Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                                    THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 57

Date de la décision : 2012‑03‑21

 

 

DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS produites par 88766 Canada Inc. à l’encontre des demandes d’enregistrement no 1 295 775, 1 295 776 et 1 300 736 pour les marques de commerce OMEGA Dessin, OMEGA.CA et E‑OMEGA, respectivement, au nom d’Omega Engineering, Inc.

 

 

[1]               Le 29 mars 2006, Omega Engineering, Inc. (la Requérante) a produit des demandes d’enregistrement pour les marques de commerce OMEGA Dessin (reproduite ci-dessous) et OMEGA.CA. Les demandes sont fondées sur l’emploi projeté des marques au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :

 

OMEGA DESIGN

 

Chronomètres et instruments pour la mesure d’intervalles de temps prédéterminés à usage industriel et/ou scientifique utilisés pour la mesure ou le contrôle de paramètres variables tels que la température, la pression, la force, la charge, la vibration, la conductibilité, le niveau de liquide, l’acidité, l’humidité, la déformation et le débit; appareils de chronométrage à commande informatique pour usage scientifique ou industriel, nommément horloges et chronomètres (les Marchandises).

 

[2]               La demande visant la marque de commerce OMEGA.CA comprend un désistement du droit à l’usage exclusif de « .CA » en dehors de la marque.

 

[3]               Le 8 mai 2006, la Requérante a produit une troisième demande d'enregistrement, pour la marque de commerce E‑OMEGA, également fondée sur l'emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec les Marchandises. À moins d'indication contraire, les marques de commerce OMEGA Dessin, OMEGA.CA et E‑OMEGA sont ci-après collectivement appelées « les Marques ».

 

[4]               Les demandes ont respectivement été annoncées aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 15 novembre 2006 (demande no 1 295 775 pour la marque de commerce OMEGA Dessin), du 17 janvier 2007 (demande no 1 300 736 pour la marque de commerce E‑OMEGA) et du 14 mars 2007 (demande no 1 295 776 pour la marque de commerce OMEGA.CA).

 

[5]               La société 88766 Canada Inc. (l’Opposante) a produit des déclarations d’opposition pratiquement identiques à l’encontre de chaque demande, aux dates suivantes : le 16 avril 2007 quant à la demande no 1 295 775, le 14 mai 2007 quant à la demande no 1 295 776 et le 18 juin 2007 quant à la demande no 1 300 736. Dans ses déclarations d’opposition, telles qu’elles ont été modifiées pour la dernière fois par l’Opposante et acceptées par le registraire le 13 octobre 2009 (demande no 1 295 775) et le 3 décembre 2009 (demandes no 1 295 776 et 1 300 736), l’Opposante soulève les motifs suivants : les demandes ne sont pas conformes aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi); les Marques ne sont pas enregistrables, comme le prévoient les alinéas 12(1)d) et 38(2)b) de la Loi, et elles ne sont pas distinctives de la Requérante, au sens de l’article 2 et de l’alinéa 38(2)d) de la Loi, du fait qu’elles créent de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes appartenant à un tiers, à savoir Omega SA (Omega AG) (Omega Ltd.) (je désignerai ci-après ce tiers simplement par le nom Omega SA) :

 

OMEGA & DESIGN

OMEGA & DESSIN

Marque déposée le 24 juillet 1894 sous le numéro LMCDF5009. L’enregistrement, tel qu’il a été modifié la dernière fois le 1er mars 2006, vise les marchandises suivantes :

(1) Montres et boîtes pour montres; (2) Chaînes de montres, outils et accessoires ainsi que toutes fournitures et parties détachées employees [sic] dans l’horlogerie et la bijouterie y soient inclus; (3) Etuis et emballages, nommément: contenants sous forme de housses en tissus et boîte; compteurs et chronographes qui servent au chronométrage sportif; et appareils techniques et scientifiques pour l’électricité, l’optique, la télégraphie, le cinéma, la radio, la téléphonie, la télégraphie, nommément: la [sic] cellules photo-électriques, portails à contact, compteurs enregistreurs sur bande de papier, pistolets de start à contacts électriques.

Premier emploi de la marque en 1895 avec les marchandises (1), en 1939 avec les marchandises (2) et en 1950 avec les marchandises (3).

Marque déposée le 1er novembre 1985 sous le numéro LMC307956 en liaison avec les marchandises et services suivants : Appareils relatifs aux activités sportives, nommément: chronomètres, tableaux de pointage et tableaux indicateurs, pour le pointage, le contrôle et la mesure du temps, des distances, des scores, des heures et des dates et Services de conseil relativement à la planification et installation d’appareils de pointage, de contrôle et de mesure de temps et de distances, destinées principalement au domaine sportif.

Déclaration d’emploi de la marque produite le 11 juillet 1985.

 

[6]               Pour chacune des oppositions, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

 

[7]               Comme preuve à l’appui de ses trois oppositions, l’Opposante a produit la déclaration solennelle souscrite le 28 mai 2008 par Iana Alexova, stagiaire en droit au cabinet d’avocats qui représente l’Opposante en l’espèce; la déclaration solennelle souscrite le 3 juin 2008 par Karine Jarry, également stagiaire en droit au même cabinet; enfin, la déclaration solennelle souscrite le 30 mai 2008 par Rita Goedike, adjointe administrative au même cabinet. L’Opposante a aussi produit des copies certifiées conformes de ce qui suit :

 

