Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 167

Date de la décision : 2016-10-14
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Amira Enterprises Inc.

Opposante

et

 

Seara Alimentos S.A.

Requérante

 

 

 



 

1,511,822 pour la marque de commerce SEARA

 

Demande

[1]               Amira Enterprises Inc. s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce SEARA (la Marque), qui fait l’objet de la demande no 1,511,822 produite par Seara Alimentos S.A.

[2]               Produite le 19 janvier 2011, la demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec les produits décrits comme suit [Traduction] : « Viande, poisson, volaille et gibier; extraits de viande; fruits et légumes en conserve, congelés, secs ou cuits; gelées, confitures, compotes; œufs, lait et produits laitiers; huiles et graisses alimentaires; repas préparés à base de plats de viande (bœuf, porc et volaille); repas mi-préparés à base de plats de viande (bœuf, porc et volaille). »

[3]               L’Opposante allègue que (i) la Marque n’est pas enregistrable suivant l’article 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi); (ii) la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant l’article 16 de la Loi; et (iii) la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi. Les motifs d’opposition s’articulent autour de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce SERA de l’Opposante.

[4]               Pour les raisons exposées ci-dessous, je repousse la demande d’enregistrement.

Le dossier

[5]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 3 avril 2013. L’Opposante a produit sa déclaration d’opposition le 3 septembre 2013. La Requérante a ensuite produit et signifié sa contre-déclaration le 24 octobre 2014.

[6]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Jennifer Leah Stecyk, recherchiste à l’emploi de l’agent de marques de commerce de l’Opposante. L’affidavit Stecyk présente en preuve une copie certifiée de l’enregistrement no LMC769,140 de l’Opposante relatif à la marque de commerce SERA, ainsi qu’un certain nombre de résultats de recherches effectuées sur Internet. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Jill Roberts, une diplômée du programme de commis juridique du Cambrian College. La preuve produite dans l’affidavit Roberts sera examinée dans mon analyse ci-dessous. L’Opposante n’a produit aucune preuve en réponse. Aucune des déposantes n’a été contre-interrogée.

[7]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit; aucune des parties n’a sollicité la tenue d’une audience en l’espèce.

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[8]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), à la p 298].

La Marque crée-t-elle de la confusion avec la marque de commerce déposée de l’Opposante?

[9]               Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable suivant l’article 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce SERA de l’Opposante, qui fait l’objet de l’enregistrement no LMC769,140, visant des produits décrits comme suit [Traduction] : « Produits alimentaires turcs, nommément fruits transformés, nommément fruits séchés et confitures, noix, pois chiches; légumes transformés, nommément okra, aubergine, chou, légumes prêts à manger, marinades, pâte de piments, feuilles de vigne; aromatisants, nommément sirops, lokoums (loukoums), halva, produits de boulangerie-pâtisserie, nommément yafca (pâte phyllo). » L’enregistrement est fondé sur une allégation d’emploi de la marque de commerce au Canada depuis le 1er septembre 1998.

[10]           La date pertinente pour l’examen de cette question, qui découle du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d), est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[11]           Un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve initial à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) si le ou les enregistrements qu’il invoque sont en règle. À cet égard, le registraire a le pouvoir discrétionnaire de consulter le registre afin de confirmer l’existence du ou des enregistrements invoqués par un opposant [voir Quaker Oats of Canada Ltd/La Compagnie Quaker Oats du Canada Ltée c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que l’enregistrement no LMC769,140 est en règle.

[12]           L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau de preuve initial, il s’agit maintenant de déterminer si la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée de l’Opposante.

[13]           Pour les raisons exposées ci-après, j’accueille ce motif d’opposition et je tranche cette question en faveur de l’Opposante.

[14]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi porte que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[15]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al, 2006 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion.]

[16]           J’examinerai maintenant les facteurs énoncés à l’article 6(5).

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[17]           L’appréciation globale du facteur énoncé à l’article 6(5)a) exige de tenir compte à la fois du caractère distinctif inhérent et du caractère distinctif acquis des marques de commerce des parties.

