Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION
de Bio Agri Mix Ltd.
à la demande numéro 821,497
produite par Canadian Bio-Systems Inc.
en vue de l’enregistrement
de la marque de commerce BIO YEAST AG_
Le 26 août 1996, la requérante, Canadian Bio-Systems Inc., a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce BIO YEAST AG. Cette demande se fondait sur l’emploi au Canada de la marque de commerce depuis au moins le 10 septembre 1990 en liaison avec des suppléments alimentaires pour animaux. La requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif, en dehors de la marque de commerce, des mots YEAST et AG.
La demande a fait l’objet d’une annonce aux fins d’opposition le 1er octobre 1997. L’opposante, Bio Agri Mix Ltd., a produit une déclaration d’opposition le 1er décembre 1997. Le premier motif d’opposition est fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce (la Loi). L’opposante allègue que la requérante n’a pas employé au Canada la marque de commerce BIO YEAST AG en liaison avec des suppléments alimentaires pour animaux depuis au moins le 10 septembre 1990. Le deuxième motif est que, selon l’alinéa 12(1)d) de la Loi, la marque de commerce de la requérante n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce BIO AGRI MIX déposée sous le numéro 414,859. Le troisième motif est que, selon le paragraphe 16(1), la requérante n’est pas une personne admise à enregistrer une marque de commerce parce que, à la date pertinente, celle‑ci créait de la confusion avec, d’une part, la marque de commerce BIO AGRI MIX et le nom commercial Bio Agri Mix Ltd. antérieurement employés au Canada par l’opposante en liaison avec des additifs alimentaires médicinaux et, d’autre part, avec la marque de commerce BIO YEAST AG antérieurement employée au Canada par l’opposante en liaison avec une culture de levure fortement concentrée qui est utilisée comme supplément alimentaire pour le bétail et les animaux. Le quatrième motif est que, pour toutes ces raisons, la marque de commerce de la requérante n’est pas distinctive.
La requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle a réfuté de façon générale les motifs d’opposition. Elle a de plus nié plus particulièrement que l’opposante ait déjà employé la marque de commerce BIO YEAST AG, déclarant que seule la requérante l’a fait et que, si l’opposante avait déjà effectivement fait usage de cette marque, c’était la requérante qui en a bénéficié et que cet emploi avait été abandonné depuis longtemps au moment de la production de la présente demande.
L’opposante a déposé en preuve l’affidavit de son président, Paul Lake. M. Lake y affirme que l’opposante a été constituée en personne morale le 31 août 1983 sous le nom 552327 Ontario Limited et a changé son nom une première fois, le 3 juillet 1984, pour Bio-Agrimix Ltd. puis, le 23 août 1993, pour Bio Agri Mix Ltd. (Étant donné la grande similarité entre ces deux noms commerciaux, j’assimilerai l’emploi de Bio‑Agrimix Ltd. à celui de Bio Agri Mix Ltd. conformément aux principes énoncés dans la décision Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.). M. Lake déclare que Bio Agri Mix Ltd. a employé au Canada, depuis au moins le 20 novembre 1984, la marque de commerce BIO AGRI MIX et le nom commercial Bio Agri Mix Ltd. en liaison avec des additifs alimentaires médicinaux. Une grande partie de ces produits est vendue à des provenderies ou à des points de vente au détail autorisés de produits de santé pour animaux. Ces additifs alimentaires sont administrés à la volaille et aux animaux par le biais de leur nourriture. L’opposante a fourni divers articles publicitaires pour montrer la nature de ces produits. Le nom commercial Bio Agri Mix Ltd. (ou Bio‑Agrimix Ltd.) est indiqué sur tous ces articles et la marque commerciale BIO AGRI MIX figure aussi sur certains d’entre eux. L’opposante a fourni des échantillons d’étiquettes et de sacs utilisés pour ses produits. Seul le nom commercial Bio Agri Mix Ltd. apparaît sur ces échantillons (la marque de commerce BIO AGRI MIX n’est pas indiquée). Elle a également fourni des publicités qui montrent tant son nom commercial Bio Agri Mix Ltd. que sa marque de commerce BIO AGRI MIX. Plus de 80 000 $ ont été dépensés en publicité en 1997. Au Canada, les ventes annuelles en liaison avec la marque de commerce BIO AGRI MIX et le nom commercial Bio Agri Mix Ltd. ont augmenté de façon régulière pour passer de 4 millions de dollars, en 1986, à 14 millions de dollars, en 1997. Ces articles ne me permettent cependant pas de conclure que la marque de commerce BIO AGRI MIX a, à quelque moment que ce soit, déjà été employée de la façon décrite à l’article 4 de Loi sur les marques de commerce.
