Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 68

Date de la décision : 2011-04-27

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Bereskin & Parr, visant l’enregistrement n° LMC286499 de la marque de commerce MAGNUM MARINE & DESSIN au nom de Magnum Marine Corporation.

[1]               À la demande de Bereskin & Parr (la Requérante), le registraire des marques de commerce a donné le 8 décembre 2008 l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à Magnum Marine Corporation, la propriétaire inscrite (l’Inscrivante) de la marque de commerce MAGNUM MARINE & Dessin (la Marque), dont le numéro d’enregistrement est LMC286499, reproduite ci-dessous :

MAGNUM MARINE & DESIGN

[2]               La Marque est enregistrée pour un emploi en liaison avec les marchandises suivantes : [traduction] (1) Bateaux; (2) Vêtements, nommément chapeaux, vestes, chemises, t-shirts, pulls molletonnés, tenues de jogging; articles en cuir, nommément mallettes (les Marchandises).

[3]               L’article 45 de la Loi oblige le propriétaire inscrit de la marque de commerce à indiquer si la marque a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises énumérées dans l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi s’étend du 8 décembre 2005 au 8 décembre 2008 (la Période pertinente).

[4]               Voici la définition d’« emploi » en liaison avec des marchandises énoncée au paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.  

 

[5]               Il est bien établi que de simples affirmations ne suffisent pas à établir l’emploi dans le cadre d’une procédure relevant de l’art. 45 [Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1979), 45 C.P.R. (2d) 194, conf. (1980), 53 C.P.R. (2d) 63 (C.A.F.)]. S’il est vrai que, dans les procédures de cette nature, le critère à remplir pour établir l’emploi est très peu rigoureux [Lang, Michener, Lawrence & Shaw c. Woods Canada Ltd. (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.)] et qu’une surabondance de preuve n’est pas nécessaire [Union Electric Supply Co. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)], il faut néanmoins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure à l’emploi de la marque en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services que spécifie l’enregistrement pendant la période pertinente.  

[6]               En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a fourni l’affidavit de Katrin Theodoli, présidente de la société Magnum Marine, souscrit le 12 juin 2009, ainsi que les pièces A à D. Les deux parties ont déposé des observations écrites et il n’y a pas eu d’audience.   

[7]               Dans son affidavit, Mme Theodoli atteste que pendant la Période pertinente, l’Inscrivante a vendu des vêtements, nommément des chapeaux et des chemises, en liaison avec la Marque au Canada. Pour étayer son affirmation, elle joint des captures d’écran tirées du site Web de l’Inscrivante à l’adresse www.magnummarine.com (pièces A1 et A2) ainsi qu’une facture (pièce B). Je remarque que les captures d’écran comprennent des images de vêtements, y compris des chapeaux et des chemises qui semblent porter la Marque déposée. 

[8]               En ce qui concerne la pratique normale du commerce pour ces marchandises, bien que ce ne soit pas expressément décrit dans l’affidavit, il semblerait, à la lecture de l’affidavit dans son ensemble, que la vente de vêtements se fasse en ligne sur le site Web de l’Inscrivante.

[9]               Madame Theodoli atteste que la facture contenue dans la pièce B est [traduction] « une copie d’une facture confirmant la vente de chapeaux et de chemises portant la marque au Canada entre le 8 décembre 2005 et le 8 décembre 2008 » et qu’elle « est représentative des factures émises aux Canadiens entre le 8 décembre 2005 et le 8 décembre 2008 en liaison avec les vêtements représentés à la pièce A1 et portant la marque ». Cependant, comme nous le verrons plus loin, il n’est pas clair qu’une telle vente a eu lieu au Canada, ou sur le site Web dans la pratique normale du commerce.  

[10]           À cet égard, je remarque que la pièce B est une copie d’une image numérisée. Elle est de mauvaise qualité et une partie du document est illisible. Bien que la facture semble montrer la vente de six articles (désignés par l’Inscrivante comme étant des chapeaux et des chemises) facturés le 18 décembre 2006, la facture est ambiguë quant à la nature de la vente – par exemple, la méthode de livraison choisie est la [traduction] « livraison en personne », mais aucune « date de livraison » n’est indiquée. Dans le champ [traduction] « facturé à », il est écrit « WALK N-CASH SALE » (vente au comptant en personne) et dans le champ « livré à », il est seulement écrit « WALK N CASH SALE, DEBORAH LYNN [illisible], TORONTO, Canada ». La Requérante prétend que la facture se rapporte à une vente [traduction] « en personne » (walk-in) qui a eu lieu à Aventura, en Floride. Cependant, dans ses observations écrites, l’Inscrivante soutient que la facture reflète une [traduction] « vente payable à la livraison » et que le champ « livré à » de la facture désigne une entreprise appelée « Walk’n Cash Sale » située à Toronto comme étant le lieu de livraison. Malheureusement, cette affirmation contient des faits additionnels qui ne n’ont pas été produits en preuve de façon adéquate et qui, par conséquent, doivent être écartés.

