imprimés. À titre d’exemple, il a produit des imprimés des pages d’accueil du site Web de la Requérante de 2001 à 2004. Il a également produit une copie de la brochure de FILENEXUS créée vers 2000 et distribuée aux clients potentiels et réels au Canada. Il soutient que depuis 2000, la Requérante a distribué au moins plusieurs milliers de copies de cette brochure.

[50]           À partir de cette preuve, je conclus que la Marque de la Requérante est connue au Canada dans une certaine mesure.

[51]           M. Colin Maguire présente un historique de l’Opposante, mais je limiterai mon résumé de sa preuve aux faits liés aux produits de l’Opposante vendus en liaison avec la marque de commerce FILENET.

[52]           M. Maguire explique qu’IBM Canada est détentrice d’une licence au Canada des diverses marques de commerce enregistrées et non enregistrées de l’Opposante, y compris la marque de commerce enregistrée FILENET, en vertu de laquelle l’Opposante exerce un contrôle direct ou indirect sur l’emploi de telles marques par IBM Canada. Comme il est mentionné précédemment, la pièce A de son affidavit est une copie certifiée de l’enregistrement LMC352,209 pour la marque de commerce FILENET enregistrée en liaison avec « Matériel informatique, logiciels et périphériques; systèmes administratifs automatisés pour le stockage, la récupération, la manipulation et le traitement de documents administratifs » pour un emploi au Canada depuis au moins aussi tôt que 1985. Avant l’acquisition par l’Opposante de la marque et du commerce FILENET, ces derniers étaient la propriété de FileNet Corporation et ensuite de FileNet Canada, Inc (désignés globalement par « FileNet »).

[53]           M. Maguire affirme que FileNet a fait œuvre de pionnier dans un domaine qui a par la suite été connu comme la Gestion de contenu d’entreprise (ECM), domaine qui représente en général des méthodes et des technologies permettant de capturer, de stocker, de gérer et de contrôler le contenu informatif et documentaire d’une organisation et qui concerne aujourd’hui la gestion des processus commerciaux, la gestion des dossiers, la gestion des courriels, la gestion du contenu Web et plus encore. Aux débuts, dans ce domaine, le terme ECM n’était pas utilisé. L’accent était plutôt mis sur les technologies et les méthodes en lien avec la « formation d’images de documents » et le « déroulement des opérations – activités ». Il allègue que vers 1985, FileNet est devenue la première entreprise à créer un système d’imagerie documentaire pour les entreprises à déboucher sur une réussite commerciale. Elle a mis sur le marché le premier logiciel commercial de gestion des processus administratifs de même que le premier extrant informatique sur disque laser.

[54]           Pour appuyer son affirmation que la croissance et le succès de la marque et du commerce FILENET étaient internationaux, il a produit les rapports annuels de l’entreprise FileNet pour les années 1994 à 1997 inclusivement. Malgré le fait que de tels rapports réfèrent à des ventes au Canada, aucun chiffre de ventes n’est mentionné pour le Canada. De plus, les chiffres de ventes à l’échelle mondiale ne sont pas ventilés par marque de commerce et par produit. Par conséquent, ces documents n’aident pas beaucoup à déterminer la mesure dans laquelle la marque de commerce FILENET de l’Opposante est devenue connue au Canada pendant cette période.

[55]           Cependant, M. Maguire soutient que tout au long de sa carrière avec la marque FILENET, FileNet et l’Opposante ont toujours réalisé des chiffres de ventes de plusieurs millions de dollars au Canada. Il a fourni les chiffres de ventes annuels au Canada pour les produits et les services de la marque FILENET qui remontent à 1996. Ces chiffres vont de plus de 3,5 millions $ CDN à plus de 18,5 millions $ CDN. Il a produit à la pièce G une photographie d’un échantillon de « boîte à bijoux » logiciel affichant la marque de commerce FILENET. Il allègue que la marque de commerce FILENET apparaîtrait généralement sur tous les produits, les emballages et le matériel promotionnel de FILENET de la même manière.

