Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION de Mark Anthony Properties Ltd. à la demande no 1047492 produite par David A. Nichol en vue de l'enregistrement de la marque de commerce DAVE’S MEXI QUILA STINGER __________________________________________

 

 

La procédure

 

Le 18 février 2000, David A. Nichol (le « Requérant ») a déposé une demande en vue de l’enregistrement de la marque de commerce DAVE’S MEXI QUILA STINGER (la « Marque »), fondée sur l’emploi projeté en liaison avec les boissons alcoolisées brassées, nommément bière et boissons de malt alcoolisées (les « Marchandises »), au Canada.

 

La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 18 juillet 2001 aux fins de la procédure d'opposition. Mark Anthony Properties Ltd. (l’« Opposante ») a produit une déclaration d'opposition le 18 décembre 2001, et le Registraire l’a fait parvenir au Requérant le 22 janvier 2002. 

 

Les motifs d’opposition invoqués sont les suivants : les Marchandises ne sont pas décrites dans les termes commerciaux habituels; le Requérant n’a pas respecté les dispositions de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »); la Marque n’est pas enregistrable car elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Marchandises et/ou de leur lieu d’origine; la Marque n’est pas enregistrable car elle constitue le nom, dans une langue, des Marchandises et crée de la confusion avec les marques de commerce suivantes :

  MEXICALI  LMC508667 pour la bière;

  MEXIQUITA  LMC364091 pour les boissons alcoolisées distillée;

  STING  LMC385417 pour les boissons alcoolisées au goût de fruits

 

En outre, l’Opposante a fait valoir que le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque, cette dernière créant de la confusion avec l’une ou plusieurs des marques de commerce antérieurement employées, énumérées ci-dessus, de même qu’avec une marque de commerce pour laquelle une demande d’enregistrement a été présentée et qui est actuellement pendante au Canada, à savoir : 

  ZEQUILA     Demande 1037282 pour les boissons alcoolisées brassées, nommément bière et boissons alcoolisées au malt.

 

Enfin, l’Opposante soulève la question du caractère distinctif de la Marque, compte tenu des faits décrits dans le cadre des autres motifs d’opposition.

 

Le 12 février 2002, le Requérant a déposé une contre-déclaration dans laquelle il rejette essentiellement  tous les motifs d’opposition.

 

La preuve de l'Opposante se compose des affidavits d’Anthony Von Mandl, de Jeannine Summers et de Catherine Dux ainsi que des copies certifiées des enregistrements et de la demande d’enregistrement indiqués ci-dessus. Le Requérant a déposé les affidavits d’Ian Kerr et de Deborah Eatherley. Une ordonnance de contre-interrogatoire a été délivrée à l’égard des déposants de l’Opposante, mais Anthony Von Mandl est le seul à avoir été contre-interrogé, et la transcription de ce contre-interrogatoire a été déposée avec les réponses fournies pour satisfaire aux engagements. L’Opposante a déposé l’affidavit de Hiyasmin Matias en contre-preuve.

 

Les deux parties ont déposé des observations écrites et seule l’Opposante a été représentée à l’audience. Dans ses observations écrites, l’Opposante a informé le Registraire qu’elle ne maintenait plus les motifs d'opposition en application de l’article 30 et de l’alinéa 12(1)c) de la Loi. À l’audience, l’Opposante a en outre déclaré qu’elle ne se fonderait que sur son enregistrement et sur l’emploi de sa marque de commerce STING pour ses motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 12(1)d) et le paragraphe 16(3) de la Loi.

 

II Principes généraux applicables à tous les motifs d'opposition

 

Il incombe au Requérant de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi, mais l'Opposante a cependant la charge initiale de produire suffisamment d’éléments de preuve à partir desquels on peut raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. Une fois que l'Opposante a satisfait à cette charge initiale, le Requérant doit encore prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d'opposition particuliers ne devraient pas faire obstacle à l'enregistrement de la marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux p. 329‑330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] C.F. 722].