[11]           Dans l’ensemble, j’estime que la facture n’appuie pas l’allégation d’emploi de la Marque sur des vêtements formulée par l’auteure de l’affidavit; l’absence d’une adresse de livraison au Canada, l’absence de faits dans l’affidavit qui confirment que la vente au comptant a eu lieu au Canada et l’apparence générale d’une vente au comptant ayant eu lieu en Floride (plutôt qu’une vente en ligne à un client se trouvant au Canada) ont créé une ambiguïté qui doit être interprétée contre l’Inscrivante. Par conséquent, je ne peux pas conclure que l’affidavit et les pièces jointes démontrent une vente de bonne foi de chapeaux ou de chemises au Canada, établissant ainsi l’emploi de la Marque au sens des art. 4 et 45 de la Loi sur les marques de commerce.

[12]           Ayant conclu qu’il n’y a eu aucun emploi au Canada en liaison avec les marchandises « chapeaux » et « chemises », je souligne également qu’aucune preuve de ventes au Canada n’a été fournie en ce qui concerne les autres marchandises du groupe (2) et qu’aucun fait relatif à des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi n’a été présenté à l’égard des marchandises du groupe (2).    

[13]           En ce qui concerne les marchandises du groupe (1), les « bateaux », Mme Theodoli affirme que l’Inscrivante conçoit et construit des bateaux sur mesure, lesquels s’élèvent généralement à plus de 3 millions de dollars américains, et reconnaît qu’elle n’a vendu aucun bateau au Canada pendant la Période pertinente. 

[14]           Comme il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque en liaison avec les « bateaux » pendant la Période pertinente au sens du par. 45(3) de la Loi, je vais maintenant examiner s’il y avait des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi. En général, la question de savoir s’il y a présence ou non de circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi nécessite la prise en considération de trois critères, lesquels sont énoncés dans Canada (Registraire des marques de commerce) c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 488 (C.A.F.). Le premier est la durée au cours de laquelle la marque n’a pas été utilisée. Le deuxième est de savoir si les motifs d’absence d’emploi étaient attribuables à des circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit et le troisième est de savoir si ce dernier a l’intention sérieuse de reprendre l’emploi de la marque dans un bref délai. Pour décider si les motifs d’absence d’emploi sont attribuables à des circonstances indépendantes de la volonté du propriétaire, il faut conclure à des « circonstances de nature inhabituelle, peu courantes et exceptionnelles » [John Labatt Ltd. c. Cotton Club Bottling Co. (1976), 25 C.P.R. (2d) 115 (C.F. 1re inst.)]. L’arrêt Smart & Biggar c. Scott Paper Ltd., 2008 CAF 129, 65 C.P.R. (4th) 303, a quelque peu clarifié l’interprétation du deuxième critère en affirmant qu’il faut satisfaire à cet aspect du critère pour pouvoir conclure que l’absence d’emploi de la marque est justifiée par une ou des circonstances spéciales. En d’autres termes, les deux autres facteurs sont pertinents, mais pris en vase clos, ils ne peuvent pas constituer des circonstances spéciales. De plus, l’intention de reprendre l’emploi doit être appuyée par la preuve [Arrowhead Spring Water Ltd. c. Arrowhead Water Corp. (1993), 47 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.); NTD Apparel Inc. c. Ryan (2003), 27 C.P.R. (4th) 73 (C.F. 1re inst.)]. 

[15]           Les faits qui visent à établir l’existence de circonstances spéciales ne sont pas expressément énoncés dans l’affidavit; l’Inscrivante affirme seulement que l’entreprise continue à commercialiser des bateaux au Canada, mais qu’elle est incapable d’obtenir des commandes provenant du Canada et remontant à la Période pertinente. En ce qui concerne le premier critère du test énoncé dans Harris Knitting Mills, il n’y a aucune preuve relativement au moment auquel la Marque a été employée pour la dernière fois au Canada en liaison avec les « bateaux ». En fait, outre la vague déclaration selon laquelle l’Inscrivante [traduction] « a initialement vendu des bateaux au Canada en liaison avec la marque de commerce », il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque au Canada à un moment quelconque. 

[16]           En ce qui concerne le deuxième critère, les déclarations additionnelles de Mme Theodoli sur le fait que les bateaux sont [traduction] « conçus et construits sur mesure » et qu’ils coûtent en moyenne « plus de » 3 millions de dollars américains visaient probablement à décrire une circonstance indépendante de la volonté de l’Inscrivante. La Requérante a affirmé qu’il ne s’agit pas d’une circonstance indépendante de la volonté de l’Inscrivante puisque les prix et les modes de fabrication et de distribution de ses bateaux sont des aspects qui dépendent entièrement de sa volonté. Par ailleurs, l’Inscrivante a affirmé que compte tenu de la nature de ses bateaux en tant qu’articles récréatifs, les ventes sont dictées par l’économie, un aspect indépendant de la volonté de l’Inscrivante. 

