Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Capital Direct Lending Corp. à la demande No 1,214,210 produite par La Capitale assureur de l’administration publique inc. pour l’enregistrement de la marque de commerce C@P DIRECT                     

 

[1]               Le 7 mai 2004, La Capitale assureur de l’administration publique inc. (la « Requérante »), alors connue sous le nom La Capitale assurances MFQ inc., produisait une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce C@P DIRECT (la « Marque ») fondée sur l’emploi au Canada depuis le 12 décembre 2003 en liaison avec des services.

 

[2]               La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 31 août 2005.

 

[3]               Le 20 octobre 2005, Capital Direct Lending Corp. (« l’Opposante ») produisait une déclaration d’opposition. Le 6 décembre 2005, la Requérante produisait une contre-déclaration niant généralement et spécifiquement les allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

 

[4]               La preuve de l’Opposante, en vertu de la règle 41 du Règlement sur les marques de commerce (le « Règlement »), est constituée d’un affidavit de Richard Nichols, « General Manager » de l’Opposante depuis plus de sept ans, et d’un affidavit de Janine MacNeil, une parajuriste à l’emploi des agents de marques de commerce de l’Opposante. Monsieur Nichols mentionne être notamment responsable des opérations journalières du bureau de Vancouver, du marketing et de la publicité de l’Opposante. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

 

[5]               La preuve de la Requérante, en vertu de la règle 42 du Règlement, est constituée d’un affidavit de Pierre Dansereau, Vice-président marketing et communications de la Requérante depuis le 16 août 2005, et d’un affidavit Lena Désilets, une parajuriste à l’emploi des agents de marques de commerce de la Requérante. Monsieur Dansereau mentionne qu’il travaille dans le domaine de l’assurance et des services financiers depuis 1985. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé.

 

[6]               Chaque partie a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience.

 

[7]               Le 12 février 2009, le registraire acceptait une demande d’enregistrement amendée. En conséquence, l’état déclaratif des services de la demande d’enregistrement se lit actuellement:

 

Services financiers offerts par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe nommément des services de prêts hypothécaires et de prêts personnels, cartes de crédit, carte budget-escompte, perception de primes et de retenue salariale et des services d'assurance transactionnels ainsi que des services d'information offerts à distance nommément par téléphone et par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe sur les services financiers nommément des services de prêts hypothécaires et de prêts personnels, cartes de crédit, carte budget-escompte, perception de primes et de retenue salariale et sur les services d'assurance.

 

[8]               Moins de deux semaines avant l’audience, l’Opposante demandait la permission d’amender sa déclaration d’opposition pour ajouter un motif d’opposition fondée sur la non-conformité à l’article 30a) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »). La Requérante a indiqué ne pas avoir d’objection à la permission demandée par l’Opposante. Je confirme par ma décision d’aujourd’hui que lors de l’audience, j’ai accordé à l’Opposante la permission de produire la déclaration d’opposition amendée conformément à la règle 40 du Règlement. Lors de l’audience, l’Opposante a indiqué qu’elle retirait le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)b) de la Loi.

 

[9]               Compte tenu de ce qui précède, les motifs d’opposition de la déclaration d’opposition présentement au dossier sont à l’effet que : (i) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30a) et de l’article 30b) de la Loi; (ii) la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’article 12(1)d) de la Loi; (iii) la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(1)a) et de l’article 16(1)c) de la Loi; (iv) la Marque n’est pas distinctive.

 

[10]           Il incombe à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition. Une fois ce fardeau de preuve initial rencontré, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun des motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al, (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.F.A.); et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company (2005), 41 C.P.R. (4th) 223 (C.F.)].

 

DATES PERTINENTES

 

[11]           Les dates pertinentes pour l’appréciation des circonstances relatives à chacun des motifs d’opposition en l’espèce sont les suivantes :

 

  • article 38(2)a) conformité à l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];
  • article 38(2)b) enregistrabilité en vertu de l’article 12(1)(d) de la Loi : la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.F.A.)];
  • article 38(2)c) – droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1) de la Loi : la date de premier emploi alléguée dans la demande;
  • article 38(2)d) – distinctivité : date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

 

ANALYSE DES MOTIFS D’OPPOSITION

 

[12]           J’analyserai ci-dessous les motifs d’opposition en regard de la preuve versée au dossier. Je note n’accorder aucune signification aux opinions exprimées par l’un ou l’autre des déposants. Je note également que l’Opposante n’a pas présenté d’argument pour expliquer ce qu’elle tentait de prouver par l’affidavit MacNeil. En conséquence, je considérerai cet affidavit dans le cadre de mon analyse uniquement par rapport à un argument soumis par la Requérante lors de l’audience.

 

Conformité à l’article 30 de la Loi

 

[13]           Pour les fins de mon analyse des motifs d’opposition fondés sur la non-conformité à l’article 30 de la Loi, je note que M. Dansereau déclare ce qui suit au paragraphe 4 de son affidavit :

 

La Requérante fait partie d’un groupe de sociétés offrant une gamme de services financiers et d’assurance dont, entre autres sociétés, la Capitale mutuelle de l’administration publique, La Capitale assurances générales inc. et La Capitale gestion financière inc. (ci-après collectivement « La Capitale »). 

 

[14]           Conformément à l’affidavit Dansereau, toute mention ultérieure de « La Capitale » dans ma décision constitue une référence au groupe de sociétés auquel appartient la Requérante. Cependant, toute ambiguïté découlant de la référence collective à La Capitale dans l’affidavit Dansereau sera résolue à l’encontre de la Requérante [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.)].

 

Article 30a) de la Loi

 

[15]           La déclaration d’opposition ne comporte aucune allégation à l’appui du motif d’opposition selon lequel les services ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce. De plus, l’Opposante n’a produit aucun élément de preuve au sujet de ce motif d’opposition. Toutefois, elle a fait des représentations lors de l’audience. Or, dans McDonald's Corp. c. M.A. Comacho-Saldana International Trading Ltd. (1984), 1 C.P.R. (3d) 101 (C.O.M.C.), le registraire concluait qu’il suffisait à un opposant de présenter un argument satisfaisant pour se décharger de son fardeau de preuve initial relativement à un motif d’opposition fondé sur l’article 30a) de la Loi. Quant au critère à appliquer pour décider de ce motif d’opposition, dans Dubiner c. Heede International Ltd. (1975), 23 C.P.R. (2d) 128 (C.O.M.C.), le registraire indiquait qu’une requérante doit décrire clairement les marchandises ou services de la façon dont ils sont habituellement désignés dans le commerce.

 

[16]           L’Opposante prétend que la preuve de la Requérante, notamment les paragraphes 12 et 13 de l’affidavit Dansereau reproduits ci-dessous, démontre qu’une description des services dans les termes ordinaires du commerce devrait référer à un « portail » :

 

12. […] C@P DIRECT est la marque en liaison avec laquelle est commercialisé le portail sécurisé à l’intérieur duquel sont regroupés les services financiers et d’assurance en ligne offerts par La Capitale. Une ligne téléphonique de dépannage est également disponible lorsque les utilisateurs du portail éprouvent des problèmes;

 

13. Le portail est accessible par le biais du site web www.lacapitale.com aux seuls clients de La Capitale détenant un mot de passe pour accéder au portail. Le nom de domaine enregistré et actif www.capdirect.com redirige automatiquement l’internaute sur le site www.lacapitale.com. C’est dire que tous les services offerts par le biais du portail C@P DIRECT sont toujours offerts de manière accessoire à l’offre de service globale de La Capitale et aux seuls clients de cette dernière inscrits à l’outil que constitue le portail C@P DIRECT;

 

[17]           En réponse aux prétentions de l’Opposante, la Requérante soumet qu’un « portail » est une entrée sur l’Internet. Dans la mesure où l’état déclaratif des services prévoit spécifiquement que ceux-ci sont « offerts par Internet », elle soumet que les services sont décrits dans les termes ordinaires du commerce.

