Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 97

Date de la décision : 2014-05-08
TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par The Knot Inc. et The Bump Media Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,402,224 pour la marque de commerce the bump au nom de Kenneth Alan Maclean

[1]               Kenneth Alan Maclean a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce « the bump » en liaison avec l'exploitation d'un site Web et la diffusion d'information dans les domaines de la planification familiale, de la conception, de la grossesse, de l'accouchement et de l'art d'être parent et en liaison avec des documents imprimés ayant trait à la santé, à la grossesse, à l'art d'être parent et à la puériculture.

[2]               The Knot Inc. et sa filiale The Bump Media Inc. se sont opposées à la demande au motif principal qu'il existe une probabilité raisonnable de confusion entre cette marque de commerce et la marque de commerce THE BUMP, antérieurement employée en liaison avec des publications en ligne prenant la forme de guides-ressources sur la grossesse s'adressant aux femmes enceintes et aux nouvelles mamans et de guides-ressources imprimés sur la grossesse et les soins aux nouveau-nés/nourrissons s'adressant aux femmes enceintes et aux nouvelles mamans. Les opposantes s'opposent également à la demande au motif que cette dernière n'est pas conforme à diverses exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T-13 (la Loi).

[3]               Pour les raisons exposées ci-dessous, j'ai conclu qu'il y a lieu de repousser la présente demande d'enregistrement.

Contexte

[4]               Le 4 juillet 2008, Kenneth Alan Maclean (le Requérant) a produit la demande no 1,402,224 en vue de faire enregistrer la marque the bump (la Marque) visée par la demande sur la base d'un emploi projeté en liaison avec les marchandises suivantes :

MARCHANDISES :
(1) Imprimés, nommément magazines, livres et brochures ayant trait à la santé, à la grossesse, à l'art d'être parent et à la puériculture,

et sur la base d'un emploi depuis le 3 juillet 2008, en liaison avec les services suivants :

SERVICES :
(1) Exploitation d'un site Web, d'un blogue et de forums de discussion dans les domaines de la planification familiale, de la conception, de la grossesse, de l'accouchement et de l'art d'être parent; diffusion d'information sur un site Web dans les domaines de la planification familiale, de la conception, de la grossesse, de l'accouchement et de l'art d'être parent

[5]               La demande a été annoncée le 20 octobre 2010; le 21 mars 2011, The Knot Inc. et sa filiale The Bump Media Inc. (collectivement appelées l'Opposante) ont produit, en vertu de l'article 38 de la Loi, une Déclaration d'opposition fondée sur les motifs d'opposition suivants :

(i) la demande n'est pas conforme à l'article 30i) de la Loi, car le Requérant ne pouvait pas être convaincu d'avoir droit d'employer la Marque au Canada puisqu'il connaissait ou devait forcément connaître l'existence de la marque de commerce THE BUMP de l'Opposante au moment où il a produit sa demande;

(ii) la demande n'est pas conforme à l'article 30b) de la Loi, car, à la date de premier emploi revendiquée, le Requérant n'employait pas la Marque à titre de marque de commerce en liaison avec les services visés par la demande;

(iii) la demande n'est pas conforme à l'article 30e) de la Loi, car le Requérant n'employait pas ou n'avait pas l'intention d'employer la Marque en liaison avec les marchandises visées par la demande ou, subsidiairement, avait antérieurement employée la Marque à titre de marque de commerce en liaison avec une partie ou la totalité des marchandises à la date de production de la demande;

(iv) le Requérant n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque, car la Marque crée de la confusion avec la marque de l'Opposante qui était déjà en usage au Canada aussi bien à la date de premier emploi revendiquée par le Requérant qu'à la date de production de la demande; et

(v) la Marque ne distingue pas les marchandises et services du Requérant des marchandises et services de l'Opposante.

[6]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Jeremy Lechtzin, premier vice-président et chef du contentieux de The Knot, Inc. Comme preuve, le Requérant a produit son propre affidavit dans lequel il atteste être le fondateur et propriétaire du site Web The Bump, qui se trouve à l'adresse www.thebump.ca. Aucun des déposants des parties n'a été contre-interrogé.

