Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 196

Date de la décision : 2013-11-19
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Overwaitea Food Group Limited Partnership agissant par l’entremise de son associé commandité Overwaitea Food Group Ltd. À l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,408,981 pour la marque de commerce SOBEYS URBAN FRESH au nom de Sobeys Capital Incorporated

Contexte

[1]               Le 29 août 2008, Sobeys Capital Incorporated (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce SOBEYS URBAN FRESH (la Marque) fondé sur l’emploi de la Marque au Canada depuis au moins février 2008, en liaison avec les services suivants : [TRADUCTION] exploitation de supermarchés et d’épiceries; services de restaurant. 

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 17 juin 2009. Overwaitea Food Group Limited Partnership agissant par l’entremise de son associé commandité Overwaitea Food Group Ltd. (l’Opposante) s’est opposé à la demande le 17 août 2009. Tel qu'il sera expliqué plus en détail, l’Opposante s’oppose à la demande au motif, principalement, que la demande n’est pas conforme à certaines exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 et que la Marque crée de la confusion avec les marques déposées URBAN FARE et URBAN FARE et Dessin de l’Opposante, respectivement enregistrées sous les nos 540,927 et 548,168, et toutes deux employée antérieurement au Canada en liaison avec des services de supermarché.

[3]               Le 21 octobre 2009, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d’opposition. 

[4]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit trois affidavits de M. John Paisley respectivement datés du 6 avril 2010 (Premier affidavit de M. Paisley); du 15 juin 2010 (Deuxième affidavit de M. Paisley); et du 15 mars 2011 (Troisième affidavit de M. Paisley). M. Paisley a été contre-interrogé à deux reprises et les transcriptions des deux contre-interrogatoires ont été versées au dossier.  

[5]               La preuve de la Requérante comprend les affidavits de Michael Stephan, Mary Dalimonte, Brett Cuthbertson et Evan Fillier. Aucun des déposants de la Requérante n’a été contre-interrogé.

[6]               La Requérante et l’Opposante ont toutes deux produit un plaidoyer écrit; toutes deux étaient également représentées à l’audience qui a été tenue. 

Questions préliminaires

[7]               La Requérante a soulevé les trois objections suivantes relativement à la preuve de l’Opposante :

i) certaines parties de la preuve de M. Paisley tiennent du ouï-dire (en particulier les paragraphes 36 et 40, et une partie du paragraphe 45, de son premier affidavit; et les paragraphes 6,7,12 et 16 de son deuxième affidavit);

ii) certaines parties de la preuve de M. Paisley relèvent du témoignage d’opinion (en particulier les paragraphes 41 à 44 de son premier affidavit);

iii) certaines parties du troisième affidavit de M. Paisley ne constituent pas une preuve en réponse valable (en particulier les paragraphes 4 à 7, et 10 et 11).

i) Preuve par ouï-dire

[8]               Relativement à la première objection de la Requérante, je rappellerai que la preuve par ouï-dire est inadmissible prima facie, sauf si elle satisfait aux critères de la nécessité et de la fiabilité [voir Labatt Brewing Co c. Molson Breweries, A Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.)]. 

[9]               Je conviens avec la Requérante que les paragraphes 36, 40 et 45 du Premier Affidavit de M. Paisley constituent une preuve par ouï-dire inadmissible. Les paragraphes 36 et 45 comprennent des copies d’articles parus dans le Edmonton Journal traitant de l’établissement SOBEYS URBAN FRESH de la Requérante situé à Edmonton ainsi qu’un billet publié sur un site Web dans lequel l’auteur indique qu’il a pris un repas dans un établissement URBAN FRESH. Bien que cette preuve puisse démontrer que ces articles et ce billet existent, elle ne constitue en rien une preuve de la véracité de leur contenu [voir Candrug Health Solutions Inc c. Thorkelson (2007), 60 C.P.R. (4th) 35 (C.F.), infirmée par (2008), 64 C.P.R. (4th) 431 (C.A.F.)]. Je n’ai donc accordé aucun poids à cette partie de la preuve.

[10]           Au paragraphe 40 de son affidavit, M. Paisley affirme que ce serait, d’après ce qu’il comprend, Chris Staples qui aurait le premier commencé à faire de la publicité et à utiliser une stratégie de marque pour les établissements URBAN FRESH de la Requérante. Cette information ne relève pas de la connaissance personnelle de M. Paisley et l’Opposante n’a pas expliqué en quoi cet élément de preuve était nécessaire ou fiable. Je n’ai, par conséquent, accordé aucun poids à cet élément. 

