Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : crash dummies

NUMÉRO D’ENREGISTREMENT : TMA 406,463

 

Sur demande de Crash Dummy Movie, LLC (la partie requérante), le registraire a, le 19 mai 2004, fait parvenir l’avis prescrit à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce à Mattel Inc., propriétaire inscrite de la marque de commerce susmentionnée (l’inscrivante).

La marque de commerce CRASH DUMMIES est enregistrée pour être employée en liaison avec les marchandises suivantes :

Figurines pour jeux d’action; ensembles de jeux et accessoires, nommément voitures jouets, poussettes jouets et motocyclettes jouets, circuits et décors jouets, signaux et décalcomanies.

 

L’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique si la marque a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services que spécifie l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. Dans le cas présent, la propriétaire inscrite doit démontrer l’emploi à un moment quelconque entre le 19 mai 2001 et le 19 mai 2004.  

 

L’emploi en liaison avec des marchandises est défini au paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

Le paragraphe 4(3) de la Loi contient des dispositions particulières en matière d’exportation de marchandises, mais ces dispositions ne s’appliquent pas en l’espèce.

 

En réponse à l’avis du registraire, l’inscrivante a déposé l’affidavit de M. Donald Aiken, vice-président et avocat général adjoint de Mattel Inc. Les deux parties ont soumis des observations écrites, et une audience a été tenue.

 

D’entrée de jeu, il convient de noter que la partie requérante a objecté que M. Aiken n’aurait pas dû souscrire l’affidavit évoqué ci-dessus, puisqu’il n’a commencé à occuper son poste chez l’inscrivante que vers la fin de la période pertinente. Vu l’objet de l’article 45, j’estime que M. Aiken est un représentant valable de Mattel Inc. même s’il n’a commencé à exercer ses fonctions qu’en décembre 2003. Je suis convaincue qu’à titre de vice-président et d’avocat général adjoint, il est en mesure d’avoir accès aux dossiers de la société et d’avoir une connaissance personnelle des ventes réalisées après sa nomination à ses fonctions actuelles. Je remarque de plus que l’article 45 de la Loi n’exige pas que le titulaire prouve l’emploi de la marque durant toute la période de trois ans, mais bien seulement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis (Carter-Wallace Inc c. Wampole Canada Inc., 8 C.P.R. (4th) 30 (C.F. 1re inst.)).

 

À mon avis, les déclarations pertinentes dans l’affidavit de M. Aiken sont les suivantes :

  1. M. Aiken est au service de la propriétaire inscrite depuis le mois de décembre 2003 et il exerce ses fonctions actuelles de vice-président et d’avocat général adjoint depuis cette date.
  2. Paragraphe 6 – De septembre 2003 au 19 mai 2004, sa société a vendu des figurines pour jeux d’action et des véhicules au Canada. Dans tout l’affidavit, M. Aiken désigne collectivement les « figurines pour jeux d’action et véhicules » comme les « marchandises Mattel ».
  3. Paragraphe 7 – M. Aiken affirme que les marchandises Mattel vendues au Canada par l’inscrivante entre septembre 2003 et mai 2004 affichaient la marque de commerce en cause et désignaient Mattel Canada Inc. comme fabricant et point d’origine des marchandises Mattel. 
  4. Paragraphe 8 – La pièce A présente des photographies d’emballages sur lesquels est apposée la marque CRASH DUMMIES, qui aurait été employée au Canada entre septembre 2003 et le 19 mai 2004.
  5. Paragraphe 9 – La pièce B consiste en des copies d’échantillons de factures; l’auteur de l’affidavit atteste que les inscriptions CRASHCARAS, CRASHDUMMY et CDVEH + fig., sur les factures, se rapportent à des marchandises Mattel qui affichaient la marque de commerce en cause et qui ont été vendues au Canada entre septembre 2003 et le 19 mai 2004. La pièce B contient aussi des dossiers de comptes débiteurs concernant des ventes réalisées au début de l’année 2004.
  6. Paragraphe 10 – L’auteur de l’affidavit affirme que Mattel Canada possède une licence dûment octroyée par l’inscrivante pour l’emploi de la marque de commerce en cause au Canada et qu’aux termes de la licence, l’inscrivante exerce un contrôle direct sur les caractéristiques et la qualité des marchandises vendues au Canada par Mattel Canada.
  7. Paragraphe 12 – L’auteur de l’affidavit déclare que Mattel Canada vend les marchandises Mattel à TOYS R US Canada Ltd. et à Wal-Mart Canada Corp., qui les revendent à leur tour au public dans leurs magasins de détail.

M. Aiken a aussi déposé comme pièce C un CD d’une publicité télévisée; toutefois, puisque la publicité ne constitue pas un emploi de la marque de commerce sur les marchandises au sens de l’article 4, je n’ai pas tenu compte de cet élément de preuve. 

