Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 133

                                                                                          Date de la décision : 2013-08-20

                                                             TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Przedsiebiorstwo Polmos Bialystok Spolka Akcyjna, visant l'enregistrement no LMC630,455 de la marque de commerce GRASOVKA au nom de Underberg AG.

[1]               Le 27 juin 2011, à la demande de Przedsiebiorstwo Polmos Bialystok Spolka Akcyjna (la Partie requérante), le Registraire a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch T-13 (la Loi) à Underberg AG (l'Inscrivante), propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC630,455 pour la marque de commerce GRASOVKA (la Marque). 

[2]               À la suite de cet avis, la Partie requérante a informé le Registraire qu'en raison d'une fusion, la Partie requérante avait changé son nom pour CEDC International Sp. Z O.O. Ce changement n'est pas en cause dans cette affaire.

[3]               La Marque est enregistrée aux fins d'emploi en liaison avec des « eaux-de-vie et liqueurs, nommément vodka aromatisée » (les Marchandises).

[4]               Selon l'article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit de la marque de commerce doit, à l'égard de chacune des marchandises et de chacun des services que spécifie l'enregistrement, indiquer si la marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis, et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l'espèce, la période pertinente au cours de laquelle l'emploi doit être établi s'étend du 27 juin 2008 au 27 juin 2011.

[5]               En réponse à l'avis prévu à l'article 45, l'Inscrivante a produit l'affidavit de Frank Barwinski, cadre dirigeant chez Underberg GmbH & Co. KG, une filiale de l'Inscrivante, assermenté le 22 septembre 2011. Les deux parties ont produit des observations écrites; aucune audience n'a été tenue.

[6]               Dans son affidavit, M. Barwinski certifie que l'Inscrivante est une « [traduction] entreprise familiale exploitée à l'échelle internationale » qui fabrique et vend de la vodka aromatisée de marque GRASOVKA en Europe depuis 1977. Il affirme qu'en 2004, l'entreprise a décidé de commencer à exporter ses produits au Canada. À cet égard, il confirme une vente unique de vodka GRASOVKA à la Régie des alcools de l'Ontario (LCBO), avant la période pertinente, en septembre 2005. Toutefois, il affirme ensuite que l'Inscrivante « [traduction] n'a pas été en mesure d'employer la marque de commerce GRASOVKA au Canada en quantité importante au cours des trois dernières années ». Par conséquent, la question en l'espèce est de déterminer, en vertu du paragraphe 45(3) de la Loi, s'il existait des circonstances particulières qui justifieraient le défaut d'emploi de la Marque en association avec les Marchandises pendant la période pertinente. 

[7]               De façon générale, la décision reconnaissant l'existence de circonstances particulières justifiant le défaut d'emploi suppose que l'on prenne en considération trois critères, tels qu'ils sont énoncés dans Registrar of Trade Marks c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 488 (C.A.F.). Le premier critère est la durée du défaut d'emploi de la marque; le second est le degré de contrôle exercé par le propriétaire inscrit sur les raisons du défaut d'emploi; le troisième est la preuve d'une intention sérieuse de reprendre dans un bref délai l'emploi de la marque. La décision rendue dans Smart & Biggar c. Scott Paper Ltd. (2008), 65 C.P.R. (4th) 303 (C.A.F.) offre d'autres précisions à propos de l'interprétation du deuxième critère, par la détermination que cet aspect du critère doit être satisfait pour que l'on puisse conclure à l'existence de circonstances particulières justifiant le défaut d'emploi d'une marque de commerce. Autrement dit, les deux autres facteurs sont pertinents, mais pris individuellement et de façon isolée, ne peuvent constituer des circonstances particulières.

[8]               M. Barwinski explique le l'Inscrivante n'a pas employé la Marque pendant la période pertinente en raison de la réglementation de Santé Canada concernant le contenu et les ingrédients des boissons alcoolisées. Plus précisément, il cite un règlement du gouvernement fédéral qui interdit l'utilisation de la coumarine, un produit chimique d'origine naturelle que l'on trouve dans l'herbe de bison, dans les boissons alcoolisées. Cependant, il affirme que l'herbe de bison est « [traduction] essentielle à l'arôme épicé unique et prisé » de la vodka produite par l'Inscrivante et que sa formulation est vendue dans « [traduction] plusieurs pays du monde depuis 1977 ». Ainsi, M. Barwwinski confirme que l'Inscrivante aurait été « [traduction] prête, disposée et capable » de distribuer les Marchandises au Canada, s’il n’y avait pas eu de restrictions imposées par Santé Canada concernant la coumarine.