[18]           En ce qui concerne la marque de commerce SERA de l’Opposante, The Canadian Oxford Dictionary définit « sera » [sérums] comme étant le pluriel de « serum » [sérum], dont les significations comprennent le [Traduction] « liquide ambré riche en protéines dans lequel les cellules sanguines sont suspendues et qui se sépare lors de la coagulation du sang », un « fluide aqueux dans l’organisme des animaux » et « lactosérum ». Selon le Larousse, le mot « sera » est aussi une forme conjuguée au futur du verbe « être » en français. Je souligne aussi que des imprimés de résultats de recherches effectuées sur le site Web Canada 411 comportant 65 inscriptions de personnes vivant au Canada dont le nom de famille est « Sera » sont joints comme pièce 3 à l’affidavit Roberts.

[19]           Étant donné que le mot « sera » est un mot d’usage courant en anglais et en français qui n’est ni descriptif ni suggestif des produits visés par l’enregistrement de l’Opposante, j’estime qu’il possède un caractère distinctif inhérent, même s’il forme une marque qui n’est pas particulièrement forte compte tenu de son importance comme nom de famille au Canada.

[20]           Quant à la Marque, je souligne que le mot « seara » ne semble pas être un mot du dictionnaire en anglais ou en français. Un imprimé tiré de Wikipédia qui décrit « Seara » comme étant [Traduction] « une ville et une municipalité dans l’État de Santa Catarina dans la région sud du Brésil », ainsi que des imprimés tirés du site seara.sc.gov.br se rapportant à la « Prefeitura Municipal De Seara », dont le contenu est vraisemblablement en portugais, sont joints comme pièce F à l’affidavit Stecyk.

[21]           Je souligne également que des imprimés tirés de Wikipédia se rapportant à une entité désignée comme étant « JBS Foods » et « JBS Foods S.A. », anciennement « Seara Foods », qui aurait été fondée dans la ville de Seara, dans l’État de Santa Catarina, au Brésil, ainsi que des imprimés d’un site Web qui semble appartenir à une entité désignée comme étant « Seara International » tirés du site www.seara.com.br dans lesquels la marque SEARA est montrée avec un dessin, sont joints comme pièce C à l’affidavit Stecyk. En l’absence d’observations de la part de l’Opposante et étant donné que la relation entre la Requérante et les entités en question demeure obscure, je suis d’avis que ces imprimés ont peu de valeur probante en l’espèce pour déterminer si Seara est le lieu d’origine des produits visés par la demande.

[22]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que la Marque possède un caractère distinctif inhérent plus marqué parce que, [Traduction] « à moins que le Canadien moyen ou la Canadienne moyenne sache qu’il existe une municipalité au Brésil appelée Seara », « à la vue de la marque de commerce de la Requérante, il ou elle la verrait simplement comme un nom de marque ».

[23]           Je ne suis pas de cet avis.

[24]           Il a été établi que les noms de lieux géographiques ne possédaient pas de caractère distinctif inhérent [voir London Drugs Limited c International Clothiers Inc 2014 CF 223, para 49 et Distribution Prosol PS Ltd c Custom Building Products Ltd 2015 CF 1170, para 37]. De plus, je souligne que la Cour d’appel fédérale a récemment confirmé, dans MC Imports Inc c AFOD Ltd, 2016 CAF 60, l’approche adoptée par la Cour fédérale dans Sociedad Agricola Santa Teresa Ltd c Vina Leyda Limitada 2007 CF 1301, 63 CPR (4th) 321, affaire dans laquelle la Cour a affirmé que [Traduction] « [c]es "endroits éloignés aux noms étranges" peuvent être plus évocateurs pour certains que pour d’autres, mais l’[article] 12(1)b), à tout le moins pour ce qui est du "lieu d’origine", n’est pas tributaire des connaissances ou du manque de connaissances du consommateur canadien moyen » [para 51].

[25]           En dernière analyse, si je considère les marques de commerce dans leur ensemble, j’estime que la marque de commerce de ni l’une ni l’autre des parties est une marque de commerce particulièrement forte. Néanmoins, la marque de commerce de l’Opposante possède un caractère distinctif inhérent relativement plus marqué.

