Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE CONCERNANT L’OPPOSITION
de Fisher Controls International, Inc. à la demande
no 825,810 produite par Merak Products Ltd. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce FIELDVIEW
Le 15 octobre 1996, la requérante, Merak Products Ltd., a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce FIELDVIEW basée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :
application logicielle et acquisition de données et logiciel d’intégration destinés à l’industrie des ressources naturelles et manuels connexe.
La demande a été annoncée le 29 octobre 1997 aux fins de toute opposition éventuelle.
Le 11 septembre 1998, l’opposante, Fisher Controls International, Inc., a produit une déclaration d’opposition, dont une copie a été transmise à la requérante le 24 septembre 1998. Le 29 septembre 1998, l’opposante a demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition afin de corriger une erreur typographique. Apparemment, cette demande a été laissée de côté. Par conséquent, lors de l’audition orale de la présente affaire, conformément à l’article 40 du Règlement sur les marques de commerce, j’ai autorisé l’opposante à modifier sa déclaration d’opposition.
Selon le premier motif d’opposition, la marque de commerce visée par la demande d’enregistrement n’est pas enregistrable car, suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi, elle crée de la confusion avec la marque de commerce de l’opposante FIELDVUE déposée sous le no 430,462 en liaison avec les marchandises suivantes :
Systèmes de contrôle de procédés automatiques, y compris des commandes de contrôle; dispositifs de commande; commandes digitales, positionneurs, transmetteurs, transducteurs et logiciel d’exploitation.
Selon le deuxième motif d’opposition, suivant le paragraphe 16(3) de la Loi, la requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement car, à la date de dépôt de la demande par la requérante, la marque visée par la demande d’enregistrement créait de la confusion avec la marque de commerce FIELDVUE employée antérieurement et révélée au Canada par l’opposante. Selon le troisième motif d’opposition, la marque visée par la demande d’enregistrement n’est pas distinctive des marchandises de la requérante, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce de l’opposante.
Selon le quatrième motif d’opposition, la demande de la requérante n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce. L’opposante a allégué que la requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait droit d’employer la marque de commerce visée par la demande d’enregistrement au Canada, car elle connaissait l’existence de la marque de commerce de l’opposante FIELDVUE.
La preuve produite par l’opposante consiste en les affidavits de messieurs John Evens et Michael Rauber. Tandis que la preuve produite par la requérante consiste en les affidavits de messieurs Rick Charland, Richard Matte, Robert W. White et Glen Pezzani. Les deux parties ont produit des arguments écrits. Après l’échange de leurs arguments écrits respectifs, l’opposante a été autorisée à produire et signifier une copie certifiée de son enregistrement no 430,462 comme élément de preuve additionnel dans le cadre de la présente procédure. Une audition orale a été tenue et les deux parties y étaient représentées.
Preuve de l’opposante
Dans son affidavit, M. Rauber indique qu’il est chef de produits FIELDVUE chez l’opposante. M. Evens indique qu’il est employé chez Spartan Controls, Ltd., laquelle société agit comme représentant des ventes au Canada pour les produits de l’opposante, y compris les produits FIELDVUE pour le territoire de l’Alberta.
Le produit FIELDVUE de l’opposante consiste en une commande de valve utilisée dans des usines, notamment dans des raffineries où sont traités l’huile et le gaz, et dans des usines de pâtes et papiers, pour commander à distance la position, les caractéristiques et le rendement d’une valve afin de contrôler le débit d’un liquide particulier (p. ex., huile, gaz, eau). Le produit est utilisé avec le logiciel de diagnostic de l’opposante, qui est également identifié par la marque de commerce VALVELINK.
Selon M. Rauber, les ventes au Canada de l’instrumentation FIELDVUE et du logiciel connexe se chiffrent à près de 10 millions de dollars américains pour la période 1994-1999. M. Rauber indique également que les dépenses promotionnelles au Canada durant la même période s’élevaient à près de 300 000 dollars américains. Il énumère diverses foires commerciales dans le cadre desquelles le produit de sa société a été exposé. M. Rauber mentionne également le tirage au Canada des publications dans lesquelles des annonces de FIELDVUE ont été publiées. Toutefois, étant donné que ces chiffres lui ont été remis par un tiers désigné comme étant SRDS, ils sont inadmissibles dans la présente procédure, car ils constituent une preuve par ouï-dire.
M. Evens indique que sa société a vendu des produits FIELDVUE en Alberta depuis 1994. Les clients canadiens de ces produits sont des compagnies pétrolières, notamment Amoco, Petro Canada, Mobil, Suncor, Imperial Oil et Gulf Canada.
Preuve de la requérante
Dans son affidavit, M. Pezzani indique qu’il est un ancien employé de la requérante chez qui il avait occupé la fonction de réalisateur principal de logiciels, notamment du logiciel FIELDVIEW. M. Pezzani indique que la requérante met au point et commercialise des logiciels destinés au marché de l’énergie et que le logiciel FIELDVIEW simplifie la collecte et l’analyse des données de terrain pour les installations pétrolières et gazières. Parmi les clients qui utilisent le logiciel FIELDVIEW, il y a notamment Gulf Canada, Suncor, Husky Oil, Dominion Energy et Talisman Energy. Les revenus de la requérante tirés du produit FIELDVIEW pour la période 1998-2000 se chiffraient à plus de 3,7 millions de dollars. Les dépenses de publicité pour la période 1996-2000 s’élevaient à plus de 300,000 dollars.
