Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 103

Date de la décision : 2010-07-08

 DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par l’American Automobile Association, Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1259232 pour la marque de commerce AAA au nom de Keneck Ventures Inc.


 

Le dossier

[1]       Le 27 mai 2005, Keneck Ventures Inc. a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce AAA, fondée sur son emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises et services suivants :

 


Marchandises

Publications imprimées dans le domaine de l’immobilier.

 

Services

Services de courtage immobilier; évaluation financière de biens immobiliers; location à bail de biens immobiliers; agences immobilières; aménagement immobilier; actions participatives en immobilier, nommément gestion et organisation en matière de copropriété d’immobilier; services d’entiercement de biens immobiliers; évaluation et inspection pour la détection de la présence de matières dangereuses; placement immobilier; inscription de propriétés; gestion immobilière; choix d’emplacements en immobilier; syndication en immobilier; immobilier en temps partagé; services de fiducie immobilière; services de gestion de propriétés; investissement financier dans le domaine de l’immobilier; évaluation financière d’immobilier; prêt et financement hypothécaire; services de vente et de soutien pour franchises, nommément fourniture d’aide technique pour l’établissement et/ou l’exploitation de services de courtage immobilier et d’agences immobilières.


 

[2]       Un examinateur des demandes d’enregistrement de marques de commerce à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a soulevé deux objections à l’égard de cette demande : (i) une description plus précise des marchandises était nécessaire; et (ii) la marque visée par la demande créait de la confusion avec l’enregistrement no LMC440951 de la marque AAA au nom de The McGraw-Hill Companies, Inc. Cette dernière marque s’applique aux services d’information concernant les dettes et les garanties y afférentes de divers organismes d’État et entreprises privées, ainsi que des questions financières connexes. La requérante a répondu à la première objection en précisant comme suit la description de ses marchandises :


Publications imprimées, nommément magazines, journaux, brochures et prospectus dans le domaine de l’immobilier.


 

[3]       La requérante a répondu à la seconde objection par l’argument suivant : [TRADUCTION] « [...] les services visent des besoins différents des consommateurs. Les services de la requérante sont destinés aux personnes désireuses d’acheter et de vendre des biens immobiliers, tandis que ceux de l’inscrivante seraient vraisemblablement utilisés par des personnes qu’intéressent les dettes et les garanties y afférentes des grandes sociétés, y compris les organismes d’État ». La requérante a aussi fait remarquer que le registraire avait permis la coexistence de deux enregistrements aux noms de tiers des marques AAA et AAA Dessin, soit l’enregistrement no LMC430671, qui porte sur des services offerts aux propriétaires de véhicules automobiles, et l’enregistrement no LMC392604, qui vise des services de courtage sur marge. « [C]omme on a conclu que les marques susdites ne créaient pas de confusion avec la marque invoquée [enregistrement no LMC440951], a fait valoir la requérante, la marque de la requérante ne devrait pas non plus être considérée comme créant de la confusion avec elle. »

[4]       L’examinateur a accepté les observations de la requérante, et la demande considérée a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce le 5 avril 2006. L’American Automobile Association Inc. (propriétaire de la marque AAA susdite portant le numéro d’enregistrement LMC430671) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de cette demande le 17 octobre 2006. Le registraire a fait parvenir une copie de la déclaration d’opposition à la requérante le 24 octobre 2006, conformément au paragraphe 38(5) de la Loi surles marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. La requérante a produit et signifié en réponse une contre-déclaration contestant l’ensemble des allégations figurant dans la déclaration d’opposition.