[26]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue au Canada par la promotion ou l’emploi. Cependant, ni l’une ni l’autre des parties n’a produit de preuve de la promotion ou de l’emploi de sa marque respective au Canada. À cet égard, je souligne que la Requérante a joint comme pièces 11 et 12 à l’affidavit Roberts des photos de produits alimentaires arborant la marque de commerce SERA de l’Opposante achetés dans un centre d’alimentation situé à Ottawa en juin 2015, accompagnées du reçu. Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que l’étiquette des produits achetés mentionne une entité autre que l’Opposante, même si l’Opposante est également désignée sur l’emballage d’un certain nombre des produits achetés. Aux fins de l’analyse menée au titre de l’article 6(5)a) de la Loi, je me contenterai de dire, d’après la preuve de cette vente unique, que je ne suis pas en mesure de tirer quelque conclusion significative que ce soit en ce qui concerne la mesure dans laquelle la marque de commerce de l’Opposante est devenue connue au Canada en liaison avec les produits visés par l’enregistrement.

[27]           Compte tenu de ce qui précède, le facteur énoncé à l’article 6(5)a) ne favorise de manière significative ni l’une ni l’autre des parties.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[28]           La demande relative à la Marque est fondée sur l’emploi projeté au Canada et il n’y a aucune preuve que la Marque a été employée à ce jour au Canada.

[29]           À titre comparatif, l’enregistrement no LMC769,140 de l’Opposante revendique l’emploi de la marque de commerce SERA au Canada depuis le 1er septembre 1998. Cependant, l’Opposante n’a fourni aucune preuve de la période pendant laquelle sa marque de commerce a été employée au Canada. La simple existence de l’enregistrement de l’Opposante n’établit qu’un emploi minimal et ne permet pas de conclure à un emploi significatif et continu de la marque [voir Entre Computer Centers, Inc c Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC)]. De même, l’achat unique fait par Mme Roberts ne démontre pas que la marque a été employée de manière continue depuis le moment de l’achat.

[30]           En l’absence de preuve de l’emploi réel de la marque de commerce de l’une ou l’autre des parties, le facteur énoncé à l’article 6(5)b) ne favorise ni l’une ni l’autre des parties.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits et d’entreprises, et la nature du commerce

[31]           Les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) concernent le genre de services et d’entreprises, et la nature du commerce.

[32]           S’agissant des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, l’appréciation de la probabilité de confusion aux termes de l’article 12(1)d) de la Loi repose sur la comparaison de l’état déclaratif des produits qui figure dans la demande relative à la Marque avec l’état déclaratif des produits qui figure dans l’enregistrement no LMC769,140 de l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[33]           La marque de commerce SERA de l’Opposante est enregistrée pour emploi en liaison avec une variété de produits alimentaires, dont des fruits transformés, des légumes transformés, des légumes prêts à manger, des aromatisants et des produits de boulangerie-pâtisserie. L’Opposante n’a fourni aucune preuve du commerce réel qu’elle exerce. Bien que je l’aie mentionné ci-dessus, la Requérante a fourni la preuve que les produits alimentaires arborant la marque de commerce de l’Opposante sont offerts dans des centres d’alimentation de vente au détail à Ottawa [para 13 ainsi que pièces 11 et 12 de l’affidavit Roberts].

[34]           À titre comparatif, la demande d’enregistrement relative à la Marque est aussi fondée sur l’emploi en liaison avec une variété de produits alimentaires, dont de la viande, du poisson, de la volaille et du gibier, des fruits et des légumes en conserve, congelés, secs et cuits, des produits laitiers, des huiles et des repas préparés. Dans son plaidoyer écrit, citant Monsport Inc c Vêtements de Sport Bonni (1978) Limitée (1988), 22 CPR (3d) 356 (CF 1re inst), la Requérante soutient que, même si les produits des parties pourraient être vendus dans les mêmes points de vente, la majorité des produits visés par l’enregistrement de l’Opposante seraient néanmoins vendus dans un rayon différent du magasin de ceux de la Requérante, de sorte qu’il ne resterait qu’un nombre restreint de produits, à savoir les produits de fruits et de légumes, ainsi que les gelées, les confitures et les compotes, qui pourraient être vendus à proximité les uns des autres.

