Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 122

Date de la décision : 2013-07-11
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par BEN SHERMAN Group Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1414670 pour la marque de commerce Sherman au nom de Michele Knautz

[1]               Le 15 octobre 2008, Michele Knautz (le Requérant) a produit une demande en vue d’enregistrer la marque de commerce Sherman (la Marque) pour son emploi projeté au Canada en liaison avec des « bijoux ».

[2]               La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 5 août 2009.

[3]               BEN SHERMAN Group Limited (l’Opposant) a déposé une déclaration d’opposition le 5 octobre 2009. Le Requérant a produit et signifié une contre-déclaration contestant dans l’ensemble les allégations de l’Opposant.

[4]                                       Pour appuyer son opposition, l’Opposant a soumis l’affidavit de Lee Stafford Gage, secrétaire de la société et avocat de l’Opposant, et les preuves LSG1 à LSG6, ainsi que l’affidavit de Maureen Cho, adjointe administrative de l’agent de marques de commerce de l’Opposant, et les preuves A à G. Les déposants n’ont pas participé à un contre-interrogatoire.

[5]               Le Requérant n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de sa demande.

[6]               Les deux parties ont produit un mémoire; il n’y a pas eu d’audience orale. Il convient de souligner que le mémoire du Requérant réitère essentiellement la contre-déclaration ainsi que des allégations non étayées à l’effet que : (a) l’Opposant n’a pas prouvé les allégations dans sa déclaration d’opposition et ne s’est donc pas acquitté de son fardeau de preuve; (b) le Requérant s’est acquitté de son fardeau de persuasion.

Motifs d’opposition

[7]               L’Opposant invoque des motifs d’opposition aux termes des alinéas 38(2)b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. (1985), ch. T-13) (la Loi). Étant donné qu’un des motifs a été résolu à l’aide d’une décision interlocutoire du registraire en date du 10 mai 2010, les motifs toujours invoqués peuvent être résumés ainsi :

a)   la Marque n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées BEN SHERMAN (no LMC590020 et LMC714020) et BEN SHERMAN JEANSWEAR (no LMC651264) de l’Opposant;

b)   le Requérant n’a pas le droit à l’enregistrement de la Marque aux termes de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce BEN SHERMAN de l’Opposant, utilisée antérieurement au Canada en liaison avec des bijoux;

c)   le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque aux termes de l’alinéa 16(3)c) de la Loi, car elle crée de la confusion avec les noms commerciaux BEN SHERMAN Group et BEN SHERMAN Group Limited de l’Opposant, utilisés antérieurement au Canada en liaison avec les bijoux;

d)   la Marque n’a pas de caractère distinctif aux termes de l’article 2 de la Loi, car elle n’est pas adaptée à distinguer les marchandises du Requérant de celles de l’Opposant.

Fardeau des Parties

[8]                                       Le Requérant a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposant de s’acquitter du fardeau initial en présentant une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re instance), à 298].

Analyse des motifs d’opposition

[9]                                       Je vais maintenant analyser les motifs d’opposition.

[10]                                   Pour examiner la preuve soumise, j’ai rejeté les opinions de M. Gage au sujet des questions de faits et des principes de droit qui doivent être déterminés par le registraire au cours de la présente instance. En ce qui a trait à la preuve soumise par Mme Cho, je souligne qu’elle est essentiellement constituée d’impressions de pages choisies qu’elle a tirées de sites Web appartenant à des tiers. Même si Mme Cho est employée par l’agent de marques de commerce de l’Opposant, elle ne donne pas d’opinions qui doivent être exclues de l’examen, conformément aux précédents Cross Canada Auto Body Supply (Windsor) Limited et al c. Hyundai Auto Canada (2005) 43 C.P.R. (4th) 21 (CF); confirmé (2006), 53 C.P.R. (4th) 286 (C.A.F.) 133.

Enregistrabilité de la Marque aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[11]           La date pertinente qui s’applique pour l’examen du présent motif est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

[12]           J’ai fait appel au pouvoir discrétionnaire du registraire pour vérifier le registre afin de confirmer l’existence des trois enregistrements invoqués par l’Opposant [voirQuaker Oats Co of Canada/Cie Quaker Oats du Canada c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (COMC)]. Je confirme donc que ces enregistrements, décrits dans l’annexe A de la présente décision, existent toujours.