  • les enregistrements no LMCDF5009 et LMC307956 pour les marques de commerce OMEGA Dessin appartenant à Omega SA;
  • les documents suivants tirés de l’historique d’opposition et du dossier de la demande no 849631 pour la marque de commerce OMEGA & OE Dessin, qui a ensuite été enregistrée sous le numéro LMC675419 :
    • la déclaration d’opposition produite par Omega SA;
    • une lettre du Bureau datée du 12 octobre 2000 et la pièce qui y est jointe, à savoir une copie d’une demande d’enregistrement modifiée produite le 29 août 2000 par la Requérante;
    • une lettre du 22 avril 2002 du cabinet d’avocats Ridout & Maybee LLP et l’affidavit de Ralph S. Michel qui y est joint, produits au nom de la Requérante suivant l’article 42 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96‑195;
    • une lettre du Bureau datée du 16 mai 2006, accompagnée d’une copie de la décision du registraire en date du 24 avril 2006;
    • une lettre du Bureau datée du 15 juin 2006, accompagnée de la copie d’une page corrigée de la décision susmentionnée du registraire;
  • l’enregistrement no LMC675419 pour la marque de commerce OMEGA & OE Dessin appartenant à la Requérante;
  • les enregistrements no LMC444181 et LMC385165 pour les marques de commerce respectives ST. TROPEZ et TROUSSEAU appartenant à Bijoux Continental Inc.;
  • de l’information figurant au registre des entreprises du Québec concernant Bijoux Continental Inc.

 

[8]               Comme preuve à l’appui dans chacun des cas, la Requérante a produit l’affidavit souscrit le 29 janvier 2009 par B. Christine Riggs, avocate interne de la Requérante. À titre de preuve en réponse, l’Opposante a produit pour chacune des oppositions une copie certifiée conforme de l’information figurant au registre des entreprises du Québec pour Omega Environmental Inc. et un autre affidavit de Mme Goedike, souscrit le 30 juin 2009. J'emploierai le singulier pour désigner les trois affidavits (c'est‑à-dire un par dossier) produits en l'espèce par chacun des déposants mentionnés ci-dessus, puisque ces affidavits sont identiques.

 

[9]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit dans chacune des procédures d’opposition et étaient représentées par un avocat compétent à l’audience tenue le 1er février 2012. J’emploierai le singulier pour désigner les trois plaidoyers écrits produits en l’espèce par chaque partie, puisqu’ils sont soit identiques, soit très semblables.

 

Fardeau de preuve

 

[10]           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que ses demandes sont conformes aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante doit s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

[11]           Il ressort de l’application de ces principes aux présentes procédures que les seuls motifs d’opposition sur lesquels le registraire doit se prononcer en détail sont le motif fondé sur la non‑conformité à l’alinéa 30a) de la Loi et celui fondé sur la non-enregistrabilité des Marques suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi. Les autres motifs d’opposition fondés sur l’article 30 ainsi que le motif d’opposition soulevant l’absence de caractère distinctif peuvent être sommairement rejetés comme suit :

 

Non-conformité à l’alinéa 30e) de la Loi

 

[12]           Comme l’a fait observer la Requérante dans son plaidoyer écrit, bien qu’ils ne soient pas expressément plaidés à l’égard d’un alinéa précis de l’article 30 de la Loi, les motifs d’opposition invoqués par l’Opposante aux points 1.1 à 1.3 de chacune de ses déclarations d’opposition à nouveau modifiées visent tous à contester la déclaration de la Requérante portant qu’elle a l’intention d’employer les Marques au Canada en liaison avec les Marchandises.

 

[13]           Je n’entends pas analyser en profondeur chacun des motifs d’opposition énoncés aux points 1.1 à 1.3 mentionnés ci-dessus. Je me contenterai de dire, comme l’a souligné la Requérante dans son plaidoyer écrit, qu’aucun élément de preuve ne met en cause la légitimité de l’emploi projeté sur lequel la Requérante fonde chacune de ses demandes d’enregistrement. En conséquence, les motifs d’opposition soulevés par l’Opposante aux points 1.1 à 1.3 de ses déclarations d’opposition à nouveau modifiées sont rejetés, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à leur égard.

 

Non-conformité à l’alinéa 30i) de la Loi

 

[14]           Comme l’a fait observer la Requérante dans son plaidoyer écrit, bien qu’il ne soit pas expressément plaidé à l’égard d’un alinéa précis de l’article 30 de la Loi, le motif d’opposition invoqué par l’Opposante au point 1.4 de chacune de ses déclarations d’opposition à nouveau modifiées est fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi, en ce qu’il vise à contester la déclaration formulée par la Requérante dans ses demandes, déclaration dans laquelle celle-ci affirme être convaincue qu’elle a droit d’employer les Marques au Canada en liaison avec les Marchandises.

 

[15]           Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée par l’alinéa 30i), un motif d’opposition fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsque la preuve dénote la mauvaise foi du requérant [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. En l’espèce, rien n’indique que la Requérante était de mauvaise foi. En effet, le simple fait que la demande d’enregistrement antérieure no 849631 pour la marque OMEGA & OE Dessin de la Requérante a été repoussée par le registraire à l’égard des marchandises « horloges » et « minuteries » [voir la décision non publiée du registraire dans l’affaire Omega S.A. c. Omega Engineering, Inc. datée du 24 avril 2006 (Omega), dont une copie certifiée conforme a été produite par l’Opposante comme il a été mentionné plus haut] n’empêche pas la Requérante de faire, dans ses demandes, la déclaration exigée par l’alinéa 30i) de la Loi. Je me contenterai de dire, comme l’a souligné la Requérante dans son plaidoyer écrit et à l’audience, que l’état déclaratif des marchandises qui était en cause dans la demande d’enregistrement antérieure no 849631 de la Requérante diffère de celui visé par les demandes qui nous occupent. En outre, les demandes contestées en l’espèce ont été produites avant que la décision susmentionnée du registraire ait été envoyée, voire avant qu’elle ait été rendue. En conséquence, le motif d’opposition invoqué par l’Opposante au point 1.4 de chacune de ses déclarations d’opposition à nouveau modifiées est rejeté, puisque l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial sur ce point.