[56]           M. Maguire soutient que la marque FILENET est également employée depuis aussi tôt que le début des années 1990 pour vendre divers services connexes à ces produits et en faire la promotion, par exemple : services de consultation pour rencontrer les clients et discuter de leurs besoins commerciaux, répondre à ces besoins avec des exigences de systèmes, des technologies et des concepts architecturaux afin de mettre au point un plan de projet pour mettre en œuvre la solution personnalisée; gérer l’installation et la configuration du système; fournir des services de mentorat; des services de mise à l’essai et des services d’enseignement et de formation.

[57]           La marque FILENET a été annoncée dans des médias traditionnels (voir publicité dans la revue Fortune en 2004, produite à la pièce H). De plus, entre environ 1987 et 2006, et par après par l’Opposante, FileNet a donné des conférences annuelles « UserNet » dans d’importantes villes de conventions destinées aux utilisateurs et aux clients potentiels des produits FileNet. Il a produit à la pièce I le document de bienvenue de la conférence de 2006 tenue à Dallas, Texas pour le 20e anniversaire des conférences FileNet UserNet. Je note qu’aucune conférence canadienne n’est mentionnée, mais M. Maguire déclare qu’un grand nombre de clients du Canada participent aux conférences et qu’il existe depuis de nombreuses années un chapitre canadien distinct, mais aucun détail n’a été fourni à ce sujet.

[58]           M. Maguire allègue que FileNet a fait parvenir à ses clients et aux clients potentiels à travers le monde, y compris au Canada, des publications périodiques, telles que « FileNetconnex », afin de promouvoir les produits FileNet et faire du développement d’affaires. Il a produit un exemple représentatif qui a été publié en 1999. Cependant, nous n’avons aucune information sur l’étendue de sa distribution au Canada.

[59]           M. Maguire affirme que l’Opposante continue de promouvoir la marque FILENET sur ses sites Web et il a produit des exemples de copies papier de ces sites Web à la pièce K.

[60]           À la lumière de cette preuve, je conclus que la marque de commerce FILENET de l’Opposante est également connue au Canada. En comparant l’ampleur des chiffres de ventes des parties respectives, je constate que la marque de commerce FILENET de l’Opposante est plus connue au Canada que la Marque. Par conséquent, le premier facteur favorise l’Opposante.

La période pendant laquelle les marques de commerce ou les noms commerciaux ont été en usage

[61]           Je constate que la preuve de M. Maguire, dans son ensemble, y compris les allégations de ventes annuelles réalisées au Canada depuis 1996, la production d’un échantillon de « boîte à bijoux » logiciel affichant la marque de commerce FILENET et la production d’une brochure faisant la promotion des activités commerciales de l’Opposante distribuée en 1999 en liaison avec la marque de commerce FILENET, suffit à conclure que la marque de commerce FILENET de l’Opposante a été en usage au Canada depuis au moins 1996 en liaison avec des logiciels et en usage depuis au moins 1999 en liaison avec des services connexes.

[62]           Pour ce qui est de la Marque, la preuve décrite ci-dessus me porte à conclure qu’elle était en usage au Canada depuis au moins décembre 1997 en liaison avec les Marchandises et les Services1.

Le genre de marchandises, services ou entreprises; et la nature du commerce

[63]           Il est évident, à partir de la description des Marchandises et Services et des marchandises et services de l’Opposante vendus en liaison avec la marque de commerce FILENET, que leur genre est similaire.

[64]           Pour ce qui est de la nature des commerces des parties, je note que M. Maguire déclare dans son affidavit que depuis son acquisition par l’Opposante (fin de 2006, car la date exacte n’est pas précisée), les produits de la marque FILENET sont commercialisés et vendus à des organisations de toutes tailles – petites, moyennes et grandes. Il est possible d’acheter ces produits directement auprès d’IBM Canada, ainsi qu’auprès de tiers qui sont des revendeurs autorisés de logiciels IBM. Il explique qu’en général, ces revendeurs font affaire avec des petites et moyennes entreprises qui désirent obtenir le matériel et le logiciel original ensemble; de tels clients peuvent également demander ou recevoir les versions originales des logiciels FILENET dans l’ensemble. Ces revendeurs n’offrent pas exclusivement les produits de l’Opposante, mais sont plutôt libres d’offrir des logiciels d’ECM d’autres entreprises et concurrents dans le domaine.

