Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 91

Date de la décision : 2015-05-26

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Euro-Pharm International Canada Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,488,958 pour la marque de commerce EUROFARMA & Logo au nom d'Eurofarma Laboratórios Ltda.

[1]               Euro-Pharm International Canada Inc. (l'Opposante) s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce EUROFARMA & Logo (la Marque), reproduite ci-dessous, qui fait l'objet de la demande no 1,488,958 au nom d'Eurofarma Laboratórios Ltda. (la Requérante).

EUROFARMA & Logo

[2]               La demande d'enregistrement est fondée sur l'emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits et les services suivants :

[Traduction] Produits :

(1)   Médicaments pour les humains et préparations pharmaceutiques qui agissent sur le système endocrinien et le métabolisme, nommément médicaments homéopathiques pour le traitement des maladies du système endocrinien; immunosuppresseurs pour le traitement des maladies du système endocrinien; anti-inflammatoires, médicaments de désintoxication et médicaments contre les allergies; médicaments ophtalmiques et otologiques; médicaments pour le traitement des maladies de la peau causées par des troubles du système endocrinien ou associées à ceux-ci; médicaments pour les maladies de la peau qui peuvent être traitées avec des hormones ou des composés qui agissent comme des hormones; médicaments pour le traitement des maladies de la peau qui apparaissent comme un effet indésirable d'un traitement hormonal ou d'un traitement au moyen de composés ayant des effets semblables à ceux des hormones.

 

[Traduction] Services :

(1)   Vente au détail, distribution et fabrication de médicaments pour les humains et de préparations pharmaceutiques.

[3]               L'Opposante allègue ce qui suit : i) la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi); ii) la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en vertu de l'article 16(3) de la Loi; et iii) la Marque n'est pas distinctive en vertu de l'article 2 de la Loi.

[4]               Pour les raisons exposées ci-dessous, je repousse la demande d'enregistrement.

Le dossier

[5]               L'Opposante a produit une déclaration d'opposition le 21 juin 2013 et, le 18 septembre 2013, après avoir obtenu l'autorisation du registraire, elle a produit une déclaration d'opposition modifiée. La déclaration d'opposition modifiée a de nouveau été modifiée suivant une décision interlocutoire datée du 2 octobre 2013. La Requérante a ensuite produit sa contre-déclaration le 25 octobre 2013 dans laquelle elle conteste l'ensemble des motifs d'opposition.

[6]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit d'Emanuele Caltagirone, président et chef de la direction de l'Opposante. M. Caltagirone n'a pas été contre-interrogé. La Requérante n'a produit aucune preuve dans la présente procédure.

[7]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit; seule l'Opposante était représentée à l'audience qui a été tenue.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[8]          C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a, toutefois, le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), p. 298].

[9]          J'analyserai maintenant les motifs d'opposition en commençant par le motif fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement.

La Requérante était-elle la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque?

[10]           Dans sa déclaration d'opposition modifiée, qui a de nouveau été modifiée suivant la décision interlocutoire du 2 octobre 2013, l'Opposante allègue que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque aux termes de l'article 16(3)a) de la Loi, au motif qu'elle crée de la confusion avec la marque de commerce EURO-PHARM, qui avait été employée ou révélée antérieurement au Canada par l'Opposante ou ses prédécesseurs en titre (ou pour leur compte par des licenciés) en liaison, notamment, avec ce qui suit :

[traduction]
Préparations pharmaceutiques et médicaments en vente libre pour les adultes et les enfants; compléments alimentaires et produits de santé naturels; vitamines; exploitation d'une entreprise pour la fabrication, la distribution et la vente de médicaments et de préparations pharmaceutiques, de compléments alimentaires et de produits de santé naturels; recherche et développement en science physique, en génie et en sciences de la vie.

[11]           L'Opposante allègue également que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque aux termes de l'article 16(3)c) de la Loi, au motif qu'elle crée de la confusion avec le nom commercial EURO-PHARM de l'Opposante, qui avait été employé antérieurement au Canada par l'Opposante ou ses prédécesseurs en titre (ou pour leur compte par des licenciés) en liaison, notamment, avec ce qui suit :

[traduction]
Exploitation d'une entreprise pour la fabrication, la distribution et la vente de médicaments et de préparations pharmaceutiques, de compléments alimentaires et de produits de santé naturels; recherche et développement en science physique, en génie et en sciences de la vie.