M. Lake affirme que Bio Agri Mix Ltd. a pour la première fois vendu le produit BIO YEAST AG à Bio Agri Mix (Western) Ltd. le 31 octobre 1986 pour que cette dernière le livre aux centres de distribution Livingston. Il fournit une copie de la facture d’une telle vente concernant 80 unités de 25 kg de BIO YEAST AG. M. Lake déclare que l’opposante a continué, après cette première vente, à vendre le produit BIO YEAST AG à Bio Agri Mix (Western) Ltd. à des fins de distribution et il fournit ce qu’il appelle une copie d’une liste de prix de cession pour Bio Agri Mix (Western) Ltd. datant de décembre 1987. Cette liste même est intitulée [TRADUCTION] « Liste de prix Bio‑Agri Mix (Western) Ltd. ». M. Lake ajoute que le produit BIO YEAST AG a été vendu à Bio Agri Mix (Western) Ltd. de 1986 à 1992.
M. Lake déclare que l’opposante a enregistré le produit BIO YEAST AG auprès d’Agriculture Canada en 1988 et qu’elle a, cette même année, commandé l’impression de sacs destinés à la vente de son produit. Même s’il fournit des copies de factures relatives à l’impression de sacs pour le produit BIO YEAST AG, la preuve ne révèle pas exactement ce qui était imprimé sur ces sacs.
M. Lake indique la valeur du volume de production annuel du produit BIO YEAST AG de l’opposante pour les années 1986 à 1993.
M. Lake déclare qu’à l’origine Bio Agri Mix (Western) Ltd. était une concessionnaire de l’opposante pour les produits Bio Agri Mix Ltd. dans l’Ouest canadien; BIO YEAST AG était produit par Bio Agri Mix Ltd. et vendu à Bio Agri Mix (Western) Ltd. à des fins de distribution dans l’Ouest canadien. En février 1993, l’opposante et la requérante ont cessé de faire affaires ensemble et ont conclu une entente quinquennale de non-concurrence. M. Lake déclare que l’opposante n’a ni abandonné ni cédé ses droits sur sa marque de commerce BIO YEAST AG. Elle a cependant effectivement annulé son enregistrement numéro 990185 (BIO YEAST AG/ culture de levure déshydratée) - auprès de la Direction générale de la production et de l'inspection des aliments (Direction de l'industrie des produits végétaux) d’Agriculture Canada. Le jour même de cette annulation, la requérante a fait inscrire l’enregistrement du produit à son nom.
La requérante a produit en preuve l’affidavit de son président, Richard Owen Jones. Celui‑ci y affirme que la requérante a déjà été connue sous le nom de Bio‑Agrimix (Western) Ltd. et qu’à titre de directeur et d’employé de cette entreprise, il a, entre 1984 et 1986, créé et mis au point le supplément alimentaire pour animaux commercialisé sous la marque de commerce BIO YEAST AG.