[11]           Les paragraphes contestables dans le deuxième affidavit de M. Paisley comprennent ce qui suit :

         des renseignements concernant un accord de licence de marque de commerce/nom commercial intervenu entre l’Opposante et Great Pacific Industries (GPI) le 26 décembre 2004, obtenus de Don Eng, avocat général de l’Opposante et de GPI;

         des renseignements concernant la distribution de dépliants, présentés au paragraphe 19 de son premier affidavit, obtenus de Gillian Bryant, un spécialiste du marketing qui travaille pour l’Opposante;

         des renseignements selon lesquels GPI et la Requérante ont toutes deux eu recours aux services de publicité et de stratégie de marque de Chris Staples, obtenus de Brad Pollock, directeur du Service de fidélisation de la clientèle, qui travaille pour l’Opposante et a travaillé antérieurement pour GPI. 

[12]           Le contenu de ces paragraphes repose sur des renseignements et des opinions que M. Paisley a obtenus de personnes travaillant dans son entreprise. Bien qu’il soit de droit constant que la preuve fondée sur des renseignements et des opinions, plutôt que sur une connaissance personnelle, doit être considérée comme du ouï-dire, en l’espèce, je dois tenir compte de la question de savoir si M. Paisley était dans une situation qui lui permettait d’avoir une connaissance personnelle de ces faits; la réponse à cette question ayant une incidence sur la nécessité et la fiabilité de cette partie de la preuve.

[13]           À la date où il a souscrit son premier affidavit, M. Paisley était, depuis cinq ans, directeur d’une division de l’Opposante appelée URBAN FARE. À titre de directeur, il était responsable de toutes les opérations, y compris le marketing et le marchandisage, se rapportant à URBAN FARE, ainsi que de l’ensemble des supermarchés exploités sous les marques URBAN FARE. Il travaille dans le secteur des supermarchés depuis plus de 20 ans pour le compte de l’Opposante et de GPI, la prédécesseur en titre de l’Opposante.

[14]           Étant donné les fonctions et l’expérience de M. Paisley, je suis disposée à accorder un certain poids aux déclarations sur la foi d’autrui contenues dans son deuxième affidavit. Ma décision d’accorder un certain poids à la preuve de M. Paisley en l’espèce est compatible avec des décisions antérieures du registraire, notamment Cascades Canada Inc c. Wausau Paper Towel & Tissue, LLC (2010), 89 C.P.R. (4th) 79 (C.O.M.C.). Les paragraphes 29 à 31 de la décision Cascades Canada sont rédigés comme suit :

[TRADUCTION]
[29]
Dans la décision Union Electric Supply Co. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)], aux pages 59 et 60, le juge Mahoney a fait la déclaration suivante en ce qui a trait à la connaissance que l’on doit attribuer à un dirigeant d’une entreprise : « Le déposant était manifestement dans une situation où il avait une connaissance personnelle des faits, autant par son expérience chez l'appelante que par son poste ». Dans la décision Scott Paper Limited c. Georgia-Pacific Consumer Products LP (2010), 8 C.P.R. (4th) 273 (C.F.), au paragraphe 35, le juge O’Keefe déclare : « L’auteur d’un affidavit peut témoigner de faits dont il a une connaissance personnelle (voir l’article 81 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106). La Cour a admis que le poste occupé par l’auteur d’un affidavit peut à l’évidence lui permettre d’avoir une connaissance personnelle des faits dont il témoigne, sans être nécessairement un témoin direct de tel ou tel événement (voir la décision Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd., [1987] A.C.F. n° 26, 13 C.P.R. (3d) 289) ».

[30] […] Il me semble, dans l’ensemble, que, tout bien considéré, M. Tocchet était manifestement dans une situation où, autant par son poste que par son expérience chez l’Opposante initiale, « il avait une connaissance personnelle des faits ». Il n’y a aucune raison de penser que M. Tocchet n’aurait pas été en mesure de fournir des éléments de preuve de nature générale pour appuyer les déclarations qu’il a faites dans son affidavit, si la Requérante lui avait demandé d’en produire (comme les registres de l’entreprise concernant les ventes de l’Opposante). Je rejette par conséquent la prétention de la Requérante selon laquelle le témoignage de M. Tocchet devrait être écarté intégralement. Cependant, je conviens que je devrais accorder à certains éléments de preuve une importance réduite.

[31] J’ajouterai que je ne considère pas comme un problème le fait que M. Tocchet n’a pas personnellement pris les photographies du produit OPTIMA, imprimé les pages du site Web ou rassemblé les chiffres d’affaires qu’il a fournis dans son affidavit. De toute évidence, il connaissait bien ces renseignements.