[9]               À cet égard, il fournit des copies d'un bon de commande et d'une facture concernant la vente susmentionnée des Marchandises à la LCBO par l'Inscrivante en 2005. Toutefois, après la vente, M. Barwinski explique que les Marchandises ont été détruites par la LCBO parce qu'elles contenaient de la coumarine. Il affirme qu'en raison de ce règlement, l'Inscrivante a tenté de reformuler les Marchandises de manière à ce que la teneur en coumarine respecte les niveaux établis par Santé Canada et, par extension, la LCBO. Dans l'attente de la nouvelle recette de vodka de l'Inscrivante, M. Barwinski fournit des échantillons des nouvelles étiquettes de bouteilles qui ont été produites pour refléter ces changements.

[10]           À l'appui de ses déclarations, il fournit les pièces suivantes :

         Pièce B : elle contient des sections de documents de la LCBO portant sur les normes d'emballage des produits (« Product Packaging Standards ») et les lignes directrices en matière d'assurance de la qualité pour l'analyse chimique (« Quality Assurance Guidelines for Chemical Analysis »), publiés le 1er février 2011, dans lesquels on indique que le niveau maximum admissible de coumarine dans les boissons alcoolisées est de 100 µg/L.

         Pièces C, D et H : il s'agit de copies de lettres de la LCBO à l'intention de l'Inscrivante, datées respectivement du 6 août 2004, du 29 septembre 2004 et du 9 novembre 2007. Dans chaque lettre, la LCBO refuse les étiquettes que l'Inscrivante a soumises aux fins d'approbation parce qu'en partie, le produit contient de la coumarine. Je remarque que ces pièces contiennent aussi des copies des étiquettes affichant la Marque et l'adresse de l'importateur canadien de l'Inscrivante, corroborant l'allégation de l'Inscrivante à savoir que les étiquettes étaient prêtes à être utilisées pour le marché canadien. En outre, je note que la lettre datée du 9 novembre 2007 informe l'Inscrivante qu'elle doit tenter d'éliminer la présence de coumarine.

         Pièces E, F et G : il s'agit de copies de lettres de correspondance entre la LCBO et l'Inscrivante concernant le bon de commande susmentionné sur lequel figurent 10 caisses de vodka « GRASOVKA BISON VODKA » en septembre 2005. Je remarque que la pièce G est une facture de 109,23 $ émise en avril 2006 par la LCBO au nom de l'Inscrivante, dans laquelle la LCBO informe l'Inscrivante qu'elle a détruit les Marchandises achetées en septembre 2005. La facture indique ceci : « [traduction] ces coûts découlent du fait que le produit n'est pas conforme aux normes de qualité visées dans la réglementation concernant la consommation de boissons alcoolisées ».

         Pièce I : Elle contient des exemples des étiquettes proposées pour la nouvelle recette de vodka de l'Inscrivante à teneur réduite en coumarine. Je note que l'étiquette datée du 11 août 2010 va comme suit : « [traduction] aromatisée avec un extrait de brin d'herbe de bison » (accent ajouté) contrairement aux étiquettes précédentes qui indiquaient « [traduction] enrichie d'un brin d'herbe de bison ».

         Pièces J à N : il s'agit de copies de lettres d'autorisation, selon lesquelles l'Inscrivante a nommé un agent canadien pour distribuer les Marchandises en Ontario, en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et en Alberta. Je note que ces ententes ont été exécutées en mai 2011, environ un mois avant que l'avis prévu à l'article 45 soit donné.

         Pièce O : Elle contient une copie du certificat « Best in Class » (premier de classe) octroyé à l'Inscrivante lors de la 2011 International Wine & Spirits Competition. Bien que le certificat semble avoir été délivré dans le cadre d'une compétition européenne, M. Barwinski affirme que l'Inscrivante « [traduction] s'engage à promouvoir la marque prisée de vodka aromatisée GRASOVKA au Canada et partout dans le monde ».

         Pièce P : Il s'agit d'images d'une bouteille de vodka de marque GRASOVKA qui, selon ce qu'affirme M. Barwinski, a été « [traduction] récemment produite en vue de sa vente sur le marché canadien ». Je remarque la présence de l'étiquette figurant en pièce I sur la bouteille.

Durée de la période au cours de laquelle la marque de commerce n'a pas été employée

[11]           Comme il a été mentionné précédemment, M. Barwinski affirme que les Marchandises ont été vendues à la LCBO aux fins de vente au détail en septembre 2005. La Partie requérante conteste le fait que cette vente ait mené à l'emploi de la Marque parce qu'elle n'a pas eu lieu dans la pratique normale du commerce de l'Inscrivante, puisque les marchandises n'ont jamais été vendues aux clients. Par conséquent, la Partie requérante allègue que la date d'enregistrement, soit le 18 janvier 2005, doit être utilisée pour calculer la durée de non-emploi.