 

La partie requérante allègue que l’inscrivante n’a pas employé la marque de commerce telle qu’elle apparaît dans l’enregistrement, puisque sur l’emballage, le mot « incredible » [incroyable] accompagne « CRASH DUMMIES ». De l’avis de la partie requérante, le consommateur moyen croirait qu’il s’agit d’une seule marque de commerce – INCREDIBLE CRASH DUMMIES – ou encore, peut-être, de trois marques distinctes – « INCREDIBLE » « CRASH » et « DUMMIES ». De plus, se référant aux décisions Sim & McBurney c Harvey Woods Inc. (1992), 46 C.P.R. (3d) 399, et Bereskin & Parr c. Kittling Ridge Ltd. (2000), 11 C.P.R. (4th) 546, la partie requérante soutient que la marque CRASH DUMMIES, employée avec le mot « incredible », ne crée pas une impression distincte et ne donne donc pas lieu à un emploi de la marque de commerce telle qu’elle a été enregistrée.

 

Le fait qu’une marque de commerce soit employée avec des éléments additionnels ne signifie pas nécessairement qu’elle doive être considérée comme différente de la marque enregistrée. Dans chacune des deux affaires citées par la partie requérante, l’ajout de noms de personnes à la marque de commerce enregistrée a eu pour effet d’en changer l’idée; ainsi, HARVEY ajouté à WOODS modifie l’idée évoquée par le mot WOODS, qui rappelle une forêt ou des arbres, pour faire penser plutôt au prénom et au nom d’une personne; de même, HARRY’S ajouté à HURRICANE change l’idée initiale et évoque un ouragan qui appartiendrait à Harry. J’estime que dans le cas présent, « incredible » étant inscrit en une police de caractères plus petite et moins évidente et étant placé moins en vue que les inscriptions CRASH et DUMMIES, on ne le considérerait pas comme un élément de la marque de commerce. À mon avis, l’apparence du mot « incredible » joint à CRASH DUMMIES ne donne pas naissance à une idée nouvelle, et cet élément serait perçu comme un simple qualificatif employé comme outil de mise en marché pour décrire les CRASH DUMMIES.

 

Ainsi que l’a exposé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Registraire des marques de commerce) c. Compagnie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, S.A. (1985), 4 C.P.R. (3d) 523, à la page 525, lorsque la marque employée comporte des différences par rapport à la marque enregistrée, la question qu’il faut se poser est de savoir si la marque a été employée d’une façon telle qu’elle n’a pas perdu son identité et qu’elle est demeurée reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée. Pour trancher cette question, il convient d’examiner si les « caractéristiques principales » de la marque ont été préservées : Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc., 44 C.P.R. (3d), à la page 59 (C.A.F.). J’ai conclu, compte tenu de l’endroit où l’on a placé le mot « incredible », de la taille de sa police et du fait que l’idée principale de la marque de commerce en cause demeure inchangée, que les caractéristiques principales de la marque CRASH DUMMIES ont été préservées.

 

En ce qui concerne la preuve de l’emploi au sens du paragraphe 4(1) de la Loi, je considère que les échantillons de factures déposés comme pièce B suffisent à établir la vente au Canada des marchandises Mattel dans la pratique normale du commerce, à savoir la vente de « figurines pour jeux d’action et véhicules ». Il est vrai que l’une des factures ne se rapporte pas à la période pertinente, mais une autre facture concerne bien cette période. En outre, M. Aiken a présenté une copie papier des comptes débiteurs, générée en août 2004, qui dresse la liste des commandes et des livraisons à divers détaillants au Canada durant les quatre premiers mois de 2004 – soit durant la période pertinente. Ce relevé comprend notamment les articles CRASHCARA, CRASHDUMMY, et CDVEH+FIG., lesquels, suivant M. Aiken (paragraphe 9), sont des marchandises Mattel qui affichaient la marque de commerce en cause et qui ont été vendues au Canada entre septembre 2003 et le 19 mai 2004. Je conclus que dans l’ensemble cette preuve suffit à établir la vente au Canada des « marchandises Mattel » dans la pratique normale du commerce au sens du paragraphe 4(1) et de l’article 45 de la Loi, au cours de la période pertinente et après la nomination de l’auteur de l’affidavit à son poste chez l’inscrivante.

 

La partie requérante soutient que l’information figurant sur l’emballage n’indique pas clairement que Mattel Canada Inc. employait les marques de commerce en vertu d’une licence, et que la mention du fait que les marchandises étaient importées par Mattel Canada Inc. ne peut être interprétée comme signifiant nécessairement que l’emploi de la marque de commerce était autorisé par licence. Je constate que l’emballage ne comporte effectivement aucune déclaration explicite de licence d’emploi susceptible de répondre aux exigences du paragraphe 50(2) de la Loi, mais j’estime par ailleurs qu’aucune inscription sur l’emballage ne contredit l’existence du contrat de licence et du contrôle requis qui sont attestés sous serment dans l’affidavit. Contrairement à la prétention de la partie requérante, qui affirme qu’il faut présenter en preuve des caractéristiques ou des « indices » du contrôle, le titulaire de l’enregistrement ou de la licence peut répondre aux fins visées à l’article 45 et au paragraphe 50(1) en attestant clairement sous serment l’existence du contrôle prescrit par l’article 50 (voir Gowling, Strathy & Henderson c. Samsonite Corp. (1996), 66 C.P.R. (3d) 560, à la page 56; Mantha & Assocees/Associates c. Central Transport, Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 354 (C.A.F.)), ou en déposant une copie du contrat de licence contenant une disposition suivant laquelle le titulaire de l’enregistrement exerce un contrôle sur la qualité et les caractéristiques des marchandises (Shapiro Cohen Andrews & Finlayson c. 1089751 Ontario Ltd., 28 C.P.R. (4th) 124).