[12]           La date pertinente pour l'examen de ce motif d'opposition est la date de production de la demande en cause, à savoir le 16 juillet 2010.

[13]           Pour les raisons exposées ci-dessous, ce motif d'opposition est accueilli.

Le fardeau de preuve initial de l'Opposante

[14]           L'Opposante a le fardeau initial de démontrer que la marque de commerce alléguée avait été employée ou révélée au Canada et que le nom commercial allégué était employé au Canada avant la date pertinente, soit le 16 juillet 2010, et qu'ils n'avaient pas été abandonnés à la date de l'annonce de la demande relative à la Marque, soit le 24 avril 2013 [article 16(5) de la Loi].

[15]           Dans son affidavit, M. Caltagirone affirme que l'Opposante met au point, fabrique et distribue des produits pharmaceutiques de grande qualité pour les adultes et les enfants au Canada en liaison avec la marque de commerce EURO-PHARM depuis 1996.

[16]           Selon M. Caltagirone, l'Opposante offre une gamme de préparations pharmaceutiques et de médicaments en vente libre au Canada pour les adultes et les enfants, dont des suppléments minéraux, des vitamines, un analgésique/anti-inflammatoire, un analgésique/antipyrétique, un antiflatulent, des laxatifs, un traitement pour la goutte, des antihistaminiques et des médicaments à base de plantes, en liaison avec la marque de commerce EURO-PHARM. Un échantillon de 40 preuves d'emballage pour une gamme de produits EURO-PHARM allant de 2001 à 2013, qui seraient représentatives de la manière dont la marque de commerce EURO-PHARM est employée en liaison avec ces produits depuis au moins 1996, est joint comme Pièce EC-2. Je souligne que la marque de commerce EURO-PHARM figure sur chacune des preuves d'emballage, dont bon nombre présentent la Marque accompagnée des dessins suivants :

          

[17]           L'emploi de la marque de commerce et l'emploi du nom commercial ne s'excluent pas nécessairement [voir Consumers Distributing Company Limited c Toy World Limited, 1990 CarswellNat 1398 (COMC) et Road Runner Trailer Manufacturing Ltd. c Road Runner Trailer Co (1984), 1 CPR (3d) 443 (CF 1re inst)]. En l'espèce, j'estime que toute preuve d'emploi des dessins reproduits ci-dessus serait considérée comme une preuve d'emploi de la marque de commerce EURO-PHARM de l'Opposante, car le public verrait dans l'élément nominal EURO-PHARM un emploi de la marque de commerce en soi [voir aussi Le Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour l’Informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF) et Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[18]           En ce qui concerne les services, M. Caltagirone affirme que l'Opposante emploie la marque de commerce EURO-PHARM en liaison avec la fabrication, la distribution et la vente de médicaments et de préparations pharmaceutiques, de même que la recherche et développement en science physique, en génie et en sciences de la vie. Un échantillon de factures dont la date varie de 2001 à 2013 est joint comme Pièce EC-3. Je souligne que les factures arborent la marque de commerce EURO-PHARM dans le coin supérieur gauche et qu'elles se rapportent toutes à la vente de médicaments et de préparations pharmaceutiques à des entités au Canada.

[19]           En ce qui a trait à la pratique normale du commerce de l'Opposante, M. Caltagirone affirme que l'Opposante vend des médicaments et des préparations pharmaceutiques en liaison avec la marque de commerce EURO-PHARM à des distributeurs dans l'industrie pharmaceutique depuis au moins 1996, qui les vendent à leur tour au public canadien. Ces distributeurs comprennent Familiprix, McKesson Canada Corporation, le ministère de la Santé (Ontario), Shoppers Drug Mart Inc., Le Groupe Jean Coutu (PJC) Inc. et Sandoz Inc.

[20]           Quant aux ventes, M. Caltagirone fournit les chiffres de vente annuels en gros des médicaments et des préparations pharmaceutiques vendus en liaison avec la marque de commerce EURO-PHARM de 2000 à 2013 sur le marché canadien, qui varient d'un minimum d'un million de dollars (en 2000-2001) à un minimum de 15 millions de dollars (en 2012-2013), pour un total de plus de 119 millions de dollars au cours de cette période.