 

ii) Témoignage d’opinion

[15]           La Requérante s’est également opposée aux opinions que M. Paisley a exprimées dans son premier affidavit. Aux paragraphes 41 à 44 de son premier affidavit, M. Paisley a affirmé, en partie, ce qui suit :

[TRADUCTION]
Para. 41 : À mon avis, la marque URBAN FRESH, prise individuellement, est très importante pour Sobey’s. À mon avis, Sobey’s a adopté la marque URBAN FRESH parce qu’elle souhaitait établir une stratégie de marque différente de celle employée pour les magasins Sobey’s typiques, qui lui permettrait d’intégrer un créneau haut de gamme en fournissant des produits fins de provenance locale et en ciblant les consommateurs « gourmets » […]

Para. 42 : À mon avis et d’après mon expérience dans le secteur des supermarchés, l’emploi par la Requérante des marques SOBEYS URBAN FRESH et URBAN FRESH est suffisant, à lui seul, pour créer de la confusion avec les marques URBAN FARE employées par l’Opposante.

Para. 43 : À mon avis, la marque de commerce SOBEYS URBAN FRESH de la Requérante crée de la confusion avec les marques URBAN FARE de l’Opposante au Canada […]          

Para. 44 : À mon avis, toute personne qui a vu les services de la Requérante offerts en liaison avec la marque de commerce de la Requérante a dû se demander avec perplexité s’il s’agissait des services URBAN FARE de l’Opposante et vice versa […]… 

[16]           La Requérante soutient que ces paragraphes sont inadmissibles pour trois raisons :

         M. Paisley n’a ni expérience, ni études, ni formation de nature à lui conférer une expertise ou des connaissances particulières; il n’est donc pas qualifié en tant qu’expert et ne peut fournir un témoignage d’expert;

         M. Paisley a un parti pris et ne peut, par conséquent, être considéré comme un témoin objectif et indépendant;

         M. Paisley donne son opinion sur la question ultime de la confusion entre les marques.

[17]           Je conviens avec la Requérante que M. Paisley, à titre d’employé de l’Opposante, n’est pas un témoin objectif et indépendant. En outre, bien qu’il puisse cumuler de nombreuses années d’expérience professionnelle, il n’est pas reconnu en tant qu’expert dans le secteur des supermarchés. Enfin, les opinions exprimées par M. Paisley concernent le fond de l’opposition. Par conséquent, je ne ferai pas référence à ces opinions et ne leur accorderai aucun poids [voir British Drug Houses Ltd c. Battle Pharmaceuticals (1944), 4 C.P.R. 48, p. 53 et Les Marchands Deco Inc c. Society Chimique Laurentide Inc (1984), 2 C.P.R. (3d) 25 (C.O.M.C.)].

iii) Preuve en réponse

[18]           La troisième objection de la Requérante concerne les paragraphes 4 à 7 et 10 et 11 du troisième affidavit de M. Paisley, ainsi que les pièces qui s’y rapportent, qui, selon la Requérante, ne constituent pas une preuve en réponse valable. Une preuve en réponse valable répond à des questions soulevées dans la preuve de l’autre partie. Le test à appliquer consiste à déterminer si la preuve présentée par M. Paisley sert de réponse à la preuve de la Requérante et tient compte de matières imprévues.

[19]           J’estime qu’il n’est pas nécessaire que je reproduise ici les parties contestables du troisième affidavit de M. Paisley; en effet, il me semble suffisant de préciser que toutes servent de réponse à des questions soulevées lors du contre-interrogatoire. Je conviens avec la Requérante que bien que le contre-interrogatoire de M. Paisley ait été mené par la Requérante, il ne constitue pas, de ce fait, une preuve de la Requérante à laquelle l’Opposante est en droit de répondre par la voie d’une preuve en réponse. À cet égard, je m’appuie sur les observations formulées par mon ancien collègue David J. Martin, membre de la Commission, dans MCI Communications Corp c. MCI Multinet Communications Inc (1995). 61 C.P.R. (3d) 245, à la page 251 :

[TRADUCTION]
Bien que le contre-interrogatoire de M. Willey ait été mené par le requérant (voir Chanel, S.A. c. Lander Co. Canada Ltd. (1993), 49 C.P.R. (3d) 562 (C.O.M.C.), à la page 565), je doute que l’on puisse le considérer comme une preuve du requérant à laquelle l’opposant est en droit de répondre par la voie d’une preuve en réponse. À mon avis, l’article 45 [article 43] concerne la production d’une preuve se limitant strictement aux matières servant de réponse à la preuve produite par le requérant au titre de l’art. 44 [art. 42]. Le contre-interrogatoire de M. Willey a permis d’explorer et d’éclaircir sa preuve. Il s’agit essentiellement d’une preuve additionnelle de la part de l’opposant à laquelle le requérant n’aurait pas eu accès autrement : voir la p. 565 de la décision Chanel. Dans la mesure où ce contre-interrogatoire a révélé la présence de lacunes dans l’affidavit de M. Willey ou dans la prépondérance de la preuve principale de l’opposant, l’opposant avait la possibilité de clarifier la situation en réinterrogatoire. Subsidiairement, il aurait pu demander l’autorisation de produire une preuve additionnelle au titre de l’art. 46(1) [art. 44(1)] pour clarifier ou expliquer ces lacunes. L’article 45 [article 43] n’est pas le moyen à pendre pour atteindre ce but.