 

Absence de caractère distinctif des Marques

 

[16]           Le motif d’opposition soulevant l’absence de caractère distinctif, tel qu’il a été plaidé par l’Opposante aux points 3.1 à 3.3 de ses déclarations d’opposition à nouveau modifiées, comprend trois volets.

 

[17]           Le premier volet peut être rejeté sommairement, l’Opposante n’ayant pas prouvé qu’à la date de production de chacune de ses déclarations d’opposition, la réputation au Canada des marques de commerce OMEGA & Dessin appartenant à Omega SA était assez importante, significative ou suffisante pour annuler le caractère distinctif des Marques [voir Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)]. L’Opposante n’a fourni aucune preuve de la mesure dans laquelle ces deux marques de commerce d’OMEGA SA ont été employées ou sont devenues connues au Canada. La simple existence des enregistrements no  LMCDF5009 et LMC307956 ne peut établir davantage qu’un emploi de minimis des marques de commerce d’Omega SA [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)].

 

[18]           Les deuxième et troisième volets peuvent aussi être rejetés sommairement, l’Opposante ne s’étant pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à leur égard. Aucun élément de preuve concernant l’emploi des Marques par d’autres entités, que ce soit par l’entité mal définie « Omega de Laval, Québec, Canada » mentionnée dans les déclarations d’opposition, ou par la filiale en propriété exclusive de la Requérante, Omega Environmental Inc. (Québec), Canada, ne met en cause le caractère distinctif des Marques suivant le paragraphe 48(2) ou l’article 50 de la Loi. Je me contenterai de dire que les demandes qui nous occupent sont fondées sur l’emploi projeté des Marques au Canada et qu’aucune preuve n’indique que des tiers ont employé les Marques ou qu’un tel emploi n’est pas dûment autorisé par licence. De toute façon, l’affidavit de Mme Riggs apporte des éclaircissements sur la relation entre la Requérante et sa licenciée Omega Environmental Inc.

 

Autres motifs d’opposition

 

[19]           Il reste donc le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’alinéa 30a) de la Loi et celui fondé sur la non-enregistrabilité des Marques au titre de l’alinéa 12(1)d) de la Loi.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30a)

 

[20]           L’Opposante soutient qu’aucune des demandes ne satisfait aux exigences de l’alinéa 30a) de la Loi, parce que les Marchandises n’y sont pas décrites dans les termes ordinaires du commerce. Plus particulièrement, la catégorie générale des « appareils de chronométrage à commande informatique » a une portée plus restreinte que les termes qu’elle définit (« horloges et chronomètres »), et les « chronomètres et instruments pour la mesure d’intervalles de temps prédéterminés » visés par les demandes ne sont pas conçus pour la mesure ou le contrôle des paramètres énoncés dans l’état déclaratif des Marchandises.

 

[21]           En ce qui concerne plus précisément les marchandises visées par les demandes et décrites comme étant des « appareils de chronométrage à commande informatique pour usage scientifique ou industriel, nommément horloges et chronomètres », je conviens avec la Requérante qu’à la simple lecture des Marchandises, les mots « nommément horloges et chronomètres » semblent avoir un sens plus étroit que les « appareils de chronométrage à commande informatique » qui les précèdent. Comme l’a souligné la Requérante dans son plaidoyer écrit, il est clairement indiqué au point 2.1 du Manuel des marchandises et des services : Guide de l’utilisateur de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, que « le contexte peut servir à préciser une description de marchandises qui serait autrement inacceptable ». En l’espèce, les « horloges et chronomètres » s’inscrivent dans le contexte des « appareils de chronométrage à commande informatique » et ne doivent pas être interprétés comme ayant un sens plus large que les « appareils de chronométrage à commande informatique », sans compter que rien n’indique que la désignation des « horloges et chronomètres » dans ce contexte serait inacceptable.

 

[22]           Il convient de souligner que l’Opposante n’a produit aucune preuve au soutien de son allégation portant que les « appareils de chronométrage à commande informatique pour usage scientifique ou industriel, nommément horloges et chronomètres » visés par les demandes ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce. En revanche, l’affidavit de Mme Riggs appuie la position de la Requérante selon laquelle ces marchandises sont décrites dans les termes ordinaires du commerce. En effet, Mme Riggs déclare dans son affidavit que la Requérante est un chef de file mondial, y compris au Canada, dans la fabrication et la distribution d’appareils de mesure et d’acquisition de données conçus pour un usage scientifique ou industriel. Elle affirme que les produits offerts par la Requérante comprennent une gamme d’appareils de chronométrage à commande informatique, à savoir des horloges et des chronomètres, qui sont exclusivement destinés à un usage scientifique ou industriel. Elle joint comme pièce A à son affidavit des copies d'exemples de notices techniques pour certains des chronomètres et appareils de chronométrage à commande informatique de la Requérante, lesquels comprennent des chronomètres à commande informatique [voir la pièce A, page M‑127, qui présente le « Panel-Mount Programmable Timer and Real-Time Clock » [chronomètre et horloge temps réel programmables montés sur panneau]]. Comme l’explique Mme Riggs dans son affidavit, ces produits sont représentatifs des types de chronomètres et d’appareils de chronométrage à commande informatique que la Requérante compte vendre en liaison avec les Marques.