 

[5]       L’opposante a présenté comme preuve des affidavits de David Steventon et James G. Brehm, ainsi que des copies conformes des enregistrements de trois marques de commerce lui appartenant, soit les marques AAA, A.A.A. et AAA logo, cette dernière étant reproduite ci-dessous :

                                                                                                                

                                                           

 

[6]       Les enregistrements des marques AAA et AAA logo de l’opposante s’appliquent aux services suivants :


 

Services destinés aux propriétaires de véhicules à moteur, aux automobilistes et aux voyageurs en général, nommément diffusion d’information sur les voyages; organisation de voyages; classification des installations d’hébergement touristiques; fourniture de services routiers d’urgence; récupération de véhicules à moteur volés; arrêt de voleurs de véhicules à moteur et de conducteurs coupables du délit de fuite; offre de récompenses pour renseignements menant à l’arrêt et l’inculpation des voleurs des automobiles des membres; obtention des plaques d’immatriculation et des certificats de titre pour véhicules à moteur; enseignement de la conduite des véhicules à moteur; parrainage de patrouilles de sécurité scolaires; organisation de campagnes de sécurité routière et de sécurité des piétons au moyen de cours d’éducation routière; préconisation d’une loi encourageant l’utilisation, la conduite et l’entretien sécuritaires et économiques des véhicules à moteur; réalisation d’essais de véhicules à moteur et d’épreuves d’endurance; mise à l’essai de produits automobiles et de produits connexes; expertises et collecte des demandes de dommages-intérêts; obtention d’assurance; passage de contrats d’assurance avec des assureurs; prise de dispositions pour achats au rabais; services financiers, y compris paiement et collecte de chèques de voyage et de dépôts à terme; services de consultation en placement; services de carte de crédit et de chargement automatique; remboursement des frais pour services juridiques.


 

[7]       L’enregistrement de la marque A.A.A. porte sur les marchandises suivantes :


 

Boîtes d’expédition, cartons, conteneurs, portfolios, carnets, porte-cartes, rubans de machine à écrire, papier carbone, anneaux en spire, cendriers, panneaux, doublures de pneus, papier et petits articles de bureau, papier d’emballage, porte-crayons, couvertures pour livres, cartes géographiques, brochures et livres, gravures, étiquettes autocollantes, décalcomanies, affiches, badges, médailles, épinglettes et boutons, salopettes, imperméables et ceintures.


 

[8]       La requérante a présenté comme preuve un affidavit de Lisa Saltzman. L’affidavit de Mme Saltzman sert à produire en preuve les résultats d’une recherche de marques comportant la séquence de lettres AAA (ou des équivalents) dans le registre des marques de commerce. Chacune des parties a déposé un plaidoyer écrit, et il a été tenu, le 2 juin 2010, une audience où seule l’opposante était représentée.

 

La déclaration d’opposition

[9]     L’opposante soutient, comme premier motif d’opposition, que la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce parce que la requérante, à la date de production de sa demande, ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque AAA, étant donné l’existence des marques A.A.A., AAA et AAA logo de l’opposante (les marques AAA de l’opposante).

[10]     Le deuxième motif d’opposition porte que la marque AAA visée par la demande n’est pas enregistrable sous le régime de l’alinéa 12(1)d), parce qu’elle crée de la confusion avec chacune des marques susdites déposées par l’opposante.

[11]     Le troisième motif d’opposition porte que la requérante n’a pas le droit d’enregistrer la marque AAA visée par la demande parce que, à la date de production de sa demande, cette marque créait de la confusion avec les marques susdites de l’opposante antérieurement employées au Canada. Sous ce chapitre, l’opposante fait valoir qu’elle emploie sa marque A.A.A. depuis 1909, et ses marques AAA et AAA logo depuis 1927.

[12]     Le quatrième motif d’opposition, fondé sur l’article 2 de la Loi, porte que la marque AAA visée par la demande n’est pas adaptée à distinguer les marchandises et services de la requérante de ceux de l’opposante.

