Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 64

Date de la décision : 2011-04-18

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Service Experts Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1261657 pour la marque de commerce CANADIAN HVAC SERVICE EXPERTS au nom de Pope and Sons Refrigeration Ltd.

 

[1]               Le 17 juin 2005, Pope and Sons Refrigeration Ltd. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce CANADIAN HVAC SERVICE EXPERTS (la Marque) fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada depuis au moins octobre 2000 en liaison avec les services suivants : « Services de maintenance, de réparation, d’entretien courant et d’installation pour plomberie, chauffage, climatisation, équipement de réfrigération, équipement de restauration, équipement fonctionnant à l’énergie solaire, équipement électrique, véhicules de plaisance, climatiseurs et équipement de réfrigération pour appareils de forage de pétrole en mer ainsi qu’équipement à énergie renouvelable. » (les Services de la Requérante). La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif des mots CANADIAN et SERVICE en dehors de la Marque.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 12 décembre 2007.

[3]               Le 7 mai 2008, Service Experts Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[4]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Timothy G. Inch. À l’appui de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de David Pope, d’Earl Scott et de Douglas Pope. Il n’y a pas eu de contre-interrogatoire.

[5]               Seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Aucune audience n’a été tenue.

Le résumé des motifs d’opposition et les dates pertinentes applicables

[6]               Les motifs d’opposition invoqués par l’Opposante sur le fondement de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) sont résumés comme suit :

1.            contrairement aux alinéas 38(2)a) et 30b), la Requérante n’a pas employé la Marque depuis au moins octobre 2000 en ce qui a trait à ses services;

2.            contrairement à l’alinéa 38(2)d) et à l’article 2, la Marque n’est pas distinctive des services de la Requérante parce qu’elle ne distingue pas, n’est pas adaptée à distinguer ni n’est apte à distinguer les services de la Requérante de ceux d’autres propriétaires et plus particulièrement des services en liaison avec lesquels la marque de commerce SERVICE EXPERTS de l’Opposante a été largement employée et continue d’être largement employée au Canada par l’Opposante;

3.            contrairement aux alinéas 38(2)a) et 30i), la Requérante ne pouvait déclarer être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque en liaison avec ses services à la lumière des faits susmentionnés.

[7]               Les dates pertinentes pour l’examen des motifs d’opposition sont les suivantes :

-      alinéa 38(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), p. 475];

 

-      alinéa 38(2)d)/article 2 – la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

 

 

Le fardeau de preuve

[8]               Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire suffisamment d’éléments de preuve à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

[9]               L’Opposante peut s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de l’alinéa 30b) en s’appuyant non seulement sur sa propre preuve, mais aussi sur celle de la Requérante [voir La Brasserie Labatt Limitée c. Les Brasseries Molson, Société en nom collectif (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), p. 230]. Or, si elle peut s’appuyer sur la preuve de la Requérante pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe, l’Opposante doit démontrer que cette preuve est « clairement » incompatible avec les prétentions figurant dans la demande de la Requérante.

[10]           En l’espèce, la Requérante revendique l’emploi de sa Marque depuis au moins octobre 2000, que l’on interprète comme le 31 octobre 2000. David Pope, le président de la Requérante, affirme que cette dernière a adopté la Marque depuis au moins octobre 2000 et que depuis ce temps, la Requérante emploie et continue d’employer largement la Marque au Canada en liaison avec des services de maintenance, de réparation, d’entretien courant et d’installation pour plomberie, chauffage, climatisation, équipement de réfrigération, équipement de restauration, équipement électrique, équipement à énergie renouvelable, équipement fonctionnant à l’énergie solaire et des véhicules de plaisance. Il fournit les chiffres de revenu annuel pour les services offerts en liaison avec la Marque pour chacun des exercices financiers de la Requérante entre 2000 et 2008. Il nous informe également qu’en octobre 2000, il a demandé à Scott Signs Ltd. d’imprimer la Marque sur toutes les fourgonnettes de service de la Requérante et que, après quelques mois, la Marque était imprimée sur toutes les fourgonnettes du parc. La Marque était également imprimée sur toutes les nouvelles fourgonnettes de service. David Pope a fourni une photo de deux fourgonnettes de la Requérante ainsi qu’une copie d’une facture datée du 10 avril 2001 émise par Scott Signs Ltd. concernant l’impression de la Marque sur une des fourgonnettes de la Requérante. Les autres déposants de la Requérante corroborent la preuve susmentionnée.

