Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

RELATIVEMENT À LOPPOSITION de The Bruce Trail Association à la demande nº 814,464 produite par Andrew Camp, Don Stevens et Darryl Peterson, société de personnes enregistrée, exerçant son activité sous la dénomination Bruce Trail Enterprises, en vue de lenregistrement de la marque de commerce BRUCE TRAIL ENVIRO P.I.

                                                                                                                                                      

 

Le 6 juin 1996, la requérante, Andrew Camp, Don Stevens, Darryl Peterson, société de personnes enregistrée, exerçant son activité sous la dénomination Bruce Trail Enterprises, a produit une demande denregistrement de la marque de commerce BRUCE TRAIL ENVIRO P.I., fondée sur lemploi de la marque au Canada en liaison avec des marchandises et services depuis le 1er mai 1995. La demande vise les marchandises suivantes :

[TRADUCTION] « Produits électroniques de radiodiffusion, nommément des cartouches audio préenregistrées et des disques compacts audionumériques préenregistrés destinés à la distribution des émissions de radio Bruce Trail Enviro P.I. aux stations de radio commerciale et communautaire, et des CD-ROM numériques préenregistrés destinés à la distribution et au transfert sur film des animations Bruce Trail Enviro P.I.en vue de leur diffusion par les stations de radio commerciale et communautaire et par les cinémas; des produits imprimés, nommément des bandes dessinées imprimées destinées à la distribution des émissions de radio et de télévision Bruce Trail Enviro P.I. aux journaux, magazines, éditeurs de journaux et de bandes dessinées »

 

et les services suivants :

« Des services de divertissement à la radio et à la télévision, nommément des émissions de radio et de télévision mettant en vedette un personnage fictif nommé Bruce Trail Enviro P.I. ».

 

La demande a été publiée en vue de la procédure dopposition le 18 octobre 1996. En raison dune erreur dans lannonce initiale, la demande a été annoncée de nouveau le 6 mai 1998.

 

Lopposante, la Bruce Trail Association (la BTA), a produit une première déclaration dopposition le 27 février 1998, et une seconde déclaration dopposition le 19 mai 1998 pour la marque de commerce de la seconde annonce. Le premier motif dopposition est que la marque ne satisfait pas aux exigences de lalinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi), parce quà la date de production de la demande, la requérante savait que lopposante avait des droits largement antérieurs sur les marques officielles spécifiées dans la déclaration dopposition.

 


Dans son deuxième motif dopposition, lopposante soutient que la marque de commerce faisant lobjet de la demande nest pas enregistrable en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) et de lalinéa 12(1)e) de la Loi, compte tenu des marques officielles suivantes publiées à la demande de lopposante : BRUCE TRAIL, nº 904,012; BRUCE TRAIL ASSOCIATION, nº 904,013 et BRUCE TRAIL NIAGARA TO TOBERMORY & Design, nº 904,014. Ces marques ont été publiées au Journal des marques de commerce dans le numéro du 10 janvier 1990.

 

Selon le troisième motif dopposition, la requérante nest pas la personne ayant droit à lenregistrement selon lalinéa 16(1)a) de la Loi parce quà la date de premier emploi revendiquée par la requérante, la marque de commerce faisant lobjet de la demande créait de la confusion avec les marques de commerce BRUCE TRAIL, BRUCE TRAIL ASSOCIATION et BRUCE TRAIL NIAGARA TO TOBERMORY & Design, antérieurement employées au Canada par lopposante en liaison avec des [TRADUCTION] « articles de papeterie, nommément des guides et cartes de sentiers depuis au moins 1965; articles de papeterie, nommément des livres, notes de correspondance et calendriers depuis au moins1984; vêtements, nommément des T-shirts, chemises sport et sweat-shirts depuis au moins1992; des épinglettes, insignes didentité et écussons depuis au moins 1987; des posters, tasses, cannes et badges depuis au moins 1994; et en liaison avec laménagement, lexploitation et lentretien dun sentier de randonnée et dinterprétation de la nature depuis au moins 1963 ». Le quatrième motif dopposition, selon lopposante, est que la marque de commerce sur laquelle porte la demande nest pas distinctive parce quelle crée de la confusion avec les marques officielles de lopposante et les marques officielles BRUCE TRAIL, nº 900,184 et BRUCE TRAIL NIAGARA TO TOBERMORY & Design, nº 900,178, publiées le 2 février 1990 et le 8 août 1975 à la demande du ministère des Richesses naturelles de lOntario (le MRN).