[20]           Je conclus, par conséquent, que les paragraphes 4 à 7 et 10 et 11 du troisième affidavit de M. Paisley, ainsi que les pièces qui s’y rapportent, sont inadmissibles. 

[21]           J’ajouterai que même si j’avais considéré cette preuve comme admissible, cela n’aurait rien changé au résultat final de la présente décision.

Fardeau de preuve

[22]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

Article 30 – Non-conformité

Non-conformité à l’article 30i) de la Loi

[23]           Lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée par l’article 30i), un motif d’opposition fondé sur cet article ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. La présente espèce n’est pas un cas exceptionnel. Mais, quoi qu’il en soit, même en supposant que la Requérante était au courant de l’emploi antérieur des marques de commerce ou du nom commercial de l’Opposante, cette connaissance n’aurait pas été suffisante en soi pour empêcher la Requérante de faire la déclaration exigée par l’article 30i) de la Loi [Woot, Inc c. WootRestaurants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 C.O.M.C.197]. Par conséquent, je rejette ce motif d’opposition.

Non-conformité à l’article 30b) de la Loi

[24]           L’Opposante allègue également que la demande n’est pas conforme à l’article 30b) de la Loi parce que la Requérante n’a pas employé la Marque au Canada en liaison avec chacun des services visés par la demande depuis la date revendiquée, à savoir février 2008.

[25]           Un fardeau de preuve initial est imposé à l’Opposante en ce qui concerne la question de la non-conformité de la demande à l’article 30b). L’Opposante peut s’acquitter de ce fardeau en s’appuyant sur sa propre preuve, mais également sur celle de la Requérante [voir Labatt Brewing Company Limited c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) (C.F. 1re inst.) 216, p. 230]. Cependant, si elle choisit d’invoquer la preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, l’Opposante doit démontrer que la preuve de la Requérante est clairement incompatible avec les revendications que la Requérante a formulées dans sa demande [voir Ivy Lea Shirt Co c. 1227624 Ontario Ltd (1999), 2 C.P.R. (4th) 562, pp. 565-6 (C.O.M.C.), confirmée par 11 C.P.R. (4th) 489 (C.F. 1re inst.)].

[26]           L’Opposante soutient que les éléments de preuve produite ne montrent pas la Marque SOBEYS URBAN FRESH en entier, mais plutôt les marques SOBEYS et URBAN FRESH employées séparément. L’Opposante soutient, en outre, que la date de premier emploi revendiquée, soit février 2008, n’est pas exacte puisque la preuve démontre que la Marque était en usage en décembre 2007, voire à une date plus ancienne encore. Enfin, l’Opposante fait valoir que l’emploi de la Marque en liaison avec des services de restaurant n’a pas été établi.

[27]           Relativement à son premier argument, l’Opposante soutient que sur l’enseigne des supermarchés de la Requérante le mot SOBEYS est affiché séparément des mots URBAN FRESH et écrit dans une police, une couleur et une taille de caractères différentes. L’Opposante soutient également que les mots URBAN FRESH ont été employés dans un sens descriptif, séparément du mot SOBEYS, et que la Marque n’a donc jamais été employée au Canada.

[28]           Je conviens avec l’Opposante que certains des éléments de preuve ne montrent pas l’emploi des mots SOBEYS URBAN FRESH comme une seule marque; ils montrent plutôt l’emploi des mots URBAN FRESH dans un sens descriptif et séparément du mot SOBEYS [voir l’Affidavit de M. Filler, pièce A; et l’Affidavit de M. Cuthbertson, pièce A]. 

[29]           Néanmoins, je suis convaincue, à la lumière de la preuve non contestée de Mme Dalimonte, directrice générale de la bannière SOBEYS URBAN FRESH, que l’emploi de la Marque dans son ensemble a également été démontré. Comme pièce B de son affidavit, Mme Dalimonte a fourni une photographie de l’enseigne extérieure qui est apposée sur l’établissement situé au 147, Laird Drive dans le quartier East York de Toronto, où des services de supermarché et d’épicerie sont offerts au public depuis janvier 2008. L’Opposante soutient que puisque le mot SOBEYS est affiché sur le bâtiment en tant que marque dominante et que les mots URBAN FRESH qui figurent en dessous sont écrits dans une police ou dans une taille différente, cette photographie n’établit pas l’emploi de la Marque.