 

La preuve de l’opposante

James G. Brehm

[13]    M. Brehm atteste qu’il est conseiller juridique et administrateur délégué de l’opposante. Il déclare que cette dernière a été constituée en société en 1902 au Connecticut (États-Unis). Elle exerce depuis lors aux États-Unis et au Canada ses activités de fédération de clubs automobiles indépendants, auxquels elle concède des licences d’utilisation de ses marques. En avril 2007, l’opposante comptait plus de 50 millions de membres, dont plus de 5 millions au Canada. Elle offre toutes sortes de services aux propriétaires et utilisateurs de véhicules automobiles, y compris des services d’assurances et financiers. Elle publie des cartes routières, des guides touristiques et d’autres imprimés destinés aux voyageurs, qu’elle distribue à ses membres. Elle exploite un site Web (www.aaa.com) où ses membres peuvent trouver des renseignements touristiques et commander des publications de même nature. L’Association canadienne des automobilistes (la CAA) est affiliée à l’opposante, qui lui a concédé une licence d’utilisation de ses marques et de diffusion de ses publications auprès des adhérents de l’ensemble du Canada.

 

David Steventon

[14]    M. Steventon atteste qu’il est gestionnaire des normes et de l’accréditation à la CAA. Celle­-ci, fondée en 1913, est une fédération réunissant neuf clubs automobiles, qui comptaient ensemble à la fin de 2001 quelque 4,2 millions de membres au Canada, nombre qui a progressivement augmenté pour atteindre 4,9 millions à la fin de 2006. La CAA est membre de l’opposante et collabore avec elle en vue d’offrir [TRADUCTION] « les marchandises et services de marque AAA de manière homogène dans l’ensemble de l’Amérique du Nord ». Le logo AAA figure sur la carte de membre de la CAA. 

[15]    Dans le cadre de leur prestation de services aux membres de la CAA et aux visiteurs membres de l’opposante, les clubs de la CAA ont distribué en 2006 environ 1,7 million de guides de la route (TourBooks), guides de ville (CityBooks), guides de camping (CampBooks) et cartes routières de marque AAA, ainsi que quelque 7,3 millions de « cartes-bandes », lesquelles servent à l’établissement d’itinéraires personnalisés (TripTiks). Les imprimés distribués aux membres de la CAA et de l’AAA portent les logos de l’opposante et de la CAA, comme dans l’exemple reproduit ci-dessous :

 

 

                                                       

  

[16]     La pièce B annexée à l’affidavit de M. Steventon porte une description générale des activités de l’opposante. Parmi les services offerts aux membres de l’opposante et de la CAA figurent l’assistance routière jour et nuit, l’obtention de rabais dans les ateliers de réparation automobile [TRADUCTION] « certifiés par l’AAA », et la réduction des tarifs de nombreux hôtels, motels, stations estivales ou de sports d’hiver et terrains de camping. L’opposante propose aussi des services de financement ou de refinancement de voitures, ainsi que d’assurances automobile, sur la vie, propriétaire occupant et locataire occupant. En outre, l’opposante inspecte et cote (sur une échelle de un à cinq diamants) les établissements hôteliers et restaurants afin de fournir à ses membres un moyen commode de choisir ceux où ils s’arrêteront : voir la pièce F annexée à l’affidavit de M. Steventon.

 

La preuve de la requérante

Lisa Saltzman

[17]    Mme Saltzman atteste qu’elle est directrice du service de recherches en marques de commerce d’une entreprise sise à Montréal. Elle a effectué dans le registre des marques de commerce une recherche des marques comportant la séquence de lettres AAA et employées en liaison avec des services d’assurances et de crédit. Elle a relevé 17 de ces marques, inscrites aux noms de six propriétaires. Trois de ces marques, y compris la marque AAA visée par la demande, étaient inscrites au nom de la requérante, Keneck Ventures Inc., et n’étaient pas encore enregistrées, tandis que deux autres, soit AAA et AAA logo, appartiennent à l’opposante. Il restait donc 12 marques de tiers, enregistrées aux noms de quatre propriétaires. Trois de ces 12 marques, soit STAAAR, STAAAR STRATEGY et STAAAR & Dessin, ne sont pas pertinentes pour les besoins de la présente procédure puisque la séquence de lettres AAA y est contenue dans un mot reconnaissable, même s’il est orthographié de manière fantaisiste, de sorte qu’il reste neuf enregistrements aux noms de quatre propriétaires autres que les parties.

