Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION DU
Conseil canadien des ingénieurs professionnels à
la demande numéro 732,837 produite par
John Brooks Company Limited en vue de l’enregistrement
de la marque de commerce SPRAY ENGINEERING
Le 13 juillet 1993, le requérant, John Brooks Company Limited, a produit une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce SPRAY ENGINEERING fondée sur l’emploi projeté de cette marque au Canada. La demande fut publiée aux fins d’opposition le 24 mai 1995. La demande ainsi publiée indiquait notamment que le droit à l’usage exclusif du mot SPRAY n’était pas accordé, et énonçait que la marque devait être employée en liaison avec les marchandises suivantes, à savoir :
[traduction] buses de pulvérisation et raccords pour le refroidissement, le nettoyage, le conditionnement et le traitement à haute et à basse pression, jauges, boyaux, connecteurs et joncteurs, filtres et épurateurs, lubrificateurs, régulateurs de débit; ainsi que des systèmes d’acheminement de liquides constitués de buses de pulvérisation, de raccords, de jauges, de boyaux, de connecteurs, de joncteurs, de filtres, d’épurateurs, de lubrificateurs et de régulateurs de débit
et les services suivants, à savoir :
[traduction] l’exploitation d’une entreprise, nommément la distribution de buses de pulvérisation et raccords pour le refroidissement, le nettoyage, le conditionnement et le traitement à haute et à basse pression, jauges, boyaux, connecteurs et joncteurs, filtres et épurateurs, lubrificateurs, régulateurs de débit; ainsi que des systèmes d’acheminement de liquides constitués des composantes susdites.
Le 8 novembre 2001, le requérant a produit une demande modifiée dans laquelle la mention desdits services était supprimée. À l’ouverture de l’audience le 9 novembre 2001, j’ai acquiescé à la production de ladite demande modifiée.
L’opposant, le Conseil canadien des ingénieurs professionnels, a produit une déclaration d’opposition le 2 juin 1995, une copie de ladite déclaration ayant été transmise au requérant le 25 septembre 1995. Dans sa déclaration d’opposition, l’opposant affirme qu’il est le propriétaire de neuf marques officielles, nommément ENGINEER, PROFESSIONAL ENGINEER, P.ENG., CONSULTING ENGINEER, ENGINEERING, INGÉNIEUR, ING., INGÉNIEUR CONSEIL et INGÉNIERIE.
Le premier motif d’opposition porte que la demande du requérant ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, en ce que (1) le requérant ne pouvait pas être convaincu qu’il avait le droit d’employer ladite marque de commerce à la lumière de l’existence des marques de commerce officielles de l’opposant, et (2) la [traduction] « ... marque de commerce proposée par le requérant ne peut servir de marque de commerce. » Le deuxième motif d’opposition est que la marque de commerce proposée n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)b) de la Loi car elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, [traduction] « ... des personnes qui sont employées (sic) relativement aux dites marchandises ou du contenu desdites marchandises. »
Le troisième motif d’opposition porte que la marque proposée n’est pas distinctive car elle n’est pas enregistrable étant donné que l’emploi conjugué des mots SPRAY et ENGINEERING ne peut servir à distinguer les marchandises du requérant de celles de tiers qui fabriquent ou qui vendent des marchandises similaires au Canada. Le quatrième motif est que la marque de commerce proposée n’est pas enregistrable en vertu des dispositions du sous-alinéa 9(1)n)(iii) et de l’alinéa 12(1)e) de la Loi, car elle est constituée de l’une ou de plusieurs des marques officielles de l’opposant ou y ressemble à tel point que l’on pourrait vraisemblablement les confondre.
Le cinquième motif d’opposition porte que la marque de commerce proposée n’est pas enregistrable en vertu des dispositions de l’alinéa 9(1)d) et de l’alinéa 12(1)e) de la Loi, car l’emploi du mot ENGINEERING indique au public que le requérant [traduction] « ... est autorisé ou habilité par le gouvernement, ce qui n’est pas le cas. » Le sixième motif d’opposition est que la marque de commerce proposée n’est pas enregistrable aux termes de l’article 10 et de l’alinéa 12(1)e) de la Loi, car le terme ENGINEERING est devenu reconnu au Canada comme désignant le genre, la qualité, et le lieu d'origine des marchandises et des services proposés comme étant les marchandises et services fournis par une catégorie de personnes qui sont effectivement enregistrées à titre d’ingénieurs en vertu des lois provinciales pertinentes et qui exercent leur profession à ce titre.
