Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF MARQUE DE COMMERCES

Référence : 2011 COMC 77

Date de la décision : 2011-05‑24

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION d’Omega SA. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,047,146 pour la marque de commerce OMEGATREK au nom d’Iwatsu Electric Co. Ltd.

 

 

[1]         Le 17 février 2000, Iwatsu Electric Co. Ltd. (la Requérante) a demandé l’enregistrement de la marque de commerce OMEGATREK (la Marque). La demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada. L’état déclaratif des marchandises révisé se lit comme suit : « téléphones, équipements numériques mobiles de communications vocales, nommément : téléphones sans fil, téléphones à clavier sans fil, modules de commutation électriques, et station de base ».

 

[2]         La demande se fonde également sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque aux États‑Unis. La requérante revendique en outre la priorité de la demande no 75/918,748, produite aux États-Unis le 14 février 2000, à l’égard de la demande correspondante.

 

[3]         La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du Journal des marques de commerce du 14 janvier 2004.

[4]         Le 25 mai 2006, Omega SA (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition dans laquelle elle prétend que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’art. 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi). Il y est également allégué que la Marque n’est pas enregistrable en raison de l’al. 12(1)d) de la Loi, qu’elle n’est pas distinctive au sens de l’art. 2 et de l’al. 38(2)d) de la Loi, et que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au titre de l’art. 16 de la Loi. L’Opposante allègue, notamment, que la Marque crée de la confusion avec sa marque nominale OMEGA, ses dessins-marques déposés OMEGA & Dessin, et ses noms commerciaux Omega SA, Omega AG et Omega Ltd., lesquels marques de commerce et noms commerciaux ont été utilisés au Canada par l’Opposante avant la date de priorité revendiquée dans la demande de la Requérante.

 

[5]         La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

 

[6]         À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit des copies certifiées des enregistrements no LMCDF5009 et LMC307,956 concernant ses marques de commerce OMEGA & Dessin. À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Makoto Kubota, directeur général de la division internationale de la Requérante, souscrit le 23 octobre 2008, et l’affidavit souscrit ce même jour par James Gannon, un étudiant en droit, travaillant pour le cabinet qui représente la Requérante. Le registraire a en outre autorisé la Requérante a produire un affidavit supplémentaire, souscrit par M. Kubota le 9 mars 2010, ainsi qu’une copie certifiée de l’enregistrement no LMC307,786 concernant la marque de commerce de la Requérante OMEGA PHONE et Dessin.

 

[7]         Les deux parties ont déposé des arguments écrits et ont obtenu du registraire l’autorisation de produire des arguments écrits supplémentaires. Les deux parties étaient présentes à l’audience.

 

Fardeau de preuve

 

[8]         La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante a toutefois la charge initiale de soumettre suffisamment d’éléments de preuve admissibles permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Résumé de la preuve des parties

 

Preuve de l’Opposante

 

[9]         Comme il a déjà été souligné, l’Opposante s’en est tenue à produire des copies certifiées des enregistrements obtenus pour ses marques de commerce OMEGA & Dessin. En voici le détail :

 

OMEGA & DESIGN

OMEGA & DESSIN

[traduction] Enregistrée le 24 juillet 1894 sous le nLCMDF5009. L’enregistrement, dont la dernière modification remonte au 1er mars 2006, vise les marchandises suivantes : (1) Montres et boîtes pour montres; (2) Chaînes de montres, outils et accessoires ainsi que toutes fournitures et parties détachées employées dans l’horlogerie et la bijouterie y soient inclus; (3) Étuis et emballages, nommément: contenants sous forme de housses en tissus et boîte; compteurs et chronographes qui servent au chronométrage sportif; et appareils techniques et scientifiques pour l’électricité, l’optique, la télégraphie, le cinéma, la radio, la téléphonie, la télégraphie, nommément: la [sic]cellules photo-électriques, portails à contact, compteurs enregistreurs sur bande de papier, pistolets de start à contacts électriques.

[traduction] Premier emploi de la marque en liaison avec les marchandises (1)1895; 1939 en liaison avec les marchandises (2) et 1950 en liaison avec les marchandises (3).

[traduction] Enregistrée le 1er novembre 1985 sous le no LMC307,956 en liaison avec les marchandises et services suivants : Appareils relatifs aux activités sportives, nommément: chronomètres, tableaux de pointage et tableaux indicateurs, pour le pointage, le contrôle et la mesure du temps, des distances, des scores, des heures et des dates et Services de conseil relativement à la planification et installation d’appareils de pointage, de contrôle et de mesure de temps et de distances, destinées [sic] principalement au domaine sportif.

[traduction] Une déclaration d’emploi de la marque a été produite le 11 juillet 1985.

 

La preuve de la Requérante

 

Les affidavits de M.Kubota

 

[10]     Comme il a été mentionné précédemment, la Requérante a déposé deux affidavits souscrits par M. Kubota. Je vais d’abord traiter de son affidavit initial.

 

[11]     M. Kubota indique que la Requérante a été constituée au Japon le 14 août 1938. La Requérante fabrique des systèmes téléphoniques et distribue ses produits aux États-Unis et au Canada par l’entremise de sa filiale en propriété exclusive, Iwatsu America, Inc. (Iwatsu America). M. Kubota déclare que les produits portant la Marque, qui sont fabriqués et vendus par la Requérante, sont des téléphones sans fil faisant partie de la gamme des systèmes téléphoniques d’entreprise offerts par la Requérante. Plus précisément, les produits de la Requérante portant la Marque peuvent être décrits comme étant des téléphones sans fil permettant d’accéder à des services de communication vocale à l’intérieur et à l’extérieur du système. Des accessoires sont également offerts avec les produits; ceux‑ci portent aussi la Marque, et ils sont fournis avec des modes d’emploi et des brochures destinés aux utilisateurs finaux [paragraphes 2, 5 et 8 de l’affidavit initial].

