Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2014 COMC 16

Date de la décision : 2014-01-27

TRADUCTION

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par 7-Eleven, Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement n1,459,038 pour la marque de commerce BIT BITE & Dessin, au nom de BitBite Foods Inc.

 

[1]               7-Eleven, Inc. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce BIT BITE & Dessin reproduite ci-dessous (la Marque), faisant l’objet de la demande d’enregistrement no 1,459,038 produite par BitBite Foods Inc. (la Requérante) :

Round designed, design on edges big letters (bit bite) 

[2]               Produite le 13 novembre 2009 par BitBite Foods Inc., la demande est fondée sur un emploi projeté au Canada en liaison avec des marchandises qui recouvrent une vaste gamme de produits alimentaires, y compris, entre autres, des produits de boulangerie-pâtisserie et des ingrédients de boulangerie, des grains, des fruits et des légumes, des grignotines, des viandes, des épices, des sauces et des condiments. L’état déclaratif des marchandises est reproduit dans son intégralité à l’annexe A de cette décision (les Marchandises).

[3]               L’Opposante allègue que (i) la demande n’est pas conforme à l’article 30i) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi); (ii) la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi; (iii) la Marque n'est pas enregistrable au sens de l'article 12(1)d) de la Loi; et (iv) la Marque ne possède pas un caractère distinctif en vertu de l’article 2 de la Loi.

[4]               Le motif d'opposition fondé sur l’article 30i) de la Loi est sommairement rejeté. Lorsqu'un requérant présente la déclaration requise en vertu de l'article 30i) de la Loi, un motif d’opposition fondé sur l’article 30i) ne doit être accepté que dans des situations exceptionnelles, comme lorsqu'il y a preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à 155]. En l’espèce, la Requérante a fourni la déclaration requise et il ne s'agit pas d'un cas exceptionnel. Par conséquent, ce motif d'opposition fondé sur l'article 30i) est rejeté.

[5]               Par conséquent, les questions qui restent à trancher en l’espèce sont :

(i)                      La demande est-elle enregistrable compte tenu des marques de l’Opposante?

(ii)                    La Requérante était-elle la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque?

(iii)                  La Marque distinguait-elle les marchandises de la Requérante?

Les trois questions portent sur la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce BIG BITE (LMC728,674), BIG BITE & Dessin (LMC405,449), 1/3 LB. BIGGEST BIG BITE (LMC593,755), SMOKIE BIG BITE (LMC393,436) et SUPER BIG BITS (LMC602,497) de l’Opposante, dont les spécifications sont jointes à l'annexe B de cette décision.

Le dossier

[6]               La déclaration d’opposition a été produite par l’Opposante le 10 mai 2011. Elle a été contestée par la Requérante dans une contre-déclaration du 6 juin 2011.

[7]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Laurie Smith, la directrice nationale des communications de l’Opposante, souscrit le 5 octobre 2011; l’affidavit de David Potter, un associé de l’agent de l’Opposante, souscrit le 30 septembre 2011; et des copies certifiées des enregistrements canadiens des marques de commerce nos LMC405,449, LMC728,674, LMC602,497, LMC593,755 et LMC 393,436. À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit d’Alan Booth, un chercheur en marques de commerce, souscrit le 24 novembre 2011, et l’affidavit d’Oliver Hunt, un agent de marques de commerce pour la Requérante, souscrit le 4 janvier 2012. Il n'y a pas eu de contre-interrogatoire.

[8]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées à l’audience.

L’obligation légale et le fardeau de la preuve de chaque partie

[9]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l'Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d'opposition soit dûment plaidé et de s'acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.), à 298; Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Motif d’opposition fondé sur la confusion et la non-enregistrabilité au sens de l’article 12(1)d) de la Loi

[10]           L'Opposante a plaidé que la Marque ne peut pas être enregistrée parce qu'elle crée de la confusion avec les marques de l’Opposante (énumérées à l’annexe B de cette décision).

