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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 280

Date de la décision : 2014-12-17

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45, engagée à la demande de Morrison Brown Sosnovitch LLP, visant l'enregistrement no LMC629,608 de la marque de commerce ECOBED au nom de Jax and Bones Inc.

[1]               La présente décision concerne une procédure de radiation sommaire engagée à l'égard de l'enregistrement no LMC629,608 de la marque de commerce ECOBED appartenant à Jax and Bones Inc.

[2]               La marque de commerce en cause ici est enregistrée pour emploi en liaison avec des [traduction] « lits pour animaux de compagnie ».

[3]               Pour les raisons exposées ci-après, je conclus que l'enregistrement doit être radié.

La procédure

[4]               Le 30 mai 2012, à la demande de Morrison Brown Sosnovitch LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Rory Carr, le nom qui, à cette date, était inscrit comme le propriétaire de l'enregistrement dans le registre des marques de commerce.

[5]               L'avis enjoignait au propriétaire inscrit de fournir une preuve démontrant qu'il a employé la marque de commerce ECOBED (la Marque) au Canada à un moment quelconque entre le 30 mai 2009 et le 30 mai 2012 (la période pertinente), en liaison avec les produits spécifiés dans l'enregistrement. À défaut d'avoir ainsi employé la marque de commerce, le propriétaire inscrit devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la marque de commerce a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[6]               Subséquemment à la signification de l'avis prévu à l'article 45, une cession de la Marque à Jax and Bones Inc. a été versée au dossier du registraire. Le document de cession indique que Jax and Bones Inc. a acquis la Marque le 30 novembre 2011. La cession a été versée au dossier du registraire le 20 juin 2012 et inscrite au registre le 1er octobre 2012.

[7]               En l'espèce, l'emploi de la Marque en liaison avec les produits visés par l'enregistrement est régi par l'article 4(1) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, au moment du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’un avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[8]               Il est bien établi que l’article 45 de la Loi a pour objet et portée d'offrir une procédure simple, sommaire et expéditive afin de débarrasser le registre du « bois mort ». Il est bien établi également que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi et que toute ambiguïté dans la preuve doit être interprétée à l'encontre du propriétaire inscrit [voir Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)].

[9]               En réponse à l'avis du registraire, l'Inscrivante a produit l'affidavit de Tina Nguyen, souscrit le 31 décembre 2012, avec les pièces A à D.

[10]           Seule la partie requérante a produit des observations écrites. Aucune audience n'a été tenue.

La preuve

[11]           Dans son affidavit, Mme Nguyen déclare qu'elle est la présidente de Jax and Bones, Inc. (Jax), la propriétaire actuelle de la Marque. Elle indique qu'elle occupe le poste de présidente de Jax depuis sa constitution en société en Californie en 2004.

[12]           Mme Nguyen atteste également que Jax a acquis le titre de la marque de commerce en l'espèce en vertu d'une cession de marque de commerce datée du 30 novembre 2011, dont une copie est jointe en pièce A de son affidavit. Comme je l'ai déjà confirmé à l'examen du dossier, Mme Nguyen explique que la cession a été versée au dossier du registraire le 20 juin 2012 et inscrite au registre le 1er octobre 2012. La cession n'est pas en cause dans la présente procédure.

[13]           Mme Nguyen décrit Jax comme une petite entreprise américaine impliquée dans la vente en gros et la vente au détail en ligne à l'échelle internationale de produits spécialisés pour animaux de compagnie, y compris des lits pour animaux de compagnie. Elle déclare que Jax est une jeune entreprise à une étape de forte croissance, ses ressources ont principalement été ciblées sur le plus grand marché américain, alors que le Canada est indiqué comme son prochain marché cible.

[14]           Mme Nguyen indique ensuite que bien qu'une déclaration d'emploi de l'enregistrement en l'espèce ait été déposée par le propriétaire précédent le 6 décembre 2004, elle n'a aucune connaissance de l'emploi de la Marque par le prédécesseur de cette date à la date de la cession à Jax. Cependant, Mme Nguyen atteste que Jax a enregistré des ventes au Canada de produits pour animaux de compagnie, y compris de lits pour animaux de compagnie, de novembre 2011 à la date à laquelle elle a souscrit son affidavit, pour un montant de 50 000 $ CA. Elle joint, en pièce C de son affidavit, une facture représentative montrant des produits vendus à des consommateurs canadiens.