 

[12]     M. Kubota indique que les téléphones à clavier sans fil de la Requérante de même que leurs emballages portent la Marque et sont distribués par la filiale de la Requérante à ses clients, des distributeurs autorisés. Tous les produits de la Requérante sont vendus par l’entremise de distributeurs autorisés qui achètent les produits pour leurs clients (des utilisateurs finaux ); les quantités et la configuration des produits achetés tiennent compte des besoins particuliers des utilisateurs finaux [paragraphe 5 de l’affidavit initial].

 

[13]     Au Canada, les clients des distributeurs autorisés se trouvent en Ontario et au Québec. Les utilisateurs finaux sont des petites et grandes entreprises de tout type, notamment des entreprises de fabrication, des points de vente au détail, des cabinets professionnels, des institutions et autres entreprises commerciales. La Requérante compte plus de deux cents distributeurs qui achètent régulièrement des produits OMEGATREK aux États-Unis et au Canada [paragraphe 6 de l’affidavit initial].

 

[14]     M. Kubota indique que la Requérante a vendu d’importantes quantités de produits OMEGATREK depuis février 2001 aux États-Unis et au Canada. Ces ventes ont totalisé 3 000 000 $ US (de février 2001 jusqu’à la date de signature de son affidavit) et 60 000 $ US (de février 2002 jusqu’à la date de signature de son affidavit) [paragraphe 7 de l’affidavit initial].

 

[15]     À l’appui des déclarations d’emploi de la marque au Canada dont il est question ci-dessus, M. Kubota joint, comme pièces A, des photographies d’un téléphone à clavier sans fil portant la Marque ainsi que les étiquettes et les emballages y afférents; comme pièce B, des copies des modes d’emploi et des brochures destinés aux utilisateurs finaux; et comme pièce C, des copies d’échantillons de factures [paragraphes 5, 8 et 9 de l’affidavit initial]. Comme l’a souligné l’Opposante, les étiquettes figurant sur la pièce A font mention d’Iwatsu America et non de la Requérante. La mention [traduction] « Omegatrek est une marque de commerce d’Iwatsu America, Inc. » ainsi qu’un avis de droit d’auteur faisant mention de la même société figurent sur les documents de soutien joints comme pièce B. Les factures jointes à la pièce C sont aussi établies par Iwatsu America. Je vais revenir sur ce point – que l’Opposante estime crucial – plus loin dans ma décision.

 

[16]     M. Kubota termine son affidavit initial en disant qu’il n’a eu connaissance d’aucun cas où l’utilisation de la Marque au Canada et aux États-Unis par la Requérante et l’emploi d’une marque OMEGA par l’Opposante a créé de la confusion chez ses distributeurs autorisés et/ou chez les utilisateurs finaux.

 

[17]     L’affidavit supplémentaire de M. Kubota vise seulement à répondre à l’argument relatif à l’existence d’une licence d’emploi – qui n’avait pas été anticipé – et qui a été soulevé par l’Opposante suite à l’affidavit initial de M. Kubota. M. Kubota joint à son affidavit supplémentaire, comme pièce A, la copie d’un [traduction] « accord de distribution » (l’Accord) entre la Requérante et Iwatsu America. M. Kubota précise que cet accord autorise formellement Iwatsu America à agir en tant que distributeur autorisé des équipements, composantes et accessoires de télécommunication fabriqués par la Requérante et portant ses marques de commerce, y compris, depuis au moins février 2001, les marchandises sur lesquelles est apposée la Marque [paragraphe 6 de l’affidavit supplémentaire].

 

[18]     M. Kubota indique qu’en tout temps, la Requérante a, dans le cadre de sa relation d’affaires avec Iwatsu America, contrôlé directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des marchandises vendues en liaison avec les marques de commerce de la Requérante, y compris les marchandises vendues en liaison avec la Marque [paragraphe7 de l’affidavit supplémentaire].

 

[19]     M. Kubota indique en outre que la Requérante est et a toujours été le seul fabricant des marchandises associées à la Marque. Bien qu’en Amérique du Nord ces marchandises soient distribuées par Iwatsu America, elles sont, et ont toujours été, fabriquées dans des usines sous le contrôle direct de la Requérante. Les marchandises associées à la Marque qui sont destinées au marché nord-américain sont fabriquées sur commande au Japon par la Requérante, et en tant que fabricant il lui revient notamment de personnaliser leur apparence et de maintenir un système de numérotation de pièces afin de faciliter l’entretien et la réparation des marchandises OMEGATREK en Amérique du Nord [paragraphe 8 de l’affidavit supplémentaire].

 

[20]     M. Kubota indique que les marchandises OMEGATREK ont en tout temps été fabriquées selon les spécifications de la Requérante qui en contrôlait donc entièrement les caractéristiques et la qualité. Après la fabrication et l’inspection, la Requérante distribue les marchandises OMEGATREK à des filiales de distribution régionales autorisées, dont Iwatsu America, pour le marché nord-américain, qui y distribue les marchandises en aval de la chaîne de distribution décrite au paragraphe 5 de l’affidavit initial de M. Kubota [paragraphes 9 et 10 de l’affidavit supplémentaire].

 

[21]     M. Kubota déclare qu’Iwatsu America n’a jamais été appelée à fabriquer les marchandises OMEGATREK, mais qu’elle est chargée de les commercialiser et de les vendre, d’offrir des services d’entretien et de réparation sous la supervision et le contrôle de la Requérante. Elle s’occupe notamment de la réalisation des étiquettes en langue anglaise et du matériel de commercialisation pour le marché nord-américain. En pratique, les parties traitent l’Accord comme une concession de licence permettant à Iwatsu America lui permettant d’utiliser les marques de commerce de la Requérante pour distribuer les marchandises de la Requérante, étant donné qu’il a toujours été nécessaire de détenir une telle licence d’utilisation pour commercialiser des marchandises sur le marché nord‑américain [paragraphe 11 de l’affidavit supplémentaire].