[13]           Puisque l’Opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve initial, la question est maintenant de vérifier si le Requérant a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était raisonnablement peu probable que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l’Opposant.

[14]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’usage d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région est susceptible de pousser à la conclusion que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[15]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. On n’attribue pas nécessairement un poids égal à ces facteurs [voir Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 pour un examen approfondi des principes généraux qui régissent le test relatif à la probabilité de confusion.]

[16]           À mon avis, la comparaison de la Marque et de la marque de commerce BEN SHERMAN, enregistrée sous le no LMC590020, permettra de réellement trancher à l’égard du motif d’opposition basé sur l’alinéa 12(1)d). En d’autres mots, s’il est improbable de créer de la confusion entre la Marque et la marque de commerce BEN SHERMAN déposée en vue de son emploi en liaison avec des vêtements, des vêtements de plage ou de sport, des chapeaux, des souliers et des objets en cuir, alors il n’est pas probable que la Marque ne crée de la confusion avec les marques BEN SHERMAN, déposées en vue de leur emploi pour des lunettes et des articles de voyage (no LMC714020), et BEN SHERMAN JEANSWEAR, déposée en vue de son usage en liaison avec des vêtements (no LMC651264).

[17]           Dans l’arrêt Masterpiece (supra), la Cour suprême du Canada a abordé l’importance de l’alinéa 6(5)e) dans le cadre de l’analyse pour la probabilité de confusion au paragraphe 49 :

[...]… il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au paragr. 6(5) (...) si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. Ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires. En conséquence, certains prétendent que, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion [...].

[18]           Ainsi, je m’attarderai maintenant à l’évaluation de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée BEN SHERMAN (no LMC590020) de l’Opposant, en ce qui a trait aux circonstances de l’espèce dans le présent cas, en commençant par le degré de ressemblance entre les marques.

Alinéa 6(5)e) – Degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[19]           Lorsqu’on aborde le degré de ressemblance, le droit est clair : les marques de commerce doivent être examinées dans leur ensemble. Il n’est pas approprié de les mettre côte à côte pour les comparer et observer ainsi les ressemblances ou différences entre les éléments ou composants des marques en question.

[20]           L’Opposant affirme que les marques de commerce des deux parties sont pratiquement identiques; il allègue que puisque la première partie de sa marque de commerce, BEN, n’est [TRADUCTION] « qu’un court prénom plutôt commun », le deuxième élément, SHERMAN, est [TRADUCTION] « l’élément qui domine et le plus distinctif ».

[21]           Selon moi, les deux éléments de la marque de l’Opposant, c’est-à-dire BEN et SHERMAN, sont tous deux relativement également dominants. Néanmoins, dans la mesure où la Marque est seulement « Sherman », j’estime qu’il y a un certain degré de ressemblance entre ces deux marques, dans leur présentation et dans leur sonorité.

[22]           Pour ce qui est des idées suggérées, je crois que la marque BEN SHERMAN suggère le nom d’un individu, une conclusion cohérente avec la preuve LSG1 de l’affidavit Gage qui résume l’histoire de la marque depuis le début des années 1960 et fait référence au départ de Ben Sherman, le fondateur de la société, dans les années 1970. Pour ce qui est de la Marque, je crois qu’elle pourrait être perçue par le consommateur moyen comme un nom de famille ou un surnom. Ainsi, les deux marques de commerce suggèrent une personne.

[23]           Conséquemment, je crois que l’examen global du facteur présenté à l’alinéa 6(5)e) joue en faveur de l’Opposant.

Alinéa 6(5)a) — Caractère distinctif inhérent des marques de commerce et mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[24]           Le facteur décrit à l’alinéa 6(5)a) s’attarde à la combinaison des caractéristiques distinctives inhérentes ou acquises attribuées aux marques de commerce des parties.

[25]           Puisque j’estime que la Marque peut être vue comme un nom de famille ou un prénom, je ne lui trouve pas vraiment un caractère distinctif inhérent, si elle en a réellement un (voir, par analogie, le commentaire du juge Binnie dans Mattel, Inc, supra, paragr. 3, quant au fait que le nom Barbie, une contraction commune du prénom Barbara, n’a pas en soi de caractère distinctif inhérent). En outre, il n’y a aucune preuve permettant de conclure que la Marque a acquis un caractère distinctif au Canada grâce à sa promotion ou à son emploi.