M. Pezzani décrit les activités de promotionnelles de la requérante au cours de diverses foires commerciales. Il donne également le détail de différents articles et annonces qui ont été publiés dans diverses publications. Les affidavits de messieurs White, Matte et Charland indiquent le tirage au Canada de ces diverses publications.
Motifs d’opposition
Eu égard au premier motif d’opposition, l’époque pertinente pour prendre en compte les circonstances entourant la question de la confusion reliée à une marque de commerce déposée est la date de ma décision. Voir la décision dans Conde Nast Publications Inc. v. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538 aux pages 541-542 (C.O.M.C.). Le fardeau de la preuve incombe à la requérante qui doit établir qu’il n’y a pas de risque de confusion entre les marques en litige. De plus, pour déterminer s’il y a confusion en appliquant les critères énoncés au paragraphe 6(2) de la Loi, toutes les circonstances de l’espèce doivent être prises en compte, y compris celles énoncées spécifiquement au paragraphe 6(5) de la Loi.
Eu égard à l’alinéa 6(5)a) de la Loi, les deux marques ont un caractère distinctif inhérent. Toutefois, les deux marques sont à tout le moins suggestive de dispositifs et de logiciels qui peuvent donner aux utilisateurs une « vue de champ » des activités d’une usine ou d’un champ pétrolifère. Par conséquent, ni l’une ni l’autre des marques n’a un caractère distinctif inhérent solide. Étant donné les ventes et la publicité indiquées dans l’affidavit de M. Rauber, j’arrive à la conclusion que la marque de commerce de l’opposante FIELDVUE est devenue connue dans une certaine mesure au Canada au sein des industries qui ont des usines utilisant des commandes qui contrôlent le débit de liquide, notamment l’industrie des pâtes et papiers, l’industrie chimique et l’industrie de l’huile et du gaz. Étant donné les ventes et la publicité du produit de la requérante, j’arrive à la conclusion qu’elle est devenue connue dans une certaine mesure au Canada, surtout au sein de l’industrie de l’huile et du gaz en Alberta.
Dans la présente affaire, la longueur de la période où les marques ont été employées favorise l’opposante. Eu égard aux marchandises et aux commerces des parties, ce sont les états des marchandises de la requérante et de l’opposante produits aux fins de l’enregistrement no 430,462 qui régissent la situation. Voir Mr. Submarine Ltd. v. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 aux pages 10-11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft v. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 à la p. 112 (C.A.F.) et Miss Universe, Inc. v. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 aux pages 390-392 (C.A.F.). Toutefois, ces états doivent être interprétés dans le but de déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce voulu par les parties, plutôt que tous les commerces possibles qui peuvent être englobés dans le libellé. À cet égard, la preuve des commerces réels des parties est utile. Voir la décision dans McDonald’s Corporation v. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 à la p. 169 (C.A.F.).
Le produit de l’opposante FIELDVUE est utilisé dans des usines, comme des raffineries d’huile et de gaz pour contrôler des commandes à distance. Selon la preuve, le produit de la requérante FIELDVIEW est utilisé pour contrôler, recueillir et évaluer les données provenant des emplacements des puits éloignés dans des champs d’huile et de gaz. La preuve établit que les deux parties ont un certain nombre de clients communs qui sont dans l’industrie de l’huile et du gaz. Par conséquent, les commerces des parties se chevauchent.
La requérante fait valoir que les commerces des parties sont différents, car, elle-même, elle vend au « secteur en amont » de l’industrie de l’huile et du gaz, c’est-à-dire au secteur responsable des activités d’exploration, de forage et de production d’huile et de gaz, tandis que l’opposante vend au « secteur en aval » de l’industrie , c’est-à-dire au secteur responsable des activités de raffinage, de commercialisation et de vente au détail d’huile et de gaz. La requérante soutient que ces deux secteurs de l’industrie sont distincts et qu’ils ne se chevauchent pas. Toutefois, la requérante n’a pas produit de preuve sur ce point.
Même si la requérante avait fait la preuve des secteurs distincts de l’industrie de l’huile et du gaz et du manque de chevauchement ou d’interdépendance entre eux, cela n’aurait pas beaucoup aidé la requérante. Même si la preuve indique que le logiciel de la requérante FIELDVIEW est utilisé spécifiquement dans des installations pétrolières et des champs de gaz, l’état des marchandises de la requérante ne renferme aucune restriction en ce sens. Ledit état couvre les applications logicielles destinées à l’« industrie des ressources naturelles », laquelle couvre non seulement toutes les facettes de l’industrie de l’huile et du gaz, mais également la clientèle de l’opposante, notamment l’industrie des pâtes et papiers et l’industrie chimique. Contrairement à l’état des marchandises déposé par l’opposante dans Coffee Hut, précitée, il n’y a aucune ambiguïté ou incompatibilité dans le présent état étendu des marchandises produit par la requérante qui justifie une interprétation restrictive. Par conséquent, je dois conclure que les marchandises revendiquées se chevauchent.
