Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 146

Date de la décision: 2010-09-14

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION en vertu de l’article 45, engagée à la demande de MacRae & Co., visant l’enregistrement no LMC600185 de la marque de commerce FOCUS au nom de Gruner + Jahr AG & Co KG

[1]               Le 10 octobre 2008, à la demande de MacRae & Co. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a fait parvenir l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à Gruner + Jahr AG & Co KG (l’Inscrivante), la propriétaire inscrite de la marque de commerce susmentionnée.

[2]               La marque de commerce FOCUS (la Marque) est enregistrée pour être employée en liaison avec les marchandises suivantes : « Publications imprimées, nommément magazines. »

[3]               L’article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit d’une marque de commerce indique si celle-ci a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises ou avec chacun des services que spécifie l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. Dans la présente affaire, la période pertinente aux fins de l’emploi est la période allant du 10 octobre 2005 au 10 octobre 2008 (la période pertinente).

[4]               L’« emploi » d’une marque de commerce en liaison avec des marchandises est décrit comme suit aux paragraphes 4(1) et 4(3) de la Loi :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[…]

 

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

Le paragraphe 4(1) s’applique en l’espèce.

[5]               Il est bien reconnu que l’article 45 de la Loi a pour objet d’énoncer une procédure simple, sommaire et expéditive pour éliminer le « bois mort » du registre. À cet égard, le critère d’emploi auquel le propriétaire inscrit doit satisfaire est peu exigeant. Comme l’a affirmé le juge Russell dans Performance Apparel Corp. c. Uvex Toko Canada Ltd.  (2004), 31 C.P.R. (4th) 270 (C.F.), à la page 282 :

[…] Nous savons que l’objet de l’article 45 est de débarrasser le registre du « bois mort ». Nous savons que la simple affirmation par le propriétaire de l’emploi de sa marque de commerce ne suffit pas et que le propriétaire doit « indiquer » quand et où la marque a été employée. Il nous faut des éléments de preuve suffisants pour être en mesure de nous former une opinion en vertu de l’article 45 et d’appliquer cette disposition. Également, nous devons maintenir le sens des proportions et éviter la preuve surabondante. Nous savons également que le genre de preuve exigée varie d’une affaire à l’autre, en fonction d’une gamme de facteurs tels que la nature du commerce et les pratiques commerciales du propriétaire de la marque de commerce.

[6]               En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a fourni l’affidavit de Rolf Heinz signé le 2 avril 2009 ainsi que les pièces A à D. Les deux parties ont produit des observations écrites, mais aucune audience n’a été demandée.

[7]               Dans son affidavit, M. Heinz déclare qu’il est le chef de la direction de Gruner + Jahr/Mondadori (parfois ci-après appelée G+J/M), coentreprise formée par l’Inscrivante et Mondadori, société d’édition canadienne, et qu’il occupe ce poste depuis 2005. Il atteste que, grâce à ce poste et au fait qu’il a accès aux registres de la société, il est au courant des faits exposés dans son affidavit, sauf lorsqu’il mentionne qu’il se fonde sur des renseignements et croyances.

[8]               Monsieur Heinz affirme que G+J/M utilise la Marque en vertu d’une licence et que, à ce titre, elle a le droit de publier et de vendre des magazines FOCUS au Canada. Il ajoute que l’Inscrivante contrôle directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des magazines FOCUS vendus au Canada, conformément à la licence. À titre d’exemple de ce contrôle, il explique qu’en qualité de chef de la direction, il relève du conseil d’administration de G+J/M (Consisglio d’Amministrazione), qui se compose de deux membres de l’Inscrivante et deux membres de Mondadori.

[9]               Il décrit la pratique normale du commerce à l’égard des marchandises qui sont vendues au Canada, précisant que G+J/M publie la version italienne du magazine FOCUS et vend les exemplaires mis en circulation en vue d’être exportés à son distributeur italien, Press-Di Distribuzione Stampa (auparavant Mondadori Editore), qui vend ensuite les magazines à un distributeur canadien local, Speedimpex Canada Inc. (Speedimpex). Speedimpex distribue les magazines à des détaillants du Canada en vue de leur vente à des consommateurs.

[10]           La pièce D que M. Heinz a jointe à son affidavit se compose d’exemples de factures qui ont été établies au cours de la période pertinente et qui font état de ventes de magazines FOCUS de Press-Di Distribuzione Stampa (ou Arnoldo Mondadori Editore) à Speedimpex Canada Inc. (ayant une adresse à Toronto, en Ontario); la première facture de la pièce D porte la date du 30 septembre 2008 et se rapporte à la vente de 110 copies du magazine FOCUS. Monsieur Heinz déclare qu’environ 1 108 copies de la version italienne du magazine FOCUS ont été vendues au Canada en 2005, 1 152 en 2006, 1 125 en 2007 et 466 entre janvier et juin 2008. Des exemples de factures faisant état de ventes de magazines FOCUS de Gruner + Jahr/Mondadori S.p.A. à Press-Di Distribuzione Stampa e Multimedia S.r.l (ainsi qu’une facture montrant des ventes des magazines à Mondadori Editore S.p.A.) sont joints à l’affidavit comme pièce C. Je souligne que la mention « G+J/M » figure sur la partie supérieure de toutes les factures, au-dessus de « Gruner + Jahr/Mondadori S.p.A. ».