[21]           En ce qui a trait à la publicité, M. Caltagirone affirme que l'Opposante a investi continuellement dans la promotion et la publicité de la marque de commerce EURO-PHARM, les dépenses annuelles variant de 332 004 $ (en 2006-2007) à plus de 1,5 million de dollars (en 2012-2013), pour un total de plus de 6,8 millions de dollars de 2004 à 2013. Les types de publicité et de promotion mis en évidence par M. Caltagirone comprennent des annonces publiées dans des magazines imprimés datés de 2000 à 2013 (Pièce EC-4), des publicités et des produits présentés dans des prospectus de pharmacie datés de 2002 à 2005 (Pièce EC-5), des messages publicitaires présentés à la télévision et à la radio depuis au moins 2004, un documentaire de 2002 présenté aux futurs parents qui ont suivi des cours prénataux dispensés dans les centres locaux de services communautaires au Québec (Pièce EC-6), des communiqués datés de 2004 à 2005 à l'intention des pharmaciens à propos de nouveaux produits (Pièce EC-7), de même que des échantillons de produits (depuis au moins 2003) et des papiers d'ordonnance (2012) distribués aux professionnels de la santé (Pièces EC-9, EC-10 et EC-11). On peut voir la marque de commerce EURO-PHARM dans bon nombre des pièces jointes, parfois sur l'emballage des produits de l'Opposante.

[22]           M. Caltagirone affirme également que l'Opposante participe à divers salons, événements, tournois de sport, salons commerciaux et événements liés à la santé, notamment en étant le fournisseur officiel d'une crème pour le soulagement des douleurs articulaires pour les « Alouettes de Montréal ». Des photos de spécimens de matériel promotionnel, de brochures, de prospectus, d'affiches et de panneaux, datés de 2002 à 2012 et arborant la marque de commerce EURO-PHARM, sont jointes comme Pièces EC-14 et 15.

[23]           Enfin, des extraits de pages Web tirées du site Web de l'Opposante au www.euro-pharm.com, qui serait exploité depuis au moins le 19 février 2001, qui arborent la marque de commerce EURO-PHARM sont joints comme Pièce EC-16. Selon M. Caltagirone, le site Web a obtenu plus de 82 000 pages vues dans le monde entier en 2013, y compris le Canada.

[24]           Compte tenu de l'ensemble de la preuve de l'Opposante, j'estime que la marque de commerce EURO-PHARM a été employée en liaison avec des médicaments et des préparations pharmaceutiques, ainsi que la vente de ces produits, au Canada avant la date pertinente et que cet emploi n'avait pas été abandonné au 24 avril 2013.

[25]           L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve initial, il s'agit maintenant de déterminer si la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existait pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce EURO-PHARM de l'Opposante à la date de production de la demande en cause.

Le test en matière de confusion

[26]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi stipule que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[27]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'attribuer à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même. [Voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse exhaustive des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion.]

[28]           J'examinerai maintenant les facteurs énoncés à l'article 6(5).

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[29]           L'examen global du facteur énoncé à l'article 6(5)a) exige de tenir compte aussi bien du caractère distinctif inhérent que du caractère distinctif acquis des marques de commerce des parties. J'estime que la Marque possède un caractère distinctif inhérent légèrement plus marqué que celle de l'Opposante, en raison de l'ajout du dessin de globe à la Marque, même si je considère que le dessin n'est pas particulièrement distinctif. De plus, j'estime que ni l'une ni l'autre des marques de commerce des parties ne possède un caractère distinctif inhérent très marqué, parce qu'elles évoquent des produits et des services pharmaceutiques, en faisant allusion à l'Europe.

[30]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que les termes EURO et PHARM ne possèdent aucun caractère distinctif inhérent compte tenu de leur nature suggestive. Elle fait également valoir que ces termes [traduction] « donnent une description des produits/services de la Requérante et donnent une description fausse et trompeuse des produits/services de l'Opposante ». Je soulignerais simplement que la Requérante n'a pas étayé ni expliqué davantage l'une ou l'autre de ces allégations.

[31]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue au Canada par la promotion ou l'emploi.