 

[23]           De même, l’allégation de l’Opposante portant que les « chronomètres et instruments pour la mesure d’intervalles de temps prédéterminés » visés par les demandes ne sont pas conçus pour la mesure ou le contrôle des paramètres énoncés dans l’état déclaratif des Marchandises, n’est soutenue par aucune preuve. Comme les demandes en cause sont fondées sur un emploi projeté, je conviens avec la Requérante que l’allégation de l’Opposante est une simple hypothèse. De toute façon, Mme Riggs explique dans son affidavit que les chronomètres et instruments pour la mesure d’intervalles de temps prédéterminés de la Requérante, représentatifs des types de produits destinés à la vente au Canada en liaison avec les Marques, sont utilisés dans les domaines industriels ou scientifiques par des ingénieurs, des techniciens et des scientifiques pour la mesure ou le contrôle de paramètres variables, comme la température, la pression, la force, la charge, la vibration, la conductibilité, le niveau de liquide, l’acidité, l’humidité, la déformation et le débit. Ils présentent de nombreuses caractéristiques et capacités qui se prêtent à une vaste gamme d’applications industrielles. Par exemple, certains de ces chronomètres sont conçus pour être employés avec d’autres produits de la Requérante, y compris des thermostats et des compteurs [voir la pièce A de l’affidavit de Mme Riggs].

 

[24]           En conséquence, le motif fondé sur l’alinéa 30a) est rejeté à l’égard de chacune des oppositions, parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve au regard de ce motif.

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

 

[25]           L’Opposante soutient que les Marques ne sont pas enregistrables, compte tenu des dispositions de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elles créent de la confusion avec les marques de commerces OMEGA Dessin d’Omega SA mentionnées ci-dessus. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire reconnu au registraire et ai vérifié que les enregistrements no LMCDF5009 et LMC307956 sont en règle en date d’aujourd’hui.

 

[26]           Comme l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, la Requérante doit établir, suivant la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre chacune des Marques et l’une ou l’autre des marques de commerce OMEGA Dessin d’Omega SA.

 

[27]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[28]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive, et tous les facteurs pertinents doivent être examinés. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eux n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.); Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C)].

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

[29]           Les marques de commerce en cause sont toutes composées du mot « OMEGA » ainsi que d’un autre mot ou d’un élément graphique.

 

[30]           Comme je suis habilitée à me référer aux dictionnaires pour déterminer la signification d’un mot, j’ai consulté le Canadian Oxford Dictionary, qui donne la définition suivante du mot « OMEGA » : [traduction] « n. 1. Vingt‑quatrième et dernière lettre de l’alphabet grec (Ω,ω). 2. Dernier élément d’une série. »

 

[31]           J’estime que le caractère distinctif inhérent de chacune des Marques de la Requérante se compare à celui des marques OMEGA Dessin d’Omega SA. Ni l’élément graphique constitué du symbole Ω représentant OMEGA, ni le suffixe « .CA », ni le préfixe « E- » n’ajoutent sensiblement au caractère distinctif inhérent des marques en cause.

 

[32]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou par l’emploi. Cependant, comme je l’ai indiqué précédemment, rien ne prouve que les marques OMEGA Dessin d’Omega SA ont été employées ou sont devenues connues dans quelque mesure que ce soit au Canada; la simple existence des enregistrements no LMCDF5009 et LMC307956 ne peut établir davantage qu’un emploi de minimis des marques de commerce d’Omega SA. Comme je l’ai aussi mentionné, rien ne prouve que les Marques que la Requérante projette d’employer ont été employées ou sont devenues connues au Canada.

 

[33]           La Requérante soutient dans son plaidoyer écrit que :

 

[traduction] [...] dans les domaines scientifique et industriel, les [Marques] posséderaient un caractère distinctif plus marqué que les marques d’Omega SA, étant donné la mesure dans laquelle ses autres marques de commerce OMEGA sont connues, comme le montrent l’historique de la [Requérante] et l’affidavit de M. Michel.

 

Je ne suis pas d’accord, pour les motifs exposés ci-dessous.

 

[34]           L’affidavit de Mme Riggs ne me permet aucunement de déterminer la mesure dans laquelle les « autres marques de commerce OMEGA » dont se réclame la Requérante ont été employées et sont devenues connues au Canada. Quant à « l’affidavit de M. Michel », la preuve au dossier comporte deux affidavits de Ralph S. Michel, tous deux produits en l’espèce par l’Opposante. En premier lieu, on trouve une copie certifiée conforme d’un affidavit souscrit le 17 avril 2002, qui a été produit pour le compte de la Requérante au soutien de sa demande no 849631 pour la marque de commerce OMEGA & OE Dessin, demande qui a plus tard donné lieu à l’enregistrement numéro LMC675419. À l’examen de cet affidavit, je constate que le titre de l’affidavit fait apparemment référence à la demande no 849629 pour la marque de commerce OE Dessin, alors que le certificat d’authenticité et la lettre de présentation accompagnant la copie de l’affidavit mentionnent la demande no 849631. Deuxièmement, on trouve une copie (produite à titre de pièce RG‑1 à l'appui du premier affidavit de Mme Goedike) d’un autre affidavit, également souscrit le 17 avril 2002, qui a été produit pour le compte de la Requérante au soutien de sa demande no 849631 pour la marque de commerce OMEGA & OE Dessin. À l’examen de cet affidavit, je remarque qu’à l’exception du titre – qui fait correctement référence à la demande no 849631 – et de la numérotation des six premiers paragraphes, ce document est identique à l’autre affidavit de M. Michel mentionné ci-dessus. Pour faciliter l’analyse qui suit, je désignerai ces deux affidavits collectivement par « l’affidavit de M. Michel ».