Le paragraphe 6 de son affidavit est rédigé comme suit :
[TRADUCTION] Entre le 31 octobre 1986 et le 19 février 1993, BAM [l’opposante] et CBS [la requérante] entretenaient des liens étroits relativement à la production de suppléments alimentaires pour animaux commercialisés sous la marque de commerce. À cette époque, BAM, n’était que la fabricante dont CBS, que je dirigeais, avait retenu les services pour la production du supplément alimentaire pour animaux commercialisé, distribué et vendu par CBS sous la marque de commerce et ce, sous ma seule direction. CBS payait BAM pour qu’elle fabrique le produit pour elle. À ma connaissance, BAM n’a jamais vendu ce produit à personne d’autre que CBS et autrement qu’à titre de fabricante dont les services avaient été retenus par CBS. CBS a effectué toutes les ventes du produit aux grossistes, détaillants et consommateurs sous la marque de commerce. Toutes les livraisons du produit faites par BAM sous la marque de commerce ont été faites, sous la seule direction de CBS, soit à CBS soit directement aux clients de CBS pour le compte de CBS comme le montre la pièce « G » jointe à l’affidavit de Paul Lake produit dans la présente instance.
M. Jones indique aussi qu’en 1990 son entreprise a effectué deux enregistrements sous le nom commercial BIO YEAST AG auprès d’Agriculture à la suite de modifications apportées aux éléments constitutifs du produit. La correspondance jointe d’Agriculture Canada indique cependant les noms BIO YEAST AG PLUS et BIO YEAST AG 2B et la requérante n’a pas fourni de preuve de l’emploi de telles marques de commerce.
M. Jones fournit la valeur du [TRADUCTION] « chiffre d’affaires brut de CBS au Canada pour le produit fabriqué sous la marque de commerce [BIO YEAST AG] lorsque cette information est encore disponible ». Pour l’exercice 1995, ce montant dépasse 92 000 $, pour l’exercice 1996, il est supérieur à 155 000 $, et, pour l’exercice 1997, il est de plus de 211 000 $. Même si M. Jones a donné le chiffre d’affaires pour les ventes totales de l’entreprise pour les années 1990 à 1994, les documents indiquent « N/A » ces années‑là relativement à la vente du produit BIO YEAST AG.
La pièce « F » jointe à l’affidavit de M. Jones est une copie de l’étiquette utilisée par la requérante depuis au moins mars 1993 et ce, jusqu’à décembre 1997. M. Jones déclare que les étiquettes utilisées par la requérante entre septembre 1990 et mars 1993 ressemblaient en gros à celle‑là, exception faite de modifications mineures découlant des exigences en matière d’étiquetage d’Agriculture Canada et de la dénomination sociale utilisée par la requérante. L’étiquette contenue à la pièce « F » ne désigne qu’une seule entreprise, la fabricante, qui était à ce moment‑là la requérante. Il n’est pas clair si les étiquettes antérieures à mars 1993 n’indiquaient que le nom de la fabricante qui était alors, les parties s’entendent sur ce point, l’opposante. Si, par contre, c’était le nom du titulaire de l’enregistrement auprès d’Agriculture Canada qui devait apparaître pour satisfaire aux exigences en matière d’étiquetage, les étiquettes auraient aussi montré le nom de l’opposante. La preuve ne révèle pas quelles exigences en matière d’étiquetage étaient applicables au produit BIO AGRI AG aux différents moments, notamment le 10 septembre 1990 et avant mars 1993.
Comme pièce « J », M. Jones fournit une copie de la convention de vente d’actions, en date du 17 février 1993, par laquelle Brian Milne a vendu toutes ses parts de la requérante à cette dernière pour environ 150 000 $. La convention prévoyait aussi que M. Milne devait transférer à M. Owen Jones le numéro d’enregistrement 990185 détenu par Bio‑Agrimix Ltd. auprès d’Agriculture Canada relativement à l’aliment connu sous le nom « culture de levure déshydratée », conformément au Règlement de 1983 sur les aliments du bétail. La preuve indique que cela a été fait en 1993, quand M. Jones a demandé à Agriculture Canada d’inscrire l’enregistrement au nom de la requérante. La preuve n’explique pas ce que représentait exactement un enregistrement auprès d’Agriculture Canada aux termes du Règlement de 1983 sur les aliments du bétail, mais je suis sûre que le transfert d’un enregistrement auprès d’Agriculture Canada ne constituait pas un transfert de la marque de commerce.