[11]           La date pertinente en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[12]           L’Opposante a satisfait à son fardeau initial relativement à ce motif d’opposition. À cet égard, l’Opposante a produit des copies certifiées de chacun des enregistrements invoqués, et j’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire et consulté le registre pour confirmer que les enregistrements de l’Opposante sont en règle [Quaker Oats Co of Canada c. Menu Foods Ltd, (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)].

[13]           Je dois maintenant décider, selon la prépondérance des probabilités, si la Marque est susceptible de créer de la confusion avec une ou plusieurs marques de commerce déposées de l’Opposante. À cet égard, j’estime que les marques de l’Opposante les plus susceptibles de lui donner gain de cause sont sa marque nominale BIG BITE (LMC728,674) et sa marque BIG BITE & Dessin (LMC405,449). Si l’Opposante n’obtient pas gain de cause relativement à ces marques, elle n’obtiendrait pas non plus gain de cause relativement aux autres enregistrements.

Le test en matière de confusion

[14]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Conformément à l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

[15]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont précisées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle chacun a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même [voir, de manière générale, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC) et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC)].

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[16]           La Marque est composée des mots BIT BITE, à l’intérieur du dessin d’un cercle qui porte une marque de bouchée. Les mots BIT [morceau] et BITE [bouchée] sont des mots courants du dictionnaire. Les définitions suivantes, tirées de la 2e édition du Canadian Oxford Dictionary s’appliquent :

[traduction]

BIT [morceau] : « petite partie ou petite quantité : un morceau de fromage /  | donne-moi un autre morceau /  | ce morceau est trop petit ».

BITE [bouchée] : « une quantité d’aliments qu’on porte en bouche ■ une collation ou un repas léger ».

Non seulement s’agit-il de mots courants du dictionnaire, mais ils suggèrent le genre des Marchandises en ce sens qu’ils expriment l’idée d’une petite quantité ou portion d’aliments. De plus, je ne considère pas que le dessin du cercle soit trop distinctif, et la marque de bouchée ne fait que souligner et réitérer l’idée du mot BITE [bouchée], renforçant l’idée que les Marchandises sont comestibles.

[17]           Les marques de L’Opposante sont composées des mots BIG BITE [grosse bouchée], avec la marque figurative qui semble comprendre un embellissement du mot BITE en forme de marque de bouchée. De nouveau, comme pour la Marque, les marques de l’Opposante sont composées de mots courants du dictionnaire. La définition susmentionnée du mot BITE [bouchée] semble tout aussi pertinente, et le mot BIG [gros] suggère que les marchandises de l’Opposante comprennent une grosse portion.

[18]           Bien que je reconnaisse que la marque BIT BITE de la Requérante ne soit pas composée selon une construction linguistique courante (puisque l’on serait plus portés à parler d’une [traduction] « petite bouchée » ou d’une [traduction] « minuscule bouchée » par exemple), cela ne met en valeur que légèrement le caractère distinctif inhérent de la Marque. Dans l’ensemble, étant donné que les marques des parties ne sont composées que de mots courants du dictionnaire qui suggèrent les marchandises avec lesquelles elles sont en liaison, je suis d’avis qu’aucune des deux marques ne peut être considérée comme une marque intrinsèquement forte.

[19]           La force d'une marque de commerce peut être accrue si elle devient connue au Canada par la promotion ou l'emploi. La Requérante soutient que l’Opposante n’a réellement établi que l’emploi de sa marque nominale BIG BITE (LMC728,674). L’Opposante soutient, par ailleurs, que sa preuve démontre clairement un emploi substantiel et continu au Canada de sa famille de marques de commerce BIG BITE depuis aussi tôt que 1992.