 

Les dates pertinentes pour l’analyse des motifs d’opposition soulevés sont les suivantes :

 

  La date de dépôt de la demande (18 février 2000) pour l’enregistrabilité de la Marque en application de l’alinéa 12(1)b) de la Loi [voir Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60];

  La date à laquelle la décision du registraire a été rendue concernant l’enregistrabilité de la Marque en application de l’alinéa 12(1)d) de la Loi [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, p. 424 (C.A.F.)];

  La date de dépôt de la demande (18 février 2000) pour établir le droit à l'enregistrement de la Marque lorsque la demande est fondée sur l’emploi projeté [voir le paragraphe 16(3) de la Loi];

  La date de dépôt de la déclaration d’opposition (18 décembre 2001) est généralement considérée comme la date pertinente pour déterminer le caractère distinctif de la Marque [voir Andres Wines Ltd. et E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.), et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.).].

 

III Enregistrabilité de la Marque

 

L’Opposante prétend que la Marque n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, étant donné qu’elle créerait de la confusion avec la marque de commerce enregistrée STING, certificat d’enregistrement LMC385417, en liaison avec les boissons alcoolisées au goût de fruits et également en raison des dispositions de l’alinéa 12(1)b), car elle donnerait une description fausse et trompeuse des Marchandises. Je discuterai de chacune de ces prétentions dans l’ordre susmentionné.

 

L’Opposante a satisfait au fardeau initial de la preuve en ce qui a trait au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi en déposant une copie certifiée de l’enregistrement LMC385417. Par conséquent, je dois déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, la Marque est susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce STING de l’Opposante.

 

Le critère pour décider de ce point est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, et je dois prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris celles qui figurent au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou les noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et il n’est pas nécessaire de leur attribuer une importance égale [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)]. Je renvoie à cet égard à l’arrêt de la Cour suprême du Canada Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., (2006) 49 C.P.R. (4th) 321, pour une analyse récente de ces critères.

 

Même si la marque de commerce STING de l’Opposante est un mot de la langue anglaise, elle possède un caractère distinctif inhérent lorsqu’elle est utilisée en liaison avec les boissons alcoolisées tandis que la Marque contient le mot STINGER, qui décrit un type de cockail ainsi qu’il ressort de la preuve déposée par les deux parties. Je renvoie particulièrement à l’affidavit d’Ian Kerr, employé au sein du cabinet d’agents de marques retenu par le Requérant, auquel étaient joints des extraits de divers livres, notamment de celui intitulé « The New American Bartender’s Guide » (le nouveau guide américain du barman) dans lequel figure une description du cocktail désigné sous le nom de « stinger ». Il s’agit d’un mélange de brandy et d’une liqueur connue sous le nom de crème de menthe. Il y a d’autres noms de cocktail comprenant le mot « stinger », notamment : vodka stinger, Louisville stinger, stinger sour, Saskatoon stinger, tequila stinger, International stinger, Italian stinger, peppermint stinger et Roman stinger dans lesquels d’autres liqueurs remplacent le brandy ou la crème de menthe. Comme Mme Dux, elle est secrétaire juridique au sein du cabinet d’agents de marques retenu par l’Opposante. Elle a visité plusieurs bars où elle a demandé une boisson connue sous le nom de « stinger » et obtenu un cocktail constitué de brandy et de crème de menthe ou de schnapps à la menthe.

 

Même si je ne tenais pas compte de tous les éléments de preuve déposés par les deux parties relativement à cette question, en partant du principe qu’il s’agit de ouï-dire étant donné que la plupart sont, sauf pour ce qui est allégations contenues dans l’affidavit de Mme Dux et des extraits de livres déposés par M. Kerr, des recherches faites sur Internet, je serais autorisé à consulter les dictionnaires pour connaître la signification des mots [voir Insurance Co. of Prince Edward Island c. Prince Edward Island Insurance Co. (1999) 2 C.P.R. (4th) 103]. J’ai consulté le Webster’s Ninth New Collegiate Dictionary, lequel définit le mot « stinger » comme suit : 

[traduction] (…) 3. Un cocktail composé de brandy, de crème de menthe blanche et, parfois de jus de lime.

 

Je suis persuadé que le mot « stinger » est le nom d’un cocktail. En conséquence, la Marque est moins foncièrement distinctive que la marque de commerce enregistrée STING de l’Opposante, car l’inclusion du mot « stinger » dans le nom de la Marque associe cette dernière à un cocktail.

 

La deuxième composante du premier critère décrit à l’alinéa 6(5)a) est la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.