 

La requérante a produit et signifié une contre-déclaration le 9 juillet 1998, dans laquelle elle a rejeté globalement les allégations de lopposante dans la déclaration dopposition et également contesté la qualité dautorité publique de lopposante. La contre-déclaration renfermait aussi des allégations de faits et, en pièces jointes, des copies certifiées conformes de divers documents sous la garde du registraire. Je nai pas tenu compte des allégations de faits de la contre-déclaration car elles nont pas été présentées par voie daffidavit ou de déclaration solennelle conformément aux règles 42 ou 44(1) du Règlement sur les marques de commerce. Quant aux copies certifiées conformes des dossiers du registraire, comme elles étaient également jointes à laffidavit dAndrew Camp (qui a été déposé correctement en preuve par la requérante selon la règle 42), il en sera tenu compte dans la décision relative à la présente procédure.

 


Comme éléments de preuve, lopposante a présenté les affidavits de Steven H. Leach, avocat, et de Jacqueline Winters, directrice administrative de la BTA. Laffidavit dAndrew Camp, directeur général de la société de personnes requérante, a été présenté à titre de preuve de la requérante. Les deux parties ont produit une plaidoirie écrite et une audience sest tenue où les deux parties étaient représentées.

 

En ce qui concerne le premier motif dopposition, il soulève sans justification la non-conformité à lalinéa30i) de la Loi. En effet, lopposante na pas allégué que ses marques créaient de la confusion avec les marques de la requérante ni que la requérante était au courant de la confusion. Par conséquent, le premier motif dopposition est rejeté.

 

S’agissant du deuxième motif d’opposition, l’époque pertinente pour apprécier les circonstances eu égard à ce motif semblerait être la date de ma décision : voir les décisions rendues dans l’arrêt Allied Corporation c. Association olympique canadienne (1989), 28 C.P.R.(3d) 161 (C.A.F.) (Allied) et dans Olympus Optical Company Limited c. Association olympique canadienne (1991), 38 C.P.R.(3d) 1 (C.A.F.). En outre, l’opposante n’est pas tenue d’établir qu’elle a employé et adopté les marques officielles sur lesquelles elle s’appuie, à tout le moins à défaut de preuve suggérant que les marques n’étaient pas employées : voir l’arrêt Allied à la page 166.

 

Selon les dispositions du paragraphe 9(1) de la Loi, nul ne peut adopter comme marque de commerce « une marque composée [d’une marque officielle] ou dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec » une marque officielle. Dans la décision de première instance dans l’affaire Association des Grandes Soeurs de lOntario c. Les Grands Frères du Canada (1999), 86 C.P.R.(3d) 504 (C.A.F.), confirmant 75 C.P.R. (3d) 177 (C.F. 1re inst.) (Les Grandes Soeurs), le juge Gibson a confirmé aux pages 218 et 219 que pour l’appréciation de la ressemblance entre les marques visées, on peut prendre en considération les facteurs exposés à l’alinéa 6(5)e) de la Loi. Plus loin à la page 218, le juge Gibson a indiqué que le critère devait s’appliquer comme une affaire de première impression et de souvenir imparfait : voir également les pages 8 et 9 de la décision non publiée de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Association olympique canadienne c. Techniquip Limited (1999), 3 C.P.R. (4th) 298 et WWF c. 615334 Alta. (demande nº 786,388; 9 mars 2000). Enfin, si la requérante est en mesure de semer un doute sur le fait que le propriétaire d’une marque officielle a qualité d’autorité publique, l’opposante peut être tenue de démontrer sa qualité avant de s’appuyer sur cette marque officielle : voir la page 216 de la décision de première instance dans Les Grandes Soeurs, précitée, et dans Heritage Canada Foundation c. New England Business Service, Inc. (1997), 78 C.P.R.(3d) 531 aux pages 536 et 538 (C.O.M.C.).