Le septième motif d’opposition est que la marque de commerce proposée n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)b) de la Loi, car elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse « ... des conditions de production (des marchandises ou services visés), ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d'origine de ces marchandises ou services. »
Le requérant a signifié et produit une contre-déclaration. L’opposant a déposé en preuve un affidavit souscrit par Sandra M. Ward. Le requérant a déposé en preuve les affidavits de Linda Victoria Thibeault, Tai Nahm, Laura Chapman, C. Anik Morrow et James Houston. Messieurs Houston et Nahm ainsi que Mesdames Chapman et Morrow ont été contre-interrogés relativement à leurs dépositions respectives, les transcriptions desdits contre-interrogatoires ayant été versées au présent dossier pour en faire partie intégrante. Les deux parties ont produit une argumentation écrite et une audience a eu lieu en présence des représentants de chacune des parties en cause.
Il y a eu lieu de signaler qu’à titre de matière préliminaire dont il fut disposé, il appert que les originaux des affidavits produits par le requérant auraient été égarés par le Bureau des marques de commerce. L’agent du requérant a eu l’amabilité de produire des copies de remplacement.
La preuve
L’affidavit de Mme Ward a servi à mettre en preuve l’existence des neuf marques officielles de l’opposant, dont les marques ENGINEER et ENGINEERING. L’affidavit de Mme Thibeault a mis en preuve l’existence de cinq enregistrements au nom de tiers visant des marques de commerce comportant le terme ENGINEERING dans des circonstances où l’usage exclusif de ce terme n’a pas été accordé. Lors de l’audition de l’opposition, l’agent de l’opposant a fait valoir que trois de ces enregistrements avaient été radiés. Cependant, l’opposant n’a pas produit de preuve précise à cet effet, et je ne suis pas disposé à exercer mon pouvoir discrétionnaire afin de vérifier le registre à cet égard : voir la décision rendue en ce sens dans le dossier Quaker Oats Co. of Canada Ltd. c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R.(3d) 410, à la page 411.
L’affidavit de M. Nahm atteste l’existence des définitions extraites d’un dictionnaire quant au sens des mots « engineer » et « engineering », ainsi que des résultats des recherches de M. Nahm en vue de retracer des entrées faisant mention de sociétés ou de professions employant les termes « spray engineering ». En outre, les documents annexés à son affidavit sous les cotes C et D font état de plusieurs secteurs et sous-secteurs liés à la profession d’ingénieur.
Par ailleurs, l’affidavit de Mme Chapman fait la preuve des résultats de la recherche réalisée par celle-ci à l’aide du logiciel CD-NameSearch dans la base de données des marques de commerce afin de relever des marques de commerce comportant le mot « engineering ». L’agent de l’opposant a toutefois plaidé que les résultats de cette recherche étaient inadmissibles en preuve, s’appuyant à cet égard sur la décision Sta-Rite Industries Inc. c. GSW Inc. (1999), 87 C.P.R.(3d) 300, à la page 305 (CF 1re inst.). Cependant, à la différence des faits dans l’affaire GSW précitée, la déposition de Mme Chapman indique que la base de données en cause a été constituée des fichiers mêmes du Bureau des marques de commerce. Les affirmations faites à cet égard par cette dernière dans son affidavit n’ont d’ailleurs pas fait l’objet de questions ni de contestation lors de son contre-interrogatoire. Par conséquent, je considère que les résultats de la recherche réalisée par Mme Chapman quant à ces faits sont fiables et donc admissibles. Une situation semblable a notamment fait l’objet d’une décision non publiée dans le cadre d’une opposition présentée dans le dossier Amway Corporation c. Nutravite Pharmaceutical Inc. (décision rendue le 16 février 2001 dans le dossier numéro 790,667).
L’affidavit de Mme Morrow relate les démarches entreprises par celle-ci pour obtenir des documents auprès de l’opposant. Mme Morrow, stagiaire au cabinet d’avocats représentant le requérant en l’instance, déclare s’être rendue aux bureaux de l’opposant et qu’elle a pu s’y procurer divers documents publiés par ce dernier et mis à la disposition du grand public. Mme Morrow relate également une conversation téléphonique qu’elle aurait eu par la suite avec un employé de l’opposant, au cours de laquelle elle a exigé que l’opposant lui fournisse dans les cinq jours la preuve de l’emploi de ses marques officielles ENGINEERING et ENGINEER, à défaut de quoi elle conclurait qu’il n’en existait aucune preuve. Aucune preuve ne lui fut transmise.
