Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION DE Bacardi & Company Limited à la demande d’enregistrement No. 1,219,838 pour la marque de commerce HAVANA CLUB produite par Havana Club Holdings S.A.___________________________

 

 

 

I Les Procédures

 

[1]   Havana Club Holdings S.A. (la « Requérante ») a déposé le 10 juin 2004 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce HAVANA CLUB (la «Marque»), numéro 1,219,838, en liaison avec du rhum (les « Marchandises »).

 

[2]   La demande d’enregistrement est fondée sur un emploi au Canada depuis le 31 décembre 1995. La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot « HAVANA » en dehors de la Marque.

 

[3]   La demande fut publiée le 20 avril 2005 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition. Le 20 septembre 2005, Bacardi & Company Limited (« l’Opposante ») déposa une déclaration d’opposition, que le registraire a transmis à la Requérante le 20 octobre 2005.

 

[4]   Le 24 octobre 2005 la Requérante a produit une contre déclaration niant essentiellement le motif d’opposition ci-après décrit.

 

[5]   L’Opposante a produit l’affidavit de Sharon Elliot. La Requérante a produit l’affidavit de Claude Boulay. Aucun des affiants ne fut contre-interrogé malgré que l’Opposante ait obtenu une ordonnance de contre-interrogatoire de M. Boulay. Seule L’Opposante a produit un plaidoyer écrit et les parties étaient représentées à l’audience.

 

 

 

 

II La déclaration d’opposition

 

[6]   Il n’y a qu’un seul motif d’opposition de plaider qui peut se résumer ainsi :

 

La demande d’enregistrement n’est pas conforme aux exigences de l’article 30(b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (« Loi ») en ce que la Requérante n’a pas employé la Marque en liaison avec du rhum depuis le 31 décembre 1995 tel que revendiqué dans la demande d’enregistrement.

 

III Preuve de l’Opposante

 

[7]   Mme Elliot était à l’emploi des agents de marque de commerce de l’Opposante à titre de commis au moment de la signature de son affidavit. Elle allègue avoir obtenue du greffe de la cour fédérale du Canada une copie certifiée d’un affidavit de M. Armando de Medeiros en date du 29 octobre, 2004 et produit au greffe de la cour fédérale le 10 novembre 2004 dans le dossier portant le numéro  T-720-04 entre la Requérante et l’Opposante. Nous n’avons aucune information quant à la nature des procédures devant cette cour.

 

[8]   Dans son affidavit M. de Medeiros se décrit comme étant le président de Pernod Ricard Canada (« PR Canada »). Il allègue que PR Canada a, entre autre, mission de représentation au Canada des rhums de la Requérante portant la Marque. Ainsi il a accès aux informations touchant la commercialisation au Canada de produits que représente PR Canada. Il donne les chiffres de ventes de rhum au Canada portant la Marque par caisse de 9 litres  et ce pour la période de 1997 à  2003. M. de Medeiros fournit également les prix au détail de ce rhum ainsi que celui vendu par l’Opposante sous la marque de commerce OLD HAVANA, bien que cette information ne soit pas pertinente à notre dossier.

 

IV Preuve de la Requérante

 

[9]   M. Boulay se décrit comme étant le secrétaire de PR Canada. Il fournit la quantité de caisses de rhum vendues au Canada en liaison avec la Marque pour les années 1995 et 1996.

 

 

V Analyse du motif d’opposition

 

[10]           Dans le cadre de procédures en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’Opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve concernant les motifs d’opposition qu’elle soulève afin qu’il soit apparent qu’il existe des faits qui peuvent supporter ces motifs d’opposition. Si l’Opposante satisfait cette exigence, la Requérante devra alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Sunshine Biscuits Inc. c. Corporate Foods Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 53, Joseph Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 et John Labatt Ltd. c Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293].

 

[11]           La date pertinente pour l’analyse du motif d’opposition plaidé est la date de production de la demande d’enregistrement (le 10 juin 2004) [Voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293 et Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469].

 

[12]           Malgré le fardeau initial de preuve de l’Opposante dans le cadre d’un motif d’opposition fondé sur l’article 30 (b) de la Loi, il a été mentionné à maintes reprises que ce fardeau est « léger ». De plus l’Opposante peut se référer à la preuve produite par la Requérante pour satisfaire son fardeau de preuve [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156]. Toutefois dans un tel cas cette preuve doit soulever un doute sérieux quant à la véracité de la date de premier emploi alléguée dans la demande d’enregistrement [voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986) 10 C.P.R. (3d) 84, Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 et Williams Telecommunications Corp. c. William Tell Ltd., (1999) 4 C.P.R. (4th) 107].