 

[18]           Puisque je peux de mon propre chef référer à des dictionnaires [voir Insurance Co. of Prince Edward Island c. Prince Edward Island Insurance Co. (1999), 2 C.P.R. (4th) 103 (C.O.M.C.)], je note que les définitions de « portail » dans le dictionnaire Le Petit Robert incluent : « Inform. Site d’accès au réseau Internet dont la page d’accueil propose une gamme de services et permet d’accéder à d’autres sites. »

 

[19]           Même si j’accepte que l’argument de l’Opposante lui permet de rencontrer son fardeau de preuve, l’argument de la Requérante est suffisant pour me convaincre que les services associés à la Marque sont définis dans les termes ordinaires du commerce. En d’autres mots, j’estime que l’absence du terme « portail » dans l’état déclaratif des services n’est pas suffisant pour conclure que la demande n’est pas conforme à l’article 30a) de la Loi.

 

[20]           Eu égard à ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30a) de la Loi.

 

Article 30b)

 

[21]           Dans la mesure où la Requérante a plus facilement accès aux faits, le fardeau initial de preuve qui incombe à l’Opposante relativement au motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30b) de la Loi est moins lourd [voir Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.)]. L'Opposante peut s'appuyer sur la preuve de la Requérante pour s'acquitter de ce fardeau, mais elle doit démontrer que cette preuve est clairement incompatible avec l’allégation d’emploi de la Marque depuis le 12 décembre 2003 en liaison avec les services identifiés dans la demande [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)].

 

[22]           Dans le cas présent, l’Opposante n’a présenté aucune preuve au soutien de son motif d’opposition. Elle s’appuie sur la preuve de la Requérante, dont je discute ci-dessous, pour s’acquitter de son fardeau de preuve.

 

[23]           M. Dansereau déclare que La Capitale offre certains de ses services financiers et d’assurances en ligne depuis la fin de 1999, lesquels ont évolué au fil des ans afin, notamment, de permettre certaines transactions en ligne [paragraphe 8]. Il déclare que ces services financiers et d’assurance en ligne sont regroupés depuis au moins aussitôt que le 12 décembre 2003 sur le portail C@P DIRECT qui est géré par la Requérante [paragraphe 9]. Il ajoute au paragraphe 10 de son affidavit : « La Requérante édicte, et s’assure du respect, des normes graphiques relatives à l’emploi de la marque C@P DIRECT pour la promotion du portail C@P DIRECT. »

 

[24]           Au paragraphe 11 de son affidavit, M. Dansereau déclare que la Marque est employée par La Capitale depuis au moins aussitôt que le 12 décembre 2003 en liaison avec les services correspondant à ceux de la demande d’enregistrement au dossier à la date de l’affidavit (1 mars 2007). J’estime raisonnable de conclure que la déclaration de M. Dansereau s’applique à l’état déclaratif des services de la demande d’enregistrement amendée présentement au dossier.

 

 

[25]           M. Dansereau déclare que la pièce PD-1 à son affidavit est une copie d’une page du site web « www.lacapitale.com » datant du 12 septembre 2002 faisant voir la marque C@P DIRECT à titre d’onglet sur lequel l’usager peut cliquer pour accéder au portail [paragraphe 14]. Afin de démontrer la façon dont la Marque est employée, il produit en liasse un échantillonnage de dépliants promotionnels [pièce PD-2]. Il déclare que ces dépliants font état de divers services financiers et d’assurances offerts par La Capitale via la portail C@P DIRECT et qu’ils sont représentatifs de l’emploi de la Marque depuis au moins aussitôt que le 12 décembre 2003 [paragraphe 15].

 

[26]           Lors de l’audience, la Requérante a souligné que la pièce A de l’affidavit MacNeil qui consiste en une copie de la page d’accueil du site web « www.lacapitale.com » démontre l’emploi de la Marque dans l’annonce des services identifiés dans la demande. Bien que la copie de la page d’accueil soit en partie tronquée, je constate la présence de la Marque suivie d’espaces pour l’entrée d’un code d’usager et d’un mot de passe. Quoiqu’il en soit, la page d’accueil ayant été imprimée le 5 juillet 2006, la pièce A est postérieure à la date critique pour les fins de ce motif d’opposition.

 

[27]           L’Opposante a fait très peu de représentations relativement au motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30b) de la Loi dans son plaidoyer écrit. Ces représentations se retrouvent au paragraphe 27 du plaidoyer écrit que je reproduis en partie ci-dessous :

 

Although a hand written note below the screen capture on the photocopied pages states September 12, 2002, there is no demonstrable link between the stated date and the web site. On a related note, the Application claims use of the Trade-mark “since December 12, 2003” and not “since at least as early as December 12, 2003”. Strictly speaking, reference PD-1 does not support the use claim in the Application. Similarly, the copy of the pamphlet included under PD-2 to Mr. Dansereau’s Affidavit does not contain any date.

 

[28]           Je note d’emblée que je ne retiens pas l’argument de l’Opposante concernant l’absence de dates sur les dépliants. M. Dansereau déclare clairement qu’ils sont représentatifs de l’emploi de la Marque depuis au moins aussitôt que le 12 décembre 2003.

 

[29]           Dans son plaidoyer écrit, l’Opposante remet en cause la valeur de la pièce PD-1 comme preuve d’emploi de la Marque au 12 septembre 2002. Lors de l’audience, l’Opposante s'est fondée sur la pièce PD-1 pour argumenter que cette dernière et la déclaration au paragraphe 14 de l’affidavit Dansereau démontrent l’emploi de la Marque depuis le 12 septembre 2002, alors que la demande revendique l’emploi depuis le 12 décembre 2003. L’Opposante a également souligné que l’affidavit Dansereau réfère au nombre de clients qui ont adhéré au portail C@P DIRECT pour l’année 2002 [paragraphe 16]. En d’autres mots, lors de l’audience, l’Opposante a pris la position que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30b) parce que la preuve de la Requérante démontre l’emploi de la Marque antérieurement à la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement. Lors de l’audience, l’Opposante a également fait des représentations à l’effet que la preuve de la Requérante ne démontre pas l’emploi de la Marque en liaison avec les services identifiés dans la demande. Alternativement, l’Opposante a soumis que la preuve de la Requérante démontre tout au plus l’emploi de la Marque en liaison avec les services d’information à distance mais que cet emploi contrevient à l’article 50(1) de la Loi.

 

[30]           Puisque la Requérante n’a pas le fardeau initial de prouver l’emploi de la Marque en liaison avec les services libellés dans la demande depuis la date revendiquée, il s’agit de déterminer si la preuve d’emploi de la Marque présentée par la Requérante est clairement incompatible avec l’allégation d’emploi en liaison avec les services identifiés dans la demande depuis le 12 décembre 2003. Selon les représentations de l’Opposante, il y a trois volets à considérer.

 

[31]           Le premier volet est fondé sur les représentations de l’Opposante à l’effet que l’affidavit Dansereau démontre une date de premier emploi antérieure à la date de premier emploi revendiquée. Je note que la jurisprudence reconnaît qu’une requérante peut revendiquer une date de premier emploi postérieure à la date effective de premier emploi, et ce dans l’intérêt d’une plus grande certitude [voir Marineland c. Marine Wonderland and Animal Park (1974), 16 C.P.R. (2d) 97 (C.F. 1re inst.)]. En conséquence, je ne retiens pas l’argument de l’Opposante. Il devient donc nécessaire de considérer le deuxième volet fondé sur les représentations de l’Opposante à l’effet que la preuve de la Requérante ne démontre pas l’emploi de la Marque en liaison avec les services identifiés dans la demande.

 

[32]           Lors de l’audience, l’Opposante a principalement fondé ses représentations sur les dépliants promotionnels [pièce PD-2] et l’exemple d’un message apparaissant sur les relevés mensuels de comptes papiers [Pièce PD-3] produits par M. Dansereau. Elle a aussi argumenté que l’affidavit Dansereau ne démontre pas l’emploi de la Marque en liaison avec les services parce qu’il se limite à démontrer l’emploi de la Marque dans l’annonce de services. En ce qui concerne cet argument, il suffit de rappeler que l’article 4(2) de la Loi prévoit qu’une marque de commerce est réputée employée au Canada en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce des services (mon souligné). En conséquence, je vais procéder à l’examen des trois dépliants compris dans la pièce PD-2.