[7]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et toutes deux étaient représentées à l'audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[8]               C'est au Requérant qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition soulevés [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), p. 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[9]               Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         article 38(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), p. 475];

         article 38(2)c)/article 16(1)a) – la date de premier emploi revendiquée par le Requérant [voir l'article 16(1)];

         article 38(2)c)/article 16(3)a) – la date de production de la demande du Requérant [voir l'article 16(3)]; et

         article 38(2)d)/absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Résumé de la preuve de l'Opposante

[10]           La preuve de M. Lechtzin peut être résumée comme il suit.

[11]           En 2008, The Knot a fait l'acquisition de The Bump Media Inc., un éditeur de guides imprimés locaux présentant diverses ressources ayant trait à la grossesse, à la maternité et aux nourrissons en liaison avec la marque THE BUMP. The Bump Media, Inc. offre, depuis 2006, des guides-ressources dans les domaines de la grossesse et des soins aux nouveau-nés/nourrissons s'adressant aux femmes enceintes et aux nouvelles mamans, notamment par l'intermédiaire d'un site Web exploité sous le nom de domaine « thebump.com ». Par suite de l'acquisition de The Bump Media Inc., The Knot est devenue propriétaire du site Web The Bump, ainsi que de la marque de commerce THE BUMP.

[12]           M. Lechtzin a joint à son affidavit des copies de la page d'accueil du site Web The Bump, obtenues par l'entremise du service d'archivage Web Internet Archive, dans ses versions du 2 novembre 2008, du 27 février 2009, du 7 mars 2009 et du 21 novembre 2011 [affidavit de M. Lechtzin, pièces A,E, F,G]. M. Lechtzin affirme que la façon dont la marque de commerce est représentée sur ces pages est conforme à la façon dont la marque de commerce était représentée sur le site Web The Bump en 2008 et 2009.

[13]           The Knot publie également le magazine THE BUMP, une publication en format poche destinée aux nouvelles mamans et présentant l'information et les ressources dont les nouveaux parents ont besoin pour se préparer à la venue d'un bébé. Le magazine THE BUMP est maintenant publié deux fois l'an, mais, avant 2010, il ne l'était qu'une fois par année [affidavit de M. Lechtzin, para. 9]. En 2010, l'Opposante a publié sous la marque THE BUMP un guide moderne et complet sur la grossesse intitulé THE BABY BUMP. Comme pièce B, M. Lechtzin à joint a son affidavit une copie de la page de présentation du guide THE BABY BUMP qui figurerait sur le site Web de Chapters/Indigo en date du 21 novembre 2011.

[14]           En outre, M. Lechtzin affirme que, étant donné la nature même d'Internet, le site Web et les services The Bump sont accessibles aux Canadiens depuis 2006. Il fournit un graphique indiquant le nombre d'appels de fichier pour le site Web The Bump provenant de personnes situées au Canada enregistrés d'octobre 2010 à octobre 2011. Le nombre d'appels de fichiers enregistrés chaque mois au cours de cette période a été de l'ordre de 148 527 à 238 853 mensuellement.

[15]           M. Lechtzin explique que les internautes peuvent également s'inscrire au site Web The Bump et ainsi avoir accès à la zone [traduction]« communauté » du site qui comprend des babillards, des blogues et des services interactifs personnalisés. Les internautes s'inscrivent eux-mêmes au site Web en visitant ce dernier et en entrant les renseignements requis dans les champs appropriés. Une copie de la page d'inscription au site Web The Bump dans sa version du 21 novembre 2011 est jointe comme pièce C. Lors de la préparation de son affidavit, il a passé en revue la base de données et recensé, parmi les utilisateurs inscrits, ceux ayant entré des coordonnées indiquant un lieu de résidence au Canada. Un graphique indiquant, pour chaque année depuis 2008, le nombre d'utilisateurs inscrits ou [traduction] « membres » résidant au Canada que comptait le site Web The Bump est présenté au paragraphe 17. Le nombre de membres situés au Canada est passé de 1 607 en 2008 à 16 345 en 2011.

[16]           En ce qui concerne la publicité, M. Lechtzin affirme que depuis 2008, l'Opposante a touché plus de 45 000 $ en lien avec des publicités visant le Canada. Il s'agit plus précisément de campagnes de publicités annonçant le site Web The Bump géociblées pour le Canada. Une copie certifiée d'une publicité géociblée pour le Canada extraite du site Web The Bump est jointe à son affidavit comme pièce H.

Résumé de la preuve du Requérant

[17]           M. Maclean affirme que The Bump est une communauté virtuelle canadienne, qui tient également lieu de guide, à l'intention des femmes enceintes et des nouveaux parents. The Bump a été lancé dans le but de combler ce que M. Maclean et sa conjointe percevaient comme un vide dans le domaine des conseils en matière de grossesse et de soins aux nouveau-nés/nourrissons spécialement adaptés à la réalité des Canadiens. Le nom de domaine www.thebump.ca a été enregistré auprès de l'Autorité canadienne pour les enregistrements Internet le 7 avril 2008 et le site Web a été lancé officiellement le 15 juin 2008 ou aux environs de cette date. Depuis son lancement, le site Web The Bump tient lieu de ressource pour les femmes enceintes et les nouveaux parents résidant au Canada et présente du contenu rédactionnel et du contenu généré par les utilisateurs en lien avec un large éventail de sujets, y compris la planification familiale, la conception, la grossesse, la naissance et l'art d'être parent. Le site Web The Bump comprend , depuis son lancement, des modules de réseautage social et de publication communautaire.

[18]           Les utilisateurs qui deviennent membres en complétant le processus d'inscription à l'adresse thebump.ca avaient, et ont encore à ce jour, la possibilité de participer activement à la création du contenu et aux conversations se déroulant au sein de la communauté virtuelle. À la date à laquelle M. Maclean a souscrit son affidavit, son site Web comptait plus de 600 membres inscrits. Il estime, selon l'information contenue dans les profils publics de ses membres, qu'au moins la moitié d'entre eux ont indiqué résider dans une province, une ville ou une municipalité canadienne.

[19]           M. Maclean explique que les revenus générés par le site proviennent principalement de la publicité par affichage, de liens menant vers des offres spéciales et de listes de produits améliorées. Comme pièce F, il a joint à son affidavit, une copie d'écran des offres spéciales actuelles géociblées qui ont la faveur des annonceurs canadiens locaux et des annonceurs en ligne.

[20]           M. Maclean fournit ensuite une réponse à la preuve produite par l'Opposante. À cet égard, M. Maclean affirme avoir visionné des pages et des copies d'écran rattachées au nom de domaine thebump.com par le biais du service d'archivage Web Internet Archive, accessible à l'adresse www.archive.org. Comme pièce I, il a joint à son affidavit un extrait du site thebump.com datant du 8 février 2007 et indiquant que The Bump est constitué d'une série de guides locaux destinés à des villes sélectionnées des États-Unis, et a surligné d'autres villes qui auraient bientôt, elles aussi, leur propre guide; or, aucune de ces villes n'est canadienne. Comme pièce J, il a joint à son affidavit un extrait du site thebump.com datant du 8 juillet 2008, ainsi que du contenu de nature générale sur la grossesse se rattachant à diverses villes des États-Unis pour lesquelles, selon le site Web, des guides imprimés The Bump existent. M. Maclean soutient que puisque le formulaire d'inscription des membres ne comporte pas de champ permettant de sélectionner une province ou d'indiquer un code postal, il serait impossible pour des Canadiens de s'inscrire en vue de devenir membre de ce site Web. Comme pièce L, il a joint à son affidavit un communiqué de presse publié par XO Group, qui, affirme-t-il, est la société mère de the Knot et The Bump Media, annonçant le lancement officiel de thebump.com le 18 novembre 2008.

Motifs d'opposition rejetés sommairement

Non-conformité – article 30e)

[21]           Relativement à ce motif d'opposition, l'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme à l'article 30e) de la Loi en ce que le Requérant n'employait pas et n'avait pas l'intention d'employer la Marque en liaison avec les marchandises visées par la demande ou, subsidiairement, employait déjà la Marque à titre de marque de commerce en liaison avec une partie ou la totalité des marchandises à la date de production de la demande. L'Opposante n'a toutefois présenté ni éléments de preuve ni observations écrites ou verbales à l'appui de ce motif d'opposition. Le motif d'opposition fondé sur l'article 30e) peut donc être rejeté sommairement, car l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de ce motif.

Non-conformité – article 30i)

[22]           Relativement à ce motif d'opposition, l'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme à l'article 30i) de la Loi en ce que le Requérant ne pouvait pas être convaincu d'avoir droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises et services visés par la demande. L'Opposante soutient que le Requérant connaissait ou devait forcément connaître l'existence de la marque de commerce THE BUMP à la date à laquelle il a produit sa demande.

[23]           L'article 30i) de la Loi exige simplement que le requérant, dans sa demande, se déclare convaincu d'avoir droit à l'enregistrement de sa marque de commerce. Lorsqu’un requérant a fourni la déclaration exigée, un motif d’opposition fondé sur l'article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p. 155]. Le simple fait qu'un requérant puisse connaître l'existence de la marque de commerce ou du nom commercial d'un opposant n'est pas suffisant en soi pour servir de fondement à une allégation selon laquelle le requérant ne pouvait pas être convaincu d'avoir droit d'employer la Marque [voir Woot, Inc c. WootRestaruants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197 (CanLII)].

[24]           Comme il n'existe aucune preuve de mauvaise foi en l'espèce, le motif fondé sur l'article 30i) est rejeté.

Analyse des autres motifs d’opposition

Non-conformité – article 30b)

[25]           Relativement à ce motif, l'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme à l'article 30b) de la Loi en ce que, à la date revendiquée, le Requérant avait déjà employé la Marque en liaison avec les services décrits dans la demande.

[26]           Dans sa demande, le Requérant affirme qu'il emploie la Marque au Canada en liaison avec les services depuis le 3 juillet 2008. L'Opposante soutient que l'emploi du terme [traduction] « depuis », plutôt que des expressions [traduction] « depuis au moins » ou [traduction] « depuis au moins aussitôt que » n'est pas sans importance, car il implique que la Marque n'était pas en usage avant le 3 juillet 2008.

[27]           La preuve produite par le Requérant démontre cependant que le Requérant a commencé à employer la Marque au Canada en liaison avec les services le 15 juin 2008, c'est-à-dire avant le 3 juillet 2008. L'Opposante soutient que, puisque la date de premier emploi revendiquée est fausse, la demande contrevient à l'article 30 de la Loi.

[28]           Bien que la thèse de l'Opposante ne soit pas dénuée de fondement, je suis liée par la série de décisions antérieures qui traitent spécifiquement de cette question. Il est établi dans la jurisprudence qu'un requérant peut revendiquer une date postérieure à la date réelle de premier emploi « à titre de précaution supplémentaire » ou « dans l’intérêt d’une plus grande certitude » [voir Marineland c. Marine Wonderland and Animal Park (1974), 16 CPR (2d) 97 (CF 1re inst.)]. Un requérant n'est pas tenu d'indiquer dans sa demande la date de premier emploi la plus reculée.

[29]           Étant donné que je suis convaincue que le Requérant a démontré que sa Marque était employée en liaison avec les services visés par la demande à la date de premier emploi revendiquée ou à une date antérieure, ce motif d'opposition est rejeté.

Absence de droit à l'enregistrement fondé sur l'emploi antérieur de la marque de commerce de l'Opposante - article 16(1)a) et article 16(3)a)

[30]           L'Opposante allègue que le Requérant n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque étant donné que l'Opposante avait déjà employé sa marque de commerce THE BUMP au Canada en liaison avec des [traduction] « publications en ligne prenant la forme de guides-ressources sur la grossesse et les soins aux nouveau-nés/nourrissons s'adressant aux femmes enceintes et aux nouvelles mamans; [la] mise à disposition d'un répertoire en ligne contenant de l'information relative à la grossesse, aux soins aux nouveau-nés/nourrissons, aux femmes enceintes, et aux questions antérieures et postérieures à la maternité » et [traduction] des « guides-ressources imprimés sur la grossesse et les soins aux nourrissons/nouveau-nés s'adressant aux femmes enceintes et aux nouvelles mamans ».

[31]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard des motifs d'opposition fondés sur les articles 16(1)a) et 16(3)a), l'Opposante doit démontrer que sa marque était déjà en usage au Canada soit à la date de premier emploi revendiquée par le Requérant (c.-à-d. le 3 juillet 2008) dans le cas du motif fondé sur l'article 16(1)a), soit à la date de production de la demande du Requérant (c.-à-d. le 4 juillet 2008) dans le cas du motif fondé sur l'article 16(3)a), et qu'elle n'avait pas été abandonnée à la date d'annonce de la demande pour la Marque, à savoir le 20 octobre 2010 [article 16(5) de la Loi].

[32]           Je ne suis pas convaincue, au vu de la preuve produite, que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à l'égard de chacun de ces motifs. Bien que la preuve puisse démontrer que le site Web américain de l'Opposante a été exploité par l'Opposante ou par son prédécesseur en titre depuis au moins 2008, je ne suis pas convaincue que l'Opposante a démontré l'emploi de sa marque au Canada en liaison avec ses marchandises ou services avant l'une ou l'autre des dates pertinentes qui s'appliquent à ces motifs.

[33]           M. Lechtzin affirme avoir passé en revue la base de données The Bump de l'Opposante et recensé les utilisateurs inscrits ayant entré des coordonnées indiquant un lieu de résidence au Canada. Il présente ensuite un graphique indiquant, pour chaque année depuis 2008, le nombre d'utilisateurs inscrits ou [traduction] « membres » résidant au Canada que comptait le site Web The Bump [affidavit de M. Lechtzin, para. 17]. La copie de la page d'inscription au site Web The Bump datant du 21 novembre 2011 qu'il a fournie démontre qu'il était possible pour les Canadiens de s'inscrire comme membre puisque les champs à remplir dans la page d'inscription permettaient aux utilisateurs d'entrer une province, un code postal ou un pays valide [affidavit de M. Lechtzin, pièce C]. La preuve de M. Maclean, en revanche, est que, le 8 juillet 2008, la page d'inscription de l'Opposante (que M. Maclean a consulté par l'entremise du service d'archivage Web www.archive.org) ne comprenait aucun champ permettant à des Canadiens de s'inscrire comme membre au site Web de l'Opposante (affidavit de M. Maclean, pièce J). En outre, la pièce I montre un extrait du site Web de l'Opposante en date du 8 février 2007 dans lequel on peut lire que The Bump est constitué d'une série de guides locaux destinés à des villes sélectionnées des États-Unis, et qu'il était prévu à cette date que des guides soient également lancés dans un certain nombre d'autres villes; or, aucune de ces villes n'est une ville canadienne.

[34]           Étant donné que M. Lechtzin n'a pas précisé à quel moment exactement en 2008 son site Web a commencé à recevoir des inscriptions de membres situés au Canada, je dois considérer que la date à laquelle le site Web de l'Opposante a commencé à recevoir de telles inscriptions est le dernier jour de l'année, soit le 31 décembre 2008, c.-à-d. après la date pertinente qui s'applique à ce motif. Même si l'on supposait que les inscriptions de Canadiens ont commencé avant la fin de 2008, la preuve de M. Maclean n'en contredirait pas moins le témoignage de M. Lechtzin selon lequel les Canadiens avaient la possibilité de s'inscrire comme membre avant le 8 juillet 2008.

[35]           Le seul autre élément de preuve concernant le Canada antérieur à la date pertinente qui s'applique à ce motif est un graphique indiquant le nombre de messages publiés sur les babillards de la version canadienne du site Web The Bump par les membres ou utilisateurs inscrits au site Web The Bump, de 2008 à 2011. Là encore, l'Opposante n'a pas précisé à quelle date exactement en 2008, ces messages auraient été publiés. De plus, comme je l'ai souligné, la preuve de M. Maclean démontre qu'il n'était pas possible pour les Canadiens de s'inscrire comme membre sur le site Web de l'Opposante à la date du 8 juillet 2008.

[36]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que l'Opposante a démontré que sa marque était employée en liaison avec ses marchandises ou ses services à la date du 3 juillet 2008. En conséquence, ce motif est rejeté.

Motif fondé sur l'absence de caractère distinctif – articles 38(2)d) et 2

[37]           Relativement à ce motif, l'Opposante allègue que la Marque n'est pas distinctive en ce qu'elle ne distingue pas véritablement les services en liaison avec lesquels elle a été employée et les marchandises en liaison avec lesquelles elle serait employée par le Requérant des marchandises et services de l'Opposante.

[38]           Pour s'acquitter de son fardeau initial à l'égard de ce motif d'opposition, l'Opposante doit démontrer que sa marque de commerce était devenue suffisamment connue au Canada à la date de production de la déclaration d'opposition, c.-à-d. le 21 mars 2011, pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF); Motel 6 Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.); Bojangles’ International LLC et Bojangles Restaurants Inc c. Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. Il n’est pas nécessaire que la preuve de l’Opposante établisse l’emploi de sa marque de commerce au sens des articles 4(1) ou 4(2) de la Loi pour que l'Opposante puisse l'invoquer en contestation du caractère distinctif de la Marque [voir Mutual Investco Inc c. Knowledge Is Power Inc (2001), 14 CPR (4th) 117 (COMC), p. 123]. Elle peut consister en des éléments démontrant que la marque de commerce de l'Opposante est connue ou a acquis une notoriété au Canada.

[39]           La preuve de l'Opposante concernant la révélation de sa marque de commerce au Canada avant la date pertinente peut être résumée comme suit :

         environ 1 million d'appels de fichier pour le site Web de l'Opposante provenant de personnes situées au Canada ont été enregistrés d'octobre 2010 à mars 2011;

         en 2010, le site Web The Bump comptait 13 638 utilisateurs inscrits ou membres dont les coordonnées indiquaient un lieu de résidence au Canada, et 16 345 en 2011;

         625 messages ont été publiés sur les babillards du site Web canadien de l'Opposante en 2010 et 1 147 en 2011;

         depuis 2008, l'Opposante a touché plus de 45 000 $ US en lien avec des publicités concernant le Canada.

[40]           S'agissant du nombre d'appels de fichier pour le site Web de l'Opposante, en l'absence d'information supplémentaire sur ce qu'un appel de fichier pour le site Web de l'Opposante représente exactement, je ne suis pas disposée à accorder un poids significatif à cet élément de preuve [voir Unicast SA c. South Asian Broadcasting Corporation Inc 2014 CF 295, para. 70].

[41]           De plus, comme je l'ai souligné ci-dessus au paragraphe 33, on ne sait pas exactement à quel moment entre le 8 juillet 2008 et la date pertinente qui s'applique à ce motif, c.-à-d. le 21 mars 2011, les Canadiens ont pu commencer à s'inscrire comme membre au site Web de l'Opposante. Ce que l'on sait cependant, c'est que les Canadiens ont la possibilité de s'inscrire comme membre au site Web de l'Opposante depuis au moins le 21 novembre 2011 [affidavit de M. Lechtzin, pièce C]. En outre, M. Lechtzin atteste qu'au moment où il a préparé son affidavit (y compris le graphique indiquant, pour chaque année depuis 2008, le nombre d'utilisateurs inscrits ou membres du Site Web The Bump résidant au Canada), il a passé en revue la base de données informatique (qui est l'un des registres opérationnels courants de The Knot, Inc.) et recensé les utilisateurs inscrits dont les coordonnées indiquaient un lieu de résidence au Canada [affidavit de M. Lechtzin, para. 16 et para. 17]. Au vu de la preuve de M. Lechtzin dans son ensemble, je suis disposée à inférer qu'un nombre suffisant de Canadiens ont pu s'inscrire comme membre au site Web de l'Opposante avant la date pertinente qui s'applique à ce motif.

[42]           Pour déterminer si l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de ce motif, j'ai tenu compte du fait que les services de l'Opposante consistent en des publications en ligne prenant la forme de guides-ressources à l'intention des femmes enceintes et des nouveaux parents et en la mise à disposition d'un répertoire en ligne présentant de l'information sur la grossesse et l'art d'être parent. Ces publications sont offertes gratuitement aux consommateurs intéressés par l'intermédiaire d'Internet. Compte tenu de la nature de ces services et du fait qu'ils s'adressent à un public particulier, j'estime que le nombre de membres canadiens inscrits au site Web de l'Opposante est suffisant pour établir qu'à la date du 21 mars 2011, la marque de l'Opposante était devenue connue en liaison avec ses services dans la mesure qui est nécessaire pour permettre à l'Opposante de s'acquitter de son fardeau de preuve à l'égard de ce motif.

[43]           L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve initial, je dois maintenant déterminer si le Requérant a produit une preuve de nature à convaincre le registraire que sa Marque était adaptée à distinguer ses marchandises et services partout au Canada à la date du 21 mars 2011. Pour répondre à la question de savoir si la Marque était ainsi adaptée, je dois déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque était susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce de l'Opposante à la date pertinente.

Le test en matière de confusion

[44]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi porte que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[45]           Ces facteurs ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d'eux n’est pas nécessairement le même [voir, de manière générale, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC)]. Toutefois, dans Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc et al (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), la Cour suprême du Canada a clairement indiqué que le facteur le plus important parmi ceux énoncés à l'article 6(5) de la Loi est souvent le degré de ressemblance entre les marques.

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[46]           Je considère que les marques respectives des parties possèdent une force inhérente équivalente, car toutes deux sont suggestives de la clientèle à laquelle les marchandises et services des parties s'adressent.

[47]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l'emploi. Cette force accrue est appelée caractère distinctif acquis. Comme je l'ai mentionné précédemment, la preuve de M. Lechtzin démontre, entre autres choses, que près d'un million d'appels de fichier pour le site Web de l'Opposante provenant de personnes situées au Canada ont été enregistrés d'octobre 2010 à mars 2011. De plus, en 2010, le site Web The Bump comptait 13 638 utilisateurs inscrits ou membres dont les coordonnées indiquaient un lieu de résidence au Canada, et 16 345 en 2011. Au vu de cette preuve, je suis convaincue que la marque de l'Opposante était devenue connue dans une certaine mesure au Canada à la date pertinente

[48]           En ce qui concerne la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue, M. Maclean fournit les renseignements suivants :

         le nom de domaine www.thebump.ca a été enregistré auprès de l'Autorité canadienne pour les enregistrements Internet le 7 avril 2008;

         le lancement officiel du site Web www.thebump.ca a eu lieu le ou vers le 15 juin 2008;

         les revenus générés par le site Web proviennent principalement de la publicité par affichage, de liens menant vers des offres spéciales et de listes de produits améliorées;

         bien que la majeure partie du contenu présenté sur le site Web ait toujours été accessible aux visiteurs non inscrits, les visiteurs sont invités à s'inscrire pour profiter des avantages supplémentaires liés à la participation à la communauté, tels que le réseautage social et la possibilité de tenir un blogue;

         à la date à laquelle il a souscrit son affidavit (c.-à-d. le 24 mars 2012), le site Web comptait plus de 600 membres inscrits et, selon ses estimations, au moins la moitié de ces membres résidaient au Canada.

[49]           Compte tenu de la preuve fournie et en particulier du fait qu'à la date pertinente, le site Web de l'Opposante comptait plus de 13 000 membres canadiens inscrits comparativement à seulement 300 dans le cas du site Web du Requérant, je conclus que la marque de l'Opposante était devenue plus connue au Canada que la Marque du Requérant.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[50]           Le Requérant a démontré avoir commencé à employer sa Marque au Canada le ou vers le 15 juin 2008. Comme je l'ai souligné, la preuve de l'Opposante ne permet pas de déterminer clairement à quel moment l'Opposante a commencé à employer sa marque au Canada, mais il semblerait que ce soit après cette date. Par conséquent, ce facteur favorise le Requérant.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[51]           Il ressort clairement de la preuve que les marchandises, services et voies de commercialisation des parties sont très similaires. Par conséquent, ces facteurs favorisent l'Opposante.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[52]           Les marques des parties étant pratiquement identiques, ce facteur favorise l'Opposante.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[53]           Lorsque j'ai appliqué le test en matière de confusion, j'ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Comme je l'ai souligné, c'est au Requérant qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion.

[54]           En l'espèce, j'ai conclu que les marques des parties sont identiques. À cela s'ajoute le fait que les marchandises et services des parties sont identiques ou se recoupent, tout comme les voies de commercialisation. Enfin, bien que le Requérant emploie sa Marque au Canada depuis plus longtemps que l'Opposante emploie la sienne, la preuve démontre qu'à la date pertinente qui s'applique à ce motif, la marque de l'Opposante était devenue connue dans une plus grande mesure au Canada.

[55]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que le Requérant s'est acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existait pas, à la date du 21 mars 2011, de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de l'Opposante. J'estime que le consommateur moyen supposerait que l'Opposante a autorisé, par la voie d'une licence ou autrement, le Requérant à employer la Marque en liaison avec son site Web fournissant de l'information dans les domaines de la planification familiale, de la conception, de la grossesse, de la naissance et de l'art d'être parent, et des documents imprimés ayant trait à la santé, à la grossesse, à l'art d'être parent et à la puériculture.

[56]           Le Requérant n'ayant pas démontré qu'à la date du 21 mars 2011, la Marque était adaptée à distinguer ses marchandises et services des marchandises et services de l'Opposante, le motif d'opposition fondé sur l'article 38(2)d) est accueilli.

Décision

[57]           Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 

 

 


Traduction certifiée conforme
Judith Lemire, trad.

 

 

 

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