 

[13]           Je suis d’opinion que l’Opposante n’a pas satisfait son fardeau de preuve initial aussi minime soit-il et ce pour les raisons qui suivent.

 

[14]           La production d’une copie certifiée d’un affidavit produit dans le cadre d’une autre procédure judiciaire a déjà été acceptée en preuve malgré la règle de la meilleure preuve. Il s’agit dans ces cas de l’application d’une règle d’exception à savoir que cet affidavit contient une admission contre l’intérêt de cette partie. L’Opposante prétend que l’affidavit de M. de Medeiros contient un aveu contre l’intérêt de la Requérante à savoir qu’elle aurait débuté l’emploi de la Marque au Canada qu’en 1997.

 

[15]           L’Opposante aimerait faire dire à cet affidavit que la Requérante a débuté l’emploi de la Marque qu’en 1997 puisque l’affidavit fait état des chiffres de vente de rhum portant la Marque que depuis 1997 jusqu’en 2003. Or nous ne savons pas si cet affidavit se voulait une preuve de toutes les ventes de l’Opposante au Canada de rhum portant la Marque. M. de Medeiros ne déclare pas dans son affidavit fournir les chiffres de ventes de rhum au Canada portant la Marque depuis le début de son emploi.

 

[16]           Quant à l’affidavit de M. Boulay, il ne fait que fournir les chiffres des ventes de rhum portant la Marque pour les années 1995 et 1996. De cet affidavit, l’Opposante voudrait que je conclue que la Requérante ait cessé d’utiliser la Marque en 1997. Je ne peux prêter cette intention à cet affidavit. Tout ce qu’il fournit comme information est le chiffre des ventes de rhum au Canada en liaison avec la Marque durant les années 1995 et 1996. Je présume que cet affidavit se voulait complémentaire à celui de M. Armando de Medeiros, en présumant de l’admissibilité de son contenu. En effet la seule question faisant l’objet de cette opposition est de déterminer si la preuve démontre que Requérante n’avait pas employé la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises à la date de premier emploi alléguée dans sa demande d’enregistrement.

 

[17]           L’Opposante plaide que la Requérante n’a pas produit de preuve d’emploi de la Marque au sens de l’article 4(1) de la Loi pour dissiper tout doute quant à son emploi depuis le 31 décembre 1995.

 

[18]           Qu’il suffise de dire que dans le cadre de ce motif d’opposition la Requérante n’a pas le fardeau initial de prouver l’emploi de la Marque à compter de la date de premier emploi alléguée dans sa demande d’enregistrement. L’Opposante se devait de faire la preuve de faits matériels qui soulèveraient un doute sérieux quant à la véracité de la date de premier emploi de la Marque au Canada. Si l’Opposante soulève ce doute sérieux alors la Requérante devra prouver l’emploi de la Marque à compter de la date de premier emploi alléguée dans sa demande d’enregistrement. La preuve au dossier ne me permet pas de conclure qu’il existe un tel doute.

 

[19]           L’Opposante se réfère à l’arrêt Community Credit Union Ltd. c. Registrar of Trade-marks, 53 C.P.R. (4th) 296 pour argumenter que la Requérante a le fardeau de prouver sa date de premier emploi alléguée dans sa demande d’enregistrement. Or dans cet arrêt la cour a conclu dans ce sens mais seulement après avoir constaté, suite à un contre-interrogatoire du représentant de la requérante, que la preuve de cette dernière soulevait des doutes sérieux quant à l’exactitude de la date de premier emploi de la Marque au Canada en liaison avec des marchandises. Dans ce contexte il est tout à fait logique que la requérante ait eu le fardeau de prouver l’exactitude de la date de premier emploi alléguée dans sa demande d’enregistrement.

 

[20]           Je rejette donc le seul et unique motif d’opposition car l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau initial de preuve.

 

VI Conclusion

 

[21]           En raison des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition, le tout selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

DATÉE À BOUCHERVILLE, QUÉBEC, CE 9 DÉCEMBRE 2009.

 

 

Jean Carrière

Membre de la commission des oppositions des marques de commerce

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