 

[33]           Le recto et le verso des dépliants intitulés respectivement Changez « d’ère »! et Prévenez les « coûts »!  démontrent le nom La Capitale gestion financière inc. Chaque dépliant contient, entre autres, une représentation de la page d’accueil d’un site web sur lequel apparaît la Marque. Le dépliant Changez « d’ère »! fait la promotion de l’adhésion au relevé de Carte Capitale par Internet. Le dépliant Prévenez les « coûts »! contient un formulaire d’adhésion à la Carte Capitale et de l’information relative aux privilèges qui y sont reliés, de même que de l’information sur un service téléphonique et des services en ligne. Le service téléphonique et les services en ligne sont décrits ainsi qu’il suit :

 

Le service téléphonique Info solde ainsi que les services en ligne de Carte Capitale vous permettent d’avoir accès, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, au solde de votre compte Carte Capitale et de demander un retrait en tout temps. Le service C@P DIRECT au www.lacapitale.com vous permet de consulter l’historique de vos transactions, de recevoir votre relevé mensuel par Internet, de créer en tout temps de nouvelles enveloppes budgétaires et même de consulter votre rapport de consommation d’essence personnalisé.

 

[34]           L’information retrouvée dans le dépliant Prévenez les « coûts »! suggère que le service téléphonique est associé à « Info Solde » et non à la Marque et que les services en ligne permettant «de demander un retrait en tout temps » sont associés à Carte Capitale. Ceci étant dit, M. Dansereau a clairement déclaré que les services offerts par le biais du portail C@P DIRECT sont toujours offerts de manière accessoire à l’offre de service globale de La Capitale. De plus, je n’ai aucune raison de remettre en cause sa déclaration quant à la disponibilité d’une ligne téléphonique de dépannage pour les utilisateurs du portail. Je reconnais la difficulté de relier précisément les services « permettant de demander un retrait en tout temps » et « de créer en tout temps de nouvelles enveloppes budgétaires » à l’un des services financiers offerts par l’Internet, tels que spécifiquement identifiés dans la demande d’enregistrement. Ceci étant dit, M. Dansereau a déclaré que les dépliants promotionnels font état de divers services financiers et d’assurance offerts par La Capitale via la portail C@P DIRECT. En conséquence, j’estime inapproprié de conclure que les deux premiers dépliants concernent tous les services financiers offerts par l’Internet associés à la Marque.

 

[35]           Le recto et le verso du troisième dépliant intitulé Votre dossier d’assurances en quelques clics! démontrent un logo composé des termes La Capitale assurances générales. La Marque apparaît dans le dépliant qui indique : « Avec C@P DIRECT, vous pouvez désormais consulter en ligne vos polices d’assurances ». Bien que l’Opposante a correctement soumis que le dépliant ne fait pas spécifiquement référence à des services d’assurances transactionnels, pour la même raison que dans le cas des deux autres dépliants, j'estime inapproprié de conclure que le troisième dépliant concerne tous les services d’assurance associés à la Marque.

 

[36]           En ce qui a trait à la pièce PD-3, l’Opposante soumet qu’elle réfère à l’obtention d’un relevé par l’Internet en s’inscrivant à C@P DIRECT et non à l’offre des services financiers ou d’assurance transactionnels. Or, j’estime également inapproprié de tirer une conclusion défavorable à la Requérante sur la base de la pièce PD-3. J’ajouterais que la possibilité de créer de nouvelles enveloppes budgétaires, dont fait état le deuxième dépliant, suggère que le portail C@P DIRECT soit effectivement un site transactionnel.

 

[37]           Eu égard à ce qui précède, lorsque je considère l’affidavit Dansereau dans son ensemble, j’estime que la preuve de la Requérante n’est pas clairement incompatible avec l’allégation d’emploi de la Marque en liaison avec les services identifiés dans la demande depuis le 12 décembre 2003. Il devient donc nécessaire de considérer le troisième volet fondé sur les représentations de l’Opposante à l’effet que la preuve de la Requérante démontre que l’emploi de la Marque contrevient à l’article 50(1) de la Loi.

 

[38]           Lors de l’audience, la Requérante a soumis que l’affidavit Dansereau ne démontre pas l’emploi de la Marque par des tiers. Or, ces soumissions sont clairement contredites par M. Dansereau lorsque ce dernier déclare que la Marque est utilisée par La Capitale, cette référence désignant des sociétés membres du groupe La Capitale. D’ailleurs, je rappelle les mentions de La Capitale gestion financière inc. et La Capitale assurances générales sur les dépliants, lesquelles sont spécifiquement identifiées par M. Dansereau comme des sociétés distinctes de la Requérante. En réponse à mes remarques à cet effet lors de l’audience, la Requérante a soumis que les déclarations de M. Dansereau étaient suffisantes pour prouver que l’emploi de la Marque était conforme aux dispositions de l’article 50(1) de la Loi.

 

[39]           La structure organisationnelle seule ne suffit pas pour établir l'existence d'une licence au sens de l'article 50(1) de la Loi. La preuve doit démontrer que la Requérante contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des services en liaison avec lesquels la Marque a été employée par d’autres sociétés membres du groupe La Capitale [voir MCI Multinet Communications Corp. c. MCI Multinet Communications Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 245 (C.O.M.C.); Loblaws Inc. c. Tritap Food Broker (1999), 3 C.P.R. (4th) 108 (C.O.M.C.)]. L'article 50(1) de la Loi n'exige pas une entente écrite. La preuve du contrôle exercé par la propriétaire d'une marque de commerce peut indiquer l'existence d'une licence implicite [voir Well's Dairy Inc. c. UL Canada Inc. (2000), 7 C.P.R. (4th) 77 (C.F. 1re inst.)].

 

[40]           Tel que mentionné précédemment, M. Dansereau a spécifiquement déclaré que le portail est géré par la Requérante, laquelle édicte et s’assure du respect des normes graphiques relatives à l’emploi de la Marque pour la promotion du portail. En conséquence, j’accepte les soumissions de la Requérante à l’effet que les déclarations de M. Dansereau sont suffisantes pour conclure, dans les circonstances de l’espèce, que l’emploi de la Marque par les sociétés membres du groupe La Capitale a bénéficié à la Requérante conformément aux dispositions de l’article 50(1) de la Loi.

 

[41]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve concernant le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30b) de la Loi. En conséquence, je rejette ce motif d’opposition.

 

Enregistrabilité

 

[42]           Le motif d’opposition, tel que plaidé, allègue que la Marque n’est pas enregistrable « because it is confusing with the Opponent’s registered trade-mark », sans fournir de précision quant à la marque de commerce enregistrée. Par contre, la pièce A de l’affidavit Nichols est un certificat d’authenticité du 30 juin 2006 de l’enregistrement no LMC524,691 du 13 mars 2000 pour la marque de commerce CAPITAL DIRECT & Dessin, illustrée ci-dessous, enregistrée en liaison avec « mortgage brokerage services » (services de courtage hypothécaire).

 

CAPITAL DIRECT & DESIGN

 

[43]           Compte tenu de la preuve de l’Opposante, j’estime que la Requérante pouvait à tout le moins comprendre que l’Opposante alléguait que la Marque prête à confusion avec la marque de commerce CAPITAL DIRECT & Dessin de l’enregistrement no LMC524,691 [voir Novopharm Ltd. c. Astra AB (2002), 21 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.)]. D’ailleurs, la Requérante a reconnu dans son plaidoyer écrit que ce motif d’opposition est fondé sur l’enregistrement no LMC524,691. Suite à l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire pour confirmer que l’enregistrement demeure en règle, je conclus que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de ce motif d’opposition. En conséquence, il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre les marques de commerce en cause. À moins d’indication contraire, la mention « la Marque de l’Opposante » dans le cadre de mon analyse des circonstances de l’espèce est une référence à la marque de commerce CAPITAL DIRECT & Dessin de l’enregistrement no LMC524,691. À ce moment-ci, je note que la Requérante a soumis que l’emploi de la marque de commerce illustrée ci-dessous, démontrée par certaines pièces jointes à l’affidavit Nichols, ne constitue pas un emploi de la Marque de l’Opposante.