[35]           Contrairement à la preuve présentée dans l’affaire Monsport à propos de vêtements de sport conçus pour le confort et de ceux conçus pour des [Traduction] « athlètes sérieux ou en partie sérieux », la Requérante en l’espèce n’a fourni aucune preuve du commerce réel qu’elle exerce. Il n’y a pas non plus de preuve que les produits des parties ne seraient jamais vendus dans les mêmes rayons du magasin ou que les produits des parties sont conçus pour des marchés distincts. Enfin, en l’absence de preuve, je ne suis pas disposée à faire une analogie entre les différentes catégories de produits vendus dans un magasin à rayons et de ceux vendus dans un magasin d’alimentation.

[36]           Comme je l’ai déjà mentionné, des imprimés tirés de Wikipédia se rapportant à une entité désignée comme étant « JBS Foods » et « JBS Foods S.A. », anciennement « Seara Foods », qui aurait été fondée dans la ville de Seara, dans l’État de Santa Catarina, au Brésil, ainsi que des imprimés d’un site Web qui semble appartenir à une entité désignée comme étant « Seara International » tirés du site www.seara.com.br dans lesquels la marque SEARA est montrée avec un dessin sont joints comme pièce C à l’affidavit Stecyk. Encore une fois, en l’absence d’observations de la part de l’Opposante et étant donné que la relation entre la Requérante et les entités en question demeure obscure, je suis d’avis que ces imprimés ont peu de valeur probante en l’espèce, parce que la preuve ne dit rien à propos de l’emploi de la Marque au Canada. À cet égard, je souligne que les imprimés ne renferment aucun renseignement se rapportant à la présence ou à l’entreprise de la Requérante au Canada.

[37]           En dernière analyse, certains des produits des parties se recoupent clairement, tandis que d’autres semblent être étroitement liés, étant donné qu’ils se rapportent dans tous les cas à des produits alimentaires. En outre, ni l’enregistrement de l’Opposante ni la demande en cause ne contient de restriction en ce qui a trait aux voies de commercialisation des parties. Étant donné que les produits des parties se recoupent ou sont étroitement liés, je conclus, aux fins de l’appréciation de la probabilité de confusion, qu’il existe une possibilité de recoupement des voies de commercialisation des parties.

[38]           Par conséquent, ces deux facteurs favorisent clairement l’Opposante.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[39]           Dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc et al [supra], la Cour suprême du Canada indique que le facteur le plus important parmi ceux énoncés à l’article 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties [voir également Beverley Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstering Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145 (CF), à la p 149, confirmée par (1982), 60 CPR (2d) 70 (CAF)].

[40]           Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble. Il faut éviter de placer les marques de commerce côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs. Il demeure possible, cependant, de s’attarder à des caractéristiques particulières susceptibles d’avoir une influence déterminante sur la perception que le public a de la marque [voir United Artists Corp c Pink Panther Beauty Corp (1998), 80 CPR (3d) 247, à la p 263 (CAF)].

[41]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que les marques de commerce des parties ne se ressemblent guère, car [Traduction] « la seule caractéristique commune est que les mots formant chacune des marques de commerce débutent et se terminent par les mêmes lettres ». En ce qui concerne le son, la Requérante prétend que la Marque comporte trois syllabes et se prononce SEE-ARE-A, tandis que la marque de commerce de l’Opposante se prononce SER-A, comme [Traduction] « le prénom féminin ‘Sara’ ».

[42]           Il n’est pas nécessaire que les marques de commerce soient identiques pour qu’il y ait ressemblance. Je suis d’avis que, considérées dans leur ensemble, il existe des similitudes importantes dans la présentation entre la marque de commerce SERA de l’Opposante et la Marque, SEARA.

[43]           En ce qui concerne le son, compte tenu des similitudes entre les mots SERA et SEARA, je suis d’avis qu’il pourrait y avoir une certaine ressemblance entre eux lorsqu’ils sont prononcés par le consommateur canadien moyen.

[44]           Enfin, en ce qui a trait aux idées suggérées, je souligne qu’il n’y a aucune preuve que la marque de commerce de l’Opposante suggère le prénom féminin « Sara », ou qu’elle serait ainsi perçue ou entendue par le consommateur canadien moyen, étant donné que le mot SERA est un mot d’usage courant en anglais et en français, en plus de son importance comme nom de famille. À titre comparatif, la preuve de l’Opposante démontre que la Marque est le nom d’un lieu géographique au Brésil et n’a aucune autre signification en anglais ou en français. En dernière analyse, je suis d’avis qu’il n’y a pas de similitude entre les idées suggérées par la Marque et celles suggérées par la marque de commerce de l’Opposante.