 

[35]           Comme on le verra plus tard dans l’analyse de la nature du commerce (alinéa 6(5)d) de la Loi), l’affidavit de M. Michel a été produit par l’Opposante pour faire foi de la vente des produits de la Requérante à un bijoutier exploitant l’entreprise Bijoux Continental Inc. L’Opposante désirait ainsi étayer son argument portant qu’il existe un recoupement dans la nature du commerce de la Requérante et de celui d’Omega SA. S’appuyant sur la décision de la Commission dans l’affaire Bacardi & Company Limited c. Havana Club Holdings S.A., 2009 CarswellNat 5023, l’Opposante soutient que l’affidavit de M. Michel comporte un aveu contre l’intérêt de la Requérante. Même si elle ne semble pas s’opposer à l’admissibilité et à la fiabilité de l’affidavit de M. Michel produit par l’Opposante, la Requérante ne peut, à mon avis, s’appuyer sur cet affidavit en l’espèce pour étayer son allégation selon laquelle les Marques posséderaient un caractère distinctif plus marqué que les marques d’Omega SA étant donné la mesure dans laquelle ses autres marques de commerce OMEGA sont connues. Premièrement, bien que la mesure dans laquelle les « autres marques de commerce OMEGA » sont connues eût pu constituer une circonstance pertinente pour l’analyse relative à la confusion, elle n’entre pas, en soi, en ligne de compte dans l’examen du caractère distinctif acquis des Marques que la Requérante projette d’employer. Deuxièmement, l’affidavit de M. Michel est daté du 17 avril 2002. Je devrais donc présumer qu’il y a eu un emploi continu des marques de commerce qui y sont mentionnées jusqu’à la date d’aujourd’hui. Troisièmement, la Requérante n’a présenté aucune observation en ce sens à l’audience. Elle a plutôt déclaré qu’en l’espèce, l’examen global du facteur fondé sur l’alinéa 6(5)a) [traduction] « est une perte de temps ».

 

[36]           Vu ce qui précède, l’examen global du caractère distinctif inhérent des marques de commerce en cause et de la mesure dans laquelle ces marques sont devenues connues ne favorise nettement ni l’une ni l’autre partie.

 

 

 

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

[37]           D’après les dates de premier emploi et les déclarations d’emploi alléguées dans les enregistrements d’Omega SA décrits ci-dessus, les marques OMEGA Dessin seraient employées depuis longtemps au Canada, tandis que les demandes de la Requérante sont fondées sur l’emploi projeté des Marques. Cependant, puisque l’Opposante n’a pas prouvé l’emploi continu des marques OMEGA Dessin depuis les dates alléguées, la période pendant laquelle les marques ont été en usage ne constitue pas une circonstance pertinente en l’espèce [voir la décision Entre Computer Centers, précitée, aux paragraphes 9 et 10].

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce

 

[38]           En ce qui concerne le genre de marchandises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des Marchandises de la Requérante et l’état déclaratif des marchandises et des services qui figure dans les enregistrements d’Omega SA [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Toutefois, ces états déclaratifs doivent être interprétés dans le but de déterminer le genre d’entreprise ou de commerce que les parties ont vraisemblablement l’intention d’exploiter et non de répertorier tous les types de commerce susceptibles d’être visés par le libellé. À cet égard, une preuve établissant la nature véritable du commerce des parties est utile [voir les arrêts McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.); Procter & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.); American Optional Corp. c. Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (C.O.M.C.)].

 

[39]           Comme je l’ai indiqué, l’Opposante n’a présenté aucune preuve d’emploi des marques de commerce d’Omega SA ni aucune preuve concernant les voies de commercialisation empruntées par les marchandises de cette dernière. Au soutien de son observation selon laquelle le genre des Marchandises de la Requérante et des marchandises d’Omega SA ainsi que leurs voies de commercialisation respectives se recoupent, l’Opposante s’appuie sur les définitions des termes « horlogerie », « chronometer » [chronomètre], « industrial » [industriel], « industry » [industrie], « science », « scientific » [scientifique], « clock » [horloge] et « timer » [minuterie/chronomètre] de divers dictionnaires français et anglais mentionnées dans l’affidavit de Mme Alexova. L’Opposante invoque également l’affidavit de M. Michel mentionné ci-haut, qui fait foi d’une vente faite le 27 juin 1995 par la Requérante à l’exploitant d’une bijouterie nommée Bijoux Continental Inc. [voir la facture no 118865 comprise dans la liasse de factures jointe comme pièce C à l’affidavit de M. Michel]. Bien que cette facture ne comporte que des codes numériques et des abréviations pour les marchandises, M. Michel déclare dans son affidavit que la pièce C est constituée [traduction] « d’exemples de factures attestant la vente d’appareils de chronométrage à commande informatique pour usages scientifiques et industriels [de la Requérante], de 1987 à ce jour » [sans italiques dans l’original]. L’Opposante s’appuie aussi sur les conclusions tirées par M. Carrière, membre de la Commission, dans la décision Omega; celui-ci a estimé qu’il existait un possible recoupement dans les voies de commercialisation empruntées, d’une part, par les marchandises de la Requérante qui faisaient l’objet de la demande no 849631 pour la marque de commerce OMEGA & OE Dessin et, d’autre part, par les « appareils techniques et scientifiques pour l’électricité » visés par l’enregistrement no LMCDF5009 d’Omega SA, en ce qui concernait les « horloges » et les « minuteries » [« timers »].