[17]           À cet égard, je souligne que les conditions de marché défavorables ne sont pas généralement considérées comme des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi [voir Harris Knitting, précité, et Lander Co. Canada Ltd. c. Alex E. Macrae & Co. (1993) 46 C.P.R. (3d) 417 (C.F. 1re inst.)]. De même, dans les cas où l’inscrivante n’a pas l’intention d’abandonner sa marque au Canada, mais qu’elle ne reçoit pas de commandes pour ses marchandises pendant la période pertinente, ce n’est pas suffisant en soi pour maintenir l’enregistrement [voir Garrett c. Langguth Cosmetic GMBH (1991) 39 C.P.R. (3d) 572 (C.O.M.C.)]. Je souligne que le prix et la sophistication des marchandises peuvent, dans certains cas, mener à la conclusion qu’il existe des circonstances spéciales [Country-Wide Automotive Ltd. c. CWA Constructions S.A. (1994) 57 C.P.R. (3d) 435 (C.O.M.C.)]. Toutefois, en l’espèce, l’Inscrivante n’a fourni aucune preuve de ventes au Canada à un moment quelconque; on ne sait pas si les bateaux ont déjà été vendus au Canada, livrés au Canada ou simplement offerts aux Canadiens lors de leurs visites aux États‑Unis. Comme nous le verrons plus loin, rien ne permettrait d’établir un modèle de vente de bateaux au Canada, ce qui permettrait de déterminer si un changement dans le modèle de vente est attribuable à des circonstances indépendantes de la volonté de l’Inscrivante et s’il est possible qu’il y ait une reprise des ventes au Canada dans l’avenir.   

[18]           Madame Theodoli atteste que l’Inscrivante [traduction] « commercialise ses bateaux au Canada » grâce à de la publicité payante affichée dans une exposition de bateaux en ligne à l’adresse NauticExpo.com, laquelle « cible notamment les clients canadiens ». Des captures d’écran tirées de ce site Web sont fournies comme pièce D. Je souligne que ces pages contiennent des renseignements techniques sur les bateaux de l’Inscrivante et il semble que le site Web peut être consulté dans plusieurs langues; cependant, rien dans ces pages n’indique si des bateaux ont été ou seraient un jour vendus au Canada.

[19]           Madame Theodoli atteste également que le site Web de l’Inscrivante, www.magnummarine.com, est accessible aux Canadiens ayant un accès Internet et que la Marque apparaît dans diverses publications internationales et en ligne en liaison avec ses bateaux; cependant, aucune information n’a été fournie sur la façon dont les ventes sont (étaient ou seraient) réalisées au Canada.

[20]           Madame Theodoli affirme que l’Inscrivante reçoit encore des demandes par courriel et par téléphone à propos de ses bateaux provenant du Canada ou faites par des Canadiens et elle y répond. Comme pièce C est joint un tableau indiquant les détails de six demandes reçues de clients potentiels au Canada pendant la Période pertinente. Je souligne que dans l’un des cas, il est précisé qu’une brochure a été envoyée au client potentiel au Canada. Cependant, comme la pratique normale du commerce à l’égard des bateaux de l’Inscrivante n’est pas claire (comme il a été mentionné précédemment), puisque rien n’indique si les bateaux pouvaient être livrés au Canada, ou si les acheteurs canadiens devaient se rendre aux États-Unis pour prendre possession de leurs bateaux, cet élément de preuve est peu pertinent.

[21]           En ce qui concerne l’intention de reprendre l’emploi au Canada, l’Inscrivante n’a présenté aucune preuve démontrant une stratégie de commercialisation récemment ou éventuellement utilisée au Canada ou destinée aux Canadiens (comme, par exemple, des présentations commerciales faites au Canada ou des salons professionnels ayant lieu au Canada). En l’absence de renseignements sur la façon de reprendre l’emploi de la Marque, plus particulièrement en l’absence d’un élément de preuve établissant à quel moment les ventes de bateaux de l’Inscrivante sont susceptibles de reprendre au Canada, je ne peux pas conclure que l’Inscrivante a fourni suffisamment d’éléments de preuve qui démontraient une intention sérieuse de reprendre l’emploi de la Marque au Canada.

[22]           Compte tenu de mes conclusions précédentes, je dois conclure que l’Inscrivante n’a pas démontré l’existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque pendant la Période pertinente au sens du par. 45(3) de la Loi.

[23]           Compte tenu de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Marque a été employée en liaison avec les Marchandises au sens des art. 4 et 45 de la Loi et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du par. 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié conformément aux dispositions de l’art. 45 de la Loi.

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P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 

 

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