 

M. Von Mandl a été président et fondateur de l’Opposante et de sa filiale en propriété exclusive,  359148 British Columbia Ltd. Il explique la structure corporative de chacune de ces entités. Il déclare que l’Opposante exerce un contrôle direct sur la qualité et le caractère des produits vendus sous ses diverses marques de commerce. Il fait référence à deux autres entités dans son affidavit : Mark Anthony Cellars Ltd. et Mark Anthony Brands Ltd. (l’Opposante, deux autres entités et 359148 British Columbia Ltd sont appelées collectivement ci-après « Mark Anthony Co. »).

 

Mark Anthony Co. exploite une entreprise de vente de boissons. Elle importe, fabrique, distribue et vend des boissons alcoolisées de façon continue depuis plus de 25 ans. L’Opposante possède maintenant le certificat d’enregistrement LMC385417 pour la marque de commerce STING. Le déposant a déposé diverses étiquettes, un modèle de boîte et des photographies de bouteilles portant toutes la marque de commerce STING. Parmi les étiquettes déposées, se trouvent les suivantes :

  STING Tequila Lime

  STING Tequila Lime Margarita

  STING Strawberry Margarita

 

Ces produits sont vendus dans tout le Canada depuis 1991, sauf au Québec et à l’Île-du-Prince-Édouard. De 1991 à 2002, les ventes canadiennes de produits portant la marque de commerce STING se sont élevées à près de 25 millions de dollars.

 

Dans les paragraphes 16 à 23 inclusivement de son affidavit, M. Von Mandl décrit en détail les diverses campagnes qui ont été lancées au Canada, au fil des années, en vue de promouvoir les produits STING. Il a déposé dix-neuf (19) pièces différentes pour démontrer les divers moyens qui ont été employés pour faire la promotion et la publicité des produits portant la marque de commerce STING, notamment des t-shirts, des affiches, des bannières, des dépliants et des casquettes de baseball. En me fondant sur cette preuve, je conclus que la marque de commerce STING de l’Opposante était connue dans une certaine mesure au Canada.

 

Le Requérant n’a déposé aucune preuve démontrant l’emploi de la Marque en liaison avec les marchandises. Toutefois, il y a une certaine indication de l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises, comme en témoignent les extraits du site Web, thebeerstore.ca, déposés comme pièce à l’affidavit de M. Von Mandl dans lequel sont décrites les Marchandises portant la Marque. Même si je tenais compte d’une telle preuve, étant donné qu’il pourrait bien s’agir d’une preuve par ouï-dire inadmissible, nous ne détenons aucun renseignement quant au moment où les Marchandises ont été offertes en vente au Canada, la première fois, et quant à l’importance des ventes réalisées par le Requérant.

 

Dans l’ensemble, les premier et deuxième critères énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi favorisent l’Opposante.

 

En ce qui concerne le genre de marchandises, c'est en fonction de l'état déclaratif des marchandises contenu dans la demande et de l'état déclaratif des marchandises contenu dans l'enregistrement que se fait l'évaluation du risque de confusion sous le régime de l'alinéa 12(1)d) de la Loi [voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe, Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)]. Les marchandises des deux parties appartiennent à la catégorie générale des boissons alcoolisées. Pour l’analyse de cette question je me reporte aux causes suivantes : Carling Breweries Ltd c. Registraire des marques de commerce (1972), 8 C.P.R. (2d) 247, John Haig & Co. Ltd. c. Haig Beverages Ltd. (1975), 24 C.P.R. (2d) 66, Pernod Ricard c. Brasseries Molson, 44 C.P.R. (3d) 359, et Pernod Ricard Canada Ltd. c. Maple Leaf Distillers Inc. 2007, 62 C.P.R. (4th) 152.

 

Aucun élément de preuve au dossier ne me permet de conclure que les voies commerciales différeraient. Par conséquent, les critères énoncés aux alinéas 6(5)c) et d) de la Loi favorisent également l’Opposante.

 

Le degré de ressemblance est le facteur le plus important lorsqu'on apprécie la probabilité de confusion entre deux marques de commerce, surtout lorsque les marchandises en question appartiennent à la même catégorie générale. Dans Beverley Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstering Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, par. 28, le juge Cattanach a défini ainsi ce facteur : 

 

À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire.