 

[40]           Au soutien de son observation selon laquelle il est peu probable qu’il y ait recoupement dans le genre des Marchandises de la Requérante et des marchandises d’Omega SA ainsi que dans leurs voies de commercialisation respectives, la Requérante s’appuie quant à elle sur l’affidavit de Mme Riggs. Dans son affidavit, Mme Riggs déclare qu’elle connaît bien l’entreprise Omega SA, qui offre une gamme de montres et d’appareils de chronométrage pour le sport au Canada et partout dans le monde en liaison avec diverses marques de commerce comprenant le mot « OMEGA ». Elle affirme aussi qu’en vue de définir les droits respectifs de la Requérante et d’Omega SA à l’égard des marques de commerce contenant le mot OMEGA, la lettre grecque Ω ou quelque élément ressemblant spécieusement à l’un ou à l’autre de ces éléments, la Requérante et Omega SA ont conclu une entente mondiale en 1994. Cette entente vise en partie à délimiter les secteurs dans lesquels chaque partie est autorisée à employer ses marques de commerce. Mme Riggs joint à son affidavit la pièce B, qui consiste en une copie de cette entente (ci-après « l’entente de 1994 »).

 

[41]           Plus précisément, Mme Riggs déclare aux paragraphes 5 et 6 de son affidavit :

 

[traduction] 5. Comme il est mentionné à [l’alinéa 4a)] de l’entente de 1994, la Requérante est expressément autorisée à employer et à enregistrer toute marque de commerce contenant le mot OMEGA ou la lettre grecque Ω ou toute marque contenant des éléments ressemblant spécieusement à l’un ou à l’autre de ces éléments en liaison avec des appareils de mesure, de chronométrage et d’affichage à commande informatique conçus pour un usage scientifique ou industriel. Cette description correspond à la deuxième partie de l’état déclaratif des marchandises dans la demande ou les demandes qui font l’objet de l’opposition.

 

6. À l’alinéa 4c) de l’entente [de 1994], Omega SA s’engage expressément à ne pas s’opposer à l’emploi ou à l’enregistrement par la Requérante de toute marque de commerce contenant le mot OMEGA ou la lettre grecque Ω, ou de toute marque contenant des éléments ressemblant spécieusement à l’un ou à l’autre de ces éléments en liaison avec tout appareil à usage industriel et/ou scientifique utilisé pour la mesure ou le contrôle de paramètres variables tels que la température, la pression, la force, la charge, la vibration, la conductibilité, le niveau de liquide, l’acidité, l’humidité, la déformation et le débit. Ainsi, les chronomètres et instruments pour la mesure d’intervalles de temps prédéterminés à usage industriel et/ou scientifique utilisés pour les raisons mentionnées ci-dessus, tels qu’ils sont décrits dans la première partie de l’état déclaratif des marchandises pour [ces] demande[s], sont visés par l’alinéa 4c) de l’entente de 1994.

 

[42]           De plus, la Requérante souligne les différences entre l’état déclaratif des Marchandises visées en l’espèce et l’état déclaratif des marchandises auquel s’est opposée en partie Omega SA dans le cadre de la demande d’enregistrement antérieure no 849631 pour la marque OMEGA & OE Dessin de la Requérante, qui est reproduit ci-dessous :

 

Appareils à usage industriel et/ou scientifique pour mesurer ou contrôler des paramètres variables tels que la température, la pression, la force, la charge, les vibrations, la conductivité électrique, le niveau liquide, l’acidité, l’humidité, la contrainte et le débit ainsi qu’appareils de mesurage, de temporisation et d’affichage commandés par ordinateur conçus pour la science ou l’industrie, nommément

(…)

(g) horloges; (…) minuteries (…).

 

[43]           Je conviens avec la Requérante qu’il est peu probable que le genre de chronomètres et d’instruments pour la mesure d’intervalles de temps prédéterminés de la Requérante, telles que ces marchandises sont définies dans la première partie de l’état déclaratif des Marchandises, et le genre de marchandises proposées par Omega SA ainsi que leurs voies de commercialisation respectives, se recoupent.

 

[44]           Les chronomètres et instruments pour la mesure d’intervalles de temps prédéterminés de la Requérante et les marchandises et services d’Omega SA visés par l’enregistrement LMC307956 sont nettement différents. L’enregistrement LMC307956 s’applique à une gamme d’appareils de chronométrage pour le sport et de services connexes, qui diffèrent substantiellement des chronomètres et instruments pour la mesure d’intervalles de temps prédéterminés de la Requérante. Ces derniers, en effet, sont spécialement conçus pour la mesure ou le contrôle de paramètres variables tels que la température, la pression, la force, la charge, etc. dans les domaines scientifique et industriel.

 

[45]           Les chronomètres et instruments pour la mesure d’intervalles de temps prédéterminés de la Requérante diffèrent aussi substantiellement des marchandises d’Omega SA visées par l’enregistrement LMCDF5009. Comme il a été mentionné, les chronomètres et instruments pour la mesure d’intervalles de temps prédéterminés de la Requérante sont conçus à des fins très précises. Ils sont donc totalement différents des marchandises suivantes : « (1) Montres et boîtes pour montres; (2) Chaînes de montres, outils et accessoires ainsi que toutes fournitures et parties détachées employees [sic] dans l’horlogerie et la bijouterie y soient inclus; (3) Etuis et emballages, nommément: contenants sous forme de housses en tissus et boîte; compteurs et chronographes qui servent au chronométrage sportif; ». Qui plus est, même si l’on peut soutenir que les marchandises appartiennent à la catégorie générale des « appareils techniques et scientifiques » décrite dans l’enregistrement d’Omega SA, cette catégorie se limite expressément aux appareils « pour l’électricité, l’optique, la télégraphie, le cinéma, la radio, la téléphonie, la télégraphie, nommément: la [sic] cellules photo-électriques, portails à contact, compteurs enregistreurs sur bande de papier, pistolets de start à contacts électriques ».