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[44]           À mon avis, les différences n’affectent pas le caractère distinctif de la Marque de l’Opposante, ni n’influent sur son identité. En conséquence, je partage l’opinion de l’Opposante à l’effet qu’une preuve d’emploi de la marque de commerce illustrée ci-dessus constitue une preuve d’emploi de la Marque de l’Opposante [voir Canada (Registrar of Trade-marks) c. Cie internationale pour l’informatique Honeywell Bull (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.F.A.); Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 (C.F.A.)].

 

[45]           Lorsqu’il s’agit de décider de la question de la confusion entre les marques de commerce en cause, il faut appliquer le test de la première impression. Plus précisément, il faut se demander si un consommateur ayant un souvenir imparfait de la Marque de l’Opposante peut croire à tort que les services associés à la Marque proviennent de l’Opposante ou sont autorisés par cette dernière. Pour ce faire, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, incluant les critères énoncés à l’article 6(5) de la Loi, à savoir: (a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; (b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; (c) le genre de marchandises, services ou entreprises; (d) la nature du commerce; (e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Tous ces critères ne doivent pas nécessairement se voir accorder la même pondération puisque, selon son importance, un critère peut l’emporter sur un ou plusieurs des autres [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.) et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al., [2006] 1 R.C.S. 824 (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.) pour une analyse approfondie des principes généraux applicables au test en matière de confusion]. Avant de considérer les circonstances de l’espèce, je tiens à formuler des remarques préliminaires.

 

[46]           M. Nichols déclare au paragraphe 3 de son affidavit : « Capital Direct uses CAPITAL DIRECT and CAPITAL DIRECT & Design as trade-marks in Candada ("the CAPITAL DIRECT Marks"). » En conséquence, toute mention ultérieure des « Marques CAPITAL DIRECT » dans ma décision constitue une référence collective à la marque de commerce CAPITAL DIRECT et à la Marque de l’Opposante conformément à l’affidavit Nichols. Par contre, toute ambiguïté découlant de l’absence de précision quant à savoir si les éléments de preuve se rapportent à la marque de commerce CAPITAL DIRECT ou à la Marque de l’Opposante sera résolue à l’encontre de l’Opposante.

 

[47]           Je n’accorde aucune signification à la déclaration de M. Dansereau à l’effet que la Marque fait partie d’une famille de marques commerce « CAP » [paragraphe 7]. Le simple fait que M. Dansereau identifie neuf autres marques de commerce ne me permet pas de conclure à l’existence d’une famille de marques. Il n’y a aucune preuve d’emploi des marques de commerce alléguées [voir MacDonald’s Corporation c. Yogi Yogurt Ltd. (1982), 66 C.P.R. (2d) 101 (C.F. 1re inst.)].

 

[48]           Finalement, en raison des représentations de la Requérante quant à l’analogie entre la présente affaire et l’affaire Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc. (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F. 1re inst.), je note que la question de la confusion entre les marques qui nous occupent est une question de probabilités et de circonstances eu égard aux faits particuliers de la présente affaire. En d’autres mots, chaque cas doit être considéré selon les circonstances de l’espèce.

 

         le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

[49]           M. Dansereau déclare que l’expression « direct » dans la Marque « réfère à l’instantané, l’accès aux données en temps réel et accessible facilement » et « réfère également à la notion d’assurance « directe » offerte sans intermédiaire à la clientèle de La Capitale » [paragraphe 20]. Je remarque d’une part que la Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot « direct » en dehors de la Marque. D’autre part, malgré l’utilisation de l’arobas (@) au lieu de la lettre « a », la composante C@P se rapproche de « cap » qui est un terme du langage courant, tant en français qu’en anglais, quoique non descriptif des services associés à la Marque. Cependant, même si je retiens les prétentions de la Requérante à l’effet que l’emploi de l’arobas au lieu de la lettre « a » confère une certaine originalité à la Marque, il n’en reste pas moins que l’arobas est un caractère typographique utilisé dans les adresses de courrier électronique. En conséquence, j’estime qu’une connotation suggestive se rattache à l’emploi de l’arobas dans la Marque associée à des services offerts par Internet.

 

[50]           L’enregistrement no LMC524,691 contient un désistement du droit à l’usage exclusif des mots « capital » et « direct » en dehors de la Marque de l’Opposante, ce qui a priori contredit les prétentions de l’Opposante à l’effet que les mots « capital» et « direct » ne sont pas descriptifs de ses services. Quoiqu’il en soit, j’estime que la Marque de l’Opposante est à tout le moins suggestive d’un accès direct à du capital, soit à une somme d’argent. J’ajouterais que l’Opposante dans son plaidoyer écrit reconnait que le concept de « capital » est intimement relié à des services financiers. L’élément graphique de la Marque de l’Opposante, à savoir les lettres « c » et « d », disposées de manière à former un signe de dollar ($), permet d’accroître son caractère distinctif, mais pas nécessairement de façon importante puisqu’il s’agit des premières lettres de chaque mot formant la Marque de l’Opposante.

 

[51]           À mon avis, les deux marques de commerce en cause possèdent un caractère distinctif inhérent, mais aucune ne bénéficie d’un caractère distinctif inhérent important. Il convient donc d’évaluer la preuve en vue de déterminer si la mesure dans laquelle chaque marque est devenue connue au Canada permet d’accroître son caractère distinctif inhérent. Je débuterai par l’analyse de la preuve de la Requérante suivie de l’analyse de la preuve de l’Opposante.

 

[52]           En plus de détailler le nombre de clients qui ont adhérés au portail C@P DIRECT pour les années 2002 à 2007, M. Dansereau déclare qu’environ 10 000 clients se sont connectés au portail C@P DIRECT depuis le 1 janvier 2004, que le taux d’utilisation est légèrement supérieur à 50%, et que près de 4000 clients visitent le portail au moins une fois par mois [paragraphe 16].

 

[53]           Au paragraphe 17 de son affidavit, M. Dansereau précise que l’annonce et la promotion du portail C@P DIRECT sont réalisées de façons différentes, comprenant: des dépliants promotionnels insérés lors de l’envoi des relevés mensuels de comptes papiers et l’envoi des polices d’assurances aux clients de La Capitale [pièce PD-2]; un message apparaissant sur les relevés mensuels de comptes papier [pièce PD-3]; et l’envoi d’un courriel spécifique aux clients qui ont demandé de l’information sur le relevé mensuel par Internet et le portail C@P DIRECT [pièce PD-4]. M. Dansereau déclare que les dépenses publicitaires relatives au portail C@P DIRECT ont représenté approximativement 5000$ par année depuis le 12 décembre 2003 [paragraphe 18].

 

[54]           Selon l’affidavit Dansereau, l’exploitation du portail associé à la Marque ne génère pas de revenu en soi, puisque l’ensemble des services qui y sont offerts est accessoire à l’ensemble des services offerts par La Capitale [paragraphe 19]. M. Dansereau fournit « un ordre de grandeur des revenus de quelques-uns des services financiers et d’assurance de La Capitale via, entre autres, le portail C@P DIRECT ». Les revenus présentés dans l’affidavit Dansereau concernent les services « prêts hypothécaires », « épargne et fonds » et « assurances générales ». M. Dansereau n’indique pas la période couverte par ses revenus.

 

[55]           Bien que je discute plus loin de la nature du commerce associée à la Marque, je note que M. Dansereau déclare au paragraphe 5 de son affidavit que les services financiers et d’assurances de la Capitale sont destinés au personnel des secteurs publics et parapublics du Québec, au personnel du secteur privé du Québec ou encore à la population en général du Québec (mes soulignés). En conséquence, considérant l’affidavit Dansereau dans son ensemble, j’estime approprier de conclure que la Marque est tout au plus devenue connue dans la province de Québec.