Il a aussi donné la description suivante du test en matière de confusion dans Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Canada's Manitoba Distillery Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 1, par. 14 :

Lorsqu'il s'agit de dire si deux marques de commerce peuvent être confondues, il faut prendre en considération les personnes qui achèteront vraisemblablement les marchandises, c'est-à-dire les personnes qui forment habituellement le marché, c'est-à-dire les consommateurs. Il ne s'agit pas de l'acheteur impulsif, négligent ou distrait ni de la personne très instruite ni d'un expert. On cherche à savoir si une personne moyenne, d'intelligence ordinaire, agissant avec la prudence normale peut être trompée. Le registraire de marques de commerce ou le juge doit évaluer les attitudes et les réactions normales de telles personnes afin de mesurer la possibilité de confusion. 

Une jurisprudence constante a établi que la technique appropriée pour l'étude de marques de commerce semblables ne consistait pas à les placer côte à côte et à analyser d'un œil critique leurs ressemblances et leurs différences mais bien à trancher la question dans l'ensemble au premier abord. Je me propose donc d'étudier les deux marques en litige non pas dans l'intention d'en faire une étude comparative mais plutôt dans le but d'évaluer la première impression de l'acheteur ordinaire et prudent des marchandises. 

 

Par conséquent, je dois comparer les marques de commerce STING et DAVE’S MEXI QUILA STINGER. L’unique similitude est l’inclusion d’une partie de la marque de commerce de l’Opposante dans la Marque. Les idées suggérées par les marques de commerce des parties sont différentes : la Marque donne l’idée d’une recette-maison exotique d’une personne appelée « stinger », tandis que la marque de commerce de l’Opposante évoque la douleur. En outre, dans l’ensemble, tant sur le plan visuel que sonore, il y a peu de similitudes entre les marques. En l’espèce, les différences entre les marques, à savoir l’ajout des mots DAVE’S, MEXI et QUILA, servent à distinguer la Marque de la marque de commerce STING de l’Opposante. Ce facteur favorise nettement le Requérant.

 

Comme circonstance additionnelle, le Requérant a présenté la preuve de l’état du registre par le truchement de l’affidavit de Mme Eatherley qui, au moment de la signature de l’affidavit, agissait comme stagiaire au sein du cabinet d’agents de marques retenu par le Requérant. Elle a déposé des extraits du registre indiquant que le Requérant est le propriétaire de vingt et une (21) demandes d'enregistrement ou d’enregistrements de marques de commerce, en liaison avec les boissons alcoolisées à base de bière ou de boissons de malt, intégrant le prénom Dave comme partie des marques citées. Le Requérant n’a fait aucune observation dans son plaidoyer écrit concernant cette partie de la preuve en rapport avec l’établissement de l’enregistrabilité de la Marque en vertu de l’alinéa 12(1d) de la Loi. Le fait que le Requérant ait obtenu l’enregistrement d’autres marques de commerce comprenant le mot « Dave » ne lui donne pas automatiquement le droit d’obtenir l’enregistrement de la Marque. Il est fait référence à l’article 19 de la Loi. De toute façon, comme on le verra ci-après dans ma conclusion relativement à ce motif d’opposition, le fait que je ne souhaite pas, à cette étape-ci, prendre en considération cette partie de la preuve déposée par le Requérant n’aura aucune incidence sur ce dernier.

 

En appliquant le critère du souvenir imparfait du consommateur moyen de la marque de commerce STING de l’Opposante, je ne crois pas qu’il y ait probabilité de confusion entre STING et DAVE’S MEXI QUILA lorsqu’ils sont employés en liaison avec les Marchandises, compte tenu du peu de ressemblance entre les marques en cause. Le Requérant s’étant acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi.

 

Le point suivant consiste à déterminer si la Marque donne une description fausse et trompeuse des Marchandises et est, par conséquent, non enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

Tel que je l’ai précédemment mentionné, la preuve consignée au dossier établit que le mot « stinger » est défini comme un cocktail fait de brandy et d’une liqueur connue sous le nom de crème de menthe. L’argument de l’Opposante est que la Marque donne une description fausse et trompeuse des Marchandises, étant donné que le public l’associera à une boisson à base de spiritueux et non à des boissons mélangées à de la bière et à des boissons de malt.

 

Il faut faire une distinction entre l’alinéa 12(1)c) où l’Opposante doit prouver que la marque de commerce constitue le nom dans une langue des marchandises tandis que, à l’alinéa 12(1)b), la marque de commerce doit donner une description claire ou une description fausse et trompeuse. L’Opposante n’a pas maintenu, avec raison, le premier motif d’opposition, la Marque ne constituant pas le nom des marchandises dans une langue. Toutefois, se pourrait-il que la Marque donne, en anglais, une description fausse et trompeuse des Marchandises? Encore une fois, nul ne conteste qu’elle ne donne pas une description claire des Marchandises. Il ne fait aucun doute que la marque de commerce dont on demande l’enregistrement donnerait une description fausse ou trompeuse des Marchandises si elle portait le nom de STINGER. Toutefois, je dois considérer la Marque dans son ensemble [voir Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.)].