 

[22]     M. Kubota dit qu’Iwatsu America a été désignée comme propriétaire de la Marque dans plusieurs brochures et sur plusieurs étiquettes destinées au marché nord-américain, alors que cela n’est pas le cas aux États-Unis – où la Requérante est propriétaire de l’enregistrement no 2,762,110 relatif à la Marque et de l’enregistrement no  2,234,712 relatif à la marque de commerce OMEGA-VOICE – ni au Canada – où la Requérante détient l’enregistrement no LMC307,786 relatif à la marque de commerce OMEGA PHONE Dessin, et où elle a sollicité la présente demande. À l’appui de cet allégué, M. Kubota joint des copies certifiées des deux enregistrements effectués aux États‑Unis ainsi que le certificat relatif à un troisième enregistrement aussi effectué dans ce pays pour la marque de commerce OMEGA-PHONE (l’enregistrement no 1,669,214, aussi détenu par la Requérante) [paragraphe12 de l’affidavit supplémentaire].

 

[23]     M. Kubota termine son affidavit supplémentaire en indiquant qu’en pratique, la Requérante conserve le contrôle direct et indirect des caractéristiques et de la qualité des marchandises visées par la licence. Plus précisément, Iwatsu America demeure sous la supervision directe de la division internationale de la Requérante. Les membres de la division internationale se rendent en Amérique du Nord ou font venir les représentants d’Iwatsu America au Japon environ deux fois par année pour veiller à ce qu’Iwatsu America remplisse toutes ses obligations en vertu de l’Accord et qu’elle respecte les normes de qualité de la Requérante en ce qui concerne la vente et l’entretien et la réparation des marchandises [paragraphe 13 de l’affidavit supplémentaire].

 

L’affidavit de M. Gannon

 

[24]     M. Gannon indique dans son affidavit qu’il a effectué une recherche dans les bases de données de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) en vue de repérer toutes les marques de commerce actives dans lesquelles figure le terme « OMEGA », sans égard aux marchandises et aux services visés, et pour faire état du résultat de ses recherches il joint à son affidavit les pièces A, B et C. Je reviendrai sur ce point plus loin dans ma décision lorsque j’examinerai les circonstances de l’espèce au regard du motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d).

 

Analyse des motifs d’opposition

 

[25]     Je passe maintenant à l’examen des motifs d’opposition en tenant compte de la preuve au dossier, sans nécessairement suivre l’ordre dans lequel ils ont été invoqués dans la déclaration d’opposition.

 

Motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif

 

[26]     L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’art. 2 de la Loi parce que :

 

(i)                 la Marque ne distingue pas les marchandises de la Requérante de celles des autres personnes, y compris de l’Opposante;

(ii)               la Requérante a permis à d’autres personnes d’utiliser la Marque au Canada sans se conformer aux exigences énoncées à l’art. 50 de la Loi en matière de licence d’emploi;

(iii)             à la suite d’un transfert, la Requérante a consenti des droits à l’égard de la Marque à deux ou plusieurs personnes, en contravention des conditions prévues au par. 48(2) de la Loi.

 

[27]     En ce qui concerne l’allégation (i), l’Opposante n’a soumis aucune preuve montrant dans quelle mesure les marques ou d’autres marques analogues à la Marque sont devenues connues au Canada à la date pertinente pour examiner le motif d’opposition relatif à l’absence de caractère distinctif (soit la date du dépôt de l’opposition), ou à toute autre époque. L’Opposante ne s’est donc pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait en ce qui concerne ledit motif d’opposition [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst)].

 

[28]     Pour ce qui est des allégations (ii) et (iii), l’Opposante s’appuie sur les pièces jointes à l’affidavit initial de M. Kubota, plus particulièrement les pièces A et B qui indiquent erronément que la Marque appartient à la filiale de la Requérante, Iwatsu America. L’Opposante soutient que cette mention erronée a rendu la Marque non distinctive, notamment en raison du fait que l’affidavit initial de M. Kubota ne fait allusion à aucun accord de licence entre la Requérante et ses affiliées ou au contrôle exercé par la Requérante à l’égard des caractéristiques ou de la qualité des marchandises offertes par ses affiliées. Plus important encore, l’Opposante fait valoir que, par son affidavit supplémentaire, M. Kubota cherche à démontrer l’existence d’un accord de licence visant les marchandises en cause et que la Requérante exerce un contrôle sur celles-ci, alors que ce qui importe en l’espèce ce n’est pas tant l’existence d’un tel accord, mais plutôt le fait qu’il induit le public en erreur quant à l’identité du propriétaire de la Marque.

 

[29]     L’Opposante fait valoir qu’un parallèle peut être fait entre les faits de l’espèce et ceux de l’affaire Mayborn Products Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1983), 70 C.P.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.) (Mayborn). Dans cette affaire, l’appelante Mayborn Products Limited était le propriétaire inscrit de la marque de commerce DYLON PAINTEX utilisée en liaison avec des peintures, teintures, colorants, ainsi que leurs ingrédients et additifs. Il s’agissait d’un appel interjeté en vertu de l’art. 56 de la Loi à l’encontre d’une décision du registraire rendue sous le régime de l’ancien art. 44 (maintenant l’art. 45), par laquelle il avait radié la marque de commerce de l’appelante parce que cette dernière n’avait pas établi qu’elle avait utilisé la marque au Canada. Personne ne contestait que la marque DYLON PAINTEX avait été utilisée au Canada. La question cruciale devant être tranchée était celle de savoir qui avait utilisé la marque de commerce. Le registraire a conclu que l’inscription pertinente sur l’emballage des marchandises ne pouvait que faire croire aux consommateurs que la filiale de l’appelante Dylon International Ltd. était propriétaire de la marque. En rejetant l’appel, le juge Cattanach a confirmé la décision du registraire et il a statué que l’utilisation de la marque par une filiale, si elle n’agit pas à titre de mandataire de la société mère propriétaire de la marque de commerce et décrite comme telle, ne constitue pas un emploi par cette dernière.