[20]           La preuve de l’Opposante en lien avec l’emploi et la promotion de ses marques est contenue à la fois dans les affidavits de Mme Smith et de M. Potter. Dans son affidavit, Mme Smith déclare que depuis 1992, la licenciée de l’Opposante au Canada (7-Eleven Canada Inc.) n’a jamais cessé de vendre des hot-dogs au public en liaison avec [traduction] « une ou plusieurs des marques BIG BITE » (la référence collective du déposant à ces marques énumérées à l'annexe B de cette décision). Elle fournit des chiffres d’affaires considérables remontant à 2007 en ce qui concerne les [traduction] « les ventes de hot-dogs vendus en liaison avec une ou plusieurs des marques BIG BITE au Canada ». Elle fournit également d’importantes dépenses en promotion et publicité d’ordre général qui remontent à 2002, et dont, déclare-t-elle [traduction] « une part importante de ces dépenses a été consacrée à la promotion des marques BIG BITE ».

[21]           Mme Smith a également joint en pièce C de son affidavit une sélection d’éléments de matériel publicitaire en point de vente. Je reconnais que plusieurs de ces éléments de matériel publicitaire en point de vente étaient employés à proximité immédiate des hot-dogs offerts en vente (par exemple, des affichettes placées sur les couvercles en verre des grils à rouleaux pour hot-dogs et de la signalisation tubulaire placée directement sur les grils à rouleaux pour hot-dogs. Par conséquent, la marque de commerce aurait été liée aux marchandises dans l’esprit des consommateurs au moment du transfert de possession, ce qui constitue un emploi en vertu de l’article 4(1) de la Loi [voir Loblaws Ltd c. Richmond Breweries Ltd (1982), 73 CPR (2d) 258 (COMC); Riches McKenzie & Herbert LLP c. Parissa Laboratories Inc (2006), 59 CPR (4th) 219 (COMC)].

[22]           Toutefois, des marques BIG BITE, seule la marque nominale BIG BITE (LMC728,674) se trouve parmi les éléments fournis par Mme Smith (pièce C). Cela est également cohérent avec la preuve de M. Potter, qui s’est rendu dans plusieurs établissements 7-Eleven du centre-ville de Toronto pour obtenir des preuves de l’emploi des marques de commerce BIG BITE. Des photographies du matériel publicitaire en point de vente prises dans les différents établissements visités par M. Potter sont jointes en pièces DP-1 to DP-4. Encore une fois, les photographies montrent les échantillons de matériel publicitaire en point de vente à proximité immédiate des hot-dogs (c.-à-d. sur le gril pour hot-dogs, et une affichette sur la vitrine d’un gril à rouleaux pour hot-dogs). Le matériel publicitaire en point de vente affiche clairement la marque nominale BIG BITE.

[23]           Par conséquent, je reconnais le fait que la marque nominale BIG BITE de l’Opposante est devenue connue au Canada dans une certaine mesure en ce qui concerne les marchandises visées par l’enregistrement de l’Opposante, [traduction] « Sandwichs, nommément hot-dogs et pains ». Ainsi, ce facteur favorise l’Opposante.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[24]           Comme susmentionné, l’Opposante a démontré l’emploi de sa marque nominale BIG BITE. Bien que l’enregistrement de la marque de commerce figurative BIG BITE (LMC405,449) de l’Opposante soit fondé sur l’emploi, cela me permet tout au plus de présumer qu’il y a eu un emploi de minimis [voir Entre Computer Centers Inc c. Global Upholstery Co (1992), 40 CPR (3d) 427 (COMC)]. En l’absence de preuve d’emploi de la Marque, j’estime que la marque nominale BIG BITE a été en usage pour une période plus longue que la Marque. Ce facteur favorise donc l’Opposante.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises ou la nature du commerce

[25]           À l’égard de ce facteur, ma décision repose sur la comparaison entre l'état déclaratif des marchandises figurant dans la demande de la Requérante et les marchandises enregistrées de l'Opposante [voir Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp. (1997), 84 CPR (3d) 89 (COMC)].