 


Quand il s’agit de décider si une partie a qualité d’autorité publique, il convient de prendre en considération chacun des trois facteurs suivants : 1) si l’organisme est tenu par une obligation envers le public, 2) si l’organisme est assujetti au contrôle public dans une mesure importante et 3) si l’organisme est tenu d’affecter tout bénéfice acquis au profit du public et non à des intérêts privés. Bien que ce critère à trois volets n’ait pas été expressément confirmé par les tribunaux, les tribunaux semblent néanmoins l’avoir appliqué (voir la décision Les Grandes Soeurs, précitée, et l’arrêt Registraire des marques de commerce c. Association olympique canadienne (1982), 67 C.P.R. (2d) 59 (C.A.F.) (AOC)).

 

En l’espèce, les marques officielles BRUCE TRAIL NIAGARA TO TOBERMORY & Design (nº 900,178) et BRUCE TRAIL (nº 900,184) ont été enregistrées comme marques officielles du MRN à partir de 1975 et de 1990 respectivement. Le MRN a vendu les droits sur la marque BRUCE TRAIL à la BTA dans un document signé le 4 décembre 1989 (affidavit Winters, pièce C). Même si l’opposante soutient le contraire, la preuve n’établit pas que ce document ait jamais été déposé auprès du Bureau des marques de commerce. Quoi qu’il en soit, l’opposante elle-même a demandé et obtenu un avis public au sujet des marques BRUCE TRAIL et les marques BRUCE TRAIL NIAGARA TO TOBERMORY & Design (nº 904,014), BRUCE TRAIL ASSOCIATION (nº 904,013) et BRUCE TRAIL (nº 904,012) ont par conséquent été enregistrées comme marques officielles de la BTA depuis janvier 1990.

 


La requérante fait valoir que les droits inhérents bénéficiant de la protection officielle accordés au MRN quand il a demandé l’avis public relatif aux marques BRUCE TRAIL NIAGARA TO TOBERMORY & Design et BRUCE TRAIL n’étaient pas transférables à l’opposante lorsque le Ministère a cédé sa marque BRUCE TRAIL à l’opposante (voir l’affidavit Winters, pièce C), l’opposante étant un organisme privé constitué en personne morale alors que le Ministère était une autorité publique authentique. De plus, la requérante laisse entendre que l’absence de dépôt du document auprès du Bureau des marques de commerce s’expliquait par le fait que « le dépôt en bonne et due forme de la cession signifierait la perte de la qualité de “ marque officielle ” ». La requérante soutient en outre qu’au moment où la BTA a demandé et obtenu l’avis public relatif aux marques BRUCE TRAIL, ces marques appartenaient toujours au MRN et étaient toujours enregistrées sous la protection officielle du Ministère en tant qu’autorité publique authentique. Enfin, la requérante se fonde sur le fait que l’opposition prévue à l’alinéa 12(1)e), soulevée au départ par un examinateur des marques de commerce, a été retirée par un autre examinateur au vu d’une lettre fournie par la requérante qui affirmait que le MRN n’était plus propriétaire des marques de commerce. Une communication par télécopie de Derick Yorke, spécialiste de l’information sur les ressources naturelles du MRN, datée du 15 juillet 1997, jointe à titre de pièce E à l’affidavit Camp, indique ce qui suit :

[TRADUCTION] « Jai examiné aujourdhui vos lettres et notre entente avec Jill Winters, de la Bruce Trail Association, et jai parlé avec le directeur de la section Accès aux renseignements du MRN; notre position est que notre entente avec lAssociation, datée du 4 décembre 1989, est valide et que, pour tout emploi de la marque de commerce que vous avez demandé, vous devez contacter la Bruce Trail Association. »

 