 

[30]     Comme l’a reconnu l’Opposante, l’arrêt Mayborn a été rendu avant que l’art. 50, relatif aux licences d’emploi, soit modifié en 1993 de façon à remplacer les prescriptions relatives à l’utilisateur inscrit alors en vigueur. L’arrêt Mayborn se distingue donc de la présente affaire. Dans Mayborn, Dylon International Ltd. n’était pas un utilisateur de la marque, inscrit au Canada. Selon mon interprétation de l’arrêt Mayborn, l’enregistrement de la marque n’aurait pas été sauvegardé même en présence d’une inscription conforme à la réalité ou en inscrivant le distributeur, Dylon International Ltd., comme utilisateur inscrit sous le régime de l’ancien art. 49 de la Loi.

 

[31]     À ce sujet, je reproduis ci‑dessous un extrait tiré de l’ouvrage de Jolliffe et Gill, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, aux p. 10-9 à 10-11, qui traite de la perte de distinctivité des marques de commerce faute de licence d’emploi conforme à la Loi en mettant en relief l’historique des nouvelles prescriptions en matière de licence d’emploi introduites par l’art. 50 de ladite Loi :

[traduction] L’octroi d’une licence d’emploi d’une marque, déposée ou non, d’une manière non prévue par la Loi peut faire en sorte que la marque perde son caractère distinctif et devienne invalide faute de distinctivité [NBP45]. En vertu de la loi en vigueur avant le 1er juillet 1954, une licence d’emploi d’une marque de commerce pouvait rendre la marque visée invalide parce si elle était de nature à induire le public en erreur [NBP46] :

Sous le régime de la common law et de la législation antérieure à la Loi sur les marques de commerce de 1953, une marque de commerce avait pour objet d’identifier les marchandises reliées à cette marque comme étant celles d’un commerçant en particulier. Le fait d’autoriser [en vertu d’une licence] l’emploi d’une marque de commerce irait à l’encontre de cet objet et ferait perdre à la marque en question son caractère distinctif qui est l’élément essentiel d’une marque de commerce. Elle perdrait par conséquent toute valeur et elle deviendrait invalide parce qu’elle induirait le public en erreur [NBP47].

Ce principe a été jugé trop restrictif dans le contexte du système commercial moderne, et la Loi sur les marques de commerce en 1954 a établi qu’une personne autre que le propriétaire d’une marque déposée pouvait être inscrite en tant qu’utilisateur inscrit de ladite marque en liaison avec tout ou partie des marchandises ou services visés par l’enregistrement [NBP48]. Un tel emploi constituait un usage autorisé de la marque et, pour autant que les règles techniques aient été respectées, la marque pouvait sans risque de perte de distinctivité pour ce seul motif faire l’objet d’une licence.

Toutefois, les dispositions prévoyant les emplois autorisés ne visaient que les marques déposées et la procédure très formelle relative aux utilisateurs inscrits devaient être respectées à la lettre. Toute licence d’emploi d’une marque de commerce, déposée ou non, qui ne respectait pas les exigences de forme de la Loi ne pouvait être à l’origine d’un usage permis et était donc susceptible de rendre la marque de commerce invalide pour perte du caractère distinctif [NBP49]. De nombreux acteurs, dont le législateur, en sont venus à la conclusion qu’une telle situation n’était pas souhaitable, et que le système de l’usager autorisé était trop technique et strict dans son application.

En juin 1993, les dispositions relatives à l’utilisateur inscrit ont été abrogées et remplacées par de nouvelles dispositions en matière de licence d’emploi, plus adaptées aux réalités commerciales quotidiennes. Les nouvelles dispositions reposent sur le contrôle de la qualité par la concédante de la licence, et en ce sens elles tendent à modifier dans une certaine mesure la théorie qui sous‑tend le droit canadien des marques de commerce, en passant d’une approche stricte axée sur la source à une approche fondée sur le contrôle qu’exerce la source sur la qualité de marchandises ou services. Certes, cette théorie – fondée sur le contrôle de la qualité – n’est pas nouvelle, mais ce n’était jusqu’alors qu’un faible courant jurisprudentiel en droit canadien [NBP50]. De plus, les nouvelles dispositions en matière de licence d’emploi s’appliquent tant aux marques déposées qu’aux marques non déposées.

Le nouvel art. 50, qui remplace les dispositions relatives à l’utilisateur inscrit sont reproduites ci‑dessous :

50. (1) Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial – ou partie de ceux-ci – ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

(2) Pour l’application de la présente loi, dans la mesure où un avis public a été donné quant à l’identité du propriétaire et au fait que l’emploi d’une marque de commerce fait l’objet d’une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l’objet d’une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire.

(3) Sous réserve de tout accord encore valide entre lui et le propriétaire d’une marque de commerce, le licencié peut requérir le propriétaire d’intenter des procédures pour usurpation de la marque et, si celui-ci refuse ou néglige de le faire dans les deux mois suivant cette réquisition, il peut intenter ces procédures en son propre nom comme s’il était propriétaire, faisant du propriétaire un défendeur.

Un propriétaire peut dorénavant octroyer une licence d’emploi d’une marque de commerce, déposée ou non, sans qu’il soit nécessaire que le titulaire de la licence soit inscrit comme propriétaire de la marque, pour autant que le propriétaire de la marque respecte les conditions énoncées à l’art. 50, notamment en prévoyant que le concédant contrôle directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des marchandises ou services. De plus, la marque peut faire l’objet d’une licence en tant que marque de commerce, nom commercial ou autre, ce qui remédie à la situation ayant malencontreusement entraîné l’invalidité de la marque de commerce en cause dans Dubiner c. Cheerio Toys & Games Ltd. [NBP51]. Aucune décision significative n’a été rendue à ce jour en ce qui concerne les incidences du non‑respect des conditions prévues au nouvel art. 50 sur la validité d’une marque de commerce pour la perte de distinctivité [NBP52]. À cet égard, il convient de se référer au chapitre 15, qui concerne les conditions auxquelles les licences d’emploi de marques de commerce sont assujetties au Canada. Une licence ne répondant pas aux exigences de l’art. 50 peut dans certaines circonstances entraîner l’invalidité d’une marque de commerce. Par exemple, lorsque la marque est abondamment utilisée sans que soient respectées les exigences du régime relatif aux licences, il peut y avoir perte de distinctivité [NBP53]. La Cour suprême du Canada a déclaré que si un « emploi abusif par le propriétaire peut à lui seul détruire le caractère distinctif de la marque, […] l’octroi de licences en trop grand nombre et de manière imprudente peut [quant à lui] aggraver son problème » NBP53.1].

