Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 Référence : 2014 COMC 86

Date de la décision : 2014-04-25
TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Red-White Valve Corp. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,395,375 pour la marque de commerce EASYGRIP au nom de America-inner Plumbing Technologies Inc.

[1]               Le 13 mai 2008, America-inner Plumbing Technologies Inc. (la Requérante) a produit une demande pour l'enregistrement de la marque EASYGRIP (la Marque) en liaison avec les marchandises [traduction] « fournitures de plomberie, nommément raccords autobloquants, robinets à tournant sphérique autobloquants et robinets d'équerre autobloquants » (les Marchandises) fondée sur l'emploi au Canada depuis le 5 janvier 2008.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 10 mars 2010.

[3]               Le 7 mai 2010, Red-White Valve Corp. (l’Opposante) a produit une déclaration d'opposition. La déclaration d'opposition produite invoque entre autres un motif d'opposition fondé sur la non-enregistrabilité et un motif fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement qui reposent sur la confusion avec l'enregistrement américain de l'Opposante pour la marque de commerce EZGRIP et sur l'emploi de cette marque aux États-Unis. Ces motifs d'opposition sont rejetés parce qu'ils ne constituent pas des motifs d'opposition valables. Les motifs d'opposition restants peuvent être résumés comme suit :

         en vertu des alinéas 38(2)a) et 30b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi), la demande n'est pas conforme à l'alinéa 30b) de la Loi, parce que la Requérante n'a pas employé la Marque au Canada depuis le 5 janvier 2008;

         conformément aux alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, la Marque n'est pas enregistrable, car elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Marchandises;

         en vertu des alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, la Marque n'est pas enregistrable, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée EZGRIP de l'Opposante, détenue et employée par l'Opposante conformément à l'enregistrement no LMC764,605 en liaison avec les marchandises suivantes [traduction] : « robinets métalliques à commande manuelle pour la régulation des fluides à des fins de plomberie commerciale, industrielle et résidentielle; tuyauteries, nommément robinets de régulation des fluides pour douches et baignoires » (les Marchandises de l'Opposante);

         conformément aux alinéas 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi, la Requérante n'a pas droit à l'enregistrement de la Marque parce qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce EZGRIP appartenant à l'Opposante et employée au Canada;

         en vertu des alinéas 38(2)c) et 16(1)b) de la Loi, la Requérante n'a pas droit à l'enregistrement de la Marque parce qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce EZGRIP de l'Opposante, pour laquelle une demande a été produite le 7 mars 2008 (1,386,566);

         conformément à l'alinéa 38(2)d) et à l'article 2 de la Loi, la Marque n'est pas distinctive du fait qu'elle ne distingue pas véritablement ni n'est adaptée à distinguer les Marchandises des marchandises de tiers, en particulier des marchandises de l'Opposante.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l'Opposante.

[5]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit les affidavits de Daniele Degiovanni, directrice des services financiers de VIR Valvoindustria Ing. Rizzio S.p.A., de Jan Rich Neal, vice-président à l'administration de l'Opposante, et de Xin Xu, technicien juridique de l'agent de l'Opposante, ainsi que des copies certifiées des enregistrements canadien et américain de la marque de commerce EZGRIP de l'Opposante (LMC764,605 et 3609771 respectivement). L'Opposante a aussi produit les affidavits de R. Antonia Viera et de Xin Xu en contre-preuve.

[6]               À l'appui de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Qifu Xie, président de la Requérante, de Jean Lee, stagiaire en droit à l'emploi de l'agent de la Requérante, et de Lynda Palmer, recherchiste en marques de commerce avec qui l'agent de la Requérante a communiqué pour effectuer une recherche. Seul M. Xie a été contre-interrogé.

[7]               Seule l'Opposante a produit un plaidoyer écrit; aucune audience n'a été tenue.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[8]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), à la page 298].

[9]               Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

         alinéa 38(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469, p. 475 (COMC) et Tower Conference Management Co c. Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 CPR (3d) 428, à la page 432 (COMC)];

         alinéas 38(2)b)/12(1)b) – la date de production de la demande [voir Fiesta Barbeques Ltd c. General Housewares Corp (2003), 28 CPR (4th) 60 (CF 1re inst.)].

         alinéas 38(2)b)/12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

         alinéa 38(2)c)/paragraphe 16(1) – la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(1) de la Loi];

         alinéa 38(2)d)/article 2 – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Alinéa 12(1)d) de la Loi – La Marque crée-t-elle de la confusion avec la marque de commerce déposée EZGRIP de l'Opposante?

[10]           Un opposant s'acquitte de son fardeau de preuve initial à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) si l'enregistrement qu'il invoque est en règle à la date de la décision relative à l'opposition. Le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre pour confirmer l'existence d'enregistrements invoqués par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c. Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. J'ai exercé ce pouvoir discrétionnaire et je confirme que l'enregistrement de la marque de commerce EZGRIP de l'Opposante (LMC764,605) est valide; l'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve. Je dois maintenant déterminer si la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime.