Avant de traiter la question particulière de la qualité d’autorité publique de l’opposante en l’espèce, j’aborderai les autres arguments de l’opposante. S’agissant de l’enregistrement de l’entente de cession entre le MRN et la BTA, je note qu’aucune disposition de la Loi ne prévoit l’enregistrement d’une cession de marques officielles. L’article 48 de la Loi s’applique à l’enregistrement du transfert de toute marque de commerce déposée mais il est muet sur les marques officielles. Quoi qu’il en soit, je considère que l’absence d’enregistrement du document de cession n’est aucunement pertinent en l’espèce puisque le cessionnaire (la BTA) a par la suite demandé et obtenu un avis public au sujet des marques BRUCE TRAIL.

 

En ce qui concerne la propriété des marques officielles, j’estime que l’entente de cession entre les parties montre clairement que la propriété de la marque BRUCE TRAIL a été transférée du MRN à la BTA en décembre 1989. Je conviens avec l’opposante que la communication par télécopie de Derick Yorke le confirme. Quoi qu’il en soit, le fait que la Section de l’examen du Bureau des marques de commerce ait retiré son opposition au titre de l’alinéa 12(1)e) à la demande de la requérante sans donner de raison (affidavit Camp, pièce C) quelque temps après la réception de la télécopie de M. Yorke est sans conséquence sur la présente opposition.

 

Compte tenu des observations qui précèdent, je ne suis pas persuadé que la requérante a semé le doute sur la qualité d’autorité publique de l’opposante. Et de toute façon, les raisons suivantes me persuaderaient que l’opposante a établi sa qualité d’autorité publique en l’espèce.

 

L’opposante est une société à but non lucratif dont le principal objet, établi dans ses lettres patentes, est d’aménager et d’entretenir à l’usage du public un sentier connu sous le nom du Bruce Trail, voie piétonnière publique en Ontario qui longe l’escarpement du Niagara (affidavit Winters, pièce A). L’escarpement du Niagara comprend une variété de caractéristiques topographiques et d’utilisations des sols qui s’étend sur 725 kilomètres de Queenston sur la rivière Niagara jusqu’aux îles au large de Tobermory sur la péninsule Bruce. La combinaison particulière de caractéristiques géologiques et écologiques le long de l’escarpement du Niagara produit un paysage qui fait de cette région l’une des principales zone de loisirs de plein air de l’Ontario (affidavit Winters, pièce E).


Les responsabilités de la requérante touchant la planification, la conception, l’aménagement, l’entretien et la gestion du corridor du sentier Bruce sont également en conformité avec les dispositions du Plan de l’escarpement du Niagara, cadre d’objectifs et de politiques conçu en vue de développer et de préserver l’escarpement du Niagara (affidavit Winters, pièce E). Le Plan de l’escarpement du Niagara est issu de La loi sur la planification et laménagement de lescarpement du Niagara, L.R.O. (1990), ch. N-2, qui visait la protection de l’escarpement du Niagara. Le corridor du sentier Bruce est le lien public commun qui réunit les parcs, les zones d’espaces libres, les caractéristiques naturelles distinctives et les formes de relief en un « système » de terres publiques acquises en vue d’assurer la protection des caractéristiques marquantes et des zones importantes de long de l’escarpement. À la date de l’affidavit de Mme Winters, 42 % du sentier Bruce appartenait au domaine public, à des aires et terres protégées sous la propriété de la BTA (affidavit Winters, paragraphe 11 et pièce E). La preuve produite par l’opposante établit aussi que la propriété et la gestion du système de parcs et d’espaces libres de l’escarpement du Niagara relèvent de la collaboration continue de divers organismes de conservation, dont le MRN et d’autres organismes aptes à gérer des zones dans l’intérêt public (c’est-à-dire la BTA).