 

[32]     Le paragraphe (1) de la Loi prévoit expressément que l’emploi d’une marque de commerce par un licencié dûment autorisé est réputé avoir toujours le même effet que s’il s’agissait son emploi par le propriétaire, pour autant que ce dernier contrôle directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des marchandises ou services visés par la licence. Dans la mesure où un avis public a été donné quant au fait que l’emploi d’une marque de commerce fait l’objet d’une licence et quant à l’identité du propriétaire, la présomption prévue au par. 50(2) entre en jeu.

 

[33]     Cela dit, la Loi n’exige pas d’inscription particulière ni que le nom du fabricant ou de la source des marchandises ou services soit porté à la connaissance du public. Je reproduis à ce sujet un autre extrait de Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, aux p. 3‑31 et 32 :

[traduction] Il n’est pas nécessaire que le public connaisse le nom du propriétaire de la marque de commerce [NBP153]. Comme l’a énoncé la Cour d’appel de la GB dans Roche Products Ltd. c. Berk Pharmaceuticals Ltd. [NBP154], citée avec approbation par la Cour d’appel de l’Ontario [NBP155], il ne faut pas nécessairement que les consommateurs concernés connaissent le nom du fabricant ou de la source des marchandises ou services. Il suffit qu’à partir du symbole commercial ils associent les marchandises ou services à une source particulière, que celle‑ci soit le fabricant ou le concédant de licence qui contrôle la qualité : « il suffit que les produits aient acquis auprès du public une réputation de nature à indiquer leur provenance d’une source unique, même si cette source n’est pas connue par les acheteurs » [NBP156].

Il peut arriver que le public associe la marque de commerce à plus d’une personne. La validité de la marque de commerce dépendra alors de la question de savoir si les associations multiples lui ont fait perdre son caractère distinctif [NBP157]. Comme les décisions traitant de ce principe concernent des affaires où la marque a été utilisée à la fois par un mandataire ou un importateur et par son propriétaire, et où se pose la question de savoir si à la suite des multiples emplois dont elle a fait l’objet les droits y afférents subsistent ou non, elles sont examinées en détail aux chapitres 5 [NBP158] et 10 [NBP159].

 

[34]     La Requérante, qui s’appuie sur les décisions de notre Commission dans Loblaws Inc. c. Tritap Food Broker (1999), 3 C.P.R. (4th) 108, à la p. 112; Axa Assurances Inc. c. Charles Schwab & Co. (2005), 49 C.P.R. (4th) 47, aux p. 57-58; et GA Modefine S.A. c. Di Gio’ S.R.L. (2006), 51 C.P.R. (4th) 102, à la p. 111, fait valoir que lorsqu’une brochure ou d’autres articles promotionnels donnent à penser au public qu’une société autre que le propriétaire de la marque de commerce est la source autorisée des marchandises ou services, il demeure loisible au propriétaire de tirer avantage de cet emploi. Le registraire doit alors examiner la question de savoir si cet emploi était un emploi autorisé de la marque de commerce dont bénéficie le propriétaire en vertu de l’art. 50 de la Loi. Je suis d’accord.

 

[35]     En l’espèce, les pièces A et B jointes à l’affidavit initial de M. Kubota indiquent au public qu’Iwatsu America est le propriétaire de la Marque, la source des marchandises et l’entité qui exerce le contrôle sur celles‑ci. Comme il ressort de l’examen de l’affidavit supplémentaire de M. Kubota, Iwatsu America est erronément désignée comme le propriétaire de la Marque. Selon l’affidavit supplémentaire de M. Kubota, Iwatsu America était expressément autorisée en vertu de l’Accord à utiliser les marques de commerce de la Requérante au Canada en liaison avec les marchandises visées par la demande. L’affidavit supplémentaire précise en outre comment l’unique fabricant des marchandises, à savoir la Requérante, contrôle directement et indirectement les caractéristiques et la qualité des marchandises. Pour ce motif, je conclus que l’emploi, la publicité et l’exposition de la Marque, notamment l’emploi décrit dans le premier affidavit de M. Kubota profite à la Requérante en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi.

 

[36]     Dans les circonstances, la désignation erronée d’Iwatsu America comme fournisseur des marchandises n’est pas fatale à la demande la Requérante. Ultimement, la Réquérante demeure la source des marchandises OMEGATREK, et elle en contrôle la qualité même si le public concerné ne connaît pas nécessairement son identité. L’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que la Requérante a permis à d’autres personnes d’utiliser la Marque au Canada sans respecter les exigences de l’art. 50 de la Loi, ou qu’à la suite d’un transfert, la Requérante a accordé en contravention du par. 48(2) de la Loi des droits à l’emploi de la Marque à deux ou plusieurs personnes.

 

[37]     Vu ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur le caractère non distinctif est rejeté.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d)

 

[38]     L’Opposante fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable eu égard aux dispositions de l’al. 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec les deux marques déposées OMEGA & Dessin de l’Opposnte, décrites précédemment.

 

[39]     La date pertinente pour évaluer le motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d) est la date à laquelle la décision du registraire est rendue [voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

[40]     L’Opposante a fourni des copies certifiées des deux enregistrements. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire conféré au registraire de confirmer qu’ils sont en règle à ce jour.

 

[41]     Étant donné que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque, d’une part, et l’une ou l’autre des marques de commerce de l’Opposante OMEGA & Dessin.

 

[42]     Le critère en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Le par. 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[43]     En appliquant le critère en matière de confusion, le registraire doit prendre en considération toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont expressément énumérées au par. 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. Ces facteurs n’ont pas nécessairement le même poids [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.) pour une analyse complète des principes généraux qui régissent le critère en matière de confusion].

 

[44]     Les marques des parties possèdent un caractère distinctif inhérent étant donné qu’elles ne décrivent aucune caractéristique particulière des produits en liaison avec lesquels elles sont employées.