 

À l’audience, l’Opposante a fait valoir que, en raison de l’alinéa 12(1)b) de la Loi, la marque de commerce dans son ensemble ne serait pas enregistrable si la caractéristique principale de la marque de commerce donnait une description fausse et trompeuse. En l’espèce, l’Opposante prétend en outre que le mot « stinger » serait la caractéristique principale de la Marque. Comme les Marchandises ne sont pas des boissons à base de spiritueux, la Marque dans son ensemble donnerait une description fausse et trompeuse [on renvoie à Lake Ontario Cement Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1976) 31 C.P.R. (2d) 103; T.G. Bright & Co. c. Institut national des appellations d'origine des vins & eaux-de-vie (1986) C.P.R. (3d) 239; Conseil canadien des ingénieurs c. John Brooks Co. (2004) , 35 C.P.R. (4th) 507, et Plantguard Systems of Canada ltd. v. Fuel Guard Industries ltd (1980) 61 C.P.R. (2d) 173].

 

Une bonne description du test applicable figure dans l’affaire 242183 Ontario Ltd. c. Black Forrest Inn Inc. (1984), 3 C.P.R. (3d) 23 dans lequel le Registraire déclare :

 

[traduction]

ALINÉA12(1)b)

 

3     L’opposante fait valoir que la marque de commerce de la requérante n’est pas enregistrable, eu égard à l’alinéa 12(1)b), parce que i) « les mots 'black forest inn' ne donnent pas une description claire ou donnent une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des services de la requérante ou de leur lieu d’origine »; ii) « le mot 'Inn' donne une description fausse et trompeuse des services, puisque la requérante ne fournit pas l’hébergement à ses clients » et iii) « les mots 'Black Forest' sont communément employés dans l’activité de la restauration pour décrire des types d’aliments ».

 

4     Pour évaluer la question de la description, il ne faut pas analyser les composantes de la marque de commerce, mais plutôt considérer cette dernière dans son ensemble. En conséquence, même si comme le prétend l’opposante les mots « Black Forest Inn » donnent une description claire ou une description fausse et trompeuse, l’alinéa 12(1)b) n’interdit pas l’enregistrement, sauf lorsque la marque de commerce considérée dans son ensemble de la requérante donne une description claire ou une description fausse et trompeuse. Il s’agit là d’un facteur important en l’espèce puisque la marque de commerce de la requérante se compose non seulement des mots « Black Forest Inn », mais également les mots « willkommen zum welcome to the » et de certaines caractéristiques nominales, notamment ce qui semble être des représentations de fleurs, d’arbres, d’une dinde et d’une tête d’orignal. L’opposante a fait valoir que les mots « Black Forest Inn » dominaient la marque de commerce de la requérante au point que s’ils étaient considérés comme donnant une description claire ou une description fausse et trompeuse, la marque de commerce dans son ensemble devrait nécessairement donner une description claire ou une description fausse et trompeuse.

 

5     Le juge Dubé a examiné une question semblable dans Lake Ontario Cement Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1976), 31 C.P.R. (2d) 103. Dans cette affaire, la requérante cherchait à faire enregistrer une marque de commerce mixte dans laquelle la lettre « P » et le mot « Premier » figuraient à l'intérieur d'un parallélogramme, telle qu’elle était appliquée pour la vente de sable, de gravier, de béton pré-malaxé, de blocs et briques de béton. Le mot « Premier » a fait l’objet d’un désistement. Le registraire a rejeté la demande d’enregistrement au motif que la marque de commerce donnait une description claire ou une description fausse ou trompeuse. En accueillant l’appel interjeté à la suite de la décision rendue, le juge Dubé a déclaré ce qui suit aux paragraphes 109-110 :

 

La revue des affaires précitées me fait croire qu'un désistement permettrait l'enregistrement d'une marque de commerce contenant des choses non enregistrables, pourvu que, exception faite des lettres ou mots non enregistrables, il reste un trait distinctif ou une image rendant la marque dans son ensemble distinctive des autres marques et aussi, pourvu que les lettres ou mots ne soient pas enregistrables parce qu'elles constituent une description claire ou non distinctive.