[26]           Les marchandises de l’Opposante sont [traduction] « Sandwichs, nommément hot-dogs et pains ». Par ailleurs, les Marchandises de la Requérantes recouvrent une vaste gamme de produits alimentaires, y compris, entre autres, des produits de boulangerie-pâtisserie et des ingrédients de boulangerie, des grains, des fruits et des légumes, des grignotines, des viandes, des épices, des sauces et des condiments [voir la liste complète des Marchandises à l’annexe A de cette décision].

[27]           La Requérante soutient que les hot-dogs BIG BITE de l’Opposante constituent un [traduction] « mets préparé » et ne sont pas le type de produit disponible dans les épiceries ordinaires, mais qu’ils sont plutôt disponibles uniquement dans les points de vente de l’Opposante. La Requérante soutient également qu’il est évident que les produits dans sa propre demande sont vendus dans des épiceries ordinaires, et non pas par l’entremise d’établissements de restauration rapide. Quoi qu'il en soit, la Requérante soutient que même si les mêmes voies de commercialisation sont concernées, notre jurisprudence indique que lorsque les produits de consommation sont vendus dans le même type de point de vente ou même à proximité immédiate, cela ne peut servir de fondement à une conclusion de confusion [citant Edelweiss Food Products c. Finest Chocolate Canada (2000), 5 CPR (4th) 256 (COMC)].

[28]           L’Opposante soutient que puisque les produits des deux parties sont des produits alimentaires, y compris des grignotines, il y a un lien évident entre les marchandises respectives des parties. Je suis d’accord qu’il y a un recoupement, mais seulement en ce qui concerne les Marchandises de la Requérante qui comprennent les aliments prêt-à-servir et les grignotines et peut-être également les condiments qui sont habituellement associés aux hot-dogs. Les marchandises restantes, toutefois, ne semblent pas être des aliments prêt-à-servir ou des grignotines.

[29]           En ce qui concerne les voies de commercialisation des parties, l’Opposante soutient qu’il existe une possibilité de recoupement puisque ses magasins de détail qui vendent des hot-dogs BIG BITE au Canada vendent également une sélection d’autres produits, y compris des provisions variées. L’Opposante soutient que de tels magasins ressemblent à des [traduction] « mini-épiceries ». Je remarque que la preuve de l’Opposante indique que les magasins 7-Eleven au Canada offrent des provisions (affidavit de Mme Smith, paragraphe 6) dans le contexte de [traduction] « produits de consommation courante ». De plus, Mme Smith fait clairement et constamment référence aux magasins 7-Eleven au Canada comme à des [traduction] « dépanneurs », non pas à des « magasins d’alimentation » ou à des « mini-épiceries ».

[30]           Je ne considère pas que plusieurs des Marchandises de la Requérante entrent dans la catégorie des produits de consommation courante (voir par exemple, entre autres, [traduction] « […], pommes de terre, […], céréales et grains, nommément flocons d'avoine, gruau, fécule de pomme de terre, flocons de blé, blé concassé, germe de blé, farine de froment, graines de lin, blé entier, seigle, millet, blé d'Égypte, son, épeautre et orge, […] volaille fraîche et bœuf frais, […], tofu »). Comme indiqué dans Coffee Hut, précité, il est nécessaire d’examiner l’état déclaratif des marchandises de la Requérante dans le but de déterminer le genre probable d’entreprise. Étant donné qu’un grand nombre des Marchandises de la Requérante ne sont pas des [traduction] « produits de consommation courante », je suis d’avis qu’il est raisonnable de reconnaître l’observation de la Requérante voulant que les Marchandises soient des produits qui seraient normalement vendus dans des épiceries ordinaires. Contrairement à l’observation de l’Opposante, cela ne ressemble pas à la situation dans Alpina Salami Inc c. Alpina Productos Alimenticious SA, [2011] COMC no 57. L’Opposante a démontré ses voies de commercialisation et, comme susmentionné, je suis d’avis que les voies de commercialisation de la Requérante peuvent être déduites à partir de son état déclaratif.