 

[45]     Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion ou l’usage. Bien que les enregistrements de l’Opposante revendiquent l’emploi des marques de commerce OMEGA & Dessin au Canada depuis les dates de premier emploi indiquées dans le tableau ci‑dessus, dont l’une remonte à 1895, l’Opposante n’a fourni aucune preuve permettant d’établir l’emploi desdites marques. En l’absence de preuve confirmant les dates de premier emploi, les dates de premier emploi revendiquées dans l’enregistrement ne peuvent qu’établir un emploi de minimis et ne peuvent permettre de conclure à un emploi important ou continu des marques en question [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)].

 

[46]     Pour ce qui est de la Marque de la Requérante, l’affidavit initial de M. Kubota indique que cette dernière a réalisé des ventes au Canada s’élevant à approximativement 60 000 $ US entre le mois de février 2002 et le mois d’octobre 2008. Toutefois, M. Kubota ne fournit aucun renseignement en ce qui concerne la publicité et la promotion de la Marque. Dans ces circonstances, je peux difficilement attribuer à la Marque une réputation appréciable.

 

[47]     En bref, dans l’ensemble, l’examen du caractère distinctif inhérent des marques des parties et de la mesure dans laquelle leurs marques sont devenues connues ne les avantage ni l’une ni l’autre de façon significative.

 

[48]     Lors de l’examen du genre de marchandises et services, et de la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises de la Requérante aux états déclaratifs des marchandises et services figurant dans les enregistrements de l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); et Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Cependant, l’analyse vise à déterminer le genre d’entreprise ou de commerce envisagés par les parties et non tous les types de commerces susceptibles d’être visés par le libellé des états déclaratifs. À cet égard, une preuve établissant la nature réelle des activités exercées par les parties est utile [voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.); Procter & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.); et American Optional Corp. c. Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (C.O.M.C.)].

 

[49]     Comme l’a fait valoir la Requérante, les marchandises visées par la demande concerne une catégorie spécifique de matériel de télécommunication, à savoir des :

téléphones, équipements numériques mobiles de communications vocales, nommément : [des] téléphones sans fil, téléphones à clavier sans fil, modules de commutation électriques, et station de base

 

alors que les enregistrements de l’Opposante visent des mécanismes de chronométrage et des appareils de mesure utilisés dans le cadre d’activités sportives et la vente de montres et d’accessoires connexes. Le dernier paragraphe de l’enregistrement portant le no LMCDF5009 doit être interprété restrictivement en tenant compte du premier élément qui y est mentionné (« appareils techniques et scientifiques ») et qui a un effet limitatif en tenant compte de la nature des marchandises énumérées, qui concernent toutes le chronométrage ou le mesurage lors d’activités sportives :

 

nommément : la [sic] cellules photo-électriques, portails à contact, compteurs enregistreurs sur bande de papier, pistolets de start à contacts électriques.

 

[50]     De plus, comme il ressort de mon examen de l’affidavit initial de M. Kubota , les marchandises de la Requérante ne sont pas vendues au grand public; les ventes sont plutôt effectuées par l’entremise de distributeurs autorisés qui achètent les produits pour le compte des utilisateurs finaux dans les quantités nécessaires et suivant les configurations requises pour répondre à leurs besoins individuels. La vente des marchandises liées à la marque de commerce OMEGATREK est une activité accessoire à la fabrication de systèmes téléphoniques d’entreprise. Les utilisateurs finaux sont des entreprises de fabrication, des cabinets professionnels, des points de vente au détail, des institutions et autres entreprises commerciales.

 

[51]     Comme l’a soutenu la Requérante, la décision d’acheter un système téléphonique d’entreprise et de ses accessoires est une décision complexe, qui suppose d’importantes dépenses et qui a des conséquences à long terme pour l’entreprise concernée. Il est donc permis de penser que le consommateur ordinaire des marchandises de la Requérante prendra naturellement plus de précautions que s’il achetait des marchandises peu chères vendues au détail [voir Mattel, précité, au par. 75; et General Motors Corp. c. Bellows [1949] R.C.S. 678].

 

[52]     En comparaison, il est juste de supposer que les montres de l’Opposante sont vraisemblablement vendues au grand public, et que ses mécanismes de chronométrage et que ses appareils de mesure utilisés lors d’activités sportives sont vraisemblablement vendus à des clubs sportifs ou à des organisateurs d’événements sportifs.

 

[53]     En bref, je conviens avec la Requérante que les différences que présentent les marchandises des parties quant à leur nature ainsi que celles que présentent leurs voies de commercialisation avantagent la Requérante de façon significative.

 

[54]     En ce qui concerne le degré de ressemblance des marques de commerce des parties, les marques de l’Opposante sont constituées d’une représentation et de la translittération du symbole grec « Ω » ou « omega ». Le mot OMEGA est un terme anglais qui désigne la dernière (la 24e) lettre de l’alphabet grec, ou le dernier élément d’une série; le développement ultime [voir le Oxford Canadian Dictionary, 2nd Ed. (2004)].]. Comme l’a fait valoir la Requérante, on peut inférer de la deuxième définition que le terme OMEGA se rapporte à la qualité des marchandises et services fournis par l’Opposante, issus du point culminant d’un processus de création ne pouvant être surpassé.

 

[55]     La Requérante soutient que cette inférence n’est pas déterminante vu le nombre de demandes et d’enregistrements, relatifs à une foule de marchandises et services, qui comportent le symbole grec « Ω » ou le terme « omega », sans ajout, ayant été repéré dans les bases de données de l’OPIC, comme en fait foi l’affidavit de M. Gannon (dont il a été question précédemment).

 

[56]     En comparaison, la Marque est un mot inventé sans lien apparent avec les marchandises visées par la demande. La Maque est un mot porte‑manteau constitué de deux éléments verbaux véhiculant deux idées distinctes. Elle n’utilise pas l’élément visuel figurant dans les marques de l’Opposante. En anglais du Canada, l’élément TREK signifie faire un trajet ou se déplacer à pied, péniblement; ou une randonnée pédestre [voir le Oxford Canadian Dictionary, précité]. Comme les marchandises visées par la demande ne semblent pas avoir un lien avec les déplacements ou les randonnées, ou avec les difficultés, je conviens avec la Requérante que le fait de joindre l’élément TREK à l’élément OMEGA pour former un seul mot donne naissance à un tout nouveau mot inventé.