 

[56]           Au paragraphe 7 de son affidavit, M. Nichols déclare : « Capital Direct lends in excess of $5,000,000 every month to homeowners across Canada. As of June 30, 2006, Capital Direct has lent in excess of $235,355,415. » M. Nichols fait également état des revenus annuels de l’Opposante pour les années fiscales 1998 à 2005 [paragraphe 9]. Je partage l’opinion de la Requérante à l’effet qu’il est impossible de présumer que l’ensemble de la valeur des prêts et des revenus, tel que présenté dans l’affidavit Nichols, est attribuable à la Marque de l’Opposante.

 

[57]           M. Nichols déclare au paragraphe 10 de son affidavit : « CAPITAL DIRECT is the primary brand for Capital Direct. » Selon les déclarations de M. Nichols, l’Opposante a dépensé plus de 9 millions pour le marketing et la publicité des Marques CAPITAL DIRECT au Canada dans les huit années précédant la date de son affidavit (6 juillet 2006). Or, dans la mesure où les dépenses publicitaires concernent les Marques CAPITAL DIRECT, je conclus que l’ensemble de ces dépenses n’est pas applicable à la Marque de l’Opposante.

 

[58]           Aux paragraphes 11 à 30 de son affidavit, M. Nichols fait largement état des activités de l’Opposante à travers le Canada pour promouvoir par divers moyens les Marques CAPITAL DIRECT, à savoir : annuaires Pages Jaunes, sites web opérés par des tiers, journaux, publicité sur des stations de radio, publicité à la télévision, site web de l’Opposante, brochures et dépliants, envois postaux, et commandites d’organisations et de conférences. Divers documents relatifs aux activités publicitaires de l’Opposante couvrant les années 1998 à 2006 sont produits comme pièces à l’affidavit Nichols [pièces « B » à « MM »]. Chaque partie, tant dans son plaidoyer écrit que lors de l’audience, a présenté divers arguments concernant la valeur de ces éléments de preuve lorsqu’il s’agit de considérer la mesure dans laquelle la Marque de l’Opposante est devenue connue au Canada. Mes commentaires quant à ces éléments de preuve sont les suivants :

 

o   Annuaires Pages Jaunes [pièces « B » à « K »]: Même si la Requérante a correctement noté que certains spécimens démontrent les termes « Lending Corp. » sous la Marque de l’Opposante, je n’accepte pas les prétentions de la Requérante à l’effet qu’il s’agit d’un emploi du nom de l’Opposante. La question de savoir s’il peut y avoir à la fois un emploi de marque de commerce et de nom commercial dépend des circonstances de l’espèce [voir Road Runner Trailer Mfg. Ltd. c. Road Runner Trailer Co. Ltd. (1984), 1 C.P.R. (3d) 443 (C.F. 1re inst.)]. En plus du fait que les termes « Lending Corp. » sont présentés de façon distincte, soit en italique, le sigle apparaît à la droite de la Marque de l’Opposante. D’ailleurs, il y a une emphase réelle sur la Marque de l’Opposante. Ceci étant dit, je reconnais que la Marque de l’Opposante n’apparaît pas dans tous les spécimens joints à titre de pièces « B » à « K ».

 

o   Sites web opérés par des tiers [pièce « L »] : Monsieur Nichols réfère spécifiquement à neuf sites web. Il indique le nombre d’impressions par mois (exemple : « 250,000 ad impressions per month »). Toutefois, il ne donne aucune d’explication sur la signification de ces données ou de leur source. Il me semble raisonnable de conclure que les données ont été recueillies par les propriétaires des sites web, ce qui soulève des questions quant à l’admissibilité de cette preuve.

 

o   Journaux [pièces « M » à « T »] : Les pièces ne comprennent que des copies de factures émanant de divers journaux. Aucune pièce ne présente un spécimen de publicité. En raison de l’ambiguïté découlant de la référence aux Marques CAPITAL DIRECT, j’estime qu’il est impossible de présumer que la Marque de l’Opposante se retrouvait dans toutes les publicités.

 

o   Publicité radiophonique [pièces « U » à « GG »] : Je partage l’opinion de la Requérante à l’effet qu’il faut conclure que la Marque de l’Opposante ne peut être exhibée lors de publicités radiophoniques. En conséquence, j’estime que des publicités radiophoniques sont de peu d’utilité pour établir la mesure dans laquelle la Marque de l’Opposante est devenue connue. Au surplus, il appert que le témoignage de M. Nichols quant au nombre d’auditeurs des stations de radio en cause s’appuie sur des données colligées par des tiers et constitue à ce titre une preuve par ouï‑dire inadmissible. Aucune raison n’a été avancée pour expliquer pourquoi cette preuve ne pouvait être fournie par une personne qui en avait une connaissance directe [voir R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531].

 

o   Publicité télévisée [pièce « HH »] : Tel que soumis par la Requérante, la pièce qui consiste en un scripte d’une publicité télévisée représentative ne permet pas de confirmer que la Marque de l’Opposante a été exhibée dans la publicité télévisée. En conséquence, en raison de l’ambiguïté découlant de la référence aux Marques CAPITAL DIRECT, j’estime qu’il est impossible de présumer de la présence de la Marque de l’Opposante dans les publicités télévisées.

 

o   Site web de l’Opposante [pièce « II »]: La Marque est effectivement illustrée sur des pages du site web imprimées le 28 août 2006. Cependant, il n’y a aucune information sur le nombre de canadiens ayant accédés au site web de l’Opposante.

 

o   Brochures et dépliants [pièce « JJ »)] : Je note ici aussi que les spécimens démontrent les termes « Lending Corp. » sous la Marque de l’Opposante avec le sigle ® à sa droite. J’accepte que ces brochures et dépliants démontrent l’emploi de la Marque de l’Opposante. Toutefois, la preuve relative à leur distribution est limitée à la déclaration de M. Nichols à l’effet que les brochures et dépliants sont disponibles à travers le Canada.

 

o   Envois postaux [pièce « KK »] : Les brochures distribuées par la poste en 2004 et 2005 dans quatre villes canadiennes démontrent la Marque de l’Opposante. M. Nichols fournit également de l’information quant aux nombres de brochures distribuées.

 

o   Commandites [pièces « LL » et « MM »]. Les documents relativement à la commandite d’une conférence tenue à Vancouver démontrent la Marque de l’Opposante. Par contre, il n’y a pas d’information ni sur la date de cette conférence, ni sur le nombre de participants. Bien que la plaque remise en 2004 à l’Opposante pour souligner sa commandite du programme « CanWest Raise a Reader Program » démontre la Marque de l’Opposante, la déclaration de M. Nichols quant à la commandite de ce programme est de peu d’utilité pour établir la mesure dans laquelle la Marque de l’Opposante est devenue connue au Canada.

 

[59]           M. Nichols déclare que l’Opposante a été récipiendaire du « Consummer’s Choice Award for Best Mortgage Broker » en 2003 et 2004 [paragraphe 31, pièce « NN »]. Or, cette déclaration n’est pas utile pour établir la mesure dans laquelle la Marque de l’Opposante est devenue connue au Canada.

 

[60]           En raison de l’ambiguïté découlant de l’absence de précision quant à savoir si les éléments de preuve présentés par l’affidavit Nichols se rapportent à la marque de commerce CAPITAL DIRECT ou à la Marque de l’Opposante et des lacunes de l’affidavit Nichols, j’estime difficile de tirer une conclusion définitive quant à la mesure dans laquelle la Marque de l’Opposante est devenue connue au Canada. Même en présumant de la simple existence de l’enregistrement no LMC524,691 qu’il y a eu un emploi de minimis de la Marque de l’Opposante au Canada, je peux tout au plus conclure que la Marque de l’Opposante est devenue connue dans une faible mesure au Canada [voir la décision Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)].