 

[46]           Bien que l’entente de 1994 ne lie pas le registraire, je ferai remarquer par ailleurs que les chronomètres et instruments pour la mesure d’intervalles de temps prédéterminés de la Requérante, telles que ces marchandises sont définies dans la première partie de l’état déclaratif des Marchandises, semblent être visés par les alinéas 4a) et 4c) de l’entente, qui prévoient ce qui suit :

 

[traduction]

4 Suivant la signature de la présente entente, et dans tous les pays du monde :

a) [La Requérante] s’engage à ne pas employer, enregistrer ou demander que soit enregistrée une [marque de commerce] contenant le mot OMEGA ou la lettre grecque Ω ou quelque élément ressemblant spécieusement à l’un ou à l’autre de ces éléments, en liaison avec des appareils de mesure, de chronométrage et d’affichage à commande informatique, sauf s’ils sont conçus pour un usage scientifique ou industriel.

 

[...]

 

c) OMEGA SA ne s’opposera pas à l’emploi ou à l’enregistrement par [la Requérante] de toute [marque de commerce] contenant le mot OMEGA, la lettre grecque Ω ou quelque élément ressemblant spécieusement à l’un ou à l’autre de ces éléments, en liaison avec des appareils à usage industriel et/ou scientifique utilisés pour la mesure ou le contrôle de paramètres variables tels que la température, la pression, la force, la charge, la vibration, la conductibilité, le niveau de liquide, l’acidité, l’humidité, la déformation et le débit [je souligne].

 

[47]           Je ferai remarquer que le juge Blais a tiré une conclusion semblable dans l’affaire Omega Engineering Inc. c. Omega SA (2006), 56 C.P.R. (4th) 210 (C.F.) opposant la Requérante et Omega SA. Dans cette affaire, la Requérante avait présenté une demande fondée sur l’article 57 de la Loi, en vue d’obtenir une ordonnance modifiant l’enregistrement no LMCDF5009 d’Omega SA, ou, subsidiairement, une déclaration portant que la marque de commerce avait été abandonnée. L’un des arguments soulevés par la Requérante était que l’entente de 1994 prouvait qu’il était interdit à Omega SA d’employer la marque de commerce. Voici ce que le juge Blais a déclaré à propos de cet argument :

 

[24] En ce qui a trait au premier argument, je ne suis pas convaincu que l’entente de coexistence de 1994 prouve, comme le fait valoir la demanderesse, qu’il est interdit à la défenderesse d’employer la marque de commerce.

 

[25] L’alinéa 4b) de l’entente de coexistence prévoit :

 

[…]

 

[26] À mon avis, les produits énumérés dans l’entente ne sont pas semblables aux marchandises décrites dans l’enregistrement. Alors que l’entente interdit l’emploi des produits à des fins scientifiques, elle le fait dans le contexte de la mesure ou du contrôle de paramètres variables comme la température, la pression, la force, la charge, les vibrations, la conductivité électrique, les niveaux de liquide, l’acidité, l’humidité, la tension mécanique et le débit. En l’espèce, la description des marchandises dans la présente demande vise des « appareils techniques et scientifiques pour l’électricité, l’optique, la télégraphie, le cinéma, la radio, la téléphonie, la télégraphie ». Par conséquent, les marchandises ne sont pas semblables à celles dont l’emploi est interdit aux termes de l’entente.

 

[48]           Quant aux « appareils de chronométrage à commande informatique pour usage scientifique ou industriel, nommément horloges et chronomètres » de la Requérante, je conviens avec l’Opposante qu’étant donné que ces marchandises sont décrites dans la deuxième partie de l’état déclaratif des Marchandises, il existe un possible chevauchement avec les marchandises de l’Opposante. Bien que les « horloges et chronomètres » de la Requérante soient « pour usage scientifique ou industriel » et pourraient fort bien ne pas être touchés par les interdictions prévues dans l’entente de 1994, une telle restriction ne permet guère de différencier les horloges et chronomètres de la Requérante des compteurs, chronographes et appareils techniques et scientifiques visés par les enregistrements d’Omega SA.

 

[49]           Comme l’a établi l’Opposante, l’expression « pour usage scientifique ou industriel » peut viser de nombreux types d’industries. Le contexte de la mesure ou du contrôle de paramètres variables tels que la température, la pression, la force, la charge, etc., ainsi qu’ils sont définis dans la première partie de l’état déclaratif des Marchandises de la Requérante, fait défaut dans la deuxième partie.

 

[50]           En outre, si les copies d’exemples de notices techniques de la Requérante jointes à titre de pièce A à l’affidavit de Mme Riggs donnent à entendre que les Marchandises de la Requérante seront vraisemblablement vendues par catalogue ou en ligne sur le site Web omega.com, l’affidavit de M. Michel appuie la position de l’Opposante selon laquelle la clientèle de la Requérante n’est pas nécessairement limitée aux ingénieurs, techniciens et scientifiques et pourrait bien comprendre « l’industrie des bijoux », par exemple. La diversité des produits de la Requérante est aussi illustrée dans ces exemples de notices techniques par l’en-tête « More than 100,000 Products Available! » [Plus de 100 000 produits offerts!].

 

 

[51]           En résumé, je conclus qu’il existe une possibilité de recoupement dans le genre respectif des « appareils de chronométrage à commande informatique pour usage scientifique ou industriel, nommément horloges et chronomètres » de la Requérante et des compteurs, chronographes et appareils techniques et scientifiques d’Omega SA, ainsi que dans les voies de commercialisation de ces marchandises.

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

 

[52]           La marque OMEGA Dessin de la Requérante et les marques OMEGA Dessin d’Omega SA sont identiques sur le plan sonore étant donné que le mot du dictionnaire OMEGA en compose la partie nominale dans les deux cas. Comme je l’ai indiqué, bien que les éléments graphiques des marques soient différents, aucun de ces dessins n’ajoute sensiblement au caractère distinctif inhérent des marques en cause. C’est plus particulièrement le cas du dessin d’Omega SA constitué de la lettre grecque Ω symbolisant OMEGA. Par conséquent, les marques présentent un degré de ressemblance élevé dans la présentation et les idées qu’elles suggèrent.