[11]           Douglas Pope est le propriétaire du tiers de la Requérante, conjointement avec son frère David et son père. Douglas Pope est également le président de Canadian HVAC Service Experts Inc., qui est une licenciée autorisée de la Requérante. En plus de la preuve déjà présentée par son frère, Douglas Pope nous indique que le 18 octobre 2000, il a changé le nom de l’une de ses sociétés, Douglas Pope Inc., pour Canadian HVAC Service Experts Inc. Il atteste que cette société est autorisée par la Requérante à employer la Marque et qu’en tout temps, la Requérante garde le contrôle sur la nature et la qualité des services offerts en liaison avec la Marque. Il fournit à titre de pièce E une copie de sa carte professionnelle, sur laquelle la Marque est apposée.

[12]           L’Opposante a prétendu que la Requérante n’a pas démontré de manière satisfaisante qu’elle a employé la Marque au moins depuis octobre 2000. Il est vrai que la Requérante n’a fourni que de simples déclarations au sujet du fait que la Marque était en usage à la date revendiquée. Il est également vrai qu’aucune des photos des fourgonnettes affichant la Marque ni la carte professionnelle de Douglas Pope n’étaient datées; les factures n’ont pas non plus été présentées pour prouver que les services ont été assurés à la date de premier emploi revendiquée. Je conviens que la Requérante n’a pas clairement démontré l’emploi de sa Marque depuis au moins octobre 2000, mais elle n’est pas obligée de le faire en l’absence de toute preuve démontrant qu’elle n’a pas réellement employé sa Marque comme elle le prétend. Bien que la preuve présentée par la Requérante manque de précisions, elle n’est pas clairement incompatible avec les prétentions figurant dans la demande, sauf à un égard. Aucun des éléments de preuve ne fait référence aux « climatiseurs et équipement de réfrigération pour appareils de forage de pétrole en mer ». L’omission de ce syntagme dans la simple déclaration d’emploi est manifestement incompatible avec la prétention figurant dans la demande. Par conséquent, le motif fondé sur l’alinéa 30b) est accueilli à l’égard de ce syntagme uniquement, qui devrait être effacé de l’état déclaratif des services. Je ne considère pas la preuve comme étant autrement incompatible avec les prétentions de la Requérante. L’Opposante avait le choix de contre‑interroger les déposants de la Requérante si elle voulait examiner ce qu’elle percevait comme des irrégularités dans leur affidavit, mais elle a décidé de ne pas le faire.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

[13]           Lorsque le requérant fournit la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsque la preuve permet d’établir la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. La Requérante a fourni la déclaration nécessaire et l’espèce n’est pas un cas exceptionnel; le motif fondé sur l’alinéa 30i) est donc rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif 

[14]           L’Opposante n’a pas invoqué ni prétendu que la Marque de la Requérante n’est pas distinctive parce qu’elle crée de la confusion avec sa marque; au contraire, l’Opposante a fait valoir que le caractère distinctif acquis par sa marque en date du 7 mai 2008 était suffisant pour annuler tout caractère distinctif de la Marque de la Requérante.

[15]           La preuve sur laquelle se fonde l’Opposante à l’appui de ce motif est l’affidavit de M. Inch. Monsieur Inch est le président de Lennox Canada Inc. Cette dernière est une filiale à cent pour cent de Lennox Inc., une société canadienne qui est une filiale à cent pour cent de l’Opposante, dont le principal établissement est au Texas. 

[16]           Monsieur Inch atteste que Lennox Canada Inc. est autorisée par l’Opposante à employer la marque de commerce SERVICE EXPERTS conformément à une licence conventionnelle jointe à titre de pièce TI-1. Cette licence est non-exclusive et en vigueur depuis le 2 février 2007.

[17]           Monsieur Inch atteste que l’Opposante, directement ou par l’entremise de ses licenciés, a offert les services suivants au Canada en liaison avec la marque SERVICE EXPERTS depuis au moins novembre 2001 : services de maintenance, de réparation, d’entretien courant et d’installation pour climatisation, chauffage, plomberie et équipement électrique. Les services sont notamment offerts sur le site Web www.serviceexperts.ca.

