Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 239

Date de la décision : 2014-11-05

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45 engagée à la demande de Gowling Lafleur Henderson LLP, visant l'enregistrement no LMC723,265 de la marque de commerce SWAGGER au nom de Faisal Anashara

[1]               Le 9 juillet 2012, à la demande de Gowling Lafleur Henderson LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi) à Faisal Anashara (le Propriétaire), le propriétaire inscrit de l'enregistrement no LMC723,265 de la marque de commerce SWAGGER (la Marque).

[2]               L'avis exigeait que le Propriétaire fournisse une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services décrits dans l'enregistrement à un moment quelconque entre le 9 juillet 2009 et le 9 juillet 2012. Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, le Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.

[3]               Suivant la délivrance de l'avis, l'enregistrement a été partiellement transféré pour certains articles de toilette et de parfumerie à The Proctor & Gamble Company. En vertu de l'article 50 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195, lorsqu'une marque de commerce déposée est partiellement transférée et devient la propriété de plusieurs parties, chaque partie est réputée être un propriétaire inscrit distinct. Proctor & Gamble a, par la suite, cédé son enregistrement à Shulton Inc. et, à la demande de la Partie requérante et de Shulton Inc., la procédure prévue à l'article 45 a été abandonnée relativement à l'enregistrement de Shulton Inc. Ainsi, cette décision se rapporte uniquement aux marchandises et services pour lesquels M. Anashara a retenu le droit de propriété.

[4]               En conséquence, la Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les services [traduction] « édition de magazines, sous forme imprimée et électronique, disponibles et téléchargeables sur Internet ou d'autres réseaux informatiques mondiaux » et les marchandises suivantes :

[traduction]
(1) Tee-shirts, polos, chandails et chemises à manches longues.

(2) Vêtements et articles chaussants pour hommes, femmes et enfants, nommément chaussures, espadrilles, tricots, nommément chapeaux en tricots interlock, côtelés ou à volutes doubles, jupes, chemisiers, jeans, sous-vêtements, chandails, ensembles d'entraînement, pantalons d'entraînement, chemises sport, ensembles molletonnés, jerseys, débardeurs, tee-shirts, vêtements sport et vêtements d'entraînement, nommément chaussettes, shorts, uniformes, bandeaux serre-têtes, serre-poignets, visières, vestes sport, ensembles molletonnés, pantalons molletonnés, vestes, chaussettes, boxeurs, polos, chemises et pantalons habillés, cravates, mouchoirs, foulards et gants, chapeaux, accessoires, nommément lunettes de soleil, lunettes, étuis à lunettes, bijoux, montres, housses à robes, sacs de sport; parapluies.

 

[5]               Les définitions pertinentes d'emploi en liaison avec des marchandises et des services sont énoncées comme suit aux articles 4(1) et 4(2) de la Loi :

4(1)      Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.

[6]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst.)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst.)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacune des marchandises et chacun des services décrits dans l'enregistrement au cours de la période pertinente.

[7]               En réponse à l'avis du registraire, le Propriétaire a produit son propre affidavit, souscrit le 9 octobre 2012. Aucune des parties n'a produit d'observations écrites; cependant, la Partie requérante était représentée à l'audience qui a été tenue.

La preuve du Propriétaire

[8]               À l'audience, la Partie requérante a souligné que, si la preuve du Propriétaire est volumineuse, elle n'est pas organisée de façon logique ou bien expliquée. Comme je l'expliquerai ci-après, en l'absence d'observations du Propriétaire, il est difficile de comprendre le contexte global de certaines des pièces qui me permettraient de conclure en faveur du Propriétaire.

[9]               Dans son affidavit, le Propriétaire affirme qu'il a [traduction] « employé la marque Swagger de façon ininterrompue au Canada depuis le 14 août 2005 ou aux environs de cette date ». À l'examen de l'affidavit, il semblerait que le Propriétaire exerce des activités dans l'industrie de la mode dans l'intention déclarée de [traduction] « concevoir, fabriquer, commercialiser et vendre des marchandises » sous la marque SWAGGER [traduction] « ou d'accorder des licences à son égard ».

[10]           Une bonne partie de l'affidavit du Propriétaire se rapporte à des événements survenus avant la période pertinente; à ce titre, l'affidavit n'a en grande partie rien à voir avec la question de l'emploi aux fins de la présente procédure. Par exemple, le Propriétaire atteste qu'il a vendu une gamme de marchandises arborant la Marque au Toronto Clothing Show (défilé de mode de Toronto) en 2007 et en 2008 et à l'Afrofest (festival africain) en 2008, des événements qui sont tous survenus avant la période pertinente.