 

 Le fardeau ultime et le fardeau de preuve initial

[18]     C’est à la requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce ainsi que le prétend l’opposante dans sa déclaration d’opposition. Le fait qu’un fardeau soit imposé à la requérante signifie que, s’il n’est pas possible de parvenir à une conclusion claire après examen de toute la preuve, la question doit être tranchée contre la requérante. Cependant, conformément aux règles habituelles de la preuve, l’opposante le fardeau de prouver les faits sur lesquels reposent les allégations de sa déclaration d’opposition; voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, page 298. L’existence d’un fardeau de la preuve incombant à l’opposante relativement à une question donnée signifie que la question ne sera examinée que si l’opposante présente une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de cette question.

 

Le premier motif d’opposition

[19]     Le premier motif d’opposition est fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce. L’opposante y soutient que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la marque de commerce AAA au Canada en liaison avec divers services immobiliers, étant donné l’emploi par l’opposante de ses marques AAA. Comme l’opposante n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de son allégation que la requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’utiliser la marque de commerce AAA au Canada, ce premier motif d’opposition est rejeté.

 

La question principale en litige et les dates pertinentes

[20]    La question principale en litige pour ce qui concerne les autres motifs d’opposition est le point de savoir si la marque AAA visée par la demande crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques AAA de l’opposante. Il incombe à la requérante d’établir l’absence de probabilité raisonnable de confusion, sous le régime du paragraphe 6(2) de la Loi (reproduit ci-dessous), entre la marque AAA visée par la demande et l’une quelconque des marques AAA de l’opposante :          


 

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées [...] ou que les services liés à ces marques sont [...] exécutés par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.


Donc, le paragraphe 6(2) concerne le risque de confusion non pas entre les marques elles-mêmes, mais entre les sources des marchandises ou des services. Dans la présente espèce, la question que pose le paragraphe 6(2) est celle de savoir s’il y aurait confusion entre les services immobiliers de la requérante et les services immobiliers fournis ou sanctionnés par l’opposante.

[21]     Les dates pertinentes pour l’examen de la question de la confusion sont : (i) la date de la décision, pour ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur le caractère non enregistrable; voir Andres Wines Ltd. c. E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), page 130, et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), page 424; (ii) la date de production de la demande, qui est en l’occurrence le 27 mai 2005, en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement; voir l’alinéa 16(3)a) de la Loi sur les marques de commerce; et  (iii) la date de l’opposition, en l’occurrence le 17 octobre 2006, relativement au motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif; voir Andres Wines Ltd. c. E. & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R.(2d) 126 (C.A.F.), page 130, et Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R. (3d) 418 (C.F. 1re inst.). Dans la présente espèce, il est sans conséquence que la question de la confusion soit ou non examinée en fonction d’une date pertinente déterminée.

 

Le test en matière de confusion

[22]     Le test en matière de confusion met en œuvre les critères de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour établir si deux marques créent de la confusion sont énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune a été en usage; le genre de marchandises, de services ou d’entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive : tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. En outre, tous les facteurs n’ont pas nécessairement un poids égal; le poids à donner à chacun d’eux dépend des circonstances de l’espèce. Voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.).

 

Examen des facteurs énumérés au paragraphe 6(5)

[23]    La marque AAA visée par le demande ne possède guère de caractère distinctif inhérent du fait qu’elle est constituée par une séquence de lettres et qu’elle est laudative, c’est-à-dire qu’elle évoque l’idée de qualité supérieure ou d’excellence. Il s’agit donc d’une marque relativement faible. De même, les marques AAA de l’opposante possèdent relativement peu de caractère distinctif inhérent. Cependant, me fondant sur la preuve de l’opposante, je suis disposé à conclure que ses marques AAA et AAA logo, pendant la période pertinente, avaient acquis une réputation considérable au Canada à l’égard de ses services, notamment l’établissement d’itinéraires, l’information sur la qualité des établissements hôteliers et des restaurants, et la certification des ateliers de réparation automobile. Étant donné que la demande d’enregistrement de la marque AAA de la requérante est fondée sur son emploi projeté au Canada et que cette dernière n’a présenté aucun élément tendant à prouver qu’elle a commencé à l’employer après la production de sa demande, je conclus que la marque visée par ladite demande n’avait acquis de caractère distinctif à aucun moment pertinent. Par conséquent, le critère du caractère distinctif inhérent des marques en question ne milite ni pour l’une ni pour l’autre des parties, tandis que le critère du caractère distinctif acquis fait pencher la balance en faveur de l’opposante.