[26]           Puisque je considère que BEN SHERMAN peut être perçue comme un nom, je crois que la marque de l’Opposant n’a également pas de fort caractère distinctif, si elle en a réellement un. En outre, malgré les dépôts de l’Opposant quant au fait que la marque de commerce BEN SHERMAN est célèbre et réputée à l’échelle internationale, incluant au Canada, en me fondant sur l’examen suivant de l’affidavit Gage, je ne peux pas tirer une telle conclusion ni affirmer que la marque a réussi à acquérir une notoriété propre au Canada grâce à de vastes campagnes de commercialisation et de distribution.

[27]           M. Gage explique que l’Opposant est un fabricant et détaillant de produits de consommation au Royaume-Uni. Son prédécesseur en droit a commencé à vendre des chemises arborant la marque BEN SHERMAN au Royaume-Uni vers la fin des années 1950 et au début des années 1960; les produits se sont diversifiés depuis pour inclure une vaste gamme de marchandises, notamment des bijoux, des montres, des lunettes et des souliers. L’Opposant, constitué en personne morale en 1993, a engendré un chiffre d’affaires de l’ordre de 11,7 à 56,8 millions de livres sterling entre 1994 et 2009. Toutefois, M. Gage n’a pas indiqué à quel moment les chemises ou les autres produits associés à la marque BEN SHERMAN ont été vendus pour la première fois au Canada.

[28]           La preuve déposée par l’Opposant traite des ventes et de la promotion dans divers pays. En plus d’être plutôt succincte, la preuve relatant les ventes et la promotion au Canada est présentée conjointement avec celle portant sur les activités aux États-Unis. Elle inclut les éléments suivants :

         l’Opposant distribue ses propres produits au Canada;

         l’Opposant vend des vêtements en gros à environ 1 924 clients et des souliers en gros à 456 clients aux États-Unis et au Canada, son chiffre d’affaires dépassait 44 millions de dollars américains pour l’exercice financier se terminant le 31 mai 2006;

         les produits de l’Opposant ont fait l’objet d’une vaste campagne de promotion aux États-Unis et au Canada, notamment par des publicités dans un grand nombre de publications; les dépenses annuelles pour la promotion et la publicité atteignaient 3 millions de dollars américains en 2004 et environ 2,6 millions de dollars américains par année en 2005 et 2006 pour les deux pays ensemble.

[29]           On retrouve comme preuve  LSG3 jointe à l’affidavit Gage [TRADUCTION] « des exemples de matériel promotionnel datant de plusieurs années ». Après avoir examiné la preuve LSG3, je constate qu’elle semble constituée de copies de campagnes publicitaires réalisées depuis 1997, montrant divers vêtements, souliers et accessoires de mode portant la marque de commerce BEN SHERMAN. Toutefois, je crois qu’on peut facilement conclure que les produits dont le prix est indiqué en livres sterling et pour lesquels les coordonnées pointent vers l’Europe ne sont pas pertinents pour les campagnes de publicité au Canada.

[30]           M. Gage affirme que les activités publicitaires et promotionnelles ont paru dans un grand nombre de publications et énumèrent certaines d’entre elles, notamment Esquire, People et Vogue. Je peux prendre connaissance d’office du fait que ces magazines en particulier jouissent d’une certaine circulation au Canada [voir Conde Nast Publications Inc c. Gozlan Brothers Ltd (1980), 49 C.P.R. (2d) 250 à 251 (C.F. 1re inst.), Milliken & Co c. Keystone Industries (1970) Ltd (1986), 12 C.P.R. (3d) 166 (COMC), et Timberland Co c. Wrangler Apparel Corp (2004), 38 C.P.R. (4th) 178 (COMC)]. Ceci étant dit, je suis prête à conclure, au mieux, que l’Opposant a commencé à promouvoir les produits BEN SHERMAN dans des magazines en circulation au Canada depuis seulement 2004, car il s’agit de la première année pour laquelle l’Opposant a fourni les chiffres relatifs à ses dépenses pour la publicité et la promotion au Canada.