[31]           Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, bien qu’il puisse y avoir un recoupement entre certaines des marchandises respectives des parties, les voies de commercialisation semblent différentes. Toutefois, même si la preuve suggère que l’Opposante ne vend pas ses marchandises dans des épiceries, l’état déclaratif dans son enregistrement ne l’empêche pas de le faire [voir Cartier Men's Shops Ltd c. Cartier Inc (1981), 58 CPR (2d) 68 (CF 1re inst.) à 73; Eminence SA c. Registraire des marques de commerce (1977), 39 CPR (2d) 40 (CF 1re inst.) à 43].

[32]           Quoi qu’il en soit, même si la Requérante et l’Opposante vendaient leurs marchandises dans le même type de magasin, je suis d’avis que tout recoupement se limiterait aux Marchandises de la Requérante qui comprennent les aliments prêt-à-servir et les grignotines, et les condiments qui sont associés aux hot-dogs. Le simple fait que les Marchandises restantes appartiennent à la catégorie générale des « produits alimentaires » n’est pas suffisant pour estimer que ces marchandises sont similaires aux marchandises de l’Opposante, puisque je suis d’avis que les Marchandises restantes de la Requérante sont intrinsèquement différentes des marchandises de l’Opposante et seraient sans doute vendues dans des endroits différents [voir Edelweiss, précité; Clorox Co c. Sears Canada Inc (1992), 41 CPR (3d) 483 (CF 1re inst.); et Tradition Fine Foods Ltd c. Groupe Tradition’l Inc (2006), 51 CPR (4th) 342 (CF)].

[33]           Compte tenu de ce qui précède, l’article 6(5)d) favorise l’Opposante, alors que l’article 6(5)c) favorise l’Opposante seulement en ce qui concerne les Marchandises de la Requérante qui comprennent les aliments prêts-à-servir et les grignotines, et les condiments qui sont associés aux hot-dogs.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[34]           Je suis d’avis qu’il y a un degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties dans la présentation, particulièrement quand les mots sont superposés. À cet égard, les marques des deux parties comprennent le mot BITE et les marques figuratives des parties partagent également une caractéristique figurative de « bouchée ». Phonétiquement, les marques des parties présentent également des similitudes.

[35]           Les idées suggérées par les marques des parties dans leur ensemble sont toutefois très différentes. La Marque BIT BITE de la Requérante exprime l’idée d’une bouchée d’aliment qui est plutôt petite, alors que l’idée derrière les marques de l’Opposante est complètement à l’opposé. Autrement dit, les marques de L’Opposante expriment l’idée d’un grand volume d’aliments ou d’une grande portion. Le mot BIG [gros] est une caractéristique essentielle des marques de l’Opposante, exprimant un message fondamental aux consommateurs à propos d’un aspect ou d’une caractéristique des « hot-dogs » de l’Opposante qui peut être désirable et pertinent aux acheteurs de tels produits. À l’évidence, l’idée véhiculée par les marques des parties est différente. Par conséquent, je suis d’avis que ce facteur ne favorise de manière significative ni l’une ni l’autre des parties.

Autres circonstances de l'espèce

L'état du registre et l'état du marché

[36]           La preuve fondée sur l'état du registre n'est pertinente que dans la mesure où l’on peut en tirer des conclusions sur l’état du marché, et des conclusions ne peuvent être tirées que lorsqu’un grand nombre d’enregistrements a été repéré [Ports International Ltd c. Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc c. Maximum Nutrition Ltd (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[37]           L’Opposante soutient que les résultats de la recherche concernant l’état du registre sont inévitablement erronés puisqu’ils montrent des références à des marques hors de propos, y compris des marques complètement sans lien avec les produits alimentaires, des marques qui ne considèrent pas « BIG » et « BITE » seuls, et des marques qui appartiennent à l’Opposante. Puisque la recherche était soi-disant conçue pour repérer des marques de commerce en lien avec des produits alimentaires (et particulièrement des grignotines), l’Opposante soutient que les résultats de la recherche devraient être évalués en fonction de leur exactitude et leur fiabilité. De plus, l’Opposante soutient que la preuve de l’état du registre est composée de copies papier partielles et qu’un grand nombre des marques repérées dans les résultats de la recherche concernant l’état du registre sont des marques dont les formalités ont été accomplies ou qui sont en examen.