[30]           Bien que le mot SOBEYS soit écrit en plus gros caractères et dans une police différente de celle des mots URBAN FRESH, les mots SOBEYS, URBAN et FRESH figurent tous trois sur la devanture de l’établissement de la Requérante, sont tous trois de la même couleur et ne s’accompagnent d’aucun élément supplémentaire (c.-à-d. aucun autre mot à vocation descriptive). Par conséquent, je conviens avec la Requérante que l’impression du consommateur à la vue de ces trois mots est que la Marque qui est employée est SOBEYS URBAN FRESH [voir Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 (FCA) et Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie Internationale pour l'Informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.)]. En conséquence, je rejette le premier argument avancé par l’Opposante à l’appui de ce motif.

[31]           S’agissant du second argument de l’Opposante à l’égard de ce motif, je souligne que M. Paisley a confirmé lors de son premier contre-interrogatoire, en répondant à la question 361, qu’il n’avait connaissance d’aucun fait qui pourrait contredire la date de premier emploi revendiquée par la Requérante. En outre, d’après la jurisprudence, un requérant peut revendiquer une date postérieure à la date réelle de premier emploi « à titre de précaution supplémentaire » ou « dans l’intérêt d’une plus grande certitude » [voir Marineland c. Marine Wonderland and Animal Park (1974), 16 C.P.R. (2d) 97 (C.F. 1re inst.)]. Je rejette donc également le second argument avancé par l’Opposante à l’appui de ce motif.

[32]           Quant à la question de savoir si l’emploi de la Marque a été établi en liaison avec des services de restaurant, je conviens que la Marque n’est pas affichée en liaison avec un restaurant autonome distinct. La preuve démontre cependant que les épiceries en milieu urbain de la Requérante comprennent des cafés-restaurants qui, outre du café, vendent de la nourriture, du vin et de la bière [Premier Affidavit de M. Paisley, pièce O]. Par conséquent, je suis convaincue, au vu de la preuve produite, que la Marque a été employée en liaison avec des services de restaurant.

[33]           Pour toutes les raisons qui précèdent, le motif de l’Opposante fondé sur l’article 30b) est rejeté.

Question principale – Probabilité de confusion

[34]           L’autre question déterminante en l’espèce est celle de savoir si la marque SOBEYS URBAN FRESH, dont l’enregistrement est demandé en liaison avec l’exploitation de supermarchés et d’épiceries et avec des services de restaurant, crée de la confusion avec les marques URBAN FARE de l’Opposante qui sont employées en liaison avec les mêmes services. Comme je l’ai indiqué précédemment, c’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer qu’il n’y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante au sens de l’article 6(2) de la Loi, reproduit ci-dessous.

[35]           L’article 6(2) ne porte pas sur la question de savoir s’il y a confusion entre les marques, mais sur la question de savoir si l’emploi des marques dans la même région serait susceptible de faire conclure au consommateur que les marchandises ou services liés à ces marques proviennent de la même source.

[36]           Les dates pertinentes pour l’appréciation de la question de la confusion sont : i) la date de ma décision, pour ce qui est du motif fondé sur l’article 12(1)d); ii) la date de premier emploi revendiquée par la Requérante, pour ce qui est des motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement; et iii) la date de production de la déclaration d’opposition, pour ce qui est du motif fondé sur l’article 38(2)d). Pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d’opposition voir American Assn of Retired Persons c. Canadian Assn of Retired Persons / Assoc Canadienne des Individus Retraites (1998), 84 C.P.R. (3d) 198 (C.F. 1re inst.), pp. 206 à 209. Aux fins de mon analyse, je commencerai par évaluer la question de la confusion en date d’aujourd’hui, au titre du motif fondé sur l’article 12(1)d).

Le test en matière de confusion

[37]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; dla nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[38]           Les facteurs énumérés ci-dessus ne constituent pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d’eaux n’est pas nécessairement le même [voir, de manière générale, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.)]. Dans Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc et al (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.), la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énoncés à l’article 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle chaque marque est devenue connue

[39]           Aucune des marques n’est intrinsèquement forte, car toutes évoquent de la nourriture offerte dans un établissement situé en milieu urbain [Premier Contre-interrogatoire de M. Paisley, q. 352 à 358]. J’estime cependant que la Marque possède un caractère distinctif inhérent plus fort que les marques de l’Opposante du fait de la présence, en première position, de l’élément distinctif SOBEYS. 