La convention de vente d’actions prévoyait aussi une entente de non‑concurrence qui empêchait l’opposante de vendre pendant cinq ans dans l’Ouest canadien certains produits, désignés par des noms génériques et non par des marques de commerce, ainsi que des produits portant un numéro d’identification de drogue canadien, sauf certains produits énumérés.
Conformément à la convention, la requérante a accepté de changer son ancien nom, Bio‑Agrimix (Western) Ltd. Elle a aussi reconnu [TRADUCTION] « qu’il n’existait plus d’entente de concession (les « ententes de concession ») entre la société [Bio‑Agrimix (Western) Ltd.] et Bio-Agrimix Ltd. » Même si cela semble indiquer que la requérante était la concessionnaire de l’opposante et que l’opposante n’était pas la fabricante dont la requérante avait retenu les services, l’objet de ces « ententes de concession » reste vague, car elles ne se reportent pas à des marques de commerce ni à des produits. Ni l’une ni l’autre partie n’a fourni de précisions sur ces « ententes de concession ».
Au paragraphe 17 de son affidavit, M. Jones déclare : [TRADUCTION] « L’intention sous‑jacente aux négociations qui ont mené à la conclusion de la convention de vente d’actions et à l’entente de non‑concurrence était que CBS continue à commercialiser et à vendre le produit sous la marque de commerce [BIO YEAST AG], maintenant fabriquée par CBS, et que BAM cesse de fabriquer le produit sous la marque de commerce et de le livrer à CBS. »
En contre‑preuve, l’opposante a déposé un deuxième affidavit de Paul Lake dans lequel il déclare que Bio Agri Mix (Western) Ltd. a avant tout été créée pour distribuer dans l’Ouest canadien des produits enregistrés et fabriqués en Ontario par Bio Agri Mix Ltd. Il dit aussi que [TRADUCTION] « M. Jones n’a joué aucun rôle véritable dans la mise au point et la préparation du produit [BIO YEAST AG] », mais qu’il était plutôt « chargé de vendre le produit dans l’Ouest canadien même s’il a plus tard participé aussi à la formulation du produit lorsqu’on y a ajouté une enzyme ». Il ajoute : [TRADUCTION] « Bio Agri Mix Ltd. n’était aucunement une « fabricante dont on avait retenu les services » […] Le contrôle du produit relevait entièrement de Bio Agri Mix Ltd. » Enfin, il déclare : [TRADUCTION] « Les parties n’ont en aucun temps envisagé de transférer autre chose que la formulation du produit. Toutes les marques de commerce en liaison avec les produits transférés devaient rester la propriété de Bio Agri Mix Ltd. »
Les parties ne se sont pas prévalues de la possibilité de contre‑interroger les déposants de la partie adverse.
Les deux parties ont produit des observations écrites, à la suite de quoi l’opposante a demandé l’autorisation de produire une déclaration d’opposition modifiée pour corriger une erreur typographique. L’autorisation a été accordée par lettre en date du 30 mars 2001.
Les deux parties étaient représentées à l’audience.
Nous sommes, essentiellement, confrontés à une situation où les parties interprètent différemment leur ancienne relation et l’intention sous-jacente aux accords qui y ont mis fin. On m’a demandé de croire un déposant plutôt que l’autre. Il m’est difficile de le faire, en partie probablement parce que les deux déposants ont témoigné honnêtement sur la foi de leur propre perception de la réalité. Il appert qu’au fil des ans, ni l’une ni l’autre partie ne s’est occupée de façon adéquate de la question de la marque de commerce.