[38]           Contrairement aux observations de l’Opposante toutefois, il y a assez de renseignements dans la preuve de l’état du registre de la Requérante pour un examen des marques de commerce pertinentes. Joints en pièces A et B respectivement à l’affidavit de M. Booth sont les résultats de la recherche effectuée dans le registre pour les mots « BIG » [gros] et « BITE » [bouchée]. Malgré les paramètres larges de la recherche que M. Booth a effectuée dans le registre, la Requérante a fait des observations précisant les marques qu’elle estime pertinentes. Particulièrement, en ce qui concerne le mot « BIG » [gros], les marques découvertes par la Requérante, à l’exception de trois marques, sont des marques déposées qui appartiennent à plusieurs entités, qui comprennent le mot BIG [gros] seul, en liaison avec des produits alimentaires connexes. En tout, il y a 33 telles marques pertinentes. De même, en ce qui concerne le mot « BITE » [bouchée], la Requérante a découvert une liste de marques déposées qui comprennent le mot BITE [bouchée] (ou un équivalent phonétique de celui-ci, singulier ou pluriel), seul, en liaison avec des [traduction] « viandes et produits de viande ». La liste comprend 13 tels enregistrements pertinents.

[39]           Si l’on élargissait la liste de demandes pertinentes pour BITE [bouchée] afin d’y inclure des [traduction] « grignotines » (ce que l’Opposante estime pertinent selon ses observations), le nombre d’enregistrements pertinents de l’état du registre augmente considérablement. Examinons par exemple : BAGEL BITES (LMC352,616 – pour des [traduction] « bagels pizza, nommément des bagels avec des garnitures pour pizza », HEALTHY BITES (LMC514,970 – pour une gamme de grignotines), et HOT BITES (LMC549,502 – pour [traduction] « produits de grignotage préparés, nommément fonds de pâtisserie avec pizza, garnitures salées et aux fruits »). De plus, il y a des marques déposées qui comprennent le mot BITE [bouchée] (ou un équivalent phonétique de celui-ci, singulier ou pluriel), qui est qualifié par un mot qui suggère la taille ou la quantité du produit, comme MEGA BITES (LMC582,817 – pour des [traduction] « viandes préparées et/ou transformées », LOTSA BITES (LMC786,775 – pour une sélection de boulangeries-pâtisseries) et GREAT BITE & Dessin (LMC747,522 – pour une sélection de produits alimentaires). Je remarque que cette dernière marque comprend également un dessin de « bouchée ».

[40]           Compte tenu de ce qui précède, je reconnais que la Requérante a démontré de nombreux enregistrements pertinents pour démontrer que l’emploi des mots BIG [gros] et BITE [bouchée] sont communs dans ce commerce [voir Old Spaghetti Factory Canada Ltd c. Spaghetti House Restaurants Ltd (1999), 2 CPR (4th) 398 à 407 (COMC)]. Cela signifie qu’étant donné le nombre d’enregistrements pertinents, on peut présumer que les consommateurs sont habitués à voir de tels éléments utilisés dans le commerce de ce type de marchandises.

La famille de Marques

[41]           La partie qui cherche à établir une famille de marques doit prouver qu’elle emploie plus d’une ou deux marques de commerce à l’intérieur de la famille de marques alléguée (une copie certifiée de l’enregistrement n’établit pas l’emploi) [voir Techniquip Ltd. c. Canadian Olympic Assn (1998), 80 CPR (3d) 225 (CF 1re inst.), confirmé par (1998) 3 CPR (4th) 298 (CAF); Now Communications Inc. c. CHUM Ltd (2003), 32 CPR (4th) 168 (COMC)]. La Requérante soutient qu’il n’y a pas de preuve d’emploi de la « famille », mais plutôt, seulement une preuve d’emploi de la marque nominale BIG BITE. Comme susmentionné, je suis d’accord. Par conséquent, l’Opposante n’a pas établi une famille de marques.