L’affidavit souscrit par Mme Morrow a été produit afin de faire la preuve que l’opposant n’avait pas adopté ni employé ses marques officielles ENGINEERING et ENGINEER. Or, il appert que la date de publication inscrite sur la documentation annexée à l’affidavit de Mme Morrow est antérieure de sept années à la date de la publication des marques officielles de l’opposant dans le Journal des marques de commerce. De plus, les résultats de sa conversation téléphonique avec un employé de l’opposant constituent du ouï-dire et ne sauraient constituer une preuve fiable.
L’opposant a également plaidé que l’affidavit de Mme Morrow n’était pas admissible au motif que cette dernière aurait contrevenu aux règles de déontologie du Barreau du Haut-Canada. Or, la Commission des oppositions n’est pas compétente pour décider d’une telle question. Si l’opposant soupçonne une contravention possible aux règles de déontologie, il conviendrait d’en saisir l’autorité compétente. De toute façon, puisqu’il appert que Mme Morrow a dûment dénoncé la capacité dans laquelle elle agissait lors de sa conversation téléphonique avec l’employé de l’opposant, il ne semblerait pas qu’il y ait eu entorse aux règles de déontologie.
Dans son affidavit, M. Houston déclare être directeur du groupe Spray Engineering, une division de la société du requérant, John Brooks Company Limited. Le groupe Spray Engineering exerce son activité dans le domaine de la fabrication et de la vente de systèmes d’acheminement de liquides et de diverses composantes. Les employés de Spray Engineering évaluent les besoins de leurs clients et conçoivent ensuite des systèmes pour répondre à ces besoins, constitués notamment de buses de pulvérisation, de pompes, d’enceintes à haute pression, etc. Alors que ni le requérant ni Spray Engineering ne possèdent d’accréditation pour exercer l’ingénierie comme tel, un certain nombre de leurs employés sont effectivement des ingénieurs.
Selon l’affidavit de M. Houston, le requérant est le distributeur exclusif au Canada de la société américaine Spraying Systems Co., un fabricant de matériel de pulvérisation. Aussi, dans l’exercice de ses activités, le groupe Spray Engineering utilise du matériel qui lui est fourni par Spraying Systems Co. ainsi que par d’autres fabricants.
Après que Spray Engineering a terminé l’intégration de l’un de ses systèmes au système d’exploitation de son client, une inspection est réalisée en principe par un ingénieur au service de Spray Engineering ou de l’entreprise cliente (se reporter à la page 27 de la transcription du témoignage de M. Houston). Il appert qu’il arrive souvent que Spray Engineering ne possède pas elle-même l’expertise requise en ce qui a trait à certains types de buses de pulvérisation. M. Houston précise qu’alors l’entreprise fait appel aux services de la société Spraying Systems Co. pour lui prêter main-forte. Cette dernière compte des ingénieurs parmi son personnel permanent. Ces derniers fournissent alors des conseils ou se rendent même sur les lieux des travaux réalisés par Spray Engineering pour ses clients. Par conséquent, les clients faisant affaire avec Spray Engineering rencontrent alors des ingénieurs dans le cadre de ces activités, dont certains possédant notamment une expertise en matière de buses de pulvérisation, de systèmes d’acheminement de liquides et d’autres dispositifs semblables.
M. Houston établit une distinction entre la division Spray Engineering de sa société et un [ TRADUCTION] « service d’ingénierie comme tel » du genre que l’on peut retrouver chez Spraying Systems Co. (se reporter à la page 56 de la transcription). On retrouve par ailleurs à la pièce D annexée à l’affidavit de M. Houston une lettre émanant de cette division et dans laquelle il est mentionné que Spray Engineering possède [traduction] « ... les capacités requises au plan de l’ingénierie afin de vous fournir la meilleure solution à vos problèmes techniques. » Des affirmations comme celles-là sembleraient de nature à donner l’impression à un client potentiel que Spray Engineering est un cabinet d’ingénieurs ou encore une division présentant plutôt les caractéristiques d’un [traduction] « service d’ingénierie comme tel » à la façon de la société américaine Spraying Systems Co.