Il est facile de se représenter la marque de commerce de l'appelante sans le mot "PREMIER": il reste un grand "P" majuscule à l'intérieur d'un parallélogramme. Elle serait certainement enregistrable si le mot "PREMIER" qui l'accompagne n'était pas enregistrable simplement parce qu'il constitue "une description claire...

 

Le registraire prétend, cependant, que le mot "PREMIER" n'est pas enregistrable pour deux raisons: il constitue tant une description claire qu'une description fausse et trompeuse. A mon avis, un désistement ne doit pas être utilisé à l'égard d'une chose fausse et trompeuse de façon à rendre enregistrable la marque dans son ensemble, quand la chose enregistrable constitue le trait dominant de la marque composite. Après tout, le désistement n'apparaît pas sur la marque et la tromperie demeure, visuellement écrasante.

 

Toutefois, le mot "PREMIER" ne constitue pas, à mon avis, une description fausse et trompeuse. Elle peut constituer une description fausse des marchandises dans le sens qu'elle implique un degré de qualité que les marchandises peuvent ne pas atteindre mais l'éventuelle fausse description peut ne pas être nécessairement trompeuse. Le juge Lloyd-Jacob dans In the Matter of the Trade Marks Act, 1938, and, In the Matter of an Application No. 713,406 by Otto Seligmann for the Registration of a Trade Mark11, a observé qu'une marque qui se réfère indirectement à une qualité des marchandises n'est pas nécessairement trompeuse parce que le propriétaire peut l'appliquer à des marchandises qui ne possèdent pas cette qualité. La marque de commerce "Pure Wool" (laine pure), par exemple, serait trompeuse si elle était appliquée à des cotonnades. Toutefois, la marque de commerce "PREMIER", bien que certainement descriptive et louangeuse et constituant, peut-être une description fausse, ne doit pas être écartée d'office comme étant nécessairement trompeuse, simplement parce que les blocs de béton et les briques en liaison avec elles, peuvent ne pas toujours être de la meilleure qualité. Autrement, tous les termes louangeux tels que "Suprême" ou "super" ou "excellent" ou "premium" ou "parfait" ou "supérieur" ou simplement "standard" seraient bannis pour toujours comme constituant des marques de commerce trompeuses.

 

Le mot "PREMIER" n'étant pas enregistrable parce qu'il constitue une description claire mais ne constituant pas une description fausse et trompeuse, et l'appelante s'étant désistée du droit à son usage exclusif, mais non du droit à l'usage de la marque de commerce, cette dernière dans son ensemble, devient enregistrable.

 

En conséquence, j'accueille l'appel avec dépens.

 

6     Dans la présente espèce, les mots soi-disant descriptifs d’après l’opposante, c.‑à‑d. "Black Forest Inn », n’ont pas fait l’objet d’un désistement; toutefois, je ne considère pas que cela rend inapplicable le principe énoncé dans l’affaire Lake Ontario Cement

(…)

En appliquant, par conséquent, l’approche exposée par le juge Dubé dans l’affaire Lake Ontario Cement, la première question dont il faut tenir compte est celle de savoir si, indépendamment des mots « Black Forest Inn » soi-disant non enregistrables d’après l’opposante, il reste « une caractéristique distinctive ou une représentation graphique qui rende la marque dans son ensemble distinctive des autres marques ». J’ai conclu qu’il y en a puisque, selon moi, il y a au moins autant d’éléments distinctifs dans la marque de commerce de la requérante, indépendamment des mots « Black Forest Inn » qu’il y en a dans la marque de commerce examinée dans l’affaire Lake Ontario Cement, indépendamment du mot « Premier ».