[31]           La nature générale et sommaire de la preuve fournie par l’Opposant à l’égard des ventes, de la promotion et de la publicité pour ses produits au Canada ne me permet pas d’évaluer avec précision la mesure dans laquelle la marque BEN SHERMAN était devenue réputée au Canada. Toutefois, même si l’Opposant n’a pas inclus la ventilation de ses chiffres de vente par gammes de produits ou par pays, il demeure qu’il a fourni les chiffres de ventes incluant le Canada. En outre, même si la mesure des dépenses en publicité pour le Canada manque de précision, il y a une indication que des Canadiens ont été exposés à certaines publicités de l’Opposant dans lesquelles figuraient des produits vendus en liaison avec la marque de commerce BEN SHERMAN.

[32]           En fin de compte, puisqu’il n’y a aucune preuve de la promotion et de l’emploi de la Marque au Canada, je ne peux tirer qu’une conclusion : la marque BEN SHERMAN de l’Opposant était devenue plus réputée au Canada que la Marque. Conséquemment, le facteur prévu à l’alinéa 6(5)a) étaye la cause de l’Opposant.

Alinéa 6(5)b) – Période pendant laquelle chacune des marques a été en usage

[33]           Comme je l’ai mentionné auparavant, M. Gage n’a pas indiqué à quel moment les chemises et les autres produits associés à la marque BEN SHERMAN ont été vendus pour la première fois au Canada. Toutefois, je constate que la date de premier emploi la plus ancienne revendiquée dans l’enregistrement no LMC590020 est [TRADUCTION] « au moins 1995 » pour des [TRADUCTION] « vêtements, nommément chemises ».

[34]           L’affidavit Gage ne suffit pas à établir l’emploi continu de la marque BEN SHERMAN au Canada depuis au moins 1995. Cependant, il n’en demeure pas moins que la demande pour la Marque est fondée sur un usage projeté au Canada et qu’il n’y a aucune preuve de son emploi à ce jour.

[35]           Conséquemment, le facteur prévu à l’alinéa 6(5)b) joue en faveur de l’Opposant, même s’il n’a pas fait l’objet d’une argumentation fort étoffée.

Alinéas 6(5)c) et d) – Genre de marchandises et nature du commerce

[36]           Pour l’examen des facteurs prévus aux alinéas 6(5)c) et d) de la Loi, ce sont les énoncés des marchandises tels que définis dans la demande pour la Marque et dans l’enregistrement de la marque LMC590020 de l’Opposant qui régissent l’évaluation de la probabilité de confusion aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); et Mr Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)].

[37]           L’énoncé des marchandises de l’enregistrement de l’Opposant inclut des vêtements pour hommes, pour femmes et pour enfants, des vêtements de plage et de sport, des chapeaux, des souliers et des articles en cuir. En ce qui a trait à ses voies de commercialisation, l’affidavit Gage mentionne que l’Opposant distribue ses propres produits à de nombreux clients de vente de souliers et de vêtements en gros au Canada et aux États-Unis, qui à leur tour vendent les produits BEN SHERMAN à des milliers de magasins de vente au détail dans les deux pays. M. Gage affirme, par ailleurs, que les produits de l’Opposant figurent dans environ 30 millions de catalogues de vente par correspondance chaque année, même s’il n’est pas clair dans quelle mesure la vente par correspondance fait partie de ses activités au Canada, le cas échéant.

[38]           En comparaison, la Marque est associée à des bijoux. Aucune preuve n’a été donnée quant aux  voies de commercialisation du Requérant.

[39]           L’Opposant affirme que les marchandises des deux parties entrent dans la même catégorie générale de « produits de mode », qui inclut les vêtements et les accessoires, notamment les bijoux. Il allègue, par ailleurs, qu’il existe un lien étroit entre ces deux types de marchandises, puisque les vêtements et les bijoux sont conçus pour être utilisés ensemble.

[40]           Les marchandises associées à la Marque sont intrinsèquement différentes de celles visées par l’enregistrement de l’Opposant. Toutefois, il n’est pas nécessaire que les activités des parties visent le même domaine ou la même industrie, ou que les marchandises respectives soient d’un même type pour conclure à une probabilité de confusion. Le paragraphe 6(2) de la Loi énonce qu’il y peut y avoir confusion, que les marchandises appartiennent ou non à une même catégorie générale. De plus, la logique présentée par l’Opposant au sujet du lien existant entre les bijoux et les vêtements n’est pas sans fondement. Comme le disait mon collègue, le membre Robitaille, dans Emilio Pucci International BV c. El Corte Ingles, SA, 2011 (COMC), 32, au paragraphe 57 : « Il est possible d’avancer que [des bijoux] peuvent, dans une certaine mesure, être considérées comme des “vêtements” ou des accessoires de “mode”. Des bijoux, des bijoux de fantaisie et des montres, plus particulièrement, sont des articles décoratifs qui s’ajoutent aux vêtements et les complètent. »

[41]           Par ailleurs, l’Opposant se fonde sur l’affidavit Cho comme preuve pour démontrer que divers détaillants canadiens vendent des vêtements conjointement à des accessoires de mode, notamment des bijoux.