[11]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[12]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'attribuer à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même. [Voir, de manière générale, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC) et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC).]

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[13]           Les marques des deux parties représentent toutes deux des mots inventés composés des mots EASY (facile, ou l'équivalent phonétique anglais EZ) et GRIP (prise). Je suis d'avis que les marques des parties ont le même degré de caractère distinctif inhérent.

[14]           La force d'une marque de commerce peut être accrue si elle devient connue au Canada par la promotion ou l'usage. Je vais maintenant examiner la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.

[15]           La Requérante a établi l'emploi de la Marque au Canada depuis le 8 décembre 2007 avec des chiffres de vente assez élevés pour les années 2007 à 2011. L'Opposante a établi l'emploi de sa marque EZGRIP au Canada depuis le 26 juin 2008 avec des chiffres de vente similaires à ceux de la Requérante de 2008 à 2010.

[16]           Compte tenu de ce qui précède, ce facteur, considéré dans son ensemble, ne favorise de manière significative ni l'une ni l'autre des parties.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque a été en usage

[17]           Comme je l'ai mentionné ci-dessus dans mon analyse du facteur invoqué en vertu de l'alinéa 6(5)a), la Requérante emploie la Marque au Canada depuis le 8 décembre 2007, et l'Opposante a établi l'emploi de sa marque EZGRIP au Canada depuis le 26 juin 2008. Par conséquent, ce facteur ne favorise de manière significative ni l'une ni l'autre des parties.

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[18]           S'agissant du genre de marchandises, de services et d'entreprises des parties, et de la nature de leur commerce respectif, l'évaluation de la probabilité de confusion aux termes de l'alinéa 12(1)d) de la Loi exige de comparer l'état déclaratif des marchandises figurant dans la demande avec l'enregistrement de l'Opposante [voir Mr. Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF) et Miss Universe, Inc c. Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)]. Cependant, l'examen de ces états déclaratifs doit être effectué dans l'optique de déterminer le genre probable d'entreprise ou de commerce envisagé par les parties, et non l'ensemble des commerces que le libellé est susceptible d'englober. La preuve relative aux commerces réels des parties est utile à cet égard, en particulier lorsqu'il existe une ambiguïté quant à savoir quelles marchandises ou quels services sont visés par la demande ou par l'enregistrement en cause [voir McDonald’s Corp c. Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c. Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); American Optional Corp c. Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[19]           Je conviens avec l'Opposante que les marchandises des parties se ressemblent beaucoup. Les deux parties offrent des fournitures de plomberie. Il y a en fait un recoupement direct entre les marchandises des parties, comme elles englobent dans les deux cas des robinets de plomberie. Les voies de commercialisation des parties se recoupent également. La preuve démontre que les deux parties vendent leurs marchandises à des grossistes de fournitures de plomberie en vue de leur revente aux plombiers. Ces facteurs favorisent donc l'Opposante.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[20]           Je conviens avec l'Opposante que les marques des parties sont identiques au plan phonétique. Il existe des différences entre les marques dans la présentation. Cependant, les idées qu'elles suggèrent sont identiques (les deux marques évoquent l'idée que les robinets/tuyaux connexes s'emboîtent et se saisissent facilement).

[21]           Compte tenu de ce qui précède, ce facteur favorise l'Opposante.

Conclusion

[22]           En appliquant le test en matière de confusion, j'ai examiné la situation sur le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Après examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, j'estime que le genre similaire des services et le degré de ressemblance significatif entre les marques en cause (en particulier dans le son et dans les idées qu'elles suggèrent) s'appliquent largement en faveur de l'Opposante. Les autres facteurs ne favorisent de manière significative ni l'une ni l'autre des parties. En conséquence, la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce EZGRIP de l'Opposante. Compte tenu de ce qui précède, j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif, invoqué en vertu de l'alinéa 38(2)d) et de l'article 2

[23]           Bien que la Requérante ait le fardeau ultime de démontrer que la Marque est adaptée à distinguer ou distingue véritablement ses Marchandises de celles de tiers partout au Canada [voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)], l'Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau de preuve initial d'établir les faits invoqués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif.

[24]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve, l'Opposante doit démontrer que, à la date de production de la déclaration d'opposition (7 mai 2010), sa marque de commerce EZGRIP invoquée était devenue suffisamment connue pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd (2004), 40 CPR (4th) 553, confirmée par (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[25]           Comme je l'ai mentionné en détail dans mon analyse du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), l'Oppossante a établi que sa marque EZGRIP était devenue connue dans une certaine mesure en liaison avec les Marchandises de l'Opposante à la date de production de la déclaration d'opposition et, par conséquent, l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve.

[26]           La différence entre les dates pertinentes n'ayant pas d'incidence, ce motif d'opposition est accueilli pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus dans l'analyse du motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)d). Par conséquent, j'estime que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques des parties. Par conséquent, le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est également accueilli.

Autres motifs d'opposition

[27]           Comme j'ai déjà rejeté la demande pour deux motifs, je n'analyserai pas les autres motifs d'opposition.

Décision

[28]           Dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement de la Marque conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu

 

 

 

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