 

8     La deuxième question dont il faut tenir compte est celle de savoir si les mots « Black Forest Inn » donnent une description fausse et trompeuse. L’opposante a d’abord prétendu que les mots « Black Forest » employés en liaison avec les services de la restauration indiquent que ces derniers sont de nature allemande et que, par conséquent, si la marque de la requérante est employée en liaison avec des services qui ne sont pas de nature allemande, elle donnerait une description fausse et trompeuse. Compte tenu des commentaires du juge Dubé dans l’affaire Lake Ontario Cement, je n’accepte pas cet argument. Même en supposant que les mots « Black Forest » donnent une description fausse et trompeuse si les services de restauration ne sont pas de nature allemande, ils ne doivent pas être rejetés du revers de la main comme donnant nécessairement une description fausse et trompeuse. L’opposante a fait valoir en second lieu que les mots « Black Forest » donnent une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des services de restauration de la requérante, en ce qu’ils indiquent que les services proviennent de la Forêt-Noire en Allemagne. Je n’accepte pas cet argument, puisque je doute que le consommateur moyen, d’intelligence ordinaire serait, à sa première impression, vraisemblablement déçu en pensant que les services de restauration ne proviennent pas, en fait, d’Allemagne. L’opposante a fait valoir en troisième lieu que le mot « Inn » indique que l’hébergement est fourni et que les services de restauration de la requérante donneraient une description fausse et trompeuse si l’hébergement n’était pas fourni. J’estime que cet argument est non fondé car même si le mot « Inn » est souvent employé pour désigner un lieu d’hébergement, il est aussi communément employé pour désigner une taverne. À cet égard, on peut consulter le Webster's Third New International Dictionary, lequel inclut pour le mot « Inn » la définition suivante : [traduction] « lieu public de divertissement public n’assurant pas l’hébergement : TAVERN ».

 

9     En résumé, je considère qu’il y a, indépendamment des mots « Black Forest Inn », des caractéristiques distinctives qui rendent la marque dans son ensemble distinctive des autres marques et que, même si les mots « Black Forest Inn » donnent une description claire, ils ne donnent pas une description fausse et trompeuse. En conséquence, je conclus que la marque de la requérante dans son ensemble ne contrevient pas aux dispositions de l’alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

En appliquant le même raisonnement à la présente espèce, je dois conclure que la caractéristique dominante de la Marque n’est pas l’élément « STINGER ». D’autres parties de la Marque sont des mots distinctifs, tels MEXI et QUILA. L’ajout d’un mot donnant une description inexacte ne rend pas nécessairement la Marque, dans son ensemble, non enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

Pour ces motifs, je conclus que la Marque ne donne pas une description fausse et trompeuse des Marchandises et, par conséquent, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

IV Les autres motifs d’opposition

 

Étant donné que la question de la confusion est le facteur décisif pour déterminer si le Requérant a droit à l’enregistrement de la Marque en vertu du paragraphe 16(3), je rejette ce motif d’opposition pour les mêmes raisons que j’ai exposées dans mon analyse de l’enregistrabilité de la Marque aux termes de l’alinéa 12(1)d). La différence dans les dates pertinentes (la date de la décision rendue par le Registraire s’agissant de l’alinéa 12(1)d) versus la date de dépôt de la demande s’agissant du paragraphe 16(3) de la Loi) n’aura pas d’incidence sur cette analyse.

 

Le juge Denault a déclaré dans Matilda Publications Inc. c. Clarco Communications Ltd. (1994), 54 C.P.R. (3d) 418 :

 

Bien que le caractère distinctif d'une marque de commerce soit très souvent apprécié lors de l'examen de la question de savoir si la marque de commerce projetée crée de la confusion avec une autre marque de commerce au sens de l'article 6 de la Loi, il est possible de rejeter une demande d'enregistrement au motif qu'elle n'est pas distinctive, indépendamment de la question de la confusion, à condition que ce moyen soit invoqué dans une opposition.

 

La Loi définit une marque de commerce comme étant une « marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres ». Par conséquent, il n’est pas étonnant que la Cour fédérale ait, dans l’affaire Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA - Engineered Wood Assn., (2000) 7 C.P.R. (4th) 239, conclu qu’une marque fausse et trompeuse est nécessairement non distinctive. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque est également maintenu.

 

L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial relativement aux motifs d’opposition fondés sur l’alinéas 12(1)c) et 30i) de la Loi. En conséquence, ils sont également rejetés.

 

V CONCLUSION

 

Le Requérant s'est acquitté du fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque est enregistrable et distinctive et qu’il a le droit de l’enregistrer.

 

En vertu des pouvoirs qui m'ont été délégués par le Registraire des marques de commerce en application du par. 63(3) de la Loi, je rejette, conformément au paragraphe 38(8) de la Loi, l'opposition de l’Opposante à l'enregistrement de la Marque en liaison avec les Marchandises.

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC) EN CE 3e JOUR DE SEPTEMBRE 2008.

 

 

Jean Carrière,

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Danielle Benoit

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