 

         la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

 

[61]           La demande d’enregistrement est fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis le 12 décembre 2003. La Marque de l’Opposante a été enregistrée sur la base de l’emploi au Canada depuis au moins aussitôt que le 30 janvier 1998. Malgré les lacunes de l’affidavit Nichols, j’estime que des spécimens de publicité dans les annuaires Pages Jaunes démontrent l’emploi de la Marque de l’Opposante à compter de 1998 et durant des années subséquentes.

 

         le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

 

[62]           En considérant le genre de services et la nature du commerce, je dois comparer le libellé des services de la demande d’enregistrement avec le libellé des services de l’enregistrement [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.F.A.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.F.A.)].

 

[63]           La Marque de l’Opposante est enregistrée en liaison avec des services de courtage hypothécaire. M. Nichols déclare que l’Opposante « specializes in home equity and mortgage loans by providing loans to homeowners » [paragraphe 7].

 

[64]           L’Opposante soumet qu’il y a un chevauchement substantiel entre ses services et ceux de la Requérante. Elle soumet plus particulièrement que l’absence de preuve relativement aux services de la Requérante doit être interprétée en défaveur de cette dernière et qu’il faut conclure à un chevauchement entre les services des parties. Pour sa part, la Requérante soumet que sa demande vise des services financiers « de façon plus large excluant les services de courtage ». La Requérante reconnaît que certains de ses services s’apparentent aux services de l’Opposante, par exemple les services de prêts hypothécaires. Par contre, elle soumet que d’autres de ses services, par exemple la perception de primes et de retenue salariale et les services d’assurance transactionnels, n’ont aucun lien avec les services de l’Opposante.

 

[65]           Bien que je ne partage pas l’opinion de l’Opposante quant à l’absence de preuve relativement aux services associés à la Marque, je conclus à un chevauchement entre les services associés à la Marque de l’Opposante et les services désignés dans la demande d’enregistrement sous « services financiers offerts par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe nommément des services de prêts hypothécaires et de prêts personnels, cartes de crédit, carte budget-escompte, perception de primes et de retenue salariale ». Je ne retiens donc pas l’argument de la Requérante fondé sur la porté de l’état déclaratif des services financiers dans la demande et l’absence de référence spécifique à des services de courtage hypothécaire.

 

[66]           La Marque de l’Opposante n’est pas enregistrée en liaison avec des services d’assurances et la preuve de l’Opposante ne démontre pas de lien entre des services d’assurance, transactionnels ou non, et les services de courtage hypothécaire associés à la Marque de l’Opposante.

 

[67]           Finalement, il me semble raisonnable de conclure à un lien entre des services financiers et des services d'information sur des services financiers de même qu’à un lien entre des services d’assurance et des services d’information sur des services d’assurance.

 

[68]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le genre de services est un critère favorisant l’Opposante lorsque l’on considère les services désignés dans la demande sous « services financiers offerts par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe nommément des services de prêts hypothécaires et de prêts personnels, cartes de crédit, carte budget-escompte, perception de primes et de retenue salariale […] ainsi que des services d'information offerts à distance nommément par téléphone et par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe sur les services financiers nommément des services de prêts hypothécaires et de prêts personnels, cartes de crédit, carte budget-escompte, perception de primes et de retenue salariale […] ». Cependant, je conclus que le genre de services est un critère favorisant la Requérante lorsque l’on considère les services désignés dans la demande sous « services d’assurance transactionnels […] ainsi que des services d'information offerts à distance nommément par téléphone et par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe sur […] les services d’assurance ».

 

[69]           M. Nichols décrit la nature du commerce de l’Opposante ainsi qu’il suit [paragraphe 8]:

 

Capital Direct works as an intermediary between homeowners and the banks to obtain mortgages for homeowners at the best available rate, from a large selection of lenders that includes most major banks, trust companies and credit unions. Capital Direct is paid a fee by the bank when the loan closes. The fee is included in the loan and paid to Capital Direct by the bank. Clients do not receive invoices from Capital Direct.

 

[70]           M. Dansereau déclare que les services associés à la Marque sont offerts aux seuls clients de la Requérante inscrits au portail C@P DIRECT et sont destinés « tantôt au personnel des secteurs publics et parapublics du Québec, tantôt au personnel du secteur privé du Québec ou encore à la population en général du Québec » [paragraphe 5].

 

[71]           La Requérante tente de distinguer la nature du commerce des parties en argumentant que les services de l’Opposante sont destinés à une clientèle bien particulière, soit une clientèle aux prises avec des problèmes de liquidité ou de mauvaise gestion personnelle, alors que ses services sont offerts par un portail sécurisé, et ce à ses seuls clients. Il me semble qu’accepter cet argument m’amènerais à conclure que les clients de la Requérante n’auraient pas accès aux services de l’Opposante ou vice-versa. Je n’accepte pas de tirer une telle conclusion.

 

[72]           La Requérante soumet également que les consommateurs sont habitués de se voir offrir directement des services financiers associés à la Marque par des sociétés comme elle, alors que l’Opposante œuvre à titre d’intermédiaire dans un domaine d’activités très spécialisé, soit le courtage de prêts hypothécaires, et que les consommateurs consulte l’Opposante à des fins précises et dans un but précis. L’Opposante soumet que peu importe la nature des services de la Requérante, ceux-ci sont destinés à la même clientèle que les services de l’Opposante.

 

[73]           D’une part, je ne suis pas convaincue que la preuve au dossier démontre que les consommateurs sont habitués de se voir offrir directement des services financiers associés à la Marque par des sociétés comme la Requérante, telle que soumis par cette dernière. D’autre part, même si l’Opposante agit à titre d’intermédiaire entre les banques et les consommateurs, ses services sont ultimement offerts à la population en générale, comme le sont ceux de la Requérante. D’ailleurs, la preuve de l’Opposante établie qu’elle s’adresse directement aux consommateurs dans ses publicités. J’ajouterais que ni l’état déclaratif des services de la demande d’enregistrement, ni l’état déclaratif des services de l’enregistrement ne contient de restrictions quant à la clientèle des parties. En conséquence, j’estime raisonnable de conclure à un chevauchement entre la nature du commerce des parties.

 

 

         le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

 

[74]           Pour les fins de commentaires qui suivent, je note que M. Dansereau déclare au paragraphe 6 de son affidavit que le préfixe « cap » est « un diminutif de la marque « maîtresse » « LA CAPITALE » et de la dénomination sociale La Capitale et symbolise aussi le but à atteindre. »

 

[75]           L'Opposante traite de manière assez succincte de ces critères dans son plaidoyer écrit. Elle fait des représentations relativement à sa stratégie de marque à l’égard des termes « capital » et « direct» et relativement à la preuve sur l’état du registre. Je discute plus loin de ces représentations. Ceci étant dit, l’Opposante soumet que « cap » est une abréviation de « capital». Je note que le dictionnaire The Canadian Oxford Dictionary, auquel j’ai référé, définit « cap. » comme étant une abréviation de « capital ». De plus, l’Opposante a soumis lors de l’audience que l’arobas dans la Marque ne diminue pas le risque de confusion.

 

[76]           La Requérante soumet que les marques se distinguent dans la présentation, le son et les idées suggérées. Elle soumet que les lettres « c » et « d » superposées de manière à former un signe de dollar sont l’élément dominant et distinctif de la Marque de l’Opposante. Elle ajoute que l’arobas dans la Marque la distingue d’avantage de la Marque de l’Opposante. La Requérante concède que « c@p» serait prononcé « cap », tant par un consommateur francophone que par un consommateur anglophone. Toutefois, elle soumet que la Marque serait vraisemblablement prononcée « CApDIRECT », soit d’un trait avec peu d’emphase sur la prononciation de la lettre « p », alors que la Marque de l’Opposante « serait prononcée telle qu’écrite, c.-à-d. chaque lettre bien prononcée avec une petite pause entre les deux mots ». En ce qui concerne les idées suggérées par les marques de commerce, la Requérante réfère au fait que « cap » en langue française désigne une direction, alors que « cap» en langue anglaise désigne une casquette ou un bouchon de bouteille. La Requérante concède tout au plus que si la composante « c@p » (cap) était perçue comme une abréviation, elle serait perçue comme une abréviation de « LA CAPITALE » ou « CAPITALE » en référence à la Requérante. La Requérante ajoute que La Capitale réfère à la ville de Québec, où est situé son siège social, la ville de Québec étant elle-même la capitale de la province de Québec.