[32]           Conformément à mon examen de l'affidavit de M. Caltagirone, j'estime que l'Opposante a démontré des ventes et des activités de promotion considérables des médicaments et des produits pharmaceutiques au Canada en liaison avec la marque de commerce EURO-PHARM sur une longue période. Cependant, je conviens avec la Requérante que la manière dont la marque de commerce EURO-PHARM est employée et annoncée en liaison avec des médicaments et des produits pharmaceutiques réduit en quelque sorte la notoriété que l'Opposante peut revendiquer à son égard. À ce sujet, si la marque de commerce EURO-PHARM semble être employée principalement pour la vente de médicaments et de préparations pharmaceutiques, je souligne que la marque de commerce figure toujours en liaison avec d'autres marques de commerce qui occupent beaucoup plus de place sur l'emballage des médicaments et des produits pharmaceutiques de l'Opposante [voir Leon’s Furniture Ltd c Bad Boy Furniture Warehouse Ltd (2010), 87 CPR (4th) 356 (COMC) et Simmons IP Inc c Park Avenue Furniture Corp (1996), 74 CPR (3d) 404 (COMC)]. En conséquence, la notoriété dont bénéficierait à elle seule la marque de commerce EURO-PHARM de l'Opposante est quelque peu réduite en ce qui concerne ses produits.

[33]           Néanmoins, comme il n'y a pas de preuve de promotion ou d'emploi de la Marque au Canada par la Requérante à ce jour, on ne peut que conclure que la marque de commerce EURO-PHARM de l'Opposante est devenue connue au Canada dans une plus large mesure que la Marque.

[34]           Au final, si la Marque possède un caractère distinctif inhérent plus marqué, la marque de commerce de l'Opposante possède un caractère distinctif acquis plus grand. Par conséquent, le facteur énoncé à l'article 6(5)a) ne favorise de façon significative ni l'une ni l'autre des parties.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[35]           Conformément à mon examen de l'affidavit de M. Caltagirone, l'examen global du facteur énoncé à l'article 6(5)b) favorise clairement l'Opposante, puisqu'il n'existe aucune preuve d'emploi de la Marque par la Requérante au Canada à ce jour.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits, services ou entreprises et la nature du commerce

[36]           Les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d), lesquels concernent le genre de produits, de services ou d'entreprises et la nature du commerce des parties, favorisent aussi l'Opposante.

[37]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que les produits et les services des parties sont d'un genre largement différent et qu'ils sont vendus par l'entremise de voies de commercialisation différentes. En particulier, la Requérante fait valoir que les produits visés par sa demande [traduction] « devraient être vendus seulement par le pharmacien et sur ordonnance » et que ces produits seraient [traduction] « normalement commercialisés directement auprès des médecins » et qu'elle [traduction] « a l'intention d'offrir un service de magasin de détail, de même que d'assurer la distribution et la fabrication de médicaments et de produits pharmaceutiques ». En comparaison, la Requérante soutient que les produits de l'Opposante sont vendus par l'entremise de magasins de détail ordinaires et sont commercialisés auprès des pharmaciens et des infirmières de la santé publique.

[38]           Je ne suis pas d'accord.

[39]           La Requérante et l'Opposante sont toutes deux des sociétés pharmaceutiques qui mettent au point, fabriquent et distribuent des médicaments pour les humains, quoiqu'à des fins différentes dans l'ensemble. Cependant, dans la mesure où les produits comprennent dans les deux cas des médicaments et des préparations pharmaceutiques, j'estime qu'ils sont liés entre eux. En ce qui concerne les services, à la lumière de l'affidavit de M. Caltagirone et de l'état déclaratif des services figurant dans la demande de la Requérante, il y a un recoupement clair entre les services des parties, comme elles sont toutes deux engagées dans la fabrication, la distribution et la vente au détail de médicaments et de préparations pharmaceutiques pour les humains.

[40]           Quant aux voies de commercialisation, M. Caltagirone affirme que les produits EURO-PHARM de l'Opposante sont vendus à des distributeurs dans l'industrie pharmaceutique comme Familiprix, Shoppers Drug Mart Inc, Le Groupe Jean Coutu (PJC) Inc., qui les vendent à leur tour au public canadien. En comparaison, l'état déclaratif des produits et des services figurant dans la demande de la Requérante ne comporte aucune restriction quant aux voies de commercialisation. J'ajouterais que la Requérante n'a fourni aucune preuve à l'appui de ses observations selon lesquelles 1) les produits visés par sa demande, qui comprennent des produits tels que des [traduction] « médicaments homéopathiques », ne sont offerts que par le pharmacien et sur ordonnance, 2) ils sont commercialisés auprès d'un groupe de professionnels de la santé différent et 3) ils seraient offerts uniquement dans ses propres magasins au détail.