[24]     Le critère de la durée pendant laquelle les marques en question ont été en usage milite aussi pour l’opposante. Bien que la preuve n’établisse pas clairement quand l’opposante a commencé à employer sa marque AAA et logo au Canada, il est évident que c’était bien avant 2001. Les genres respectifs des marchandises et services des parties sont différentes, étant donné que la requérante travaille dans le domaine des services immobiliers, tandis que l’opposante exerce son activité dans le domaine des services de club automobile liés à l’utilisation et à la réparation des véhicules automobiles. Les natures respectives des commerces des parties diffèrent aussi; cependant, il semble que toutes les deux s’adressent au même consommateur moyen plutôt qu’à des sous-ensembles différents de la population générale. Quant au degré de ressemblance entre les marques en question, j’estime que les marques A.A.A. et AAA logo ne présentent que des variations mineures par rapport à la marque AAA. Par conséquent, les marques des parties sont pour l’essentiel identiques pour les besoins de l’évaluation du risque de confusion. En dernière analyse, le seul facteur qui milite pour la requérante est que ses marchandises, ses services et son commerce diffèrent de ceux de l’opposante.

 

Les circonstances de l’espèce

[25]    Aux paragraphes 60 et 61 de son plaidoyer écrit, la requérante, se fondant sur la preuve de Mme Salzman, fait valoir que [TRADUCTION] « de nombreuses marques de tiers comportent la combinaison de lettres AAA » et renvoie plus précisément à huit enregistrements correspondant à trois propriétaires différents. À mon sens, seulement cinq de ces marques pourraient étayer la thèse de la requérante. Quoi qu’il en soit, la requérante soutient sur la base des recherches de Mme Saltzman que les marques de l’opposante [TRADUCTION] « ne possèdent qu’un faible, voire aucun, caractère distinctif inhérent ». Cependant, j’ai déjà conclu que les marques de l’opposante possèdent peu de caractère distinctif inhérent, sans me fonder sur des éléments de preuve relatifs à l’état du registre. En outre, la preuve relative à l’état du registre n’est pertinente que si l’on peut en tirer des conclusions sur l’état du marché. Or, les recherches de Mme Saltzman font état de trop peu d’enregistrements pertinents aux noms de trop peu de propriétaires différents pour que je puisse en tirer des conclusions favorables à la requérante. Faute d’éléments établissant l’emploi réel sur le marché de la marque AAA (ou de variantes de celle-ci) par des tiers, je ne puis conclure que le public soit informé que des tiers utilisent la marque AAA. Autrement dit, je dois conclure que, durant toute la période pertinente, le consommateur moyen percevait la marque AAA comme propre à l’opposante.

 

Décision

[26]     Vu l’ensemble des considérations qui précèdent, en particulier la réputation considérable acquise par les marques de l’opposante et le fait que le public sache que cette dernière certifie et cote les services de tiers (par exemple la réparation automobile et les services hôteliers), je conclus qu’il est probable que, à toutes les époques pertinentes, ce même public supposera que les marchandises et les services de la requérante bénéficient de l’approbation ou du parrainage de l’opposante, ou sont fournis en vertu de licences concédées par cette dernière. Il s’ensuit que la marque AAA visée par la demande crée de la confusion avec les marques AAA de l’opposante; voir Glen-Warren Productions Ltd. c. Gertex Hosiery Ltd. (1990), 29 C.P.R. (3d) 7 (C.F. 1re inst.), page 12. 

[27]     En conséquence, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je repousse la présente demande.

 

 

____________________________

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

                                                                                                           

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

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