[65]           La Requérante allègue que les marchandises et services des parties respectives ne sont pas vendus et ne sont pas offerts au public en général. Les services et les marchandises visent plutôt des dirigeants de sociétés de haute technologie responsables des systèmes informatiques et de la gestion des activités commerciales de l’entreprise. La Requérante allègue également que lorsque des produits ou services sont susceptibles d’être vendus uniquement à des clients professionnels, la probabilité de confusion est réduite. De plus, la Requérante allègue que les services des parties respectives sont complexes et dispendieux.

[66]           Dans Masterpiece supra, le juge Rosthein a déclaré ce qui suit :

La Cour a affirmé que les consommateurs qui sont à la recherche de biens onéreux sont moins susceptibles de confondre des marques de commerce, mais le critère demeure celui de la « première impression ». Dans ses motifs, le juge s’est fondé sur l’importance et le coût des biens et des services onéreux pour modifier le critère relatif à la probabilité de confusion. Selon lui, le critère applicable n’était pas celui de la première impression que laisse dans l’esprit des consommateurs la vue d’une marque de commerce, mais plutôt le « peu [de probabilité selon laquelle les consommateurs] basent leur choix sur une première impression ». Cette démarche n’est pas compatible avec le critère en matière de confusion énoncé au par. 6(5) de la Loi, qui a été constamment repris par la Cour, tout récemment d’ailleurs dans Veuve Clicquot.
68            Bien qu’il faille l’appliquer dans toutes les situations, le critère fondé sur l’hypothèse, qui sert à décider s’il y a probabilité de confusion, est assez souple pour refléter la remarque faite par le juge Binnie dans Mattel, par. 58 :

Il prend naturellement plus de précautions s’il achète une voiture ou un réfrigérateur, que s’il achète une poupée ou un repas à prix moyen.

69          Toutefois, ces précautions ou cette attention, qui constituent l’un des éléments du critère — plus large — fondé sur l’hypothèse, doivent avoir trait à l’attitude du consommateur s’apprêtant à faire un achat important ou coûteux lorsqu’il voit la marque de commerce, et non pas à ses recherches ou précautions ultérieures. Le juge Rand a affirmé ce qui suit dans General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678, p. 692 :

[TRADUCTION] Les mots dans cette situation [réfrigérateurs] contribuent‑ils aux vagues impressions ou souvenirs erronés de la personne ordinaire qui s’apprête à faire un achat? [Je souligne.]