 

Le financement des activités de l’opposante provient de subventions publiques (affidavit Winters, pièces H et N), de cotisations de membres, de la vente de marchandises portant les marques officielles de l’opposante et d’accords de licence avec des tiers. La preuve présenté par l’opposante démontre également que la BTA est exploitée sans but lucratif pour ses membres et que tout bénéfice ou tout autre accroissement de la BTA doit être employé à la réalisation de son objet (affidavit Winters, pièce A). La pièce A démontre en outre que si la BTA abandonnait sa charte, ses actifs seraient cédés à des organismes de bienfaisance ou communautaires dont l’objet profite à la collectivité.

 


À mon avis, la preuve de l’opposante établit qu’elle est une autorité publique aux fins de la présente opposition. En premier lieu, en gérant et en entretenant le sentier Bruce, elle s’acquitte d’obligations de nature publique, car la gestion et l’entretien d’un sentier d’interprétation de la nature servent l’intérêt public. S’agissant du contrôle public, bien que la BTA ne soit pas créée par une loi spécifique, il semble qu’on lui ait délégué la responsabilité de gérer et d’entretenir le sentier conformément au Plan de l’escarpement du Niagara créé au titre de La loi sur la planification et laménagement de lescarpement du Niagara et administré par le MRN. La preuve de l’opposante établit également qu’un large partie du financement de la BTA provient du gouvernement de l’Ontario. De plus, comme en font foi les lettres patentes de la BTA, si la BTA devait abandonner sa charte, ses actifs seraient cédés à un organisme de bienfaisance ou à une municipalité. Enfin, je suis également persuadé que tout bénéfice acquis doit être versé au public et non à des intérêts privés. À cet égard, comme le mentionnent ses propres lettres patentes, la BTA n’est pas autorisée à réaliser des bénéfices et tous les gains réalisés doivent servir à la réalisation de son objet.

 

J’en viens maintenant à la question de savoir si la marque de la requérante est enregistrable eu égard aux marques officielles de l’opposante. J’examinerai la question par rapport à la marque BRUCE TRAIL de l’opposante, car j’estime qu’elle est la plus pertinente des marques officielles de l’opposante. La marque BRUCE TRAIL ENVIRO P.I. de la requérante n’est pas identique à la marque de l’opposante. Cependant, quand on la considère sous l’angle de la première impression et du souvenir imparfait, j’estime que la marque de la requérante a une telle ressemblance qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec la marque officielle BRUCE TRAIL de l’opposante. À cet égard, la marque BRUCE TRAIL de l’opposante est identique aux composantes verbales dominantes de la marque de la requérante. Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

 

S’agissant du troisième motif d’opposition, l’affidavit Winters établit que la marque de l’opposante avait été employée au Canada avant la date de premier emploi revendiquée par la requérante. Ce motif doit donc être tranché sur la question de la confusion, l’époque pertinente en l’espèce étant la date de premier emploi revendiquée par la requérante. De plus, le fardeau de persuasion incombe à la requérante, qui doit démontrer que les marques en question ne sont pas susceptibles de créer de la confusion. Enfin, pour l’application du critère de la confusion prévu au paragraphe 6(2) de la Loi, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles qui sont expressément mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi. Encore ici, j’examinerai la question par rapport à la marque de l’opposante que je considère la plus pertinente, soit la marque BRUCE TRAIL.

 

Selon les dispositions de l’alinéa 6(5)a) de la Loi, la marque de la requérante possède un caractère distinctif inhérent car elle ne suggère pas les marchandises et services en liaison avec lesquels elle est employée. La marque de la requérante n’était pas devenue connue au Canada à l’époque pertinente.

 


En revanche, la marque de l’opposante ne jouit pas d’un caractère distinctif inhérent fort. L’opposante emploie sa marque BRUCE TRAIL en liaison avec divers articles vendus pour le financement de l’exploitation d’un sentier d’interprétation de la nature en Ontario, connu sous le nom de BRUCE TRAIL. Elle en fait aussi usage en liaison avec des services destinés au sentier lui-même. L’opposante établit toutefois dans sa preuve que sa marque est devenue connue dans une certaine mesure au Canada.

 

En ce qui touche l’alinéa 6(5)b) de la Loi, l’opposante démontre dans sa preuve que sa marque a été employée au Canada dès 1963 au moins. Comme il n’y a pas de preuve d’usage de la marque de la requérante, ce facteur joue en faveur de l’opposante.