[40]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l’emploi. J’estime que la preuve concernant la chaîne de titres de l’Opposante est plutôt déconcertante. Ma compréhension de la preuve admissible de M. Paisley est la suivante :

         de 1999 à 2004, les magasins URBAN FARE ont été exploités par GPI, et Overwaitea Food Group était alors un nom commercial et une division de GPI;

         le 26 décembre 2004, l’Opposante et GPI ont conclu un accord de licence de marque de commerce/nom commercial accordant à l’Opposante l’autorisation non exclusive d’employer certaines marques, y compris la marque URBAN FARE et le nom commercial URBAN FARE, et portant que cet emploi sous licence relevait du contrôle direct de GPI pour ce qui est des caractéristiques et de la qualité des services de l’Opposante et qu’il devait être effectué conformément aux politiques, aux spécifications, aux directives et aux normes de GPI [Deuxième Affidavit de M. Paisley, para. 7];

         du 26 décembre 2004 au 6 juillet 2006, l’Opposante a exploité les magasins URBAN FARE et employé les marques et le nom URBAN FARE conformément à l’accord de licence conclu avec la propriétaire au dossier, GPI [Deuxième Affidavit de M. Paisley, para. 8];

         le 6 juillet 2006, les actifs de GPI, y compris les marques de commerce et le nom commercial URBAN FARE, ont été transférés à l’Opposante [Deuxième Affidavit de M. Paisley, pièce 1];

         les marques de commerce et le nom commercial URBAN FARE sont employés par l’Opposante (ou sa prédécesseur en titre GPI) en liaison avec des services de supermarché depuis au moins 1999;

         GPI a exploité un magasin URBAN FARE à Edmonton, en Alberta, de mai 2000 à juin 2004;

         l’Opposante exploite trois supermarchés URBAN FARE à Vancouver, le premier ayant ouvert ses portes en 1999, et envisage d’en ouvrir un quatrième;

         les ventes brutes de services d’épicerie et de supermarché de l’Opposante en liaison avec ses marques de commerce ont toujours été supérieures à 10 millions de dollars annuellement depuis que l’Opposante a commencé à employer ses marques de commerce;

         de 2007 à 2009, l’Opposante a engagé annuellement des dépenses publicitaires et promotionnelles de plus de 100 000 $;

         les marques URBAN FARE figuraient bien en vue dans les publicités et sur le matériel promotionnel destinés à faire connaître les établissements URBAN FARE, y compris des brochures, des courriels, des circulaires, des dépliants, des publicités directes envoyées par la poste, des annonces dans les journaux, des publicités à la télévision et du matériel et des affiches pour l’ouverture des magasins.

[41]           La Requérante soutient que de 2004 à 2006, les marques de l’Opposante n’étaient pas distinctives de l’Opposante, car il n’y a aucune preuve que l’Opposante avait informé le public quant à son acquisition des marques de commerce et du nom commercial URBAN FARE. À cet égard, la Requérante prétend que le défaut de l’Opposante de s’assurer que le public était au courant du transfert de propriété de ses marques et de son nom commercial s’est traduit par une absence de caractère distinctif pendant cette période [voir le Premier Contre-interrogatoire de M. Paisley, question 41 et question 332]. 

[42]           Je soulignerai en premier lieu que la validité des enregistrements d’un opposant n’est pas en cause dans une procédure d’opposition. Qui plus est, je n’ai aucune raison, au vu de la preuve fournie, de douter que l’emploi établi par l’Opposante pour cette période satisfaisait aux dispositions de l’article 50 de la Loi et bénéficiait à la prédecesseur en titre de l’Opposante à cette époque.

[43]           Mais, quoi qu’il en soit, même si je pouvais tirer l’inférence négative que l’emploi des marques par l’Opposante de 2004 à 2006 n’était pas conforme aux exigences de l’article 50 de la Loi, cette inférence ne ferait qu’appuyer la conclusion selon laquelle le caractère distinctif acquis grâce à l’emploi effectué par l’Opposante ou sa prédécesseur en titre avait diminué pendant cette période. Je demeurerais donc convaincue que l’emploi des marques de commerce URBAN FARE par l’Opposante ou sa prédecesseur en titre GPI qui a été établi pour la période allant de 1999 à 2004 et pour la période postérieure à 2006 est suffisant pour établir que les marques de l’Opposante étaient raisonnablement bien connues à toutes les dates pertinentes, en particulier dans la région de Vancouver.

[44]           Dans sa preuve, Mme Dalimonte décrit, comme suit, la mesure dans laquelle la Marque était devenue connue au Canada à la date du 9 décembre 2010, soit la date à laquelle elle a souscrit son affidavit :

         la marque de commerce SOBEYS URBAN FRESH figure sur les enseignes extérieures et intérieures de l’établissement SOBEYS URBAN FRESH situé sur Front Street, à Toronto, depuis la fin de 2007;

         onze magasins de la région de Toronto arboraient la marque SOBEYS URBAN FRESH; six arboraient la Marque sur des enseignes et des éléments décoratifs extérieurs et intérieurs, alors que cinq arboraient la Marque en magasin;

         des milliers de circulaires arborant la marque SOBEYS URBAN FRESH ont été distribués chaque semaine depuis mai 2008; la Marque figure également sur des enseignes et des étiquettes utilisées en magasin.