70          Cette question porte principalement sur l’attitude du consommateur qui s’apprête à faire un achat. Or, l’examen convenable de la nature des marchandises, des services ou de l’entreprise en cause doit tenir compte du fait que la probabilité que des marques de commerce créent de la confusion peut être moins grande lorsque le consommateur est à la recherche de marchandises ou de services importants ou onéreux. Il n’en demeure pas moins que cette probabilité moins grande est toujours fondée sur la première impression du consommateur lorsqu’il voit les marques en question. Le consommateur à la recherche de marchandises ou de services onéreux pourra n’avoir qu’un vague souvenir d’une marque de commerce qu’il a déjà vue, et il portera probablement un peu plus attention à la marque de commerce qui identifie les marchandises ou services qu’il est en train d’examiner, notamment quant aux similitudes ou différences entre cette marque et celle déjà vue. Comme l’a affirmé le juge Binnie dans Mattel, les marques de commerce sont des raccourcis offerts aux consommateurs. Cette affirmation s’applique, peu importe que les consommateurs soient à la recherche de marchandises ou de services plus ou moins onéreux.
71           Il est sans importance que, comme l’a conclu le juge de première instance, « il [soit] peu probable [que les consommateurs] basent leur choix sur une première impression » ou que, « [e]n règle générale, ils consacrent un temps appréciable à s’informer sur la source de biens et services qui coûtent cher » (par. 43). En effet, tant les recherches ultérieures que l’achat qui s’ensuit ont lieu après que le consommateur a vu une marque.
72          Cette distinction est importante, car, malgré ce degré d’attention accru, il peut tout de même subsister la probabilité que des marques de commerce créent de la confusion chez le consommateur à la recherche de biens et de services onéreux. Cela dit, une telle confusion peut se dissiper après mûre réflexion au terme de recherches approfondies. Toutefois, cela ne veut pas dire que le consommateur de biens onéreux ne peut bénéficier de la protection du régime des marques de commerce parce qu’il fait preuve de prudence et de méfiance. Ce qui compte, c’est la confusion qui naît dans son esprit lorsqu’il voit les marques de commerce. Il ne faut pas déduire de la dissipation ultérieure de la confusion au terme de recherches approfondies qu’elle n’a jamais existé ou qu’elle cessera de subsister dans l’esprit du consommateur qui n’a pas fait de telles recherches.
73          D’ailleurs, avant qu’elle ne soit dissipée, une telle confusion peut amener le consommateur à rechercher, considérer ou acheter les marchandises ou les services d’une source dont il ignorait jusque‑là l’existence ou à laquelle il ne s’était pas auparavant intéressé, et, partant, diminuer la valeur de l’achalandage rattaché à la marque de commerce et à l’entreprise à laquelle le consommateur croyait initialement avoir affaire en voyant la marque de commerce. Induire ainsi le consommateur en erreur est l’un des maux que la législation sur les marques de commerce vise à enrayer. Les consommateurs de marchandises ou de services onéreux et les propriétaires des marques de commerce qui y sont associées ont autant droit de bénéficier du régime des marques de commerce, notamment en matière de protection, que ceux qui achètent ou vendent des marchandises ou des services peu coûteux.
74          Pour ces raisons, j’estime que la décision du juge de première instance de faire abstraction de la probabilité de confusion en examinant ce que le consommateur était susceptible de faire au vu d’une marque était erronée. Il aurait plutôt dû s’en tenir à la question de savoir comment le consommateur ayant un vague souvenir de la marque de Masterpiece Inc. aurait réagi en voyant celle d’Alavida. Comme on peut s’attendre à ce que le consommateur à la recherche d’une résidence de luxe pour personnes âgées porte un peu plus attention à la marque de commerce qu’il voit pour la première fois que le consommateur de marchandises ou services moins onéreux, la question du coût n’est pas dénuée de pertinence. Toutefois, cette question ne mènera vraisemblablement pas à une conclusion différente dans les cas où l’existence d’une forte ressemblance donne à penser qu’il y a probabilité de confusion et où les autres facteurs énoncés au par. 6(5) de la Loi ne militent pas fortement contre l’existence d’une telle probabilité.

[67]           Bien que les marchandises et les services des parties soient dispendieux et qu’ils seraient vendus à des dirigeants de sociétés de haute technologie responsables de l’achat de ces systèmes et services, je dois tout de même appliquer le test de la première impression, comme il est décrit ci-dessus.

[68]           Il existe donc un chevauchement dans la nature du commerce des parties. Ce facteur favorise l’Opposante.

Le degré de ressemblance

[69]           Comme mentionné ci-dessus, il s’agit du facteur le plus important. La première composante d’une marque de commerce est la plus importante. Cependant, lorsqu’un tel mot est un nom commun descriptif, comme c’est le cas pour « file » (fichier), une telle importance diminue [voir Vancouver Sushiman Ltd c. Sushiboy Foods Co (2002), 22 CPR (4th) 107 (COMC)].

[70]           L’Opposante allègue qu’il existe un degré de ressemblance raisonnable, car les deux marques contiennent la portion commune « filene ». Je ne crois pas qu’il s’agisse de la manière adéquate d’évaluer le degré de ressemblance entre les marques. Bien que les marques se ressemblent dans une certaine mesure, principalement en raison de la présence du préfixe « file », l’ajout du suffixe « nexus », qui diffère visuellement et dans le son, suffit à mon avis pour amoindrir l’effet de la présence du nom commun et suggestif « file » en tant que première composante des marques en l’espèce [voir Merial LLC c. Novartis Animal Health Canada Inc (2000), 11 CPR (4th) 191 à 198(CFPI)].