[45]           Compte tenu de ce qui précède, ce facteur favorise l’Opposante.

Autres circonstances de l’espèce

[46]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante souligne l’existence de l’enregistrement d’un tiers relatif à la marque de commerce SERRA, enregistrée sous le no LMC502,539, visant du [Traduction] « fromage » et de « l’huile d’olive », dont les détails sont joints comme pièce 1 à l’affidavit Roberts. À cet égard, la Requérante souligne que, lorsqu’elle est prononcée, cette marque de commerce de tiers est identique à la marque de commerce de l’Opposante et est très similaire sur le plan visuel et [Traduction] « ressemble beaucoup plus » à la marque de commerce de l’Opposante que la Marque.

[47]           Des imprimés des détails tirés de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes reliés à 13 autres demandes et enregistrements relatifs à des marques de commerce qui incluent les mots « serra » ou « sera » visant une variété de produits et de services sont également joints comme pièces 1 et 2 à l’affidavit Roberts.

[48]           La preuve de l’état du registre vise à démontrer le caractère commun ou le caractère distinctif d’une marque de commerce ou d’une partie d’une marque de commerce par rapport à l’ensemble des marques qui figurent au registre. Elle n’est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusions sur l’état du marché, et l’on ne peut tirer de conclusions sur l’état du marché que si l’on relève un nombre significatif d’enregistrements pertinents [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[49]           En l’espèce, je ne suis pas en mesure de tirer de la preuve de l’état du registre présentée dans l’affidavit Roberts quelque conclusion significative que ce soit quant à l’état du marché. À cet égard, mis à part l’enregistrement invoqué de l’Opposante (LMC769,140) dans les résultats, ainsi que les demandes qui ne sont pas encore acceptées (demandes nos 1,686,856 et 1,713,370), je vois peu de similitudes entre l’enregistrement no LMC675,996 relatif à la marque de commerce reproduite ci-dessous et les marques de commerce des parties en question.

[50]           De même, je vois peu de similitudes entre les produits en question et ceux qui sont visés par les enregistrements nos LMC646,478 et LMC767,701, visant des suppléments nutritionnels et alimentaires, ou ceux des enregistrements nos LMC246,488 et LMC731,244, visant des aliments pour poissons, des médicaments et des désinfectants pour traiter les poissons à la maison, des aquariums, des accessoires pour aquariums, des produits de nettoyage et des engrais pour aquariums et plantes de bassin, et d’autres produits pour aquariums et eau de bassin, ou ceux de l’enregistrement no LMC781,588, visant des articles de cuisine et des articles ménagers, ou ceux de l’enregistrement no LMC857,095, visant des pièces pour tuyaux, des tuyaux flexibles, des pompes et des [Traduction] « doseurs pour matières portatives et liquides ».

[51]           Avec les quatre enregistrements restants relatifs à des marques de commerce qui incluent le mot SERRA et visent des produits alimentaires (enregistrements nos LMC523,919, LMC502,539, ainsi que LMC586,174 et LMC708,370, qui appartiennent au même propriétaire inscrit), il n’y a pas suffisamment d’enregistrements pertinents pour me permettre de tirer une conclusion sur l’état du marché des produits alimentaires quant à la probabilité de confusion entre la marque de commerce de l’Opposante et la Marque.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[52]           Lorsque j’ai appliqué le test en matière de confusion, j’ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Après examen de l’ensemble des circonstances de l’espèce, bien que la marque de commerce de l’Opposante ne possède pas un caractère distinctif inhérent marqué, compte tenu du fait que la Marque est le nom d’un lieu géographique qui ne possède pas de caractère distinctif inhérent, du recoupement clair des produits des parties et du lien étroit entre ceux-ci, de la possibilité de recoupement de leurs voies de commercialisation, ainsi que des similitudes entre les marques des parties dans la présentation et dans le son, je ne suis pas convaincue que la Requérante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée SERA de l’Opposante.