[12]           Cependant, je suis d'accord avec l'Inscrivante pour dire que la date de dernier emploi doit être considérée comme étant septembre 2005, comme l'a confirmé M. Barwinski. Bien que le produit ait finalement été éliminé, la vente à la LCBO constitue une vente au Canada s'inscrivant dans la chaîne de distribution de l'Inscrivante suivant sa pratique normale du commerce [voir Lin Trading Co c. CBM Kabushiki Kaisha (1988) 21 C.P.R. (3d) 417 (C.A.F.)]. Quoi qu'il en soit, que l'on utilise janvier ou septembre 2005 pour établir la période de non-emploi, je crois que la différence n'est pas importante dans l'analyse; par contre, au moment où l'avis prévu à l'article 45 a été donné, la durée du non-emploi était d'environ six ans.

Raisons du défaut d'emploi indépendantes de la volonté de l'Inscrivante

[13]           La preuve fournie par l'Inscrivante démontre qu'à au moins quatre occasions, la LCBO a refusé de distribuer la vodka de l'Inscrivante en raison des restrictions imposées par Santé Canada concernant l'utilisation de la coumarine dans les boissons alcoolisées. Cependant, la Partie requérante affirme que ces restrictions sur la coumarine ne sont ni particulières ni indépendantes de la volonté de l'Inscrivante puisque « [traduction] tous les produits alimentaires et breuvages vendus au Canada sont assujettis aux règlements du Canada en matière de salubrité des aliments ». De plus, la Partie requérante allègue que rien n'empêche l'Inscrivante de vendre un autre type de vodka aromatisée et qu'elle « [traduction] hésite à modifier [son produit] pour le marché canadien ». En réponse à cela, l'Inscrivante affirme qu'elle ne peut pas simplement éliminer la coumarine des Marchandises sans changer considérablement la nature du produit, nature qui lui a donné sa renommée internationale.

[14]           Comme le remarque l'Inscrivante, les difficultés associées au respect des normes alimentaires canadiennes ont déjà été considérées comme une circonstance particulière justifiant le non-emploi [Cassels Brock & Blackwell LLP c. Montorsi Francesco E Figli - SpA (2004), 35 C.P.R. (4th) 35 (C.F.)]. En outre, les efforts déployés pour se conformer aux règlements et aux normes de l'industrie peuvent être considérés comme une force externe et ne relevant pas d'une décision volontaire d'un importateur étranger [voir Spirits International NV c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2006), 49 C.P.R. (4th) 196 (C.F.), conf. par (2007) 60 C.P.R. (4th) 31 (C.A.F.)]. Comme je suis saisi des efforts déployés par l'Inscrivante pour se conformer aux normes et règlements, et étant donné la jurisprudence et la nature unique des Marchandises de l'Inscrivante en l'espèce, je suis d'accord avec l'Inscrivante pour dire que les restrictions imposées par Santé Canada concernant la coumarine justifient le non-emploi de la Marque et sont indépendantes de la volonté de l'Inscrivante.

Intention sérieuse de reprendre l'emploi dans un bref délai

[15]           Bien que la raison du non-emploi demeure indépendante de la volonté de l'Inscrivante, l'intention de reprendre l'emploi doit être corroborée d'une preuve [voir Arrowhead Spring Water Ltd. c. Arrowhead Water Corp. (1993), 47 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.); NTD Apparel Inc. c. Ryan (2003), 27 C.P.R. (4th) 73 (C.F. 1re inst.)]. Dans ce cas, M. Barwinski affirme qu'il prépare son produit en vue de la vente au Canada en élaborant « [traduction] une recette sans coumarine/à teneur réduite en coumarine pour sa vodka de marque GRASOVKA ». Il confirme de plus que « [traduction] l'on prévoit que la vodka sans coumarine/à teneur réduite en coumarine sera disponible pour la vente au Canada bientôt, presque assurément d'ici 2012 ». Les exemples d'étiquettes et les images figurant aux pièces I et P corroborent ces déclarations, tout comme les ententes de distributions produites. Comme ces ententes précèdent la remise de l'avis prévu à l'article 45, il semblerait que l'Inscrivante soit effectivement prête à vendre ses produits aux consommateurs canadiens, une fois que les importateurs désignés par le gouvernement, comme la LCBO, l'auront autorisée à le faire.

[16]           À la lumière de ce qui précède, je suis convaincu que les raisons du non-emploi étaient indépendantes de la volonté de l'Inscrivante et que la durée du non-emploi est raisonnable étant donné les circonstances. Bien sûr, rien ne m'indique, en date de la présente décision, si l'Inscrivante a bel et bien repris les ventes commerciales des Marchandises en liaison avec la Marque au Canada. Toutefois, la preuve démontre que l'Inscrivante a sérieusement l'intention de reprendre sous peu l'emploi de la Marque et, en vertu du troisième critère, cela suffit.

Règlement

[17]           Par conséquent, je suis convaincu que l'Inscrivante a démontré l'existence de circonstances particulières justifiant le défaut d'emploi de la Marque pendant la période pertinente, au sens du paragraphe 45(3) de la Loi.

[18]           En vertu des pouvoirs qui me sont délégués sous le régime du paragraphe 63(3) et conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi, l'enregistrement sera maintenu.

 

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Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

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