Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 43

Date de la décision : 2015-03-17

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par J. Crew International, Inc. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,430,778 pour la marque de commerce CAMPUS CREW au nom de Campus Crew (2005) Inc.

[1]               Le 12 mars 2009, Campus Crew (2005) Inc. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce CAMPUS CREW (la Marque). La Requérante revendique l'emploi en liaison avec les produits et services (les Produits et Services) suivants sur les bases indiquées ci-dessous [traduction] :

PRODUITS :

(1) Vêtements et accessoires pour hommes, femmes et enfants, nommément chemises, chandails, pantalons, shorts, vestes, sacs à dos, sacs, nommément sacs à main, fourre-tout, sacs de sport, sacs d'entraînement, couvre-chefs, nommément chapeaux, casquettes, tuques, bandeaux et cache-oreilles, vêtements d'extérieur, nommément vestes d'équipe universitaire, parkas, gilets, blazers et imperméables; ceintures, foulards, gants, nommément gants en cuir, gants tout-aller, mitaines, gants sans doigts et chaussettes. Emploi au CANADA depuis au moins aussi tôt que septembre 1987

 

(2) Articles chaussants, nommément pantoufles, tongs, chaussures de mer, chaussures de course et chaussures d'entraînement. Emploi au Canada depuis juin 1991

 

SERVICES :

(1) Services de magasin de vente au détail de vêtements et d'accessoires pour hommes, femmes et enfants. Emploi au Canada depuis décembre 1988

 

(2) Vente en gros de vêtements et d'accessoires pour hommes, femmes et enfants. Emploi au Canada depuis avril 2005

[2]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 9 juin 2010.

[3]               Le 9 mai 2011, J. Crew International, Inc. (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition. La déclaration d'opposition ne comprend qu'un seul motif d'opposition, à savoir :

         La demande n'est pas conforme aux dispositions de l'article 30b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). La Requérante n'emploie pas la marque de commerce visée par la demande au Canada depuis les dates de premier emploi alléguée en liaison avec les produits et services spécifiés.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration, dans laquelle elle nie les allégations de l'Opposante et somme cette dernière d'en prouver le bien-fondé.

[5]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Pamela T. Tuchlin, technicienne juridique employée par l'agent de l'Opposante.

[6]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Nickolas D. Rizzo, propriétaire, dirigeant et administrateur de la Requérante.

[7]               Aucun des déposants n'a été contre-interrogé.

[8]               Les parties ont toutes deux produit des plaidoyers écrits et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve et dates pertinentes

[9]               C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), p. 298].

[10]           La date pertinente qui s'applique au motif d'opposition est la suivante :

         articles 38(2)a)/30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469, p. 475 (COMC) et Tower Conference Management Co c Canadian Exhibition Management Inc (1990), 28 CPR (3d) 428, p. 432 (COMC)];

Article 30b) de la Loi

[11]           Bien que le fardeau ultime de démontrer que la demande est conforme aux exigences de l'article 30 incombe à la Requérante, l'Opposante n'en doit pas moins s'acquitter du fardeau de preuve initial d'établir les faits allégués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'article 30. Toutefois, le fardeau de preuve qui incombe à l'Opposante relativement à la question de la non-conformité à l'article 30b) est léger [voir Molson Canada c Anheuser-Busch Inc (2003), 29 CPR (4th) 315 (CF 1re inst)].

[12]           Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit un affidavit auquel est joint un Corporation Profile Report [Profil de société (personne morale)] concernant la Requérante (affidavit Tuchlin, pièce A). D'après le Profil, la Requérante a été constituée en société sous le régime des lois de l'Ontario en février 2005.

[13]           Dans son plaidoyer écrit, l'Opposante soutient que bien que la Requérante ait affirmé employer la Marque [traduction] « depuis au moins aussi tôt que septembre 1987 », entre autres dates, la preuve démontre que, avant février 2005, la Requérante n'existait pas. L'Opposante soutient que, puisque la demande pour la Marque ne fait état d'aucun prédécesseur en titre, toute revendication d'emploi antérieure à la date de constitution en société de la Requérante est nécessairement incorrecte et que la demande devrait être repoussée relativement à tous les produits et services à l'égard desquels un emploi antérieur à février 2005 est revendiqué.