 

[53]           Il existe également un degré de ressemblance élevé entre les marques OMEGA.CA et E‑OMEGA de la Requérante et les marques OMEGA Dessin d'Omega SA dans la présentation, le son et les idées qu’elles suggèrent, puisque ni le suffixe « .CA » ni le préfixe « E- » n’ajoutent sensiblement au caractère distinctif inhérent des marques de la Requérante. Le suffixe « .CA » désigne l’extension du nom de domaine « .CA », d’où le désistement de la Requérante au droit à l’usage exclusif de « .CA », alors que le préfixe « E‑ » évoque « l'électronique ».

 

Autres circonstances de l’espèce

 

[54]           Comme circonstance additionnelle de l’espèce, la Requérante fait observer qu’Omega SA ne s’est pas opposée aux demandes en cause et soutient que ce fait tend fortement à indiquer que les Marchandises de la Requérante et celles d’Omega SA ne se recoupent pas dans le commerce et qu’Omega SA ne perçoit pas de recoupement dans leurs voies de commercialisation respectives. Cependant, on ne peut que s’interroger sur les raisons pour lesquelles Omega SA ne s’est pas opposée aux demandes visées en l’espèce. En outre, comme l’a elle-même souligné la Requérante, l’objet premier de la Loi n’est pas la protection de l’intérêt commercial du propriétaire d’une marque de commerce, mais plutôt la protection du public contre l’emploi de marques qui créent de la confusion dans le marché; la Loi vise à faire en sorte que les acheteurs ne soient pas erronément amenés à acheter les produits d’un fabricant en croyant qu’il s’agit du produit d’un autre fabricant [voir Deere & Co. c. Four Pillars Enterprises Co. (1985), 7 C.P.R. (3d) 339 (C.F. 1re inst.), à la page 350].

 

[55]           Comme circonstance additionnelle, la Requérante fait valoir que l’examinateur n’a pas soulevé d’objection à l’égard des demandes en cause à l’étape de l’examen. Or, une décision de la Section de l’examen du Bureau des marques de commerce ne lie pas la Commission ni n’a pour elle valeur de précédent, puisque la Section de l’examen ne dispose pas de la preuve que les parties produisent dans une procédure d’opposition. Qui plus est, le fardeau de preuve dont doit s’acquitter la partie requérante à l’étape de l’examen est différent de celui qui est lui imposé dans le cadre d’une opposition [voir Now Communications Inc. c. CHUM Ltd. (2003), 32 C.P.R. (4th) 68 (C.O.M.C.); Interdoc Corporation c. Xerox Corporation, décision inédite de la Commission des oppositions des marques de commerce rendue le 25 novembre 1998 concernant la demande no 786 491; Thomas J. Lipton Inc. c. Boyd Coffee Co. (1991), 40 C.P.R. (3d) 272, à la page 277; Procter & Gamble Inc. c. Morlee Corp. (1993), 48 C.P.R. (3d) 377, à la page 386].

 

[56]           La Requérante soutient également que sa marque OMEGA & OE Dessin (enregistrée sous le numéro LMC675419) et les deux marques de commerce déposées d’Omega SA coexistent sur le marché canadien depuis au moins 1967. Cependant, aucun élément de preuve n’indique que ces marques ont réellement coexisté sur le marché comme le soutient la Requérante. Fait plus important encore, l’état déclaratif des marchandises visées par l’enregistrement no LMC675419 diffère de celui concernant les demandes en l’espèce. L’article 19 de la Loi ne donne pas au propriétaire de l'enregistrement le droit automatique d’obtenir d'autres enregistrements, si étroitement liés puissent‑ils être avec l’enregistrement initial [voir Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH c. Produits Ménagers Coronet Inc. (1984), 4 C.P.R. (3d) 108 (C.O.M.C.); Groupe Lavo Inc. c. Proctor & Gamble Inc. (1990), 32 C.P.R. (3d) 533 (C.O.M.C.)].

 

Conclusion relative à la probabilité de confusion

 

[57]           Compte tenu des conclusions que j’ai déjà énoncées, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause pour ce qui est des marchandises de la Requérante décrites comme étant des « appareils de chronométrage à commande informatique pour usage scientifique ou industriel, nommément horloges et chronomètres », et des compteurs, chronographes et appareils techniques et scientifiques d’Omega SA.

 

[58]           Quant aux autres marchandises visées par les demandes de la Requérante, j’estime que les différences entre ces marchandises et celles d’Omega SA sont suffisantes pour exclure toute probabilité de confusion.

 

[59]           Par conséquent, il est fait droit en partie, pour chacune des oppositions, au motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) relativement à la probabilité de confusion entre les marques d’Omega SA et les Marques.


 

Décision

 

[60]           Pour les motifs exposés ci-dessus, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse les demandes à l’égard des « appareils de chronométrage à commande informatique pour usage scientifique ou industriel, nommément horloges et chronomètres », et je rejette les oppositions à l’égard des « chronomètres et instruments pour la mesure d’intervalles de temps prédéterminés à usage industriel et/ou scientifique utilisés pour la mesure ou le contrôle de paramètres variables tels que la température, la pression, la force, la charge, la vibration, la conductibilité, le niveau de liquide, l’acidité, l’humidité, la déformation et le débit », conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi [voir Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 C.P.R. (3d) 492 (C.F. 1re inst.), à titre de précédent autorisant une décision partagée.]

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Dominique Lamarche, LL.L., trad. a.

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