[42]           Mme Cho a déposé comme preuves A à G jointes à son affidavit des impressions de pages choisies tirées de sites Web qu’elle a visités le 7 juin 2010, soit : holtrenfrew.com; harryrosen.com; mexx.ca; guess.ca; lacoste.com/can; canadaroots.com; et clubmonaco.com. Les impressions en question montrent des photos de vêtements et d’accessoires de mode, comme des colliers, des bagues, des bracelets, des chaînes et des montres, vendus par les mêmes détaillants; elles incluent également les renseignements quant aux emplacements des magasins de ces détaillants au Canada.

[43]           Bien que les extraits de sites Web appartenant à des tiers soient généralement considérés comme des rumeurs et ne peuvent pas être utilisés comme preuve quant à la véracité de leur contenu, j’estime qu’on peut accorder une certaine valeur à l’affidavit Cho comme indiquant un chevauchement des voies de commercialisation pour les bijoux et les vêtements. Conséquemment, en l’absence de preuve du Requérant, dans le but d’évaluer la confusion, je conclus qu’il y a une probabilité de chevauchement entre les voies de commercialisation des parties.

[44]           Ainsi, l’examen global des facteurs prévus aux alinéas 6(5)c) et d) soutient la cause de l’Opposant.


Conclusion quant à la probabilité de confusion

[45]           Comme nous pouvons le constater, le Requérant a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande pour la Marque est conforme aux exigences de la Loi. Le fardeau imposé au requérant signifie que si une conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à son encontre.

[46]           En appliquant le test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Cependant, après examen des circonstances de l’espèce pour ce cas, je ne crois pas que le Requérant se soit acquitté de son fardeau de persuasion, soit d’établir qu’il est raisonnablement peu probable que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée BEN SHERMAN, numéro d’enregistrement LMC590020.

[47]           Étant donné que j’ai accueilli le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) pour l’enregistrement no LMC590020, je n’évaluerai pas le motif d’opposition fondé sur l’enregistrement no LMC714020 pour la marque BEN SHERMAN et l’enregistrement no LMC651264 pour la marque BEN SHERMAN JEANSWEAR.

Absence du droit à l’enregistrement selon l’alinéa 16(3)a) de la Loi

[48]           Selon le motif d’opposition invoqué, le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en raison de la confusion créée avec la marque de commerce BEN SHERMAN, utilisée antérieurement au Canada par l’Opposant en association avec des bijoux.

[49]           La date pertinente pour l’analyse de ce motif d’opposition est la date de production de la demande pour la Marque.

[50]           Il incombe à l’Opposant de s’acquitter du fardeau de preuve initial en prouvant que sa marque de commerce BEN SHERMAN était utilisée au Canada en liaison avec des bijoux avant le 15 octobre 2008 et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date de publication de la demande, soit le 5 août 2009 [voir le paragraphe 16(5) de la Loi].

[51]           L’Opposant affirme que la preuve LSG5 jointe à l’affidavit Gage fournit la preuve de l’emploi pour la marque BEN SHERMAN en liaison avec des bijoux au Canada. La preuve en question comprend des impressions d’inscriptions sur le site Ebay.ca pour la vente de boutons de manchettes, de montres et de bracelets décrits comme des objets de la marque BEN SHERMAN, ainsi que des extraits du site Web nord-américain de l’Opposant, www.benshermanusa.com, pour illustrer la mise en vente de boutons de manchettes de la marque BEN SHERMAN.

[52]           La preuve relative au site Web d’un tiers, Ebay.ca, n’est pas pertinente pour la cause de l’Opposant, puisque les impressions datent du 4 juin 2010, une date ultérieure à la date pertinente. De même, les extraits du site Web nord-américain de l’Opposant portent la date du 4 juin 2010 et ne peuvent donc pas étayer sa cause. Conséquemment, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de vérifier si de telles preuves peuvent ou non établir l’usage de la marque BEN SHERMAN au Canada en liaison avec des bijoux, conformément au paragraphe 4(1) de la Loi.