 

[77]           Malgré la présence du mot « direct » dans chaque marque, je reconnais qu’il y a des différences visuelles entre celles-ci, lorsque considérées dans leur ensemble. À mon avis, la position de la Requérante quant à la prononciation de la Marque est sans fondement. La Marque est composée de deux mots comme la Marque de l’Opposante. J’accepte que les différences entre « c@p » et « capital » résultent en des différences sonores. Cependant, ces différences ne sont pas nécessairement importantes.

 

[78]           Puisque le test de confusion est une question de première impression, la déclaration de M. Dansereau quant à la signification du préfixe « cap » dans la Marque n’est pas déterminante. Il convient d’ailleurs de rappeler que dès qu'il y a de la confusion auprès du consommateur francophone moyen, auprès du consommateur anglophone moyen, ou, dans certains cas particuliers, auprès du consommateur bilingue moyen, une marque de commerce ne peut être enregistrée [voir Pierre Fabre Médicament c. Smith Kline Beecham Corp. (2001), 11 C.P.R. (4th) 1 (C.F.A)].

 

[79]           Compte tenu des services associés à la Marque de l’Opposante, j’estime raisonnable de conclure qu’elle suggère l’idée d’un accès direct à du capital, tant en langue française qu’en langue anglaise. J’estime qu’il n’est pas sans fondement de conclure qu’un consommateur francophone moyen réagira à la Marque en pensant à « mettre le cap direct sur quelque chose », tel qu’argumenté dans le plaidoyer écrit de la Requérante. Par contre, compte tenu de services associés à la Marque, j’estime qu’un consommateur anglophone moyen est tout autant susceptible, sinon plus susceptible, de réagir à « cap» en pensant à l’abréviation de « capital » qu’en pensant à une casquette ou un bouchon de bouteille. Donc, en dépit des arguments de la Requérante pour me convaincre du contraire, je conclus qu’il n’y a pas de différence dans les idées suggérées par les marques en cause lorsque l’on considère le consommateur anglophone moyen.

 

Circonstances additionnelles

 

[80]           En raison de la preuve versée au dossier et des arguments des parties, je vais considérer ci-après les circonstances additionnelles de la présente affaire.

         État du registre

 

[81]           Mme Désilets présente en preuve les résultats de recherches effectuées les 28 février et 1er mars 2007 dans la base de données sur les marques de commerce canadiennes disponible sur le site web de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada.

 

[82]           Mme Désilets déclare que ses recherches parmi les marques actives révèlent: (i) 112 marques composées du mot « direct » avec le terme « financ » parmi les services; (ii) 10 marques composées du mot « direct » avec le terme « hypothe » parmi les services, ces marques se retrouvant parmi les 112; (iii) 17 marques composées du mot « direct » avec le terme « mortgage » parmi les services, 10 de ces marques se retrouvant parmi les 112. Mme Désilets produit les listes des marques relevées [pièces LD-1, LD-114 et LD-115] ainsi que les détails des enregistrements et demandes d’enregistrement [pièces LD-2 à LD-113, LD-116 à LD-122].

 

[83]           La preuve sur l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où l’on peut en tirer des inférences quant à l’état du marché [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.)]. De plus, des inférences quant à l’état du marché ne peuvent être tirées de cette preuve que si un grand nombre d’enregistrements pertinents est relevé [voir Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.F.A.)].

 

[84]           L’Opposante a soumis que le terme « capital » ou un terme semblable ne se retrouve dans aucune des marques de commerce enregistrées ou en instance d’enregistrement relevées au registre. L’Opposante dans son plaidoyer écrit fait des représentations quant à l’emphase mis sur l’utilisation des termes « capital » et « direct » dans sa stratégie de marque. Toutefois, lors de l’audience, l’Opposante a reconnu qu’elle n’avait pas présenté de preuve à cet effet. Quant à la Requérante, elle soumet qu’en raison du grand nombre de marques composées d’une première expression suivie du mot « direct » dans le domaine des services financiers, les consommateurs sont aptes à distinguer ces marques de commerce sur la base de légères différences.

 

[85]           Compte tenu du nombre élevé de marques de commerce enregistrées par des tiers, (plus de 90 enregistrements), j’estime que la preuve sur l’état du registre permet d’inférer que le terme « direct » est communément adopté comme composantes de marques commerce employées en liaison avec des services financiers. En conséquence, l’état du registre est une circonstance additionnelle qui favorise la Requérante.

 

         Marque de commerce LA CAPITALE SÛR ET DIRECT & Dessin

 

[86]           M. Dansereau produit un Certificat d’authenticité de l’enregistrement no LMC476,969 du 29 mai 1997 pour la marque de commerce LA CAPITALE SÛR ET DIRECT & Dessin au nom de la Requérante [pièce PD-5]. Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soumet que son emploi de cette marque de commerce depuis le 4 janvier 1995 est une circonstance additionnelle devant être prise en considération. Mis à part l’absence de preuve d’emploi de la marque invoquée, la propriété de l’enregistrement no LMC476,969 ne confère pas automatiquement à la Requérante le droit d’obtenir l’enregistrement de la Marque [voir American Cyanamid Co. c. Stanley Pharmaceuticals Ltd. (1996), 74 C.P.R. (3d) 571 (C.O.M.C.)].

 

[87]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante soumet que s’il devait y avoir un risque de confusion entre la Marque et la Marque de l’Opposante, il y aurait, à plus forte raison, un risque de confusion entre la Marque de l’Opposante et sa marque LA CAPITALE SÛR ET DIRECT & Dessin, auquel cas la validité de l’enregistrement no LMC524,691 « …pourrait sérieusement être mise en doute sur la base de l’absence du caractère distinctif, ce qui empêcherait tout risque de confusion entre les marques concernées. » [paragraphe 90]. Même s’il est pertinent d’examiner le caractère distinctif inhérent de la Marque de l’Opposante sous l’article 6(5)a) de la Loi, la validité de son enregistrement n’est pas en cause dans la présente affaire.

 

Conclusion sur la probabilité de confusion

 

[88]           Considérant, d’une part, le degré de ressemblance entre les idées suggérées par les marques en cause pour le consommateur moyen anglophone et considérant, d’autre part, la période durant laquelle les marques ont été en usage, le genre des services et la nature du commerce, j’arrive à la conclusion que la Requérante n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur anglophone moyen ayant un souvenir imparfait de la Marque de l’Opposante ne serait pas susceptible de conclure que les services financiers et les services d’information y relatifs qui sont associés à la Marque proviennent de la même source ou sont autrement reliés à l’Opposante ou autorisés par cette dernière. Après avoir soupesé toutes les circonstances de l’espèce et apprécié leur importance relative, je suis d’avis que la preuve sur l’état du registre n’est pas une circonstance additionnelle suffisante pour faire contrepoids aux arguments qui précèdent. Au mieux pour la Requérante, cette circonstance additionnelle partage également les probabilités entre une conclusion de confusion et une conclusion de non-confusion. Comme le fardeau de preuve ultime repose sur la Requérante, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi à l’égard des services libellés dans la demande sous : « services financiers offerts par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe nommément des services de prêts hypothécaires et de prêts personnels, cartes de crédit, carte budget-escompte, perception de primes et de retenue salariale […] ainsi que des services d'information offerts à distance nommément par téléphone et par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe sur les services financiers nommément des services de prêts hypothécaires et de prêts personnels, cartes de crédit, carte budget-escompte, perception de primes et de retenue salariale […] ».

 

[89]           Considérant, d’une part, la preuve du commerce véritable de l’Opposante et considérant, d’autre part, le genre des services, j’arrive à la conclusion que la Requérante s’est déchargée de son fardeau de prouver qu’il n’y a pas de probabilité de confusion entre la Marque de l’Opposante et la Marque en liaison avec des d’assurance transactionnels et les services d’information y relatifs. En conséquence, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi à l’égard des services libellés dans la demande sous : « […] services d'assurance transactionnels ainsi que des services d'information offerts à distance nommément par téléphone et par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe […] sur les services d'assurance ».

