Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Warner-Lambert Company LLC et de Johnson & Johnson à la demande no 1104980 produite par Chris Farrell Cosmetics GmbH en vue de l’enregistrement de la marque de commerce PURELL

 

Le 31 mai 2001, Chris Farrel Cosmetics GmbH (la « Requérante ») a produit une demande d’enregistrement pour la marque PURELL (la « Marque ») fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada. L’état déclaratif des marchandises est libellé comme suit : « Cosmétiques, nommément fard à joues, eye-liner, fond de teint, crèmes pour le visage, lotions pour le visage et lotions capillaires. » La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 17 mars 2004.

 

Le 17 mai 2004, Warner-Lambert Company LLC a produit une déclaration d'opposition à l'encontre de la demande. La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante. Warner-Lambert Company LLC a par la suite demandé et obtenu la permission d’ajouter Johnson & Johnson à titre de co-opposante. Warner‑Lambert Company LLC et Johnson & Johnson seront appelées collectivement les « Opposantes ».

 

La preuve des Opposantes est composée des affidavits de John Hands et de Graham Robertson et des copies certifiées de l’enregistrement portant le no 499624 et de la demande no 1326788. La Requérante a choisi de ne pas produire de preuve.  Aucun des auteurs d’affidavit n’a été contre‑interrogé.

 

Seules les Opposantes ont produit un plaidoyer écrit et ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé une audience. 

 

Le premier motif d’opposition est que la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque conformément à l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (ci-après, la « Loi ») en raison de l’utilisation de la marque PURELL par Johnson & Johnson, ou leurs prédécesseurs en titre, en liaison avec des préparations désinfectantes et d’assainissement pour les mains. Comme deuxième motif, les Opposantes allèguent que la Marque n’est pas enregistrable au sens de l’alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec la marque déposée PURELL de Johnson & Johnson, qui est enregistrée en liaison avec les marchandises suivantes : « préparation désinfectante et d’assainissement pour les mains avec propriétés antibactériennes et antimicrobiennes et savons antibactériens et antimicrobiens ». Suivant le troisième motif d’opposition, les Opposantes soutiennent que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'alinéa 16(3)a) de la Loi parce qu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce PURELL antérieurement utilisée par les prédécesseurs en titre de Johnson & Johnson. Comme quatrième motif, les Opposantes se fondent sur l’alinéa 16(3)b) de la Loi et allèguent que la Marque visée par la demande d’enregistrement créait de la confusion, à la date de production de la demande, avec la demande no 849358, à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement avait été déposée antérieurement au Canada par les prédécesseurs en titre de Johnson & Johnson. Le dernier motif d’opposition est que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’alinéa 38(2)d) de la Loi en ce qu’elle ne distingue pas les marchandises que la Requérante projette d’employer de celles d’autres propriétaires, y compris Johnson & Johnson et leurs prédécesseurs en titre.

 

Fardeau de preuve

Il incombe ultimement à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, les Opposantes ont le fardeau initial de produire une preuve admissible qui pourrait permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd. Les Compagnies Molson Ltée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298; Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

Lorsqu’un requérant a produit la déclaration prescrite par l’alinéa 30i), il ne convient d'accueillir un motif d'opposition fondé sur cet alinéa que dans des cas exceptionnels, par exemple s'il y a des preuves de mauvaise foi de la part du requérant (Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155). Comme ce n'est pas le cas en l’espèce, je rejette ce motif d'opposition.

 

Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(3)b)

Puisque la demande no 849358 n’était pas pendante à la date de l’annonce de la demande relative à la Marque, les Opposantes ne se sont pas acquittées du fardeau que leur impose ce motif d’opposition [(voir paragraphe 16(4)]. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

 

Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d)

Les Opposantes se sont acquittées de leur fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif puisque l’enregistrement no LMC499624 est en règle. La date pertinente pour l’examen des circonstances entourant la question de la confusion avec une marque de commerce déposée au sens de l’alinéa 12(1)d) de la Loi est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/ Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

 

Test en matière de confusion

Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Ces facteurs n’ont pas nécessairement le même poids.

Dans Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 et Veuve Cliquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la procédure à suivre pour évaluer toutes les circonstances de l’espèce dont il faut tenir compte pour décider si deux marques de commerce créent de la confusion. C’est sur le fondement de ces principes généraux que j’évaluerai maintenant toutes les circonstances de l’espèce.