[18]           Monsieur Inch fournit la valeur en dollars de l’équipement vendu et des services offerts au Canada en liaison avec la marque SERVICE EXPERTS pour chacune des années entre 2002 et 2008. Toutefois, M. Inch affirme qu’il a été informé de ces chiffres par M. Gregg Barnard, le directeur des services de comptabilité générale de l’Opposante, qu’il croit vraiment. Dans Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), il a été établi que les déclarations formulées dans un affidavit sur la foi de renseignements et de croyances constituent à première vue une preuve par ouï‑dire inadmissible, à moins qu’elles ne respectent les critères de la nécessité et de la fiabilité. Monsieur Inch ne fournit aucun renseignement expliquant pourquoi M. Barnard n’a pas souscrit un affidavit pour présenter ces chiffres. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de conclure que M. Inch devait nécessairement fournir cette preuve par ouï‑dire. Je remarque que M. Inch et M. Barnard ne sont même pas employés par la même société.

[19]           Monsieur Inch atteste à sa connaissance personnelle qu’on fait la promotion des services de l’Opposante offerts sous la marque SERVICE EXPERTS au Canada depuis au moins novembre 2001 à la radio et par d’autres moyens, dont la commandite d’un tournoi de curling en février 2006. Bien que M. Inch fournisse les dépenses consacrées à la publicité pour les années 2002 à 2008, ces chiffres ont là encore été fournis par M. Barnard et sont uniquement présentés sur le fondement des renseignements et des croyances de M. Inch. Ce dernier fournit également des copies d’annonces publicitaires en liaison avec la marque de commerce SERVICE EXPERTS, mais il affirme que celles‑ci lui [traduction] « ont été fournies par M. McCord », l’avocat de l’Opposante.

[20]           Monsieur Inch fournit également des copies de deux articles de journaux canadiens qui font référence à SERVICE EXPERTS, tous deux datés de 2002.

[21]           Je suis d’avis que je devrais accorder peu de poids à la preuve par ouï‑dire présentée par M. Inch, en particulier aux chiffres de ventes et aux dépenses publicitaires liés à la marque SERVICE EXPERTS de l’Opposante. Toutefois, même si j’accordais tout le poids nécessaire à cette preuve, le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est rejeté pour les motifs suivants. L’emploi répandu ou la promotion étendue de la marque SERVICE EXPERTS de l’Opposante ne porte pas sur les différences entre les marques des parties. Le premier emploi de la marque SERVICE EXPERTS de l’Opposante est antérieur à la date de premier emploi de la marque CANADIAN HVAC SERVICE EXPERTS de la Requérante. Il est très difficile pour un nouvel utilisateur de s’approprier le caractère distinctif d’un ancien utilisateur, plus particulièrement lorsque les marques ne sont pas identiques, et encore plus lorsque les mots qui forment les marques sont des mots ordinaires associés à l’industrie des parties. Des marques intrinsèquement faibles, comme SERVICE EXPERTS, n’ont droit qu’à une faible protection, et la marque CANADIAN HVAC SERVICE EXPERTS est suffisamment différente de la marque SERVICE EXPERTS puisque ses premiers éléments sont nettement différents. Même si j’acceptais le fait que la marque de l’Opposante avait acquis une solide réputation en date du 7 mai 2008, je demeure convaincue que la présence des mots dominants CANADIAN HVAC dans la Marque de la Requérante sert à distinguer les deux marques. Il existe un principe bien établi selon lequel le premier élément d’une marque de commerce sert le plus à établir son caractère distinctif [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), p. 188].  

[22]           J’ajouterais également que la Requérante a démontré que ses ventes en liaison avec sa Marque ont excédé un million de dollars chaque année entre 2002 et 2008 (paragraphe 6, affidavit de David Pope). Bien que ces ventes sont substantiellement moindres que celles invoquées par l’Opposante, elles ne sont pas négligeables. De plus, il semble que les services de la Requérante offerts sous la marque CANADIAN HVAC SERVICE EXPERTS et les services de l’Opposante offerts sous la marque SERVICE EXPERTS ont coexisté en Ontario pendant sept ans ou plus, sans qu’il n’y ait de confusion. 

Décision

[23]           Conformément au pouvoir qui m’a été délégué en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition à l’égard des « [s]ervices de maintenance, de réparation, d’entretien courant et d’installation pour plomberie, chauffage, climatisation, équipement de réfrigération, équipement de restauration, équipement fonctionnant à l’énergie solaire, équipement électrique, véhicules de plaisance et équipement à énergie renouvelable », conformément au paragraphe 38(8) de la Loi. La demande est repoussée en ce qui a trait à la partie de l’état déclaratif des services qui traite des « climatiseurs et équipement de réfrigération pour appareils de forage de pétrole en mer » [sur la question des décisions partagées, voir Produits Menagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 C.P.R. (3d) 482 (C.F. 1re inst.).]

 

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.

 

 

 

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