[14]           Les observations de l'Opposante se sont avérées totalement infondées, car, dans la demande qu'elle a produite, la Requérante revendique clairement l'emploi par [traduction] « la requérante et le prédécesseur en titre de la requérante, First Effort Investments Limited ». Qui plus est, comme nous le verrons ci-après, la preuve de M. Rizzo établit clairement l'emploi par First Effort Investments Limited (First Effort) et contient une preuve du transfert de la propriété de la Marque de First Effort à la Requérante.

[15]           Étant donné que la Requérante a revendiqué l'emploi par un prédécesseur en titre, la preuve démontrant que la Requérante n'a été constituée en société qu'en février 2005 n'est pas suffisante pour permettre à l'Opposante de s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l'égard de ce motif d'opposition.

[16]           À l'audience, l'Opposante a laissé tomber sa précédente argumentation et choisi d'axer ses observations sur une tentative visant à établir que la preuve de la Requérante est clairement incompatible avec les dates de premier emploi revendiquées.

[17]           L'Opposante a fait valoir que la demande antérieure produite par First Effort en 1988 était fondée sur l'emploi projeté en liaison avec des services de vente au détail seulement (pièce B, affidavit Rizzo) et que cela était en contradiction avec la revendication d'emploi en liaison avec les Produits (1) depuis septembre 1987 formulée par la Requérante en l'espèce. Le simple fait que le prédécesseur de la Requérante ait choisi de ne pas inclure de produits dans sa demande antérieure ne se traduit pas par une incompatibilité claire avec la date de premier emploi qui est revendiquée en liaison avec ces produits dans la présente demande.

[18]           L'Opposante a attiré mon attention sur des éléments de l'affidavit Rizzo qui, selon elle, constituent des incompatibilités significatives et démontrent que la preuve est incompatible avec les dates de premier emploi revendiquées. Plus précisément, l'Opposante a insisté sur ce qu'elle considérait comme des incompatibilités liées aux termes spécifiques utilisés par M. Rizzo pour décrire les dates d'emploi relatives à des produits et services précis.

[19]           La preuve qu'a produite la Requérante est substantielle – et elle établit l'emploi de la Marque à partir de 1986 – aussi bien à l'égard d'articles vestimentaires que dans le contexte de l'exploitation de services de vente au détail et de vente en gros. M. Rizzo décrit également en détail la procédure de faillite et le transfert susmentionné de la Marque et de l'achalandage qui lui est rattaché, de même que l'emploi de la Marque qui a été fait plus récemment par la Requérante et ses licenciées.

[20]           M. Rizzo a fourni des photographies de vêtements arborant la Marque – la plus ancienne d'entre elles datant de 1986 et montrant un [traduction] « maillot de rugby » qui, affirme M. Rizzo, a été l'un des tout premiers t-shirts à arborer la Marque (pièce F). M. Rizzo affirme que la Marque figure également sur l'étiquette apposée à l'intérieur du chandail. On peut clairement voir la Marque sur les photographies fournies à titre d'exemple (pièce F).

[21]           M. Rizzo a fourni des spécimens de factures et de documents de réception datant de 1987 et concernant des hauts et des pantalons qui, affirme-t-il, arboraient la Marque (pièces H, I). Il a également fourni des photographies de divers produits vendus en liaison avec la Marque de 1991 à 1997 (dont des hauts, des chaussettes et des articles chaussants – pièce Q), ainsi qu'un spécimen d'étiquette qu'il dit représentatif des étiquettes qui étaient apposées sur les produits de denim et d'extérieur qui ont été vendus de 1991 à 2012 (pièce R). Il a également fourni des photographies d'un magasin CAMPUS CREW datant de 2001 sur lesquelles on peut voir des hauts et des pantalons arborant la Marque (pièce BB), des images d'un magasin et des publicités montrant des hauts et des pantalons arborant la Marque (pièce CC), et des images d'un magasin datant de 2004 (pièce DD).

[22]           M. Rizzo a fourni les chiffres de ventes des magasins CAMPUS CREW pour les années 1990 à 1994, et ces derniers varient de 1,8 million de dollars à 9,6 millions de dollars.

[23]           M. Rizzo a aussi fourni des spécimens de publicités datant de 1995 à 1998 (pièces V à Z), ainsi que les dépenses publicitaires engagées dans les années 1990, lesquelles étaient de l'ordre de 300 000 $ à 700 000 $ par année, et de 2006 à 2013, lesquelles ont varié de 79 000 $ à 200 000 $.