[11]           De plus, une grande partie de la preuve se rapporte aux efforts du Propriétaire visant à promouvoir la marque SWAGGER; cependant, cette preuve ne démontre pas le transfert des marchandises dans la pratique normale du commerce tel que l'exige l'article 4(1) de la Loi. À cet égard, la preuve du Propriétaire présente ce qui suit : des imprimés publicitaires et des évaluations issues de blogues (Pièce G); des lettres adressées à divers détaillants et distributeurs de vêtements (Pièce C); des lettres adressées à des célébrités comme Jay-Z (Pièce F); de la correspondance échangée avec des licenciés potentiels (Pièces E et H); et des photographies promotionnelles de vêtements, accessoires et articles de toilette arborant la Marque (Pièce I). Comme je l'ai déjà indiqué, certaines parties des pièces sont présentées sans contexte adéquat, et on ne sait pas si les articles apparaissant dans les photographies promotionnelles étaient réellement offerts en vente au cours de la période pertinente.

[12]           Le Propriétaire fournit des éléments de preuve issus de la période pertinente qui semblent se rapporter à davantage que des activités promotionnelles. Par exemple, le Propriétaire atteste que 5 200 [traduction] « étiquettes Swagger » tissées ont été achetées d'un tiers en 2010. Dans la Pièce D, le Propriétaire joint des reçus à l'appui de cette attestation. Il atteste également que les étiquettes ont été employées sur ses produits, dont les produits présentés dans les photographies promotionnelles de la Pièce I, bien qu'il ne précise pas à quel moment ou à quel endroit ces produits ont été offerts en vente. En tout état de cause, l'achat par le Propriétaire d'étiquettes arborant la Marque ne constitue pas un emploi de la Marque aux fins de la présente procédure.

[13]           Le Propriétaire atteste également que la Pièce D comporte des reçus de vente de 2011; cependant, il ne donne pas plus de détails en ce qui concerne ces ventes présumées, permettant apparemment à la pièce de parler d'elle-même. En effet, la Pièce D présente ce qui semble être 16 reçus manuscrits, chacun étant daté du « 01/01/11 ». Les reçus semblent présenter des ventes individuelles d'articles vestimentaires, certains correspondant à des marchandises décrites dans l'enregistrement. Ceux-ci comprennent des tee-shirts, des jeans, des chapeaux, des capines, des vestes et des chaussures. Cependant, je souligne que ces reçus n'arborent pas la Marque et que le Propriétaire n'indique pas en détail le contexte des transactions, et notamment si ces ventes ont été faites en lien avec des articles vestimentaires arborant la Marque.

[14]           En ce qui concerne les services d'édition de magazines, je soulignerais en premier lieu que le Propriétaire atteste qu'il [traduction] « a enregistré le nom de domaine Internet www.swaggerswagger.com pour commercialiser [sa] marque et [lui] permettre d'offrir [ses] produits aux consommateurs canadiens et étrangers ». À l'appui de cette affirmation, il fournit dans la Pièce A une copie d'une recherche du nom de domaine et un avis de renouvellement du nom de domaine. Il atteste également que [traduction] « des photographies, des produits, des magazines et du matériel promotionnel en lien avec [sa] marque de commerce/nom commercial Swagger sont joints… comme Pièce I ».

[15]           Dans la Pièce I, le Propriétaire fournit un instantané de mauvaise qualité de son site Web, www.swaggerswagger.com. Cependant, l'imprimé n'est pas daté, et la seule date visible sur la page Web elle-même est le 3 juin 2008, une date antérieure à la période pertinente. En tout état de cause, rien dans cet instantané ne signale la production ou la distribution d'un magazine quelle qu'en soit la forme.

[16]           La Pièce I présente en outre deux pages d'un imprimé issu d'un autre site Web, www.swaggeroriginal.com. La première page présente un article intitulé « In Design – Beautiful Dwellings » (Déco intérieure – Jolies habitations), apparemment publié le 19 mai 2012. Une troisième page présentée à la suite de ces deux imprimés de pages Web est intitulée « SWAGGER NEWS » (NOUVELLES SWAGGER); la date se trouvant au bas de la page est [traduction] « Mars 2012 ». On ne sait pas trop si cette troisième page provient du même site Web ou d'une source différente. En tout état de cause, si la Marque figure sur ces pages, le Propriétaire ne fournit aucun renseignement concernant qui a exploité le site Web ou qui a produit les articles.

Emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises

[17]           Comme je l'ai déjà souligné, plutôt que de décrire les ventes, l'affidavit du Propriétaire explique pour la majeure partie ses efforts visant à promouvoir et à mettre en valeur son entreprise. Par exemple, le Propriétaire souligne en détail avoir distribué des échantillons gratuits à l'occasion de plusieurs événements et ses efforts en vue d'obtenir l'appui de célébrités pour ses produits. Cependant, il a été établi que la distribution gratuite de marchandises ne constitue pas un emploi dans la pratique normale du commerce [voir JC Penney Co c Gaberdine Clothing Co (2001), 16 CPR (4th) 151 (CF 1re inst.)]. À l'audience, la Partie requérante a soutenu que la plupart des déclarations du Propriétaire présentées dans son affidavit tenaient de l'aspiration et étaient axées sur l'intention qu'avait le Propriétaire d'employer la Marque plutôt que sur l'emploi réel. Je conviens avec la Partie requérante que les efforts promotionnels du Propriétaire ne démontrent aucunement l'emploi de la Marque au sens de l'article 4(1) de la Loi.