[53]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soutient que la marque de commerce de l’Opposante est une marque faible de sorte que de petites différences entre les marques des parties permettront de les différentier et d’éliminer toute probabilité de confusion. À l’appui, la Requérante souligne l’importance de la marque de commerce de l’Opposante comme nom de famille, ainsi que la preuve du nom d’une entité autre que l’Opposante sur l’étiquette de produits arborant la marque de commerce de l’Opposante, et cite la décision Joseph Ltd c XES –NY Ltd (2005) 44 CPR (4th) 314 (COMC), qui portait sur la probabilité de confusion entre les marques de commerce JOSEPH et JOSEPH A. QU’EST-CE QUE C’EST SILK?, et la décision Skydome Corp c Toronto Heart Industries (1997) 72 CPR (3d) 543 (CF 1re inst), qui portait sur la probabilité de confusion entre les marques de commerce TORONTO COME TO PLAY et WHERE THE WORLD COMES TO PLAY.

[54]           Je suis d’avis que les deux affaires citées se distinguent de la présente espèce. Dans la décision Joseph, le degré de ressemblance entre les deux marques est beaucoup moins grand que celui des marques en question lorsqu’on les considère dans leur ensemble. Quant à la décision Skydome, la Cour a également souligné les importantes différences entre les deux marques, telles que l’une est une phrase complète tandis que l’autre est séparée en deux parties, et que le premier mot des marques, souvent le plus important, est aussi différent.

[55]           À l’opposé, nous sommes en présence de deux marques faibles, dont l’une ne possède pas de caractère distinctif inhérent, aucune n’ayant acquis un caractère distinctif sur le marché canadien, visant des produits qui se recoupent clairement ou sont au moins étroitement liés, vendus par l’intermédiaire des mêmes voies de commercialisation. Même si les marques des parties ne sont pas identiques, elles sont grandement similaires dans la présentation et dans le son, et elles ont le même début et la même fin. Bien que je convienne avec la Requérante que la marque de commerce de l’Opposante n’a pas droit à une protection étendue, en l’absence de preuve de caractère distinctif acquis, je suis néanmoins d’avis que, en l’espèce, compte tenu des facteurs mentionnés ci-dessus, et en gardant à l’esprit que le test à appliquer est celui de la première impression et du souvenir imparfait, l’emploi de ces deux marques en particulier dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits alimentaires liés à ces marques de commerce sont fabriqués ou vendus par la même entité.

[56]           En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est accueilli.

La Requérante était-elle la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque?

[57]           L’Opposante allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au titre de l’article 16(3)a) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce SERA de l’Opposante, [Traduction] « qui a été employée antérieurement au Canada par l’Opposante en liaison avec une vaste gamme de produits alimentaires, dont des fruits transformés, des fruits séchés, des légumes transformés, des légumes prêts à manger, des marinades, des noix, des gelées, des confitures, des sirops, des sauces, des épices, des épices pour viandes, du thé et d’autres aliments et produits alimentaires, laquelle marque de commerce n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de [la demande en cause] ».

[58]           L’Opposante avait le fardeau initial de démontrer que sa marque de commerce alléguée était employée au Canada avant la date pertinente et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande relative à la Marque [article 16(5) de la Loi]. Elle ne l’a pas fait [voir Rooxs, Inc c Edit-SRL 23 CPR (4th) 265, à la p 268].

[59]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article16(3)a) est rejeté, parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait.

La Marque est-elle distinctive des produits de la Requérante?

[60]           L’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, parce qu’elle ne distingue pas ni n’est adaptée à distinguer les produits de la Requérante de ceux de l’Opposante, [Traduction] « compte tenu de l’emploi et de la promotion à grande échelle et de longue date par l’Opposante de la marque de commerce SERA, dont la similitude est susceptible de créer de la confusion, au Canada ».

[61]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif, il incombait à l’Opposante d’établir que sa marque de commerce alléguée était devenue suffisamment connue au Canada à la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 3 septembre 2013, pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF); Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International LLC c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)], ce qu’elle n’a pas fait.

[62]           En l’absence de preuve d’emploi et/ou de notoriété de sa marque de commerce, l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l’égard du motif fondé sur l’absence de caractère distinctif.

[63]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

Décision

[64]           Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Pik-Ki Fung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

 


COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

Aucune audience tenue.

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Osler, Hoskin & Harcourt LLP                                               POUR L’OPPOSANTE

 

Moffat & Co.                                                                           POUR LA REQUÉRANTE

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