La requérante soutient que les marchandises peuvent être distinguées, car le logiciel de l’opposante est vendu sous la marque de commerce VALVELINK. Toutefois, le logiciel est commercialisé et vendu avec les commandes de valve et la marque de commerce FIELDVUE figure bien en vue dans toutes ou presque toutes les activités s’y rapportant. Par conséquent, les clients associent la marque de commerce de l’opposante FIELDVUE non seulement avec les commandes de valve, mais également avec le logiciel connexe.
Eu égard à l’alinéa 6(5)e) de la Loi, les marques en litige sont phonétiquement identiques et suggèrent la même idée. Visuellement, les marques sont très semblables. Par conséquent, il y a un très haut degré de ressemblance entre les deux marques.
La requérante a fait valoir que l’absence de preuve concernant l’erreur réelle ou la confusion entre les marques en litige appuie la conclusion qu’il n’y a pas de confusion. Toutefois, étant donné que seulement une portion des ventes de l’opposante ont été réalisées au sein de l’industrie de l’huile et du gaz et que la requérante n’a établi qu’une brève période d’emploi de sa marque, l’absence de confusion réelle n’est pas un facteur important dans la présente affaire. Surtout si on tient compte du fait que l’état des marchandises de la requérante est beaucoup plus étendu que la portée de l’emploi réel jusqu’à maintenant.
En appliquant le critère relatif à la confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir vague et imprécis. Étant donné mes conclusions ci-dessus et surtout le haut degré de ressemblance entre les marques en litige et les similitudes entre les marchandises et les commerces revendiqués, j’arrive à la conclusion que la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait d’établir qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre sa marque FIELDVIEW et la marque déposée de l’opposante FIELDVUE. Par conséquent, j’accueille le premier motif d’opposition.
En ce qui concerne le deuxième motif d’opposition, l’opposante a établi l’emploi de sa marque de commerce FIELDVIEW avant la date de dépôt de la requérante et le non -abandon de la marque à la date de la publication de la demande de la requérante. Ainsi pour trancher le deuxième motif, il importe de savoir s’il y a confusion entre les marques des parties à la date de dépôt de la requérante. Le fardeau de la preuve incombe à la requérante d’établir qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion. Comme il a été indiqué ci-dessus, en appliquant le critère relatif à la confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, il faut prendre en compte toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énoncées spécifiquement au paragraphe 6(5) de la Loi.
Mes conclusions relatives au premier motif d’opposition sont, pour la plupart, également applicables au deuxième motif. La seule différence marquante est, qu’à la date de dépôt de la requérante, la marque de l’opposante n’avait acquis qu’une renommée limitée et la marque de la requérante n’était pas connue du tout. Étant donné les similitudes entre les marchandises, les commerces et les marques des parties, j’arrive à la conclusion que la requérante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve d’établir que sa marque FIELDVIEW ne crée pas de confusion avec la marque employée antérieurement de l’opposante FIELDVUE. Par conséquent, le deuxième motif est également accueilli.
En ce qui concerne le troisième motif d’opposition, le fardeau de la preuve incombe à la requérante d’établir que sa marque est apte à distinguer ou distingue réellement ses marchandises de celles des autres partout au Canada. Voir Muffin Houses Incorporated v. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.). De plus, l’époque pertinente pour prendre en compte les circonstances concernant cette question est la date du dépôt de l’opposition (c-à-d le 11 septembre 1998). Voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 à la p. 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation v. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 à la p. 424 (C.A.F.). Finalement, l’opposante a le fardeau de preuve d’établir les allégations de faits à l’appui de son motif quant à l’absence de caractère distinct.
Le troisième motif porte essentiellement sur la question de la confusion entre les marques des parties. Mes conclusions relatives au premier motif s’appliquent généralement à ce troisième motif aussi. Par conséquent, j’arrive à la conclusion que la marque de la requérante FIELDVIEW crée de la confusion avec la marque de l’opposante FIELDVUE à la date du dépôt de la présente opposition. Par conséquent, le troisième motif est également accueilli.
En ce qui concerne le quatrième motif d’opposition, il ne soulève pas un motif d’opposition valable. Le fait que la requérante ait pu connaître la marque de commerce de l’opposante à la date de dépôt de la présente demande n’est pas, en lui-même, suffisant pour appuyer le motif de non-conformité aux dispositions de l’alinéa 30i) de la Loi. Par conséquent, le quatrième motif d’opposition est rejeté.
Compte tenu de ce qui précède et conformément au pouvoir qui m’a été délégué en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande de la requérante.
FAIT À GATINEAU, QUÉBEC, CE 12e JOUR DE NOVEMBRE 2003.
David J. Martin,
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce