Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 11

Date de la décision : 2011-01-24

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Corel Corporation à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1211543 pour la marque de commerce CORBEL au nom de Microsoft Corporation

 

[1]               Le 30 mars 2004, Microsoft Corporation (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce CORBEL (la Marque) fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec des « logiciels à utiliser dans l’affichage et l’impression de designs à caractères numériques, d’ornements typographiques et de polices de caractères » (les Marchandises). La Requérante a revendiqué le 2 décembre 2003 comme date de priorité de production en vertu de la Convention.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 14 mars 2007.

[3]               Le 14 mai 2007, Corel Corporation (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations figurant dans la déclaration d’opposition.

[4]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de son vice‑président directeur des services juridiques et avocat général, Christopher DiFrancesco. À l’appui de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Simon Daniels (l’administrateur principal de programme employé par la Requérante) et Michael Yun (un stagiaire en droit employé par les agents de marques de commerce de la Requérante). Aucun des auteurs d’affidavit n’a été contre‑interrogé.

[5]               Dans une lettre datée du 6 juillet 2009, l’Opposante a été autorisée à modifier sa déclaration d’opposition.

[6]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Les parties n’ont pas demandé la tenue d’une audience.

Résumé des motifs d’opposition et des dates pertinentes applicables

[7]               L’Opposante a invoqué les motifs d’opposition suivants sur le fondement de l’alinéa 38(2)a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) :

1.      la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30e) en ce que la Requérante n’a pas l’intention d’employer la Marque au Canada, elle‑même ou par l’entremise d’un licencié, ou elle‑même et par l’entremise d’un licencié;

2.      la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30i) en ce que la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque compte tenu de l’existence et de l’emploi au Canada de la famille de marques COREL de l’Opposante.

[8]               L’Opposante a également invoqué le motif d’opposition suivant sur le fondement de l’alinéa 38(2)b) de la Loi :

1.      la Marque n’est pas enregistrable au sens de l’alinéa 12(1)d) en ce qu’elle créait et crée de la confusion avec la famille de marques de commerce déposées de l’Opposante, lesquelles consistent en le mot COREL ou comportent le mot COREL, en liaison avec une variété de produits dont un logiciel (des renseignements sur 16 marques de la sorte sont fournis).

[9]               De plus, l’Opposante a invoqué les motifs d’opposition suivants sur le fondement de l’alinéa 38(2)c) de la Loi :

1.      la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au titre de l’alinéa 16(2)a), en ce que le 2 décembre 2003 et le 30 mars 2004, la Marque créait de la confusion avec la famille de marques COREL antérieurement employée par l’Opposante;

2.      la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au titre de l’alinéa 16(2)c), en ce que le 2 décembre 2003 et le 30 mars 2004, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial COREL CORPORATION antérieurement employé par l’Opposante;

3.      la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au titre de l’alinéa 16(3)a), en ce que le 2 décembre 2003 et le 30 mars 2004, la Marque créait de la confusion avec la famille de marques COREL antérieurement employée par l’Opposante;

4.      la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque au titre de l’alinéa 16(3)c), en ce que le 2 décembre 2003 et le 30 mars 2004, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial COREL CORPORATION antérieurement employé par l’Opposante.

[10]           Enfin, l’Opposante a invoqué le motif d’opposition suivant sur le fondement de l’alinéa 38(2)d) de la Loi :

1.      compte tenu de ce qui précède, la Marque ne distingue pas ni n’est adaptée à distinguer les Marchandises de la Requérante des marchandises ou services de l’Opposante.

[11]           Comme la Requérante n’a pas fondé sa demande sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque dans un autre pays, l’Opposante a invoqué à tort les motifs d’opposition fondés sur le paragraphe 16(2); ces motifs sont donc rejetés.

[12]           Les dates pertinentes en ce qui concerne les autres motifs d’opposition sont les suivantes :

- alinéa 38(2)a)/article 30 – la date de priorité de production invoquée par la Requérante en vertu de la Convention;

- alinéas 38(2)b) et 12(1)d) – la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

- alinéas 38(2)c), 16(3)a) et c) – la date de priorité de production invoquée par la Requérante en vertu de la Convention;

- alinéa 38(2)d)/article 2 – la date de production de l’opposition [Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Le fardeau de la preuve

[13]           Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on peut raisonnablement conclure que les faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition existent [John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e)

[14]           Comme la demande comporte une déclaration selon laquelle la Requérante a l’intention d’employer la marque de commerce au Canada, elle‑même ou par l’entremise d’un licencié ou elle-même et par l’entremise d’un licencié, elle est officiellement conforme à l’alinéa 30e). Par conséquent, il faut maintenant déterminer si la Requérante s’est sensiblement conformée à l’alinéa 30e), c’est-à-dire si sa déclaration selon laquelle elle a l’intention d’employer la Marque est vraie. [Voir Home Quarters Warehouse, Inc. c. Home Depot, U.S.A., Inc. (1997), 76 C.P.R. (3d) 219 (C.O.M.C.); Jacobs Suchard Ltd. c. Trebor Bassett Ltd. (1996), 69 C.P.R. (3d) 569 (C.O.M.C.).]

[15]           Le fardeau initial de l’Opposante peut être moins lourd en ce qui a trait au non‑respect de l’alinéa 30e) de la Loi puisque la Requérante est bien au courant des faits qui permettraient de soutenir qu’elle a l’intention d’employer la Marque au Canada [Molson Canada c. Anheuser‑Busch Inc. (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F), p. 334]. Toutefois, lorsque le requérant produit des éléments de preuve potentiellement pertinents et que l’opposant ne se prévaut pas de son droit au contre‑interrogatoire, le fardeau initial de ce dernier ne sera peut-être pas moins lourd [voir Fossil Inc. c. Emeny (2005), 2005 CarswellNat 453 (C.O.M.C.), par. 13].

[16]           Bien qu’il y ait des faiblesses potentielles dans le témoignage de M. Daniels quant à savoir qui emploierait la Marque ou comment la Marque serait employée au Canada, ces faiblesses ne sont pas manifestement incompatibles avec la déclaration de la Requérante selon laquelle elle a l’intention d’employer la Marque.

[17]           Par conséquent, le motif fondé sur l’alinéa 30e) est rejeté parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

[18]           Ce motif est rejeté pour deux raisons. Premièrement, l’Opposante n’a pas invoqué (ni démontré) que la Requérante connaissait ses marques lorsqu’elle a produit sa demande. Deuxièmement, lorsqu’un requérant fournit la déclaration exigée à l’alinéa 30i), le motif fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque la preuve dénote la mauvaise foi du requérant [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155]. En l’espèce, la Requérante a fourni la déclaration exigée à l’alinéa 30i), et rien n’indique qu’il s’agit d’un cas exceptionnel.

La probabilité de confusion

[19]           Chacun des autres motifs indique qu’il existe une probabilité de confusion entre les diverses marques COREL (ou nom commercial) de l’Opposante et la Marque. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, la probabilité de confusion doit être évaluée selon une date différente pour chacun des motifs.

[20]           La marque la plus pertinente parmi les marques ou le nom de l’Opposante est simplement la marque de commerce COREL, en liaison avec un logiciel, et mon analyse sera centrée sur la probabilité de confusion entre les Marchandises CORBEL et le logiciel COREL.

[21]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[22]           Pour appliquer le test en matière de confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment les facteurs expressément énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises, d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à ces facteurs n’est pas forcément le même. [Voir, de façon générale, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.)]

[23]           Dans l’arrêt Mattel, le juge Binnie a précisé sa pensée sur le test en matière de confusion de la façon suivante :

56     Quel point de vue faut-il alors adopter pour apprécier la probabilité d’une « conclusion erronée »? Ce n’est pas celui de l’acheteur prudent et diligent. Ni, par ailleurs, celui du « crétin pressé », si cher à certains avocats qui plaident en matière de commercialisation trompeuse : Morning Star Co-Operative Society Ltd. c. Express Newspapers Ltd., [1979] F.S.R. 113 (Ch. D.), p. 117. C’est plutôt celui du consommateur mythique se situant quelque part entre ces deux extrêmes, surnommé [traduction] « l’acheteur ordinaire pressé » par le juge en chef Meredith dans une décision ontarienne de 1927 : Klotz c. Corson (1927), 33 O.W.N. 12 (C.S.), p. 13. Voir aussi Barsalou c. Darling (1882), 9 R.C.S. 677, p. 693. Dans Aliments Delisle Ltée c. Anna Beth Holdings Ltd., [1992] C.O.M.C. no 466 (QL), le registraire a dit :

Pour évaluer la question de la confusion, il faut examiner les marques de commerce du point de vue du consommateur moyen pressé, ayant une réminiscence imparfaite de la marque de l’opposante, qui pourrait tomber sur la marque de commerce de la requérante utilisée sur le marché en liaison avec ses marchandises.

[...]

58     De toute évidence, le consommateur ne prend pas chacune de ses décisions d’achat avec la même attention, ou absence d’attention. Il prend naturellement plus de précautions s’il achète une voiture ou un réfrigérateur, que s’il achète une poupée ou un repas à prix moyen : General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678. Dans le cas de l’achat de marchandises ou de services ordinaires de consommation courante, ce consommateur mythique, quoique d’intelligence moyenne, est généralement en retard sur son horaire et a plus d’argent à dépenser que de temps à perdre à se soucier des détails. Dans certains marchés, il conviendra de présumer le bilinguisme fonctionnel de cette personne : Four Seasons Hotels Ltd. c. Four Seasons Television Network Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d 139 (C.O.M.C.). Pour ces consommateurs mythiques, l’existence des marques de commerce ou des noms commerciaux accélère et facilite les décisions d’achat. Le droit reconnaît que, lorsque la nouvelle marque de commerce accroche leur regard, ils n’ont qu’un souvenir général et assez vague de la marque antérieure, aussi célèbre soit‑elle ou, ainsi qu’il est dit dans Coca-Cola Co. of Canada Ltd. c. Pepsi-Cola Co. of Canada Ltd., [1942] 2 D.L.R. 657 (C.P.), ils s’en souviennent comme le ferait [traduction] « une personne dont la mémoire n’est ni bonne ni mauvaise, avec ses imperfections habituelles » (p. 661). La norme applicable n’est pas celle des personnes [traduction] « qui ne remarquent jamais rien », mais celle des personnes qui ne prêtent rien de plus qu’une [traduction] « attention ordinaire à ce qui leur saute aux yeux » : Coombe c. Mendit Ld. (1913), 30 R.P.C. 709 (Ch. D.), p. 717. Or, si ces consommateurs occasionnels ordinaires plutôt pressés sont susceptibles de se méprendre sur l’origine des marchandises ou des services, le critère prévu par la loi est rempli.

[24]           Je vais commencer par me pencher sur la probabilité de confusion relativement au motif fondé sur l’alinéa 16(3)a), soit en date du 2 décembre 2003. L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial à l’égard de ce motif puisque M. DiFrancesco a démontré que le logiciel COREL s’est vendu au Canada avant le 2 décembre 2003 (voir par exemple les paragraphes 21, 24 et 33 ainsi que les pièces D-2 et I).

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[25]           Il semble que COREL soit un mot inventé et par conséquent, la marque de l’Opposante a un caractère distinctif inhérent.

[26]           Monsieur Yun a fourni la définition du dictionnaire suivante à l’égard du mot « corbel » [corbeau] : pierre ou pièce de bois etc., en saillie sur l’aplomb d’un parement, destinée à supporter un poids, 2. petite pièce de bois posée longitudinalement sous une poutre pour aider à la supporter. Puisque cette définition n’a aucun lien avec les Marchandises, la Marque a également un caractère distinctif inhérent.

[27]           Le caractère distinctif d’une marque peut également être accentué par l’emploi et la promotion. Selon M. DiFrancesco, les ventes de  marchandises portant la marque COREL de l’Opposante au Canada se sont chiffrées à des millions de dollars chaque année de 2000 à 2007. De plus, il a démontré que l’Opposante a annoncé abondamment sa marque. À l’opposé, en date du 2 décembre 2003, la Requérante n’avait pas commencé à employer ou à promouvoir sa Marque.

La période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage

[28]           En date du 2 décembre 2003, l’Opposante employait sa marque depuis plus de 10 ans, alors que la Requérante n’avait pas encore commencé à employer la sienne.

Le genre de marchandises, services ou entreprises

[29]           Monsieur DiFrancesco explique que l’Opposante est un développeur de logiciels graphiques, de logiciels de productivité et de logiciels de médias numériques. Il semble que la marque COREL soit employée comme marque maison pour un certain nombre de produits logiciels utilisés pour la microédition, la graphique, le traitement de texte, les feuilles de calcul électronique, l’imagerie numérique, etc. Monsieur DiFrancesco affirme que parmi les logiciels de l’Opposante, on trouve un logiciel de publication, un logiciel de traitement de texte, un logiciel d’animation ainsi qu’un logiciel de médias numériques. Le logiciel de traitement de texte de l’Opposante comprend des ornements typographiques et des polices de caractères (la marque de commerce COREL et la marque de commerce WORDPERFECT sont toutes deux associées à ce logiciel).

[30]           Les marchandises de l’Opposante sont vendues par l’entremise de distributeurs, de constructeurs de matériels et de détaillants, ainsi qu’en ligne.

[31]           Dans son affidavit, M. Daniels renvoie au logiciel CORBEL et à la police CORBEL. Monsieur Daniels affirme que le logiciel CORBEL est utilisé par un système d’exploitation ou par d’autres applications logicielles pour afficher les lettres et les autres caractères dans une police ou un style précis. Il affirme également que le logiciel CORBEL est parfois vendu, parfois distribué gratuitement et parfois incorporé dans un système logiciel plus gros (p. ex. le système d’exploitation WINDOWS VISTA). Le logiciel CORBEL est également vendu par des tiers, comme le démontre la pièce 2; la pièce 2 est une annonce publicitaire en ligne provenant du site www.myfonts.com.

[32]           Je remarque que dans son plaidoyer écrit, pour distinguer les marchandises des parties, la Requérante se fonde sur le fait que son logiciel est conçu pour afficher une police en particulier, alors que le logiciel de traitement de texte de l’Opposante comprend un logiciel visant l’affichage d’une série de polices.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce

[33]           Les marques en litige sont assez semblables dans la présentation et le son. Bien que la Marque de la Requérante soit définie dans le dictionnaire, il ne s’avère pas que l’acheteur ou l’usager moyen des Marchandises connaîtrait le sens du mot « corbel » [corbeau]. Par conséquent, je ne crois pas que la définition du dictionnaire est utile à la Requérante d’une quelconque façon, car rien n’indique que le mot CORBEL évoquerait une idée précise pour l’acheteur de logiciel canadien moyen.

Les autres circonstances de l’espèce

i) L’état du registre et du marché

[34]           Rien n’indique que des tiers ont employé des marques similaires.

ii) La famille de marques de l’Opposante

[35]           L’Opposante a fait valoir qu’elle possède une famille de marques COREL. La partie qui cherche à établir l’emploi d’une famille de marques doit également établir qu’elle emploie plus qu’une ou deux marques parmi la famille de marques invoquée. C’est ce qu’a fait Monsieur DiFrancesco. Toutefois, je ne considère pas que la famille de marques de l’Opposante soit un facteur déterminant dans les circonstances de l’espèce.

Conclusion relativement à la probabilité de confusion en date du 2 décembre 2003

[36]           Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 13(3)a). Les marques des parties sont très similaires et sont liées à des marchandises qui ne sont pas dissemblables. Dans un monde où l’utilisateur/l’acheteur de logiciel canadien moyen ne connaît que les produits logiciels COREL de l’Opposante, le paragraphe 6(2) nous oblige à examiner si l’emploi de la marque CORBEL « dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ». J’estime que les petites différences entre les marques et entre leurs marchandises ainsi que toute différence entre leurs voies de commercialisation ne nous permettent pas de conclure que la confusion est improbable. Pour tirer cette conclusion, j’ai tenu compte des lignes directrices suivantes de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.), par. 20 :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue du nom Cliquot sur la devanture des boutiques des intimées ou sur une de leurs factures, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce VEUVE CLICQUOT et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques. Pour reprendre les termes utilisés par le juge Pigeon dans Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192, p. 202 :

[traduction] Nul doute que si une personne examinait les deux marques attentivement, elle les distinguerait facilement. Ce n’est toutefois pas sur cette constatation qu’il faut se fonder pour déterminer s’il existe une probabilité de confusion.