Analyse des motifs d’opposition
Le premier motif d’opposition est mal fondé. En effet, la simple publication des marques officielles de l’opposant n’empêche aucunement le requérant d’affirmer qu’il est convaincu de son droit d’employer la marque qu’il se propose d’enregistrer. De plus, les dispositions de l’article 30 de la Loi ne semblent pas donner ouverture à un motif fondé sur l’allégation que la marque de commerce du requérant ne pourrait servir de marque de commerce. Quoi qu’il en soit, l’opposant n’a pas présenté d’allégations de fait au soutien de cette prétention. Par conséquent, le premier motif est rejeté.
Les deuxième et septième motifs d’opposition sont tous deux fondés sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi et je vais donc en disposer en même temps. La date pertinente à laquelle il convient d’apprécier les circonstances dans lesquelles s’inscrivent les questions soulevées par rapport à l’alinéa 12(1)b) de la Loi est la date de la décision rendue en l’instance : voir Lubrication Engineers, Inc. c. Le Conseil canadien des ingénieurs professionnels (1992), 41 C.P.R.(3d) 243 (C.A.F.). La question doit d’ailleurs être appréciée en tenant compte de la perspective qu’adopterait un utilisateur courant des marchandises en cause. Aussi, il ne s’agit pas d’analyser à la loupe et de disséquer toutes les composantes distinctes de la marque de commerce en litige, mais plutôt de l’apprécier dans son ensemble et selon la première impression qui s’en dégage : voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Le registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R.(2d) 25, aux pages 27 et 28, ainsi que Atlantic Promotions Inc. c. Le registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R.(3d).
Il y a deux volets à la question à trancher dans le cadre des deuxième et septième motifs d’opposition, à savoir (1) est-ce que la marque proposée donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises à l'égard desquelles on projette de l'employer, et (2) est-ce qu’elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse des personnes qui les produisent, ou du lieu d'origine de ces marchandises?
Quant au premier volet, le requérant a admis volontiers que le mot SPRAY n’était pas distinctif lorsqu’employé en liaison avec les marchandises à l'égard desquelles on projette de l'employer. Ce qui n’a rien d’étonnant, puisque lesdites marchandises sont constituées de composantes que l’on pourrait généralement décrire comme étant des « systèmes de pulvérisation (spray) ». Tel qu’en fait foi la preuve présentée dans le cadre de l’affidavit de M. Nahm, le mot ENGINEERING est défini comme étant l’application de la science à la conception, à la construction et à l’utilisation de machines, de bâtiments, etc. Ce mot peut également désigner l’application de principes scientifiques à des fins pratiques, comme la conception, la construction et l’exploitation de manière efficiente et économique de structures, d’équipements et de systèmes. Ce terme désigne en outre la profession ou le travail effectué par un ingénieur.
La preuve au dossier montre que les marchandises vendues par le requérant sont des dispositifs assez élaborés et qu’une certaine expertise est requise pour les intégrer à des systèmes de pulvérisation ou d’acheminement de liquides, et aussi afin de les intégrer à des systèmes existants plus complexes dont sont dotées les installations de clients potentiels. La preuve établit également que l’utilisateur habituel de telles marchandises entretiendrait couramment des rapports avec des ingénieurs dans le cadre de ses rapports commerciaux avec le requérant, et qu’il se fierait sans doute à l’expertise de ceux-ci pour les questions relevant de la fabrication, de la sélection et de l’utilisation, le cas échéant, des marchandises offertes par le requérant. La documentation du groupe Spray Engineering vante notamment les mérites du groupe en faisant état de ses [traduction] « capacités requises au plan de l’ingénierie » permettant à l’entreprise de fournir à ses clients la meilleure solution à leurs problèmes techniques.
La preuve nous invite donc à conclure que l’utilisateur habituel des marchandises du requérant serait porté à croire que des ingénieurs participent effectivement à la conception, la fabrication, la sélection et l’installation, le cas échéant, de ces marchandises. Ainsi, au plan de la première impression, ces utilisateurs percevraient la marque SPRAY ENGINEERING employée en liaison avec les marchandises du requérant comme donnant une description claire du fait que des ingénieurs prennent effectivement part au processus conférant la nature et la qualité propres aux dites marchandises. Sinon, alors la marque donnerait effectivement une description fausse et trompeuse à cet égard. Par conséquent, le premier volet des deuxième et septième motifs est bien fondé en ce qui concerne les marchandises du requérant.