 

Dans une procédure engagée aux termes de l’article 45, l’exigence relative aux indices de contrôle s’applique surtout lorsque aucune déclaration explicite dans l’affidavit n’atteste les faits pertinents. Ainsi, la situation dans le cas présent peut être distinguée de la situation décrite dans la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale A&A Jewellers Ltd. c. Malcolm Johnston & Associates (2000), 8 C.P.R. (4th) 56, en ce que dans cette affaire, la décision du registraire de radier la marque précisait clairement que, malgré la confirmation de l’existence de contrats de licence, aucune déclaration ne portait sur le contrôle exercé par le propriétaire inscrit et aucune preuve d’un tel contrôle ne ressortait de la preuve documentaire. La Cour fédérale a annulé la décision de registraire et maintenu l’enregistrement, à la suite du dépôt de nouvelles preuves et de déclarations établissant de manière plus que suffisante l’existence du contrôle requis. 

 

J’estime en conséquence que, compte tenu de l’objectif de la procédure prévue à l’article 45, la déclaration de fait en l’occurrence est suffisante pour me permettre de conclure qu’il a été satisfait aux dispositions du paragraphe 50(1).  

 

La détermination des marchandises sur lesquelles la marque a été apposée constitue une autre question en l’espèce. L’auteur de l’affidavit déclare que la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec des figurines pour jeux d’action et des véhicules; or, « véhicules » n’apparaît pas dans l’état déclaratif des marchandises pour cet enregistrement, reproduit au début des présents motifs. De l’avis de la partie requérante, il conviendrait à tout le moins de radier des marchandises enregistrées les éléments « poussettes jouets et motocyclettes jouets, circuits et décors jouets, signaux et décalcomanies ». La partie requérante soutient en outre que le terme « véhicules » employé dans l’affidavit a une portée plus large que le mot « voitures » dans l’état déclaratif des marchandises.

 

L’emballage montré dans la pièce A comporte des illustrations de divers jouets compris dans la ligne de produits CRASH DUMMIES. Bien que cet emballage précis semble destiné à une voiture de sport jouet, l’emballage illustre aussi un VUS, des figurines pour jeux d’action, des motocyclettes, des VTT ainsi que divers autres accessoires et figurines accompagnés des mots « CRASH THEM ALL ». En‑dessous des illustrations, on peut lire en petits caractères : [traduction] « Chaque article est vendu séparément ». La pièce A comprend aussi la photographie d’une figurine pour jeux d’action, présentée dans son emballage et vendue avec une planche à roulettes. L’endos de cet emballage illustre lui aussi d’autres figurines, une voiture, un VUS, une motocyclette et un VTT. Je remarque en outre que les figurines pour jeux d’action sont présentées avec des accessoires comme des planches à roulettes et des scooters, c'est-à-dire que chaque figurine est montrée avec le moyen de transport qui lui est associé. Si ces illustrations ne prouvent pas la vente de tous les produits présentés sur les emballages, elles aident en revanche à comprendre la nature des marchandises et à constater que la référence de l’auteur de l’affidavit à des véhicules, dans ce contexte, se rapporte manifestement à des véhicules jouets et que l’on peut raisonnablement conclure que les véhicules en question incluent les autres moyens de transport illustrés sur l’emballage. Par contre, je note que l’affidavit de M. Aiken ne fait aucune allusion aux « poussettes jouets, circuits et décors jouets, signaux et décalcomanies ». Bien que l’inscrivante ait précisé durant l’audience que les décalcomanies sont incluses dans l’emballage montré dans la pièce A, je ne peux pas tenir compte de ce fait, puisqu’il ne ressort pas de la preuve soumise par affidavit. 

 

Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que la marque de commerce en cause a bien été employée au sens de l’article 45 et du paragraphe 4(1) de la Loi, en liaison avec des « figurines pour jeux d’action, ensembles de jeux et accessoires, nommément voitures jouets, motocyclettes jouets ». En conséquence, l’enregistrement no TMA 406,463 pour la marque de commerce CRASH DUMMIES sera modifié pour en retrancher les marchandises « circuits et décors jouets, signaux et décalcomanies », conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13.

 

 FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 21 MARS 2007.

 

 

 

P. Heidi Sprung

Commissaire, Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

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