[45]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que, en date d’aujourd’hui, la Marque est devenue connue dans une certaine mesure au Canada, en particulier dans la région de Toronto.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

[46]           La Requérante concède que l’Opposante emploie ses marques de commerce et son nom commercial URBAN FARE dans la région de Vancouver depuis plus longtemps que la Requérante emploie la marque SOBEYS URBAN FRESH [plaidoyer écrit de la Requérante, para. 59].

Articles 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[47]           La Requérante concède également que la nature du commerce et le genre des services et des entreprises des parties sont identiques [plaidoyer écrit de la Requérante, para. 60]. Comme l’a souligné l’Opposante, les parties sont des rivales et les services qu’elles offrent sont en concurrence directe.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[48]           Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance entre des marques, il faut considérer les marques dans leur ensemble, et éviter de placer les marques côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs. Dans Masterpiece [au para. 64], la Cour suprême du Canada a fait observer qu’il est préférable, lorsqu’il s’agit de comparer des marques de commerce, de se demander d’abord si les marques présentent un aspect particulièrement frappant ou unique.  

[49]           L’élément le plus frappant ou le plus unique de la Marque est le mot SOBEYS. Aucune des marques de l’Opposante ne comporte ce genre d’élément frappant. Le seul élément que les marques des parties ont en commun est le mot à vocation descriptive URBAN.

[50]           En conséquence, il y a très peu de ressemblance entre les marques dans la présentation et dans le son. Il existe une certaine similitude sur le plan des idées suggérées, car les marques de l’Opposante évoquent de la nourriture offerte en milieu urbain, tandis que la Marque suggère des aliments frais vendus en milieu urbain par une chaîne de supermarchés précise, c’est-à-dire SOBEYS.

Autres circonstances de l’espèce

[51]           Il y a, en l’espèce, deux autres circonstances dont le registraire devrait tenir compte : 1) l’emploi par des tiers du mot URBAN en liaison avec la fourniture de produits alimentaires et de mets préparés aux consommateurs canadiens; et 2) l’absence de confusion réelle entre les marques des parties, et entre URBAN FARE Catering Inc. et la Marque.

i) Emploi par des tiers du mot URBAN en liaison avec la fourniture de produits alimentaires et de mets préparés aux consommateurs canadiens

[52]           À la date de production de la déclaration d’opposition (c.-à-d. le 17 août 2009), quatre parties indépendantes non liées employaient le mot URBAN en liaison avec la fourniture de produits alimentaires et de mets préparés aux consommateurs canadiens : la Requérante, l’Opposante, les propriétaires de URBAN APPETITE et les propriétaires de URBAN FARE Catering Inc., et trois d’entre elles étaient situées dans la seule ville de Toronto. La Requérante a produit l’affidavit de Michael Stephen, un enquêteur privé, qui a fourni une preuve de l’emploi de URBAN APPETITE et URBAN FARE Catering Inc. en liaison avec des produits alimentaires par des personnes qui n’étaient pas liées à l’Opposante au moment où il a mené son enquête. Le déposant de l’Opposante, M. Paisley, a confirmé lors de son second contre-interrogatoire que l’affidavit de M. Stephan représentait avec exactitude la façon dont URBAN FARE était employé par URBAN FARE Catering Inc.

[53]           À la date du 10 décembre 2010, l’Opposante était devenue la propriétaire du nom commercial, de la marque de commerce et du nom de domaine URBAN FARE Catering Inc. Bien que l’Opposante ait conclu avec le cédant un accord de licence autorisant ce dernier à continuer d’employer la marque et le nom cédés après l’acquisition, elle n’a exercé aucune surveillance sur les activités de son licencié [Second contre-interrogatoire de M. Paisley, q. 122 à 138; 189 à 191].

[54]           Je conviens avec la Requérante que l’emploi de l’élément URBAN par des entités non liées ou irrégulièrement ou prétendument licenciées en liaison avec la vente de produits alimentaires constitue une circonstance pertinente en l’espèce. À cet égard, on peut inférer de la preuve que les consommateurs auraient tendance à s’attarder aux autres éléments des marques de commerce qui comprennent cet élément afin de distinguer les services d’une partie de ceux d’autres parties.

ii) Absence de confusion réelle

[55]           Si je comprends bien l’argument de la Requérante, la Requérante soutient que le registraire doit tenir compte des circonstances suivantes : 1) l’absence de confusion entre la marque de commerce URBAN FARE de l’Opposante et la Marque malgré une coexistence d’au moins deux ans sur le marché; et 2) l’absence de confusion entre la marque de commerce ou le nom commercial URBAN FARE Catering Inc. et la marque SOBEYS URBAN FRESH de la Requérante malgré la coexistence de ces marques depuis près de trois ans à proximité géographique immédiate l’une de l’autre.