[53]           En outre, comme je le soulignais plus tôt, la preuve de l’Opposant à l’égard des ventes au Canada est conjointe à celle touchant les ventes aux États-Unis, et l’Opposant n’a pas fourni de ventilation des chiffres d’affaires par gamme de produits ou par pays. L’ambiguïté de la preuve me pousse à trancher à l’encontre de l’Opposant [voir Conde Nast Publications Inc c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)]. 

[54]           Finalement, je conclus que l’affidavit Gage ne fournit pas de preuve établissant la vente de bijoux en liaison avec la marque de commerce BEN SHERMAN au Canada avant la date pertinente.

[55]           En conséquence, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) puisque l’Opposant ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve initial.

Absence du droit à l’enregistrement selon l’alinéa 16(3)c) de la Loi

[56]           La date pertinente pour l’examen de ce motif d’opposition est la date de production de la demande pour la Marque.

[57]           Il incombe à l’Opposant de s’acquitter du fardeau de preuve initial en prouvant que ses noms commerciaux allégués BEN SHERMAN Group et BEN SHERMAN Group Limited ont été utilisés au Canada en liaison avec des bijoux, comme il l’affirme, avant le 15 octobre 2008 et que ces noms n’avaient pas été abandonnés à la date de publication de la demande.

[58]           L’Opposant n’a pas déposé de preuve quant à l’emploi de ses noms commerciaux au Canada. En fait, M. Gage ne fait aucune référence aux noms commerciaux de l’Opposant; il présente principalement une preuve portant sur la marque de commerce de l’Opposant, BEN SHERMAN.

[59]           En conséquence, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)c) puisque l’Opposant ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve initial.

Absence de caractère distinctif de la Marque

[60]           Puisque j’ai examiné trois motifs d’opposition et que j’ai tranché en faveur de l’Opposant pour l’un d’entre eux, je ne me pencherai pas sur le motif d’opposition relatif à l’absence de caractère distinctif, entre autres en raison du manque d’intérêt montré par le Requérant à l’égard de la présente instance.

Règlement

[61]           Ayant accepté les motifs d’opposition aux termes des alinéas 12(1)d) en lien avec l’enregistrement no LMC590020 visant la marque de commerce BEN SHERMAN, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Catherine Dussault, trad. A.


Annexe A

 

Marque de commerce

No d’enregistrement

Marchandises

BEN SHERMAN

 

LMC590020

 

(1) Vêtements, nommément chemises. (2) Vêtements pour hommes et dames, nommément chemises, tee-shirts, shorts, pantalons sport, pantalons, pulls d’entraînement, pulls, cravates, vestes, paletots, et foulards; articles chaussants, nommément chaussures habillées, chaussures de sport; coiffures, nommément chapeaux et casquettes; articles en cuir et en similicuir, nommément ceintures, sacs, étuis, porte-feuilles, porte-clés, porte-cartes, pièces et accessoires pour toutes les marchandises susmentionnées, nommément boucles, boutons, rubans et dentelles. (3) Vêtements pour hommes et garçons, nommément chemises; vêtements de plage, nommément maillots de bain, tee-shirts, chemises polo, shorts, chapeaux et casquettes de soleil. (4) Vêtements pour hommes et dames, nommément chemises, chemisiers et shorts; vêtements de plage, nommément maillots de bain, tee-shirts, chemises polo, shorts, chapeaux et casquettes de soleil; vêtements pour hommes et garçons, nommément cravates; robes de chambre, vestes et pyjamas; habillement de voile, nommément tee-shirts, chemises polo, shorts, pulls, pulls d’entraînement, blousons, pantalons, vestes, manteaux, chapeaux et casquettes (5) Costumes; vestes; pantalons; jeans; chinos; chemises; tee-shirts; chemisiers; pulls d’entraînement; pulls; cravates; sous-vêtements pour hommes; paletots; vêtements sport, nommément shorts, survêtements et hauts pour activités sportives; chaussures et casquettes.

 

BEN SHERMAN JEANSWEAR

LMC651264

 

Vêtements, nommément vestes, et jeans.

 

BEN SHERMAN

 

LMC714020

(1) Lunettes; lunettes de soleil; étuis pour lunettes et lunettes de soleil; valises; sacs de voyage.

 

 

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