[24]           M. Rizzo a également fourni des photographies du premier magasin CAMPUS CREW prises le 1er novembre 1988 (le jour de l'ouverture du magasin) en Ontario (pièce K). Il a en outre fourni des copies de photographies datant de 1992, 1994 et 1998 montrant des magasins CAMPUS CREW dans différentes villes de l'Ontario (pièces N, O, P). Sur toutes les photos de magasins, on peut voir que la Marque figure bien en vue sur des enseignes extérieures et intérieures.

[25]           M. Rizzo a également déclaré sous serment que, depuis 2005, la Requérante fournit, par l'entremise d'une ou de plusieurs de ses licenciées, des services de vente en gros pour des vêtements de marque CAMPUS CREW – vendant ainsi les vêtements à des universités ou à d'autres magasins de vente au détail de vêtements un peu partout au Canada (para. 107). M. Rizzo a joint des photographies du kiosque de vente en gros tenu par Requérante lors d'un salon commercial qui a eu lieu à Toronto, en Ontario, en 2009 (pièce KK).

[26]           Je ne suis pas convaincue que, lorsqu'on la considère dans son ensemble, la preuve est clairement incompatible avec les dates de premier emploi revendiquées dans la demande.

[27]           Le second argument de l'Opposante est axé sur la chaîne des titres de propriété de la Marque. L'Opposante soutient que le fait que M. Rizzo n'ait pas fourni de copie du présumé acte de cession constatant le transfert de la Marque du prédécesseur en titre de la Requérante à la Requérante est fatal à la chaîne de titres revendiquée par la Requérante.

[28]           Dans son affidavit, M. Rizzo explique comment les biens de First Effort ont été vendus dans le contexte d'une procédure de faillite qui a débuté en janvier 2005. Il explique que, le 15 février 2005, l'entreprise CAMPUS CREW a été vendue à sa compagnie en propriété exclusive, 2063377 Ontario Inc. (paragraphes 78 à 83). M. Rizzo a fourni une copie d'un accord d'achat et de vente constatant le transfert de l'entreprise (y compris la Marque et l'achalandage y étant rattaché) de First Effort à 2063377 Ontario Inc. (pièce EE), ainsi qu'un résumé de la cession subséquente de la Marque (et de l'achalandage y étant rattaché à la Requérante (paragraphe 84) et les détails relatifs à l'octroi de licences d'emploi de la Marque aux licenciées (paragraphes 85 et 86). M. Rizzo explique que le transfert de la Marque de 2063377 Ontario Inc. à la Requérante a été officialisé au moyen d'une entente écrite, mais qu'il lui a été impossible de retrouver l'entente elle-même vu tout le temps qui s'est écoulé depuis sa signature (paragraphe 84 de l'affidavit Rizzo). En l'absence d'un contre-interrogatoire ou d'une preuve contraire, je n'ai pas de raison de mettre en doute les déclarations faites sous serment par M. Rizzo sur cette question.

[29]           En ce qui concerne l'emploi de la Marque sous licence, M. Rizzo présente les détails d'ententes verbales en vertu desquelles des licences d'emploi de la Marque ont été concédées à 2063377 Ontario Inc., 2067986 Ontario Inc. et Vault 2012 Inc. (paragraphes 85 et 86 de l'affidavit Rizzo). S'agissant du contrôle qui doit être exercé pour satisfaire aux dispositions de l'article 50 de la Loi, M. Rizzo était à l'époque, l'unique propriétaire, dirigeant et administrateur des licenciées et de la Requérante (la pièce FF comprend les Profils de société de chacune d'elles), et l'était toujours au moment où il a souscrit son affidavit. À titre d'unique âme dirigeante de la Requérante et de ses licenciées, M. Rizzo a fait en sorte que la Requérante exerce un contrôle direct sur l'emploi de la Marque en liaison avec les produits et services offerts par les licenciées. Qui plus est, au paragraphe 85 de son affidavit, M. Rizzo déclare que la totalité de l'emploi effectué par les licenciées bénéficie à la Requérante et que la Requérante contrôle directement les caractéristiques et la qualité des produits et services qui sont fournis par les licenciées en liaison avec la Marque.

[30]           Je ne suis, par conséquent, pas convaincue que l'Opposante a établi l'existence d'une quelconque incompatibilité claire en ce qui a trait à la chaîne des titres de propriété de la Marque.

[31]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue, après examen de la preuve dans son ensemble, que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve et, partant, le motif d'opposition fondé sur l'article 30b) est rejeté.

Décision

[32]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition, conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

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