[56]           Il n’est évidemment pas nécessaire qu’un opposant prouve qu’il y a confusion pour que je conclue qu’il existe une probabilité de confusion, mais, dans certains cas, l’absence de confusion malgré un recoupement des marchandises, des services ou des voies de commercialisation peut justifier de tirer une inférence négative relativement à la thèse de l’opposant [voir Veuve Cliquot; Monsport Inc c. Vetements de Sport Bonnie (1978) Ltée (1988), 22 C.P.R. (3d) 356 (C.F. 1re inst.); Mercedes-Benz AG c. Autostock Inc (1996), 69 C.P.R. (3d) 518 (C.O.M.C.)].

[57]           La Requérante a produit un témoignage des gérants de ses deux magasins d’Edmonton, en Alberta; tous deux ont confirmé qu’aucun client de leur magasin SOBEYS URBAN FRESH respectif n’a déjà exprimé la croyance qu’il existait un lien commercial entre l’ancien établissement URBAN FARE d’Edmonton exploité par GPI de 2000 à 2004 et les établissements SOBEYS URBAN FRESH. Ils ont attesté que jamais une communication écrite adressée à URBAN FARE n’a été livrée par erreur à leur magasin respectif. Mme Dalimonte confirme, elle aussi, que la Requérante n’a jamais reçu à tort de communications écrites adressées ou destinées à URBAN FARE. Elle fait, en outre, observer que URBAN FARE Catering Inc. exerce ses activités commerciales à l’adresse 1415, Bathurst Street, à Toronto, soit à une distance d’environ deux kilomètres de l’établissement SOBEYS URBAN FRESH du 503, Bloor Street West.

[58]           S’agissant du premier argument de la Requérante, je conviens avec l’Opposante qu’il est possible que l’absence de confusion soit attribuable au fait que les marques des parties ont principalement été employées dans des zones géographiques distinctes du Canada. Par conséquent, en l’espèce, je ne suis pas prête à tirer de l’absence de confusion entre les marques des parties une inférence négative quant à la probabilité de confusion.

[59]           Relativement au second argument de la Requérante, l’Opposante soutient que URBAN FARE Catering Inc. n’a pas été employée en liaison avec des services d’épicerie. La preuve démontre cependant qu’un plus de services de traiteur, la marque URBAN FARE Catering Inc. a été employée en liaison avec des produits alimentaires [Troisième Affidavit de M. Paisley, para. 9 et second contre-interrogatoire, q. 123 à 136 et 149 et 150; 192 à 195]. Compte tenu du fait que ce magasin (qui emploie la marque nominale de l’Opposante dans son intégralité) est situé à proximité géographique immédiate du magasin de la Requérante à Toronto, une absence de confusion au cours d’une période pertinente malgré le recoupement des services des parties m’incite, en l’espèce, à tirer une inférence négative quant à la probabilité de confusion entre les marques des parties.

Conclusion

[60]           Le test à appliquer est celui de la première impression que la vue de la marque SOBEYS URBAN FRESH employée en liaison avec les services de la Requérante produit dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé qui n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce URBAN FARE de l’Opposante, et qui ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner les marques en détail [voir Veuve Clicquot]. 

[61]           Après examen de l’ensemble des circonstances de l’espèce, j’estime que la Requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la confusion n’est pas probable entre la marque SOBEYS URBAN FRESH et les marques URBAN FARE de l’Opposante. En dépit de la mesure dans laquelle les marques de l’Opposante sont devenues connues, j’estime, étant donné que l’élément le plus frappant et le plus distinctif de la Marque est SOBEYS, et que cet élément figure de surcroît en première position, que les marques sont suffisamment différentes pour rendre la confusion improbable.

[62]           En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est rejeté.

Motifs d’opposition restants

[63]           Les troisième, quatrième et cinquième motifs d’opposition sont également liés à la détermination de la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce et le nom commercial Urban Fare de l’Opposante, et ce, même si la date pertinente pour évaluer la probabilité de confusion au titre des motifs fondés respectivement sur les articles 16(1)a) et c) est la date de premier emploi par la Requérante (c.-à-d. février 2008) et que la date pertinente qui s’applique au motif fondé sur l’absence de caractère distinctif est la date de production de la déclaration d’opposition (c.-à-d. le 17 août 2009).

[64]           À ces dates pertinentes plus anciennes, les marques de commerce et le nom commercial de l’Opposante auraient possédé un caractère distinctif acquis plus important que celui de la Marque et auraient aussi été connus depuis plus longtemps. J’estime, cependant, que ces différences en ce qui concerne les dates pertinentes n’ont pas d’impact significatif sur la détermination de la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce et le nom commercial de l’Opposante. Ainsi, ma conclusion formulée précédemment selon laquelle les marques de commerce en cause ne créent pas de confusion, ou ne sont pas susceptibles d’être confondues, s’applique également à ces motifs d’opposition, qui sont, par conséquent, rejetés.

Décision

[65]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

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