Autres circonstances de l’espèce

[71]           Les deux parties ont produit une preuve de l’état du registre. L’Opposante a produit l’affidavit de Mary P. Noonan qui était recherchiste en marques de commerce à l’emploi de la firme d’agents de l’Opposante. On lui a demandé d’effectuer des recherches dans la base de données canadienne des marques de commerce afin de trouver des enregistrements actifs de marques de commerce ou des demandes actives d’enregistrement de marques comportant l’élément nominal « FILEN » ou l’élément nominal « FILE » suivi d’un autre mot commençant par la lettre « N ». La recherche a été menée le 22 juillet 2010 et elle a produit des résultats. Cinq citations ont été trouvées, y compris la présente demande et l’enregistrement de l’Opposante. De ce nombre, trois citations sont totalement non pertinentes en termes de marchandises et services.

[72]           Cependant, la Requérante a produit l’affidavit de Lynda Palmer, une recherchiste indépendante en marques de commerce. Elle déclare que le 30 mars 2011, elle a effectué une recherche dans la base de données CDNameSearch qui tire son information directement de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC). Elle a d’abord effectué des recherches pour trouver des marques de commerce qui comportaient le mot « FILE » en liaison avec des biens ou des services liés aux ordinateurs. Elle a produit le rapport exhaustif préalable énumérant un résumé de 60 citations trouvées. Le 31 mars 2011 et le 1er avril 2011, elle a téléchargé les pages d’enregistrement ou de demande des marques énumérées dans le rapport exhaustif préalable.

[73]           De plus, la Requérante a produit l’affidavit de D. Jill Roberts, employée comme huissière adjointe de CEASE Bailiff Services Inc., entreprise située à Ottawa, Ontario. Ses services ont été retenus par la firme d’agents de la Requérante pour mener une série de recherches dans l’Internet. Le 31 mars 2011, elle a mené une recherche Internet sur Google pour le terme FILECATALYST et a produit une copie de la première page des résultats de la recherche. Elle a ensuite consulté le site Web www.filecatalyst.com et a effectué une recherche dans le site Web sur des éléments tels que la marque de commerce FILECATALYST et une description des produits et services.

[74]           Elle a effectué le même type de recherche pour les marques de commerce et les sites Web correspondants suivants :

FILE BANK                           www.filebank.ca

FILEMAKER                         www.filemaker.com

FILECOURIER                     www.enefilecourier.com

FILE-AID                               www.compuware.com and www.brothersoft.com

FILE-VAULT                                    (voir les noms de domaine mentionnés au para. 9 de son affidavit)

 

Elle a produit les pages Web auxquelles elle a accédé et qu’elle a téléchargées à partir de ces sites Web.

[75]           Avec cette preuve, la Requérante allègue que, non seulement le mot « FILE » est un élément commun de nombreuses marques de commerce en liaison avec des produits informatiques, mais également que ces marques sont employées sur le marché canadien. Tous ces sites Web sont des sites Web de tiers. Ce ne sont pas des sites Web officiels d’organisations bien connues où des renseignements fiables seraient admissibles à titre de preuve comme indiqué dans ITV Technologies Inc c. WIC Television Ltd (2003), 29 CPR (4th) 182 (CFPI). Je ne considère donc pas la production de ces pages Web comme une preuve de la certitude de leur contenu.

[76]           Cependant, comme il est expliqué en détail dans l’argument écrit de la Requérante [référence au paragraphe 54 de l’argument écrit de la Requérante], il y a 23 enregistrements ou demandes en attente de marques de commerce qui comportent l’élément « FILE » en liaison avec des logiciels ou des services informatiques.