 

Pour ce qui est des marchandises, services et commerces des parties, il y a très peu de chevauchement entre les marchandises et services de la requérante et ceux de lopposante. À cet égard, la requérante sollicite lenregistrement de la marque en liaison, entre autres, avec des cassettes audio et des disques compacts préenregistrés destinés à la distribution de ses émissions de radio et avec des produits imprimés, nommément des bandes dessinées imprimées destinées à la distribution des émissions de radio et de télévision de la requérante aux journaux, magazines, éditeurs de journaux et de bandes dessinées. Bien que les marchandises de lopposante comprennent notamment des publications, des bandes vidéo et des cassettes, comme elles semblent être du genre des articles vendus en vue de recueillir des fonds pour lexploitation du sentier Bruce, il semble que les circuits commerciaux des parties ne sont pas susceptibles de se chevaucher.

 

Quant à l’alinéa 6(5)e) de la Loi, il y a un léger degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son parce que la marque de la requérante intègre la totalité de la marque BRUCE TRAIL de l’opposante. Les idées que suggèrent les marques sont également semblables, car la marque de l’opposante est aussi le nom géographique d’un sentier populaire d’interprétation de la nature en Ontario alors que la marque de la requérante suggère un enquêteur privé en matière de l’environnement de la même zone géographique.

 


Comme autre circonstance de l’espèce, la requérante a fait valoir à l’audience que, comme la marque de commerce demandée est aussi le nom d’un personnage fictif de bande dessinée (pour lequel la requérante a également obtenu l’enregistrement d’un droit d’auteur), le refus de l’enregistrement de la marque de commerce équivaudrait à « restreindre d’une façon déraisonnable le développement d’un art ou d’une industrie », selon les termes du paragraphe 13(3) de la Loi. Je conviens avec l’agent de l’opposante que le paragraphe 13(3) ne s’applique pas en l’espèce. Ce paragraphe vise la radiation d’un enregistrement d’un signe distinctif par la Cour fédérale à la demande de toute personne intéressée dans le cas où la Cour décide que l’enregistrement est vraisemblablement devenu de nature à restreindre de façon déraisonnable le développement d’un art ou d’une industrie. La présente affaire ne concerne pas l’enregistrement existant d’un signe distinctif ni même une demande d’enregistrement d’un signe distinctif.

 

Dans l’application du critère de la confusion, j’ai considéré qu’il s’agit d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu des conclusions qui précèdent, en particulier du caractère distinctif inhérent de la marque de la requérante et des différences entre les marchandises, services et commerces des parties, je conclus que la requérante s’est acquittée de la charge de la preuve, ayant établi que sa marque ne crée pas ou n’est pas susceptible de créer de confusion avec la marque de l’opposante. Par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

 

Le dernier motif d’opposition, fondé sur l’alinéa 38(2)d) et l’article 2 de la Loi, repose également sur le risque de confusion entre la marque BRUCE TRAIL ENVIRO P.I. de la requérante et la marque BRUCE TRAIL de l’opposante, mais aussi entre la marque de la requérante et les marques officielles BRUCE TRAIL NIAGARA TO TOBERMORY & Design et BRUCE TRAIL du MRN. L’époque pertinente pour apprécier la confusion eu égard à ce motif est la date de l’opposition, soit le 19 mai 1998. J’estime quant à moi que les différences entre les époques pertinentes n’ont pas d’effet déterminant sur la décision relative à la confusion entre les marques de commerce de la requérante et de l’opposante. S’agissant des marques du MRN, je note qu’elles sont identiques à deux des marques de l’opposante et qu’elle visent des services similaires. Par conséquent, mes conclusions antérieures sur la confusion entre les marques de la requérante et de l’opposante sont en grande partie applicables aux marques du MRN. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

 

Par conséquent, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués par le paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande de la requérante conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

DATÉ À HULL (QUÉBEC), LE 31 JANVIER 2001.

 

 

C. R. Folz

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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