 

[57]     Cela m’amène à commenter l’affidavit de M. Gannon. Comme autre circonstance de l’espèce, la Requérante a produit une preuve de l’état du registre au moyen de l’affidavit de M. Gannon. La preuve de l’état du registre sert à établir le caractère commun ou distinctif d’une marque ou d’une partie de marque par rapport au registre dans son ensemble. La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où il est possible d’en tirer des conclusions concernant l’état du marché, et des conclusions au sujet de l’état du marché ne peuvent être tirées que si un grand nombre d’enregistrements pertinents sont retracés [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); et Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

 

[58]     Plus précisément, M. Gannon joint comme pièce A à son affidavit un tableau montrant les résultats d’une recherche qu’il a effectuée le 22 octobre 2008 en vue de repérer les marques de commerce actives comportant le mot OMEGA, sans égard aux marchandises et services visés. Le tableau fait état de 100 demandes en instance et de 227 enregistrements relatifs à des marques de commerce renfermant le mot OMEGA.

 

[59]     M. Gannon joint également comme pièce B un tableau indiquant que 241 des marques de commerce susmentionnées ont été enregistrées ou ont fait l’objet d’une publication. Enfin, il joint comme pièce C des copies les extraits des registres relatifs à chacune des demandes et chacun des enregistrements dont il est fait mention dans la pièce B.

 

[60]     Les résultats de la recherche, dont il est fait état dans les pièces jointes à l’affidavit de M. Gannon sont volumineux et M. Gannon ne les analyse pas et n’explique pas les inférences factuelles pouvant être tirées de ceux‑ci. Toutefois, dans ses observations écrites, la Requérante précise que d’autres entités détiennent des enregistrements visant des dispositifs de communication en liaison avec lesquels l’élément OMEGA est utilisé, y compris les suivants : OMEGA SERIES (LMC424,057) détenu par Motorola Inc.; OMEGA (LMC675,418), OMEGA.CA (LMC674,498), et OMEGA & OE DESSIN (LMC675,419) détenus par Omega Engineering, Inc.; et OMEGA DESSIN (LMC463,552) détenu par Omega Digital Data Inc. La Requérante fait en outre valoir qu’elle est déjà titulaire d’un enregistrement pour la marque de commerce OMEGA PHONE Dessin (LMC307,786) employée en liaison avec des « téléphones et systèmes téléphoniques clés » (un des enregistrements relevé dans le cadre des recherches effectuées par M. Gannon et dont une copie certifiée a été déposée en preuve par la Requérante).

 

[61]     Comme l’a reconnu la Requérante lors de l’audience, il est de jurisprudence constante que l’art. 19 de la Loi donne au propriétaire de l’enregistrement d’une marque de commerce le droit exclusif à l’emploi de celle-ci en ce qui concerne les marchandises ou services visés par l’enregistrement, mais il ne s’ensuit pas forcément que le propriétaire inscrit a automatiquement le droit d’obtenir d’autres enregistrements quel que soit le lien étroit qui existe avec l’enregistrement initial [voir Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH c. Produits Ménagers Coronet Inc. (1984), 4 C.P.R. (3d) 108 (C.O.M.C.), à la p. 115]. Cela dit, en l’absence de preuve d’emploi de la marque OMEGA PHONE Dessin susmentionnée par la Requérante visant à établir l’emploi d’une famille de marques de commerce « OMEGA », la simple existence de l’enregistrement dont est titulaire la Requérante pour OMEGA PHONE Dessin est peu utile à sa cause.

 

[62]     La même conclusion s’applique en ce qui concerne la preuve relative à l’état du registre. Les marques répertoriées par M. Gannon visent une vaste gamme de marchandises et services. Si l’on exclut les cinq enregistrements susmentionnés, la grande majorité des marques qu’il a répertoriées n’ont aucune pertinence dans le contexte qui nous occupe, et les cinq enregistrements en question sont détenus par trois propriétaires. Ils ne sont donc pas suffisamment nombreux pour nous permettre de tirer des inférences quant à l’état du marché. Quoi qu’il en soit, je ne considère pas cette circonstance additionnelle nécessaire pour conclure en faveur de la Requérante.

 

[63]     Avant de conclure sur la question de la confusion, je souhaite traiter de l’argument de la Requérante concernant l’absence de confusion entre les marques des parties malgré leur coexistence au Canada depuis février 2002. À cet égard, je reprends ci‑après à mon compte, avec les adaptations nécessaires, les propos de la commissaire Tremblay dans Aspen Custom c. Chrysler Group LLC, 2011 COMC 48 (CanLII), au par.  70. Il a été dit maintes fois qu’un opposant n’est pas tenu de faire la preuve de confusion. C’est plutôt au requérant qu’il incombe de démontrer l’absence de probabilité de confusion. Autrement dit, ni l’affidavit de M. Kubota, ni l’absence de preuve de confusion ne relèvent la Requérante de son fardeau de preuve. Bien que la coexistence entre les marques des parties depuis février 2002 sans aucune preuve de confusion à l’appui puisse étayer la thèse de la Requérante, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les circonstances additionnelles pour lui donner gain de cause.

 

Conclusion concernant la probabilité de confusion

 

[64]     Comme je l’ai dit plus haut, il s’agit de déterminer si un consommateur qui a un souvenir général et imparfait des marques de l’Opposante pourrait vraisemblablement croire, en voyant la Marque, que les marchandises ou services des deux parties ont la même origine.

 

[65]     Compte tenu de mon analyse et surtout de la nature spécialisée et de la dissimilitude des marchandises visées par la demande, des voies de commercialisation limitées par lesquelles elles peuvent transiter, et de la clientèle bien avisée à laquelle elles s’adressent ainsi que des éléments qui différencient les marques des parties, je conclus que la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il existe une probabilité raisonnable de confusion entre les marques en litige.