Étant donné les opinions divergentes des parties au sujet de la propriété de la marque de commerce BIO YEAST AG, il convient de se demander qui l’acheteur ou l’utilisateur du produit BIO YEAST AG aurait perçu comme étant la propriétaire de la marque. Malheureusement, nous ne disposons pas de beaucoup d’éléments de preuve pour nous aider à y répondre. Nous ne savons pas à quoi ressemblait de façon précise l’emballage du produit à la date du premier emploi revendiqué par la requérante. Si l’on tient pour acquis que le nom de la fabricante apparaissait sur l’emballage comme ce fut le cas plus tard, le nom de l’opposante aurait apparu en tant que fabricante. La preuve n’indique pas que le nom de la requérante ou de sa prédécesseure apparaissait sur l’emballage avant qu’elle ne soit devenue la fabricante en 1993. La preuve ne démontre pas non plus que les factures préparées par la requérante auraient pu constituer un emploi de la marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi.
Le fardeau initial de la preuve repose sur l’opposante, qui doit démontrer que la requérante ne s’est pas conformée à l’alinéa 30b), mais ce fardeau n’est pas lourd [voir Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune, 10 C.P.R. (3d) 84, à la page 89]. Comme la preuve permet raisonnablement de conclure que l’emploi de la marque de commerce à partir du 10 septembre 1990 a profité à l’opposante et non à la requérante, l’opposante s’est acquittée de son léger fardeau. Il incombe donc à la requérante de s’acquitter de la charge ultime de la preuve pour que le motif fondé sur l’alinéa 30b) soit rejeté.
La preuve soumise par la requérante ne me convainc pas qu’elle a vendu le produit BIO YEAST AG à titre de propriétaire de la marque de commerce et non à titre de concessionnaire de la propriétaire de la marque de commerce ni que le public la percevait comme étant, depuis le 10 septembre 1990, la propriétaire de la marque de commerce BIO YEAST AG. Selon moi, le fait que le propriétaire d’une marque de commerce vende la totalité de son produit à son concessionnaire n’a rien d’extraordinaire et le fait que la requérante ait signé un document pour prendre acte de l’annulation de la concession avec l’opposante indique qu’il y avait effectivement eu une certaine forme de concession. En l’absence de précisions quant aux produits couverts par la concession, il ne semble pas déraisonnable de conclure que celle‑ci aurait pu comprendre le produit BIO YEAST AG. Bien que la preuve n’explique ni l’effet des enregistrements auprès d’Agriculture Canada ni les exigences de ce ministère en matière d’étiquetage, le fait de créer une formulation, ou d’adapter une formulation, n’est pas pertinent quant à savoir qui est le propriétaire d’une marque de commerce liée, pas plus que la mention d’une marque de commerce dans de tels enregistrements n’est indicative de la propriété d’une marque de commerce. Pour ces motifs et les motifs susmentionnés à propos des personnes dont le nom apparaissait sur les emballages à la date pertinente et de la perception du public qui en résulte, je ne puis conclure que l’emploi de la marque de commerce BIO YEAST AG à partir du 10 septembre 1990 a profité à la requérante et non à l’opposante. Tout doute que je peux avoir doit jouer contre la partie sur qui repose le fardeau de la preuve. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) est accueilli.
Je veux préciser que je ne suis pas en train de dire que la requérante ne détient pas actuellement de droits sur la marque de commerce BIO YEAST AG puisque l’opposante paraît l’avoir abandonnée, mais, étant donné l’absence d’un acte de cession clair et la preuve contradictoire, je ne puis conclure que la date revendiquée pour le premier emploi de la marque de commerce a bénéficié à la requérante.