Les résultats et le rapport de recherche de l’examinateur

[42]           La pièce C de l’affidavit de M. Booth comprend des copies des résultats de recherche et du rapport de recherche de l’examinateur pour la Marque. La Requérante soutient que ces documents montrent que l’examinateur n’a pas envisagé de soulever une objection à la demande d’enregistrement en se fondant sur les marques BIG BITE de l’Opposante. À partir de ces documents, je ne peux toutefois pas vérifier quels sont les renseignements dont l’examinateur a tenu compte lorsqu’il a produit le rapport de l’examinateur. Quoi qu’il en soit, je remarque qu’une décision par un examinateur n’engage pas la Commission : Thomas J Lipton Inc c. Boyd Coffee Co (1991), 40 CPR (3d) 272 à 277 (COMC) et Procter & Gamble Inc c. Morlee Corp (1993), 48 CPR (3d) 377 à 386 (COMC).

Conclusion

[43]           Lorsque j’ai appliqué le test en matière de confusion, j’ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Dans Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles (2011), 92 CPR (4th) 361, la Cour suprême du Canada a souligné l'importance du facteur énoncé à l'article 6(5)e) au moment d’examiner la probabilité de confusion. En l’espèce, nonobstant le fait que j’ai conclu que les marques des parties présentent des similitudes dans la présentation et dans le son, j’ai constaté une importante différence entre les marques des parties dans leur ensemble, dans les idées qu’elles suggèrent; une différence, étant donné la nature simpliste des éléments nominaux des marques des parties, qui est vraiment évidente pour le consommateur moyen.

[44]           De plus, étant donné que les marques BIG BITE de l’Opposante ne sont pas intrinsèquement fortes et que la preuve démontre clairement que les mots BIG [gros] et BITE [bouchée] sont couramment employés dans le commerce, je suis d’avis que les différences entre les marques des parties suffisent à les distinguer. Dans l’arrêt Man and His Home Ltd. c. Mansoor Electronic Ltd. (1999), 87 CPR (3d) 218 (CF 1re inst.), le juge Deneault a fait la mise en garde suivante relativement aux droits conférés à une marque de commerce déposée comportant un mot suggestif des qualités ou caractéristiques des marchandises couvertes par ce certificat d’enregistrement :

[traduction]

Il est de jurisprudence constante que les marques de commerce qui contiennent des mots qui évoquent les marchandises ou les services qu'offre leur propriétaire sont considérées comme des marques faibles qui n'ont droit, par conséquent, qu'à une faible protection. En pareil cas, même une légère différence entre les marques suffit pour réduire les risques de confusion. En outre, lorsqu'une personne adopte un mot d'usage courant et cherche à empêcher ses concurrents de faire de même, les marques de commerce ont un caractère distinctif inhérent moindre et le degré de protection accordé par le tribunal est limité. Finalement, lorsqu'une partie choisit d'employer un nom évocateur non distinctif indépendamment de tout caractère distinctif acquis, elle doit accepter une certaine confusion sans sanction.

[45]           Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que la Requérante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, à savoir d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi

[46]           L’Opposante plaide que la Requérante n’a pas droit à l’enregistrement de la Marque parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de l’Opposante (énumérées à l’annexe B de cette décision), lesquelles avaient déjà été employées au Canada.

[47]           Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial en vertu de l’article 16(3)a) de la Loi, l’Opposante doit démontrer qu’une ou plusieurs des marques de commerce invoquées à l’appui de son motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) de la Loi était employée au Canada avant la date de production de la demande d’enregistrement de la Marque (13 novembre 2009) et n’avait pas été abandonnée à la date de publication de la demande d’enregistrement de la Marque (22 décembre 2010) [article 16(5) de la Loi].