[11]           Quant à la façon dont la marque de commerce était associée aux marchandises à la date du transfert de celles-ci, M. Heinz explique que la Marque figure bien en vue sur la page couverture des magazines vendus au Canada, ainsi que sur la page d’index et à côté de chacun des numéros de page des magazines. À titre d’exemple, une copie du numéro d’avril 2008 du magazine FOCUS rédigé en italien et distribué au Canada est jointe comme pièce A. De plus, des copies d’exemples de pages couvertures et de pages d’index provenant d’autres numéros des magazines FOCUS rédigés en italien et distribués au Canada au cours de la période pertinente sont jointes comme pièce B. Je souligne que la Marque figure clairement sur l’exemple de magazine et sur les extraits, de la façon que M. Heinz a décrite, et que la mention « Gruner + Jahr/Mondadori Spa » apparaît sous la Marque sur chacune des pages d’index. J’estime que l’usage mis en preuve constitue un emploi de la marque de commerce déposée.

[12]           La Partie requérante soutient que la preuve produite n’établit pas l’emploi de la Marque par l’Inscrivante ou que l’emploi présenté ne profite pas à celle-ci. De l’avis de la Partie requérante, la preuve n’établit aucun lien direct entre la Marque et le propriétaire inscrit et, en raison de renseignements manquants comme la dénomination sociale de l’utilisateur autorisé Gruner + Jahr/Mondadori ou la preuve du fait qu’il s’agit du nom commercial de Gruner + Jahr/Mondadori S.p.A ou de la même entité que celle-ci, ainsi que l’absence de copie de l’accord de licence conclu entre l’Inscrivante et G + J/M, l’affidavit n’est pas suffisant pour établir l’emploi de la Marque au Canada.

[13]           L’Inscrivante répond que, lorsque l’affidavit est examiné dans son ensemble, la preuve présentée établit l’emploi de la Marque au Canada au cours de la période pertinente et que cet emploi profite à l’Inscrivante. Elle précise que M. Heinz a clairement identifié l’utilisateur autorisé de la Marque, Gruner + Jahr/Mondadori, à titre de société et que celle-ci, appelée Gruner + Jahr/Mondadori S.p.A à la page 5 de l’exemple de magazine joint comme pièce A, publie les magazines en question. L’Inscrivante ajoute qu’il est indéniable que l’utilisateur autorisé Gruner + Jahr/Mondadori auquel M. Heinz renvoie correspond à la société mentionnée dans la pièce en question et sur les factures.

[14]           Je souscris aux arguments de l’Inscrivante et il m’apparaît raisonnable d’admettre que l’usage mis en preuve correspond à un emploi par un licencié dûment autorisé conformément à l’article 50 de la Loi. Pour en arriver à cette conclusion, j’ai tenu compte de ce qui suit : (i) l’objet de l’article 45 de la Loi; (ii) le fait que le fardeau de preuve de l’Inscrivante n’est pas exigeant [Austin Nichols & Co. c. Cinnabon Inc. (1998), 82 C.P.R. (3d) 513 (C.A.F.)]; (iii) le fait qu’il n’est pas obligatoire de produire une copie de l’accord de licence, pourvu que la preuve établisse que l’Inscrivante contrôle les caractéristiques ou la qualité des marchandises arborant la Marque [voir Gowling, Strathy & Henderson c. Samsonite Corp. (1996), 66 C.P.R. (3d) 560 (C.O.M.C.), où il a été décidé qu’aux fins des procédures prévues à l’article 45, l’inscrivant ou le licencié peut s’acquitter de ce fardeau en attestant clairement que le contrôle exigé par l’article 50 existe, et Mantha & Associés/Associates c. Central Transport Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 354, où la Cour d’appel fédérale a souligné que les allégations de faits sont manifestement suffisantes]; (iv) les déclarations sous serment du déposant au sujet de l’utilisation et du contrôle sous licence; (v) la mention du fait que les factures de la pièce C sont celles du licencié et (vi) les abréviations utilisées dans l’affidavit en remplacement des noms d’autres sociétés (Press‑Di Distribuzione Stampa and Mondadori Editore). À mon avis, eu égard à l’ensemble de la preuve, les faits établis permettent de conclure que Gruner + Jahr/Mondadori est simplement une abréviation ou un nom commercial de Gruner + Jahr/Mondadori S.p.A. En conséquence, je n’ai aucun mal à conclure que les dispositions du paragraphe 50(1) de la Loi ont été respectées et que l’emploi de la Marque en liaison avec des magazines par Gruner + Jahr/Mondadori S.p.A. a profité à l’Inscrivante.


[15]           Compte tenu de l’ensemble de la preuve, soit les déclarations sous serment de M. Heinz au sujet de l’accord de licence conclu entre l’Inscrivante et G + J/M, le contrôle exercé par l’Inscrivante, la pratique normale du commerce  à l’égard du magazine FOCUS au Canada, l’exemple de magazine et les extraits ainsi que les exemples représentatifs de factures montrant la série d’opérations dans la pratique normale du commerce au cours de la période pertinente, je conclu que la preuve établit clairement que la Marque a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec des « publications imprimées, nommément magazines », lequel emploi profite à l’Inscrivante de la façon exigée par la Loi. En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera maintenu conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Ronnie Shore 

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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