 

[66]     Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d) portant sur la probabilité de confusion entre la marque déposée de l’Opposante OMEGA & Dessin et la Marque est rejeté.

 

Motifs d’opposition fondés sur l’art. 30

 

[67]     L’Opposante a fait valoir que la demande ne répond pas aux exigences de l’art. 30 de la Loi pour l’un ou l’autre, ou l’ensemble, des motifs suivants :

 

(i)            la Requérante n’a pas utilisé ou dûment enregistré la Marque à l’extérieur du Canada en liaison avec les marchandises visées par la demande ou parce qu’elle a cessé, totalement ou partiellement, d’en faire usage;

(ii)          la Requérante a faussement déclaré qu’elle est en droit d’enregistrer la Marque, étant donné qu’elle était au courant de l’existence des marques de l’Opposante;

(iii)        à la date du dépôt de la demande, la Requérante avait déjà utilisé la Marque, en tout ou en partie au Canada;

(iv)         la Requérante n’a jamais eu l’intention d’utiliser la Marque au Canada en liaison avec les marchandises visées par la demande.

 

[68]     La date pertinente en ce qui concerne l’inobservation de l’art. 30 est la date du dépôt de la demande. L’Opposante n’a déposé aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations factuelles. En fait, elle s’appuie sur les éléments mis en preuve au moyen de l’affidavit initial de M. Kubota dont il a été question précédemment et qui indique erronément que la Marque est une marque de commerce de la société affiliée de la Requérante, Iwatsu America.

 

[69]     Pour les motifs exposés précédemment en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif, je n’estime pas que le fait d’avoir erronément désigné Iwatsu America comme fournisseur des marchandises suffit à libérer l’Opposante du fardeau de preuve qui lui incombe. Les éléments mis en preuve par la voie des affidavits de M. Kubota montrent que la Requérante, par l’entremise de sa licenciée Iwatsu America, a utilisé la Marque aux États-Unis depuis février 2001, qu’elle avait l’intention d’utiliser la Marque au Canada conformément à sa demande, et qu’elle a commencé à utiliser la Marque au Canada en février 2002.

 

[70]     De plus, le simple fait que la Requérante puisse avoir été au courant de l’existence des marques de commerce de l’Opposante ne l’empêche pas de faire la déclaration exigée par l’al. 30i) dans sa demande. Lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée par l’al. 30i), comme l’a fait la Requérante en l’espèce, le motif d’opposition fondé sur cet alinéa ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, notamment lorsque la mauvaise foi du requérant est établie [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. Il n’y a pas de preuve de cette nature en l’espèce.

 

[71]     Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur l’art. 30 sont rejetés parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

 

[72]     Avant d’examiner les motifs d’opposition fondés sur l’art. 16, il y a lieu de préciser qu’en ce qui concerne le non‑respect des exigences de l’art. 30 l’Opposante n’a pas invoqué le fait que la Requérante, décrite comme étant une société japonaise, ne possède pas d’établissement industriel ou commercial réel et effectif aux États-Unis, le pays indiqué dans la présente demande comme étant le pays d’origine de la Requérante. Quoi qu’il en soit, si l’Opposante avait soulevé ce motif d’opposition, et s’il avait été retenu, seule l’assertion figurant dans la demande selon laquelle elle a utilisé et enregistré la Marque à l’étranger aurait été invalidée. Cela n’aurait aucunement modifié le résultat global de la procédure d’opposition étant donné que la demande de la Requérante se fonde également sur l’emploi projeté de la Marque au Canada.

 

Motifs d’opposition fondés sur l’art. 16

 

[73]     L’Opposante a fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en raison des al. 16(2)a) et c) ainsi que des al. 16(3)a) et c) de la Loi étant donné qu’à la date de la production de la demande de la Requérante, la Marque créait de la confusion avec diverses marques de commerce et noms commerciaux OMEGA de l’Opposante, qui avaient tous été utilisés antérieurement au Canada par l’Opposante.

 

[74]     Un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve relativement aux motifs d’opposition susmentionnés s’il démontre qu’à la date de la production de la demande de la partie requérante sa marque de commerce avait été antérieurement employée au Canada et n’avait pas été abandonnée à la date à laquelle la demande de la partie requérante a été annoncée [par. 16(5) de la Loi]. L’Opposante n’a pas satisfait à son fardeau de preuve. Elle n’a pas établi l’emploi de l’une ou l’autre de ses marques de commerces ou de l’un ou l’autre de ses noms commerciaux. Comme il a déjà été signalé, le simple fait d’avoir déposé la copie certifiée des enregistrements no LMCDF5009 et LMC307,956 ne peut qu’établir qu’il y a eu emploi de minimis des marques de commerce OMEGA & Dessin, ce qui ne répond pas aux exigences des al. 16(2)a) et c) et 16(3)a) et c) de la Loi.

 

[75]     Les motifs d’opposition fondés sur les al. 16(2)a) et c) ainsi que sur les al. 16(3)a) et c) sont en conséquence rejetés.

 

[76]     En terminant, il importe de signaler que l’Opposante a aussi fait valoir, en s’appuyant sur les dispositions liminaires des par. 16(2) et (3) de la Loi, que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’art. 30 de la Loi, que la Marque n’a été ni utilisée ni enregistrée à l’étranger comme le prétend la Requérante dans sa demande ou que la demande ne vise pas une marque de commerce projetée, mais plutôt une marque qui est utilisée, et que la marque proposée de la Requérante n’est pas enregistrable. Je suis d’avis que ces arguments ne révèlent aucun motif valable d’opposition. Ces points seraient plus utiles dans le contexte de l’al. 38a) (non-respect de l’art.  30 de la Loi) ou 38b) (la non-enregistrabilité aux termes de l’al. 12(1)d) de la Loi) dont il été question précédemment. De plus, l’Opposante n’a présenté aucune observation à cet égard dans son plaidoyer écrit ou lors de l’audience. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

 

Décision

 

[77]     Compte tenu de ce qui précède et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du par. 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du par. 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

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