[48]           Comme susmentionné, à l’examen du motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi, je reconnais que l’Opposante a démontré l’emploi de sa marque nominale BIG BITE (LMC728,674). De plus, la preuve étaye le fait que la marque nominale BIG BITE de l’Opposante était toujours employée à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement de la Marque. Par conséquent, je reconnais que l’Opposante s'est acquittée de son fardeau initial.

[49]           Je dois maintenant examiner si la Requérante s’est acquittée de son fardeau de preuve. Plus précisément, il incombe à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucune probabilité de confusion entre la Marque et marque nominale BIG BITE (LMC728,674) de l’Opposante. À cet égard, la différence entre les dates pertinentes n'est pas importante et, par conséquent, les conclusions que j’ai tirées quant au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) s’appliquent également ici. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[50]           Afin de s’acquitter de son fardeau de preuve initial en vertu de ce motif, l’Opposante doit d’abord établir qu’à la date de production de la déclaration d’opposition, nommément le 10 mai 2011, l’une ou plusieurs des marques de commerce de l’Opposante étaient devenues suffisamment connues pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc, précitée; Motel 6, Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 à 58 (CF 1re inst.)]. J’estime que la preuve démontre un emploi suffisant de la marque nominale BIG BITE (LMC728,674). Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne l’une de ses marques.

[51]           Je dois maintenant examiner si la Requérante s’est acquittée de son fardeau de preuve. Plus précisément, il incombe à la Requérante d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque nominale BIT BITE de l’Opposante.

[52]           Comme ci-dessus, la différence entre les dates pertinentes n'est pas importante et, par conséquent, les conclusions que j’ai tirées quant au motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) s’appliquent également ici. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.


Décision

[53]           Dans l’exercice du pouvoir qui m’a été délégué en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en vertu de l’article 38(8) de la Loi.

 

______________________________

Darlene H. Carreau

Présidente

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay


Annexe A

Numéro de la demande

Marque de commerce

Marchandises

1,459,038

Round designed, design on edges big letters (bit bite)

Produits alimentaires, nommément biscuits, gâteaux, produits laitiers, noix, produits fins et produits naturels, nommément tartes, muffins, pain, tartelettes, pâtisseries, pain aux bananes, beurre d'arachide, tablettes de chocolat, légumes, légumineuses, fruits frais, fruits congelés, fruits secs, pommes de terre, croustilles au maïs et maïs éclaté, céréales (séchées et cuites), farines, céréales et grains, nommément flocons d'avoine, gruau, fécule de pomme de terre, flocons de blé, blé concassé, germe de blé, farine de froment, graines de lin, blé entier, seigle, millet, blé d'Égypte, son, épeautre et orge, riz, galettes de riz, pâtes alimentaires, haricots, graines, nommément graines comestibles, bicarbonate de soude, crème de tartre, extraits aromatisés, cacao, sucre à glacer, sucre à confiserie, grains de chocolat, levure chimique et fécule, œufs, café, vitamines, eau embouteillée, poisson, volaille fraîche et bœuf frais, bacon, couscous, croûtons, nouilles, poudre de cari, sauces, nommément compote de pommes, sauce au fromage, sauce au chocolat, fond de viande, sauce piquante, sauce soya, sauce à spaghetti, sauce tartare, vinaigre, sel, moutarde, relish, ketchup, miel, marinades, tofu.

 

Annexe B

Numéro de la demande

Marque de commerce

Marchandises

LMC728,674

BIG BITE

Sandwichs, nommément hot-dogs et pains.

LMC405,449

BIG BITE & DESIGN

(1)     Sandwichs, nommément hot-dogs (saucisses) et pains.

(2)     Sandwichs, nommément hot-dogs et petits pains.

LMC593,755

1/3 LB. BIGGEST BIG BITE

Sandwiches, nommément hot-dogs et petits pains.

LMC393,436

SMOKIE BIG BITE

Sandwichs, nommément saucisses et petits pains.

LMC602,497

SUPER BIG BITS

Beignes et morceaux de beignes.

 

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