Quant au second volet de ces deux motifs, une question similaire avait été soulevée dans l’affaire Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA - The Engineered Wood Association (2000), 7 C.P.R.(4th) 239 (CF 1re inst.), alors que le juge O’Keefe devait décider si la marque de commerce THE ENGINEERED WOOD ASSOCIATION donnait une description claire ou donnait une description fausse et trompeuse des personnes employées dans la production de certains produits et services dans le secteur du bois d’oeuvre. Ainsi, à la page 255 de la décision publiée, le juge O’Keefe s’exprime en ces termes à ce sujet :
Je note qu’en l’espèce le terme contesté ENGINEERED est un verbe (au participe passé) et fait référence à un processus qui a été utilisé sur un article (le bois). Il ne représente pas le nom « engineer » (ingénieur) - c’est un verbe et un participe passé du verbe, rien de moins. Par conséquent, je suis d’avis que la prétention de l’appelant selon laquelle la marque projetée donne une description fausse et trompeuse des personnes qui produisent les marchandises et les services n’est pas fondée. La marque de commerce projetée n’est pas THE WOOD ENGINEER’S ASSOCIATION.
Je crois également qu’aucun des arguments soulevés par l’appelant concernant la perception que le public a du mot « ENGINEER » ou des interdictions contre l’emploi du terme ou du titre « ENGINEER », à moins que cette perception soit en fait celle d’un ingénieur professionnel inscrit, n’a de fondement compte tenu des circonstances décrites ci‑dessus.
À la différence des faits de la cause APA - The Engineered Wood Association, la marque de commerce proposée par le requérant en l’instance incorpore le mot ENGINEERING, et non le mot ENGINEERED. De plus, il est employé en sa forme nominale et non comme verbe. Par ailleurs, la preuve en l’instance établit qu’il existe de nombreuses disciplines et branches du domaine de l’ingénierie, par exemple le génie civil, le génie chimique, le génie mécanique, le génie des pipelines, le génie de l’eau, et le génie du drainage et de l’irrigation. Par conséquent, les utilisateurs habituels des marchandises du requérant tiendraient alors pour acquis que les mots SPRAY ENGINEERING se rapportent à une branche donnée du génie ou de l’ingénierie.
Considérant que les utilisateurs habituels des marchandises du requérant tiendraient en principe pour acquis que des ingénieurs participent d’une manière ou d’une autre à la fourniture de ces marchandises, et considérant qu’ils estimeraient vraisemblablement que les mots SPRAY ENGINEERING se rapportent à une branche du génie ou de l’ingénierie, je conclus que la marque proposée par le requérant donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse des personnes employées dans la production de ces marchandises. Par conséquent, le second volet des deuxième et septième motifs d’opposition est également bien fondé en ce qui concerne les marchandises du requérant.
La date pertinente pour l’appréciation des circonstances relatives au quatrième motif d’opposition est la date de ma décision en l’instance : voir les décisions Allied Corporation c. Association olympique canadienne (1989), 28 C.P.R.(3d) 161 (C.A.F.) et Olympus Optical Company Limited c. Association olympique canadienne (1991), 38 C.P.R.(3d) 1 (C.A.F.). Par ailleurs, l’opposant n’est pas alors requis de faire la preuve de l’emploi et de l’adoption des marques officielles sur lesquelles il fonde ses prétentions, du moins pas dans la mesure où l’on constate une absence de preuve que lesdites marques n’auraient pas été employées : voir l’arrêt Allied, à la page 166. Le requérant a plaidé que la décision de première instance Techniquip Limited c. Association olympique canadienne (1999), 3 C.P.R.(4e) 298 (C.A.F.); confirmant (1998), 80 C.P.R.(3d) 225, à la page 233 (CF 1re inst.), permet d’affirmer que le simple fait de soulever la possibilité de l’absence d’emploi ou d’adoption des marques officielles invoquées par l’opposant suffit pour obliger l’opposant à faire la preuve de l’emploi desdites marques. Je ne suis pas d’accord avec le requérant. Je n’interprète pas la décision Techniquip comme incompatible avec l’arrêt Allied. Dans la mesure où elle serait incompatible, il conviendrait alors de privilégier l’arrêt Allied, puisqu’il a été rendu par la Cour d’appel fédérale.