[41]           En l'absence d'une preuve de la part de la Requérante et, étant donné que les produits et les services des parties sont liés entre eux ou se recoupent, je conclus, aux fins de l'appréciation de la probabilité de confusion, qu'il existe une possibilité de recoupement entre les voies de commercialisation des parties.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[42]           Au moment d'examiner le degré de ressemblance, il est bien établi en droit que les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Il faut éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs. Bien que le premier élément d'une marque de commerce soit généralement le plus important aux fins de la distinction [Conde Nast Publications Inc c Union des Éditions Modernes (1979), 46 CPR (2d), 183 (CF 1re inst) et Park Avenue Furniture Corp c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)], il est préférable, lorsqu'il s'agit de comparer des marques de commerce, de se demander d'abord si les marques présentent un aspect particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, au para. 64].

[43]           En l'espèce, j'estime que l'élément nominal est l'aspect relativement le plus frappant de la Marque, étant donné sa taille et son importance relatives, comme j'estime que le dessin de globe n'est pas particulièrement frappant ou unique.

[44]           En ce qui a trait à la présentation et au son, il existe des ressemblances manifestes entre la marque de commerce de l'Opposante et l'élément nominal de la Marque, qui constitue aussi son élément dominant, EUROFARMA et EURO-PHARM. De même, il existe des ressemblances dans les idées suggérées, comme les marques de commerce évoquent toutes deux l'idée de produits et de services dans le domaine pharmaceutique, en faisant allusion à l'Europe.

[45]           En conséquence, ce facteur favorise l'Opposante.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[46]           Lorsque j'ai appliqué le test en matière de confusion, j'ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Après examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, y compris la période pendant laquelle la marque de commerce EURO-PHARM de l'Opposante a été en usage au Canada, le lien étroit et le recoupement entre les produits et les services des parties, la possibilité de recoupement des voies de commercialisation et les ressemblances manifestes entre les marques de commerce des parties, j'estime que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce EURO-PHARM de l'Opposante.

[47]           Comme j'estime que la comparaison de la Marque et de la marque de commerce EURO-PHARM m'a permis de me prononcer concrètement sur ce motif d'opposition, il n'est pas nécessaire que je détermine si l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve à l'égard du nom commercial EURO-PHARM.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif

[48]           L'Opposante allègue que la Marque ne distingue pas véritablement les produits et les services de la Requérante de ceux de l'Opposante ni n'est pas adaptée à les distinguer, eu égard aux dispositions de l'article 2 de la Loi.

[49]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial, l'Opposante doit démontrer que sa marque de commerce ou son nom commercial étaient devenus suffisamment connus au Canada à la date de production de la déclaration d'opposition pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 2004 CF 1185 (CanLII), 34 CPR (4th) 317 (CF); Motel 6 Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.); et Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 2006 CF 657 (CanLII), 48 CPR (4th) 427 (CF)].

[50]           Même si la date pertinente qui s'applique au motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif, c'est-à-dire la date de production de la déclaration d'opposition, soit le 21 juin 2013, est postérieure à la date de production de la demande en cause, la différence de date ne donne pas lieu à une conclusion différente [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc, précité].

[51]           La preuve résumée ci-dessus quant à l'emploi et à la promotion de la marque de commerce EURO-PHARM est suffisante pour permettre à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau de preuve à l'égard de ce motif d'opposition. Pour les raisons énoncées dans l'analyse du motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement, il existe une probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce EURO-PHARM; ce motif est par conséquent accueilli.

Motifs d'opposition restants

[52]           Comme j'ai déjà repoussé la demande pour deux motifs, j'estime qu'il n'est pas nécessaire que j'examine les autres motifs d'opposition.

Décision

[53]           Dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement au titre de l'article 38(8) de la Loi.

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Pik-Ki Fung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

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