[77]           La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où l’on peut, à partir de cette preuve, faire des inférences sur l’état du marché [voir Ports International Ltd c. Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c. Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CFPI)]. Des déductions sur l’état du marché ne peuvent être tirées qu’à partir de la preuve de l’état du registre où l’on trouve un grand nombre d’enregistrements pertinents [voir Maximum Nutrition Ltd c. Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. Le nombre de citations pertinentes me permet d’inférer que les consommateurs sont habitués de voir le terme « FILE » dans le cadre des marques de commerce en liaison avec des logiciels ou des services pertinents et qu’ils font la distinction entre ces marques.

[78]           De plus, la Requérante allègue qu’il n’y a eu aucune preuve de cas réels de confusion entre les marques en l’espèce. Pour appuyer un tel argument, la Requérante s’appuie sur la déclaration faite par M. Bevan dans son affidavit qu’à titre de président de la Requérante, il aurait été au courant de tout cas de confusion entre les marques. Bien que l’Opposante n’ait pas besoin de prouver les cas de confusion réelle pour appuyer une allégation de probabilité de confusion, le manque de preuve de cas réels de confusion, où il y a eu utilisation concomitante des marques sur une longue période de temps, peut être considéré comme un facteur pertinent pour appuyer une conclusion selon laquelle il n’y a aucune probabilité de confusion entre elles [voir Mattel, supra].

Conclusion

[79]           Compte tenu des facteurs de l’article 6(5) de la Loi discutés ci-dessus, et compte tenu plus particulièrement du fait que la marque de commerce FILENET de l’Opposante est une marque faible qui n’a droit à aucune vaste portée de protection, que les différences entre les marques des parties suffisent à les distinguer, de l’état de la preuve au registre et de l’absence de cas réels de confusion malgré l’utilisation concomitante des marques des parties depuis au moins 1997, je conclus qu’à toutes les dates pertinentes, la Requérante s’est acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque FILENET de l’Opposante.

[80]           Comme la différence dans les dates pertinentes n’aurait pas eu d’importantes répercussions sur l’analyse des facteurs énumérés à l’article 6(5) lors de l’évaluation de la probabilité de confusion en vertu des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(1)(a), 16(3)(a), 12(1)(d) et le caractère distinctif de la Marque en vertu de l’article 2 de la Loi, je rejette l’ensemble de ces motifs d’opposition pour les raisons précisées ci-dessus.

Décision

[81]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je repousse l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

 

 

_____________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Côté, trad. a.

 


Annexe A

 

 

 

Les motifs d’opposition pertinents peuvent se résumer comme suit :

 

1.      La demande ne respecte pas les exigences de l’alinéa 30(b) de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, c T-13, (la Loi) car la Requérante a déclaré avoir employé la Marque en liaison avec chacune des Marchandises et chacun des Services1 depuis la date de premier emploi revendiquée dans la demande, ce qui, à la connaissance de l’Opposante, n’est pas le cas; le fardeau de la preuve incombe donc à la Requérante;

2.      La Marque n’est pas enregistrable à la lumière de l’alinéa 12(1)(d) de la Loi puisque la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce FILENET que l’Opposante a réenregistrée, selon le certificat d’enregistrement LMC352209, enregistré le 24 février 1989;

3.      La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des alinéas 16(1)(a) et (b) de la Loi (en lien avec les revendications d’emploi de la Requérante) et des alinéas 16(3)(a) et (b) (en lien avec la revendication d’emploi proposé de la Requérante) car tant à la date de premier emploi de la Marque qu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce FILENET de l’Opposante employée précédemment au Canada et devenue connue au Canada par l’Opposante et son prédécesseur en titre et avec la marque de commerce FILENET de l’Opposante pour laquelle une demande d’enregistrement avait préalablement été produite au Canada par l’Opposante, demande 606562 produite le 11 mai 1988 et publiée sous le numéro LMC352209 le 24 février 1989;

4.      Selon l’alinéa 38(2)(d) de la Loi, la Marque n’est pas distinctive en vertu de l’article 2 parce qu’elle ne distingue pas les Marchandises et Services de la Requérante des marchandises et services de l’Opposante et que la Marque n’est pas apte à les distinguer en raison du fait que la marque de commerce FILENET a été employée et enregistrée précédemment par l’Opposante.

 

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