[18]           Comme je l'ai déjà mentionné, le Propriétaire atteste qu'il a vendu une gamme de marchandises à l'occasion de défilés de mode et de festivals en 2007 et en 2008. Cependant, ces ventes n'établissent pas l'emploi de la Marque aux fins de la présente procédure, parce que les ventes ont eu lieu avant la période pertinente.

[19]           De plus, en ce qui concerne les reçus de la Pièce D portant la date « 01/01/11 », je ne puis admettre que ces reçus établissent l'emploi de la Marque pour deux raisons. En premier lieu, on ne sait pas avec certitude si les reçus représentent des ventes de marchandises arborant la Marque telle qu'elle est enregistrée. À cet égard, le Propriétaire ne fournit aucun détail à propos des ventes et la Marque ne figure pas sur les reçus. En second lieu, les reçus ne semblent pas représenter des ventes faites dans la pratique normale du commerce. Il semblerait que les reçus ont tous été préparés le jour de l'An 2011. Étant donné que le reste de la preuve n'établit pas de ventes effectuées au cours de la période pertinente et que le Propriétaire n'a pas fourni d'explication relativement aux reçus de 2011, il est difficile de conclure que les reçus font la preuve de véritables transactions commerciales [voir Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst.)].

[20]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que le Propriétaire n'a pas établi l'emploi de la Marque en liaison avec l'une ou l'autre des marchandises visées par l'enregistrement au sens des articles 4(1) et 45 de la Loi.

Emploi de la Marque en liaison avec les Services

[21]           En ce qui concerne les services visés par l'enregistrement, le Propriétaire présente des instantanés d'un site Web, www.swaggeroriginal.com, qui semblent présenter des parties d'un « magazine » en ligne. Les dates présentées sur les pages sont comprises dans la période pertinente, et la Marque figure sur les deux pages. Cependant, comme l'a souligné la Partie requérante à l'audience, le Propriétaire ne fournit aucune explication quant à la pertinence de ces pages Web ou de ces instantanés. En effet, si le Propriétaire atteste que son site Web est celui qui s'affiche au www.swaggerswagger.com et s'il fournit des documents d'enregistrement pour démontrer qu'il en a la propriété, il ne fait aucune mention de l'adresse www.swaggeroriginal.com dans le corps de son affidavit. Rien dans la pièce elle-même ne me permet de conclure que le site Web est détenu ou exploité par le Propriétaire ou que les articles ont été produits par le Propriétaire ou un licencié. En l'absence d'explications supplémentaires, je ne peux conclure que la présentation de la Marque sur ce site Web constitue un emploi par le Propriétaire en liaison avec les services visés par l'enregistrement.

[22]           Par conséquent, j'estime que le Propriétaire n'a pas établi l'emploi de la Marque en liaison avec les services visés par l'enregistrement au sens des articles 4(2) et 45 de la Loi.

Circonstances spéciales

[23]           Quant à la question de savoir s'il existait des circonstances spéciales de nature à justifier le défaut d'emploi de la Marque, le Propriétaire n'atteste pas explicitement qu'il existait des circonstances spéciales. Cependant, il atteste qu'il est [traduction] « partie à un litige depuis deux ans qui l'oppose à Proctor & Gamble … pour protéger [sa] marque de commerce ».

[24]            La question de savoir s'il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi repose sur l'examen de trois critères : en premier lieu, la durée de la période pendant laquelle la marque n'a pas été employée; en second lieu, si les raisons du défaut d'emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; en dernier lieu, s'il existe une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la marque à court terme [voir Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]. Il a été établi que le deuxième critère doit obligatoirement être rempli pour que l'on puisse conclure à l'existence de circonstances spéciales [voir Smart & Biggar c Scott Paper Ltd (2008), 65 CPR (4th) 303 (CAF)].

[25]           En l'espèce, il semblerait que le Propriétaire s'est engagé dans un litige l'opposant à Proctor & Gamble quelque temps après leur correspondance initiale du 25 novembre 2008, qui a duré une période indéterminée. Malgré le litige, le Propriétaire a maintenu ses activités de promotion et ses tentatives pour établir des relations commerciales avec des détaillants de vêtements. Par conséquent, l'ensemble de la preuve indiquerait que le litige n'était pas la cause du défaut d'emploi. Il semblerait plutôt que, au mieux, le Propriétaire n'a pas employé la Marque en raison des conditions difficiles ou défavorables du marché. De telles conditions ne sont généralement pas considérées comme des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi [tel qu'il a été établi dans Harris Knitting Mills, précité].

[26]           En conséquence, j'estime que le Propriétaire n'a pas établi l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque.

Décision

[27]           Compte tenu de tout ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, l'enregistrement du Propriétaire sera radié.

[28]           Par souci de précision, je souligne que la présente décision s'applique uniquement à l'enregistrement qui appartient à Faisal Anashara (dossier no 1,597,597), et non à l'enregistrement détenu par Shulton Inc. (dossier no 1,597,598).

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Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 

 


Traduction certifiée conforme
Marie-Pierre Hétu, trad.

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