 

Droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1) de la Loi

 

Article 16(1)a) de la Loi

 

[90]           Je reproduis en partie le motif d’opposition tel que plaidé :

 

[…] the Applicant is not the person entitled to registration of the Alleged Mark because, prior to and at the date on which the Applicant first used the Alleged Mark in Canada, the Alleged Mark was confusing with the Opponent’s trade-mark which had been previously used in Canada.

 

[91]           Tel que soumis par la Requérante, le motif d’opposition allègue une (mon souligné) marque de commerce, sans autre précision. Puisque j’ai précédemment indiqué que la référence collective aux Marques CAPITAL DIRECT dans l’affidavit Nichols devait être résolue à l’encontre de l’Opposante, je suis d’avis que le motif d’opposition doit être restreint à une allégation à l’effet que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce qu'à la date de premier emploi alléguée dans la demande, la Marque prêtait à confusion avec la marque de commerce CAPITAL DIRECT & Dessin de l’enregistrement no LMC524,691. J’accepte donc l’opinion de la Requérante quant à la portée du motif d’opposition tel que plaidé.

 

[92]           Il incombe d’abord à l’Opposante de prouver qu’elle employait sa marque de commerce antérieurement à la date pertinente (12 décembre 2003) et qu’elle n’avait pas abandonné l’emploi à la date de la publication de la demande (31 août 2005).

 

[93]           J’estime que la différence entre les dates pertinentes pour les motifs d’opposition fondés sur les articles 12(1)d) et 16(1)a) de la Loi n’a pas vraiment d’incidence sur mon analyse précédente. Conséquemment, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) de la Loi à l’égard de « services financiers offerts par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe nommément des services de prêts hypothécaires et de prêts personnels, cartes de crédit, carte budget-escompte, perception de primes et de retenue salariale […] ainsi que des services d'information offerts à distance nommément par téléphone et par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe sur les services financiers nommément des services de prêts hypothécaires et de prêts personnels, cartes de crédit, carte budget-escompte, perception de primes et de retenue salariale […] ». Cependant, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a) de la Loi à l’égard de « […] services d'assurance transactionnels ainsi que des services d'information offerts à distance nommément par téléphone et par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe sur […] les services d'assurance ».


Article 16(1)c) de la Loi

 

[94]           L’Opposante allègue essentiellement que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce qu’à la date de premier emploi revendiquée dans la demande, la Marque prêtait à confusion avec le nom commercial Capital Direct antérieurement employé au Canada par l’Opposante.

 

[95]           Il incombe d’abord à l’Opposante de prouver qu’elle employait le nom commercial Capital Direct à la date pertinente (12 décembre 2003) et qu’elle n’avait pas abandonné l’emploi à la date de la publication de la demande (31 août 2005). Lors de l’audience, l’Opposante a pris la position que les éléments de preuve présentés par l’affidavit Nichols relativement à l’emploi de sa marque de commerce CAPITAL DIRECT sont également pertinents à l’emploi de son nom commercial Capital Direct et, qu’en conséquence, elle s’est déchargée de son fardeau de preuve.

 

[96]           J’ai indiqué précédemment que la question de savoir s’il peut y avoir à la fois un emploi de marque de commerce et de nom commercial dépend des circonstances de l’espèce. Or, l’affidavit Nichols ne présente pas d’éléments de preuve se rattachant spécifiquement à l’emploi du nom commercial Capital Direct. À cet égard, je note que la simple déclaration de M. Nichols à l’effet que l’Opposante a été incorporée le 19 décembre 1997 ne constitue pas une preuve d’emploi du nom commercial allégué. J’ajouterais que tous les spécimens publicitaires joints comme pièce à l’affidavit Nichols sont présentés comme des spécimens représentatifs de l’emploi des Marques CAPITAL DIRECT. Or, j’ai précédemment indiqué que l’absence de distinction à savoir si les éléments de preuve se rapportent à l’emploi de la marque de commerce CAPITAL DIRECT ou à l’emploi de la marque de commerce CAPITAL DIRECT & Dessin de l’enregistrement no LMC524,691 engendre une ambiguïté qui doit être résolue à l’encontre de l’Opposante. Pout toutes ces raisons, je ne suis pas prête à considérer que le témoignage de M. Nichols se rapporte au nom commercial Capital Direct allégué par l’Opposante.

 

[97]           Je conclus donc que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve et je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)c) de la Loi. À toutes fins utiles, j’ajoute que si j’avais considéré que l’Opposante s’était déchargée de son fardeau de preuve, selon toute probabilité, l’issue du motif d’opposition aurait été la même que celle du motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)a)de la Loi.

 

Distinctivité

 

[98]           La question de la suffisance des allégations au soutien du dernier motif d’opposition a été soulevée lors de l’audience. En conséquence, je reproduis en partie le motif d’opposition, tel que plaidé :

 

[…] the alleged Mark is not […] capable of distinguishing the Applicant’s services from the services of others, nor is it adapted to distinguish them, because the Alleged Mark is confusing with a previously registered trade-mark, the Alleged Mark has been used by entities others than the Applicant and the alleged Mark is confusing with a previously used trade-name.

 

[99]           Lors de l’audience, l’Opposante a concédé qu’il peut être conclu que ce motif d’opposition peut être restreint à l’allégation d’un risque de confusion entre la Marque et la marque de commerce CAPITAL DIRECT & Dessin de l’enregistrement no LMC524,691. En conséquence, je rejette d’emblée le motif d’opposition fondé sur l’allégation que la Marque n’est pas distinctive en raison de son emploi par des tiers et sur l’allégation que la Marque n’est pas distinctive en raison de la confusion avec un nom commercial antérieurement employé.

 

[100]       J’ai déjà décidé de la question de la confusion entre la Marque et la marque de commerce CAPITAL DIRECT & Dessin de l’enregistrement no LMC524,691 sous deux motifs d’opposition. Si je devais conclure que la preuve au dossier permet à l’Opposante de se décharger de son fardeau de prouver que sa marque de commerce enregistrée était devenue suffisamment connue au Canada à la date pertinente (20 octobre 2005) de manière à nier le caractère distinctif de la Marque [voir à Motel 6, Inc. c. No.6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. ler inst.)], j’estime que la différence entre les dates pertinentes n’aurait pas d’incidence sur mes conclusions précédentes. Par conséquent, l’issue du motif d’opposition à l’effet que la Marque n’est pas distinctive en raison de la confusion avec la marque de commerce enregistrée de l’Opposante serait la même que sous les deux motifs précédents. J’ajouterais que même si je devais conclure que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver que sa marque de commerce enregistrée était devenue suffisamment connue au Canada à la date pertinente de manière à nier le caractère distinctif de la Marque, l’issue générale de la présente affaire serait la même.

 

CONCLUSION

 

[101]       Selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi, et en raison des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse, d’une part, la demande d’enregistrement à l’égard de « services financiers offerts par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe nommément des services de prêts hypothécaires et de prêts personnels, cartes de crédit, carte budget-escompte, perception de primes et de retenue salariale […] ainsi que des services d'information offerts à distance nommément par téléphone et par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe sur les services financiers nommément des services de prêts hypothécaires et de prêts personnels, cartes de crédit, carte budget-escompte, perception de primes et de retenue salariale […] ». D’autre part, je rejette l’opposition à l’égard de « […] services d’assurance transactionnels ainsi que des services d'information offerts à distance nommément par téléphone et par Internet avec accès restreint aux détenteurs de mot de passe […] sur les services d'assurance » [voir Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf Gmbh (1986), 10 C.P.R. (3d) 482 (C.F. 1re inst.) qui autorise une décision partagée].

 

 

DATÉ À MONTRÉAL, QUÉBEC, LE 2 OCTOBRE 2009

 

 

 

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce.

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