 

... les marques ne paraîtront pas côte à côte et [la Cour doit] essayer d’empêcher qu’une personne qui voit la nouvelle marque puisse croire qu’il s’agit de la même marque que celle qu’elle a vue auparavant, ou même qu’il s’agit d’une nouvelle marque ou d’une marque liée appartenant au propriétaire de l’ancienne marque. (Citant Halsbury’s Laws of England, 3e éd., vol. 38, par. 989, p. 590.)

[37]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) est retenu au motif que l’Opposante a employé antérieurement la marque COREL en liaison avec des logiciels, notamment un logiciel de traitement de texte qui comprend des ornements typographiques et des polices de caractères. 

Le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

[38]           Pour que le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif soit accueilli, l’Opposante n’a qu’à démontrer qu’en date du 14 mai 2007, la marque COREL était devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, p. 58 (C.F. 1re inst.). L’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial.

[39]           Entre le 3 décembre 2003 et le 14 mai 2007, il y a eu des changements relativement aux facteurs énumérés au paragraphe 6(5). En particulier, la Requérante a commencé à employer sa Marque. Le 16 octobre 2008, M. Daniels a attesté que depuis le début de l’année 2007, plus de 4,5 millions de logiciels CORBEL ont été vendus ou distribués au Canada. Monsieur Daniels a également déclaré que le logiciel CORBEL a été lancé environ en 2006, dont des versions d’essai ont été distribuées en 2005, mais on ne sait pas si ces déclarations se rapportent au Canada (M. Daniels habite aux États‑Unis). Par conséquent, je considère que la date de premier emploi est fort probablement « le début de l’année 2007 » en ce qui concerne le Canada.

[40]           Comme M. Daniels n’a pas clairement indiqué dans quelle mesure la Marque était employée au Canada avant le 14 mai 2007, je ne peux évaluer la portée de la réputation de la Marque de la Requérante au Canada à cette date. Par conséquent, les différences entre la preuve en date du 3 décembre 2003 et celle en date du 14 mai 2007 ne changent rien quant au fait que ma conclusion concernant le motif fondé sur le caractère distinctif est la même que celle à laquelle je suis arrivée à l’égard du motif fondé sur l’alinéa 16(3)a). La Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau, et le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est donc retenu.

Les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 12(1)d)

[41]           Pour que le l’Opposante puisse s’acquitter de son fardeau de preuve initial, les enregistrements des marques de commerce invoqués sur le fondement de l’alinéa 12(1)d) doivent exister à la date de la présente décision. Quinze des seize enregistrements existent actuellement (l’enregistrement no LMC432071 a été radié le 1er avril 2010 pour non‑renouvellement). J’estime que l’enregistrement le plus pertinent parmi ceux qui restent est l’enregistrement no LMC328630 pour la marque COREL, en liaison avec, parmi d’autres marchandises informatiques, un logiciel.

[42]            La position de la Requérante concernant la probabilité de confusion est renforcée par le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) puisque, en date de la présente décision, la preuve démontre que les logiciels COREL et CORBEL ont coexisté sur le marché canadien, et rien ne démontre l’existence d’une confusion entre eux. Entre le début de l’année 2007 et le 16 octobre 2008, plus de 4,5 millions de logiciels CORBEL ont été vendus ou distribués au Canada, seuls ou incorporés dans un système logiciel plus gros (affidavit de M. Daniels, paragraphe 11). Une inférence négative quant à la probabilité de confusion peut être tirée lorsque la preuve démontre que l’utilisation simultanée des deux marques est significative et que l’opposant n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence d’une confusion [Christian Dior S.A. c. Dion Neckwear Ltd., 2002, 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.), par. 19]. Cependant, comme j’ai déjà rejeté la demande en me fondant sur deux motifs d’opposition, je n’examinerai pas le motif fondé sur l’alinéa 12(1)d) plus à fond.


Décision

[43]           Pour les motifs qui précèdent, en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.

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