 

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle chacune est devenue connue

Les deux marques sont intrinsèquement fortes parce qu’il s’agit d’un mot inventé identique. La force de la marque de Johnson & Johnson s’est accrue puisqu’elle est devenue connue par son emploi continu sur le marché canadien depuis plus de 10 ans. La preuve des Opposantes démontre que les ventes des produits PURELL de Johnson & Johnson au Canada par Johnson & Johnson ou leurs prédécesseurs en titre, Warner-Lambert Company, LLC et Gojo Industries Inc. (une société de l’Ohio), ont augmenté chaque année depuis 1998 et se sont chiffrées entre 1 000 000 $ et 5 000 000 $ annuellement depuis 2002. Les Opposantes ont également annoncé les marchandises PURELL dans des publicités imprimées et à la télévision depuis 2002.

 

Rien dans la preuve ne démontre que la Marque de la Requérante a été utilisée au Canada. En conséquence, ce facteur favorise les Opposantes.

 

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage

La preuve démontre que la marque de Johnson & Johnson a été employée de façon continue par Johnson & Johnson et leurs prédécesseurs en titre depuis au moins 1998. Étant donné que la demande de la Requérante se fonde sur un emploi projeté, et que cette dernière n’a produit aucune preuve relative à l’emploi, ce facteur favorise également les Opposantes.

 

Alinéas 6(5)c) et d) - le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

Lorsqu’on examine les marchandises, les services et le commerce des parties, c'est l'état déclaratif des marchandises et des services figurant dans la demande ou l'enregistrement de la marque de commerce qui est déterminant quant à la question de la confusion soulevée en application de l'alinéa 12(1)d) [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)].

 

Les produits cosmétiques de la Requérante sont différents des préparations antiseptiques et désinfectantes pour les mains de Johnson & Johnson. Les marchandises des parties sont similaires, mais seulement dans la mesure où elles représentent dans les deux cas des produits pour le corps.

 

Les Opposantes ont démontré que leurs marchandises sont peu dispendieuses et se vendent généralement au détail entre 2 $ et 5 $. Elles prétendent que pour des biens moins dispendieux, le consommateur aura davantage tendance à se fier à la marque qu’à se soucier de la source réelle du produit. Je suis du même avis. 

 

En ce qui concerne les voies de commercialisation, la preuve démontre que les marchandises de Johnson & Johnson sont vendues dans des pharmacies, des épiceries, des magasins d’alimentation, des clubs-entrepôts et de postes d’essence-dépanneurs. Puisque la Requérante n’a pas démontré la nature du commerce qu’elle projette d’établir au Canada et qu’elle n’a pas choisi une voie commerciale différente de celle des Opposantes, je présume que le chevauchement entre leurs voies de commercialisation est probable.

 

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

Les marques des parties sont identiques à tous les égards.

 

Conclusion touchant la confusion probable

La question à trancher est de savoir si le consommateur qui a un souvenir général et vague de la marque PURELL de Johnson & Johnson serait susceptible, après avoir vu la Marque PURELL de la Requérante, de croire que les marchandises des deux parties proviennent d’une même source. Vu l’ensemble des faits en l’espèce, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existe une probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause en date d’aujourd’hui. Ma conclusion repose sur le chevauchement des marchandises et des voies de commercialisation, sur le caractère distinctif acquis par la marque de Johnson & Johnson au moyen de l’emploi et de la publicité, sur le fait que les marques des parties sont identiques et sur le fait que la Requérante n’a produit aucune preuve.

 

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est donc accueilli.

 

Autres motifs d’opposition

Les autres motifs d’opposition reposent également sur l’examen de la question de la confusion entre la Marque et la marque de Johnson & Johnson. Les dates pertinentes pour évaluer la probabilité de confusion en ce qui concerne les motifs fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement et l'absence de caractère distinctif sont, respectivement, la date de production de la demande de la Requérante et la date de l’opposition. À mon avis, les différences entre les dates pertinentes n’ont aucune incidence importante sur la conclusion quant à la confusion entre les marques de commerce des parties. Par conséquent, ma conclusion formulée précédemment, selon laquelle il existe une probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce, s’applique à ces motifs d’opposition, lesquels sont également accueillis.

 

 

Dispositif

En vertu des pouvoirs qui me sont délégués par le registraire des marques de commerce en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

FAIT À Gatineau (Québec), le 8 janvier 2009.

 

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, LL.B.

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