Enfin, si le requérant arrivait à mettre en doute la qualité d’autorité publique du propriétaire d’une marque officielle, l’opposant pourrait alors devoir faire la preuve de son statut à cet égard avant de pouvoir invoquer l’une ou l’autre desdites marques : se reporter à la page 216 de la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale Association des Grandes Soeurs de l’Ontario c. Les Grands Frères du Canada (1999), 86 C.P.R. (3d) 504 (C.A.F.), confirmant (1997), 75 C.P.R.(3d) 177 (CF 1re inst.), et Heritage Canada Foundation c. New England Business Service, Inc. (1997), 78 C.P.R.(3d) 531, aux pages 536 et 538 (C.O.M.C.).
Le critère est celui énoncé au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, à savoir si la marque est composée de l’une ou l’autre des marques officielles de l’opposant, ou si sa ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec l’une ou l’autre des marques officielles de l’opposant : à cet égard, se reporter aux commentaires exposés à la page 217 de la décision de première instance Grandes Soeurs, précitée. L’opposant a plaidé que les mots « est composée de » ne sont pas l’équivalent des mots « identique à », mais le juge O’Keefe en a décidé autrement, tel qu’il appert de ses commentaires formulés à la page 259 de la décision APA - The Engineered Wood Association :
Après avoir expliqué la protection dont jouissent les marques officielles, d’après les dispositions de la Loi, il faut maintenant déterminer quelle est l’étendue des marques interdites : c’est-à-dire plus spécifiquement le sens de l’expression « composé de ». Par suite de l’explication qui précède, qui démontre clairement la position privilégiée dont jouissent les marques officielles, je rejette l’interprétation que l’appelant propose du sous‑alinéa 9(1)n)(iii) et déclare que l’interprétation donnée par le registraire est correcte. Pour contrevenir au sous-alinéa 9(1)n)(iii), et ne pas être enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)e), la marque projetée doit soit être identique à la marque officielle, soit avoir avec elle une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec elle. Les mots « composé de » utilisés au paragraphe de la Loi doivent être interprétés comme signifiant « identique à », conclusion à laquelle en est apparemment venu le registraire.
Le juge Gibson, aux pages 218 et 219 de la décision de première instance Grandes Soeurs a confirmé que lorsqu’il s’agit de décider du degré de ressemblance entre des marques en litige, il y avait lieu de tenir compte des circonstances énoncées à l’alinéa 6(5)e) de la Loi. En outre, le juge Gibson précise qu’il s’agit d’apprécier le tout en tenant compte de la première impression et du souvenir imparfait : voir également les commentaires formulés par la Cour d’appel dans l’arrêt Techniquip, aux pages 302 et 303.
L’arrêt Techniquip de la Cour d’appel est également utile quant à la conclusion de la Cour que lorsqu’une des parties désire se prévaloir des droits d’une famille de marques de commerce officielles, il faut faire la preuve de l’emploi de ces marques. Celle‑ci a par ailleurs statué (à la page 304 de la décision publiée) que l’opposant pouvait faire la preuve de l’état du registre et de l’état du marché pour tenter de repousser les effets des droits pouvant découler d’une famille de marques.
L’affidavit de Mme Morrow a été versé en preuve afin de soulever un doute quant à l’adoption et à l’emploi par l’opposant de ses marques officielles ENGINEER et ENGINEERING. Or, tel que mentionné précédemment, l’affidavit souscrit par Mme Morrow souffre de plusieurs lacunes. Par conséquent, le requérant ne s’est pas déchargé du fardeau de la preuve qui lui incombait à cet égard, et l’opposant n’était alors pas obligé de faire la preuve de l’adoption ou de l’usage par celui-ci de ses marques officielles.
Dans l’affaire qui nous occupe, aucune des marques officielles de l’opposant n’est identique à la marque du requérant. Quant au deuxième volet des exigences de cet article, en ce qui a trait du moins à la plupart des marques officielles de l’opposant, le degré de ressemblance avec la marque du requérant n’est pas élevé. La marque officielle qui y ressemblerait le plus est sans doute la marque officielle ENGINEERING, celle-ci étant identique au second élément de la marque du requérant. Il y a un degré de ressemblance appréciable entre les deux marques en litige, dans ce cas. Cependant, l’élément SPRAY sert à différencier, dans une large mesure, la marque du requérant de la marque ENGINEERING. L’opposant concède d’ailleurs ce fait au paragraphe 50 de son argumentation écrite, lorsqu’il écrit :
[traduction] Le mot « SPRAY », bien que le droit à son usage exclusif n’ait pas été accordé, fait partie intégrante (de la marque) et d’ailleurs, demeure une caractéristique prédominante de la marque.....