J’ajouterai aussi que si on acceptait que l’entente de 1993 visait le transfert de la marque de commerce à la requérante, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) pourrait malgré tout être accueilli parce que la requérante n’a pas désigné, dans sa demande, l’opposante comme étant sa prédécesseure. Je ne trancherai cependant pas la question de savoir s’il y a effectivement eu ou non un transfert. Toute prétention selon laquelle un transfert devait avoir lieu entre bien sûr en contradiction avec la prétention selon laquelle la marque de commerce n’a jamais appartenu à l’opposante.
Avant de continuer, je ferai aussi remarquer aussi qu’il est curieux que la requérante ait choisi de déclarer que le premier emploi de la marque de commerce remontait à « au moins le 10 septembre 1990 ». C’est du 10 septembre 1990 qu’est datée la lettre d’Agriculture Canada confirmant l’enregistrement des produits désignés comme étant BIO YEAST AG PLUS et BIO YEAST AG 2B, formulations à la préparation desquelles, les deux parties en conviennent, M. Jones avait participé. La requérante est certainement en droit de donner une date ultérieure à la date du premier emploi, mais cela soulève de fait la question de savoir pourquoi elle a choisi une date postérieure d’environ six ans au début de la période au cours de laquelle elle aurait, à ses dires, tiré avantage de l’emploi de la marque de commerce. De plus, rien ne permet de conclure que la simple vente du produit BIO YEAST AG PLUS ou du produit BIO YEAST AG 2B constitue un emploi de la marque de commerce BIO YEAST AG.
Les autres motifs d’opposition ont tous trait au risque de confusion entre la marque de commerce faisant l’objet de la demande et les marques de commerces/noms commerciaux de l’opposante. Les dates pertinentes pour chacun des motifs d’opposition sont les suivantes : motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]; motif fondé sur le paragraphe 16(1) – la date du premier emploi de la marque de commerce par la requérante; le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif – la date de la production de l’opposition [voir Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), à la page 130, et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 (C.A.F.), à la page 424].
Comme l’opposante n’a pas établi qu’elle n’avait pas abandonné la marque de commerce BIO YEAST AG à la date de l’annonce de la présente demande, le motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(1) est, en vertu du paragraphe 17(1), rejeté dans la mesure où il vise cette marque de commerce. De plus, je ne suis pas convaincue, comme je l’ai expliqué plus tôt, que l’opposante ait démontré qu’elle a employé BIO AGRI MIX comme marque de commerce de la façon décrite à l’article 4. Le motif fondé sur le paragraphe 16(1) est donc aussi rejeté dans la mesure où il vise cette marque.
Il nous reste donc à examiner le risque de confusion entre la marque de commerce BIO YEAST AG de la requérante et la marque de commerce déposée BIO AGRI MIX de l’opposante et le nom commercial Bio Agri Mix Ltd. que cette dernière a employé par le passé. Comme l’opposante a, relativement à son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b), réfuté avec succès la date avancée par la requérante pour le premier emploi de la marque de commerce, la date pertinente pour l’examen du motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(1) n’est pas la date donnée par la requérante [voir American Cyanamid Co. c. Record Chemical Co. Inc., 6 C.P.R. (2d) 278 (C.O.M.C.); Everything for a Dollar Store (Canada) Inc. c. Dollar Plus Bargain Centre Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d) 269 (C.O.M.C.), à la page 282]. Il est difficile de savoir quelle date utiliser. Je retiendrai le moment où la requérante a commencé à fabriquer le produit, soit en mars 1993, mais je note que l’issue de la présente instance serait la même si la date pertinente était le 10 septembre 1990.
Le critère qui permet de déterminer s’il y a confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. En appliquant le critère en matière de confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment des facteurs expressément énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle elles ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids à accorder à chaque facteur pertinent peut varier selon les circonstances [Clorox Co. c. Sears Canada Inc., 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.); Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].