Par conséquent, l’on ne peut affirmer que la marque du requérant est presque pareille à l’une ou l’autre des marques officielles de l’opposant. Par ailleurs, l’opposant n’a pas fait la preuve de l’usage de ses diverses marques, et n’a donc pas démontré l’existence d’une famille de marques. Par conséquent, le quatrième motif d’opposition est également rejeté.
Quant au cinquième motif d’opposition, l’alinéa 12(1)e) de la Loi interdit l’enregistrement d’une marque dont l’adoption est interdite en vertu de l’article 9 de la Loi. L’alinéa 9(1)d) est ainsi conçu :
9. (1) Nul ne peut adopter à l'égard d'une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec …
d) un mot ou symbole susceptible de porter à croire que les marchandises ou services en liaison avec lesquels il est employé ont reçu l'approbation royale, vice-royale ou gouvernementale, ou sont produits, vendus ou exécutés sous le patronage ou sur l'autorité royale, vice-royale ou gouvernementale;
La date pertinente à laquelle doivent être appréciées les circonstances relatives à ce motif est la date à laquelle la décision est rendue en l’instance : voir les arrêts Allied et Olympus Optical. précités.
L’alinéa 9(1)d) établit un critère qui se divise en deux volets. Tout d’abord, il convient de déterminer si le mot ENGINEERING employé en liaison avec des systèmes de pulvérisation porterait des personnes à croire que lesdites marchandises sont vendues ou fournies sous le patronage, l’approbation ou l’autorité gouvernementale. Le cas échéant, il s’agit de considérer le deuxième volet du critère. Tel qu’énoncé au paragraphe 9(1), il faut alors vérifier en l’espèce si la marque du requérant est composée du mot ENGINEERING ou si sa ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec le mot ENGINEERING. En d’autres termes, la marque du requérant est-elle identique ou presque pareille à la marque dont l’emploi est interdit?
Le requérant a plaidé que l’alinéa 9(1)d) de la Loi n’a pas pour effet d’intégrer aux lois fédérales les diverses interdictions visant l’emploi de diverses appellations professionnelles, tel ENGINEER (ingénieur) ou ENGINEERING (génie) que l’on retrouve dans les lois provinciales. Or, le juge Muldoon en a décidé autrement dans l’arrêt Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. Lubrication Engineers, Inc. (1984), 1 C.P.R.(3d) 309, à la page 320 (CF 1re inst.). Ainsi, conformément à cette décision, je conclus que l’emploi du mot ENGINEER ou ENGINEERING porterait des gens à croire que lesdites marchandises sont vendues ou fournies sous le patronage, l’approbation ou l’autorité gouvernementale. Cependant, je conclus également que la marque du requérant n’est pas composée du mot ENGINEERING et n’y ressemble pas à tel point qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce terme. Le cinquième motif d’opposition est donc également rejeté.
Quant au sixième motif d’opposition, l’opposant avait tout d’abord le fardeau de démontrer que le mot ENGINEERING était devenu connu au Canada comme désignant le genre, la qualité et le lieu d'origine des marchandises du requérant. L’opposant n’a toutefois pas produit de preuve à cet effet, et par conséquent le sixième motif est également rejeté.
Dans la mesure où le troisième motif d’opposition est fondé sur le caractère non enregistrable de la marque, cette question a été tranchée lorsque j’ai abordé les motifs qui avaient spécifiquement trait à la possibilité d’enregistrer ladite marque. Sinon, il ne s’agit pas d’un motif bien fondé aux fins d’opposition, car il ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 38(3)a) de la Loi. Outre la question du caractère enregistrable de la marque, l’opposant n’a fait qu’alléguer que la marque de commerce du requérant ne possédait pas un caractère distinctif, sans toutefois présenter des allégations de fait au soutien de cette prétention. Quoi qu’il en soit, l’opposant n’a pas fait la preuve de l’emploi par un tiers de la marque de commerce SPRAY ENGINEERING ni de quelque marque semblable. Par conséquent, ce motif est également rejeté.
Considérant ce qui précède, et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande du requérant.
FAIT À HULL (QUÉBEC), CE 3e JOUR DU MOIS DE DÉCEMBRE 2001.
David J. Martin,
Membre,
Commission des oppositions des marques de commerce.