J’examinerai d’abord le motif fondé sur l’alinéa 12(1)d). Ni BIO YEAST AG ni BIO AGRI MIX n’ont un grand caractère distinctif inhérent. Les deux marques sont devenues, dans une certaine mesure, connues grâce à la publicité, mais il appert que la marque de l’opposante a fait l’objet d’une plus grande promotion. Comme j’ai déjà conclu que l’opposante n’a pas prouvé l’emploi de sa marque de commerce BIO AGRI MIX, la période pendant laquelle les deux marques ont été en usage joue nécessairement en faveur de la requérante. Les marchandises des parties ne sont pas identiques, mais elles sont similaires puisqu’il s’agit dans les deux cas de suppléments ou d’additifs alimentaires pour animaux. L’état des marchandises dressé par la requérante est, selon moi, suffisamment vaste pour comprendre les marchandises de l’opposante. La preuve n’a pas porté sur les différences importantes quant à la nature des entreprises ou des commerces des parties. Les deux marques comptent trois mots, dont le premier est « BIO ». Bien qu’on doive examiner chaque marque comme un tout, on considère habituellement que la première partie d’une marque de commerce est la plus importante. Aucune preuve n’indique que le mot « BIO » est couramment utilisé dans le secteur d’activités des parties. La preuve ne permet pas non plus de conclure que les autres parties des marques de commerce sont couramment utilisées dans le secteur, mais « YEAST » et « MIX » décrivent les produits respectifs des parties (la requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot « MIX », alors que l’opposante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot « YEAST ») et « AG » et « AGRI » pourraient probablement être perçus comme des allusions au mot « agriculture » (la requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot « AG » ).
Après avoir examiné les circonstances de l’espèce, je ne sais toujours pas s’il y a un risque de confusion entre la marque de commerce déposée BIO AGRI MIX et la marque de commerce BIO YEAST AG, qui fait l’objet de la demande. Comme le fardeau de la preuve en matière de confusion repose sur la requérante, je dois refuser de lui donner le bénéfice du doute. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est par conséquent accueilli.
Les éléments dont il faut tenir compte pour l’examen du motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(1) sont en grande partie les mêmes que ceux relatifs au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), sauf en ce qui concerne la date pertinente et le fait que l’emploi du nom commercial Bio Agri Mix Ltd. de l’opposante est prouvé. En conséquence, en ce qui concerne ce motif d’opposition, la mesure dans laquelle la marque de commerce et le nom commercial sont devenus connus et la période pendant laquelle ils ont été en usage joue en faveur de l’opposante.
Pour que le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif soit accueilli et que le caractère distinctif de la marque de commerce faisant l’objet de la demande ne soit pas reconnu, l’opposante n’a besoin que de démontrer que sa marque de commerce BIO AGRI MIX ou son nom commercial Bio Agri Mix Ltd sont suffisamment connus au Canada depuis le 1er décembre 1997 [Motel 6, Inc.c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, à la page 58 (C.F. 1re inst.)]. J’estime qu’elle y est parvenue. Il est possible que BIO YEAST AG soit devenue distinctive du produit de l’opposante à partir du 1er décembre 1997 dans l’Ouest canadien, mais je ne puis conclure que ce soit le cas partout au Canada. Je dis cela parce que BIO AGRI MIX a bénéficié de plusieurs années de publicité, que des ventes importantes ont été faites en liaison avec le nom commercial Bio Mix Agri Ltd. et que la preuve n’indique pas que le préfixe « BIO » des marques est employé par d’autres entreprises. Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est par conséquent accueilli.
Ma décision en ce qui concerne le risque de confusion entre les marques de commerce et nom commercial de l’opposante et la marque de commerce de la requérante aurait pu être différente si la preuve indiquait que le préfixe « BIO » était couramment adopté dans les marques de commerce du secteur général d’activité des parties.
En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerces aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je repousse la demande de la requérante en application du paragraphe 38(8) de la Loi.
FAIT À TORONTO (ONTARIO), LE 6 NOVEMBRE 2001
Jill W. Bradbury
Agente d’audience