[15]           En raison de cette acquisition récente des droits de la Marque, explique Mme Nguyen, Jax n'a pas encore employé la Marque dans le commerce au Canada. Elle atteste, cependant, que Jax a la ferme intention de commencer cet emploi en date de la mi-2013. À cet égard, elle atteste également qu'au début de décembre (probablement en référence à décembre 2012, selon Plough, précité), Jax a conclu des ententes de distribution au Canada et a pris des dispositions pour la production de nouvelles étiquettes arborant la Marque.

[16]           En ce qui concerne l'étiquetage des produits, Mme Nguyen joint en pièce D de son affidavit un échantillon des étiquettes volantes actuelles employées pour les lits pour animaux de compagnie, de même qu'une photographie montrant comment l'étiquette volante est fixée sur les produits. La Marque n'apparaît pas sur ces étiquettes volantes. Mme Nguyen explique que la Marque sera clairement imprimée sur des étiquettes volantes semblables et fixées sur les lits pour animaux de compagnie de la même façon que montrée dans la pièce, pour des ventes fermes au Canada et aux États-Unis. Elle atteste que plutôt que d'engager des dépenses d'impression et de nouvel étiquetage de tous les produits existants, Jax a pris la [traduction] « décision opérationnelle frugale » de d'abord épuiser le stock de produits pertinents existants en employant les anciennes étiquettes volantes.

Analyse et raisons de la décision

[17]           Il ressort clairement de la preuve qu'aucun emploi de la Marque au Canada au cours de la période pertinente n'a été démontré. Par conséquent, la décision à prendre est de savoir s'il existe des circonstances spéciales qui justifieraient le défaut d’emploi pendant cette période.

[18]           La question de savoir s'il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi repose sur l'examen de trois critères, énoncés dans Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF). Le premier critère est la durée de la période pendant laquelle la marque n'a pas été employée, le deuxième consiste à déterminer si les raisons du défaut d'emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit, et le troisième, à déterminer s'il existe une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la marque à court terme.

[19]           La décision dans Smart & Biggar c Scott Paper Ltd (2008), 65 CPR (4th) 303 (CAF) a clarifié davantage l’interprétation du critère de circonstances spéciales dans Harris Knitting. En particulier, la Cour a déterminé que le deuxième critère doit être rempli pour permettre de conclure à des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi d'une marque. Autrement dit, les deux autres facteurs sont pertinents, mais considérés individuellement, ils ne peuvent constituer des circonstances spéciales.

[20]           La pertinence du troisième critère est évidente, puisque les raisons qui peuvent justifier une courte période de défaut d’emploi ne justifient pas forcément une longue période de défaut d’emploi; autrement dit, les raisons du défaut d’emploi seront examinées à la lumière de la durée du défaut d’emploi [Harris Knitting, précité; avec renvoi à : Goldwell (1974), 29 CPR (2d) 110 (RMC)]. De plus, en ce qui concerne le deuxième critère, les circonstances du défaut d’emploi doivent être celles qui n’existent pas dans la majorité des cas de défaut d’emploi ou, de même, doivent être des [traduction] « circonstances qui sont inhabituelles, rares ou exceptionnelles » [voir John Labatt Ltd c The Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)]. Quoi qu’il en soit, l’intention de reprendre l’emploi doit être étayée par la preuve [Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst); NTD Apparel Inc c Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst)].

[21]           En règle générale, comme en l'espèce, lorsqu'une date de dernier emploi n'est pas fournie, la date de l'enregistrement ou la date de cession de la marque de commerce au propriétaire actuel sera généralement employée [Cassels Brock & Blackwell LLP c Montorsi Francesco e Figli-SpA (2004), 35 CPR (4th) 35 (COMC); Sim & McBurney c Hugo Boss AG (1996), 67 CPR (3d) 269 (COMC); GPS (UK) c Rainbow Jean Co (1994), 58 CPR (3d) 535 (COMC)]. Bien que la Marque ait été enregistrée le 6 janvier 2005, il est considéré comme une approche exagérément technique d'exiger qu'un nouveau propriétaire inscrit justifie le défaut d'emploi de la marque par son prédécesseur [voir GPS (UK), précité; Scott Paper Co c Lander Co Canada Ltd (1996), 67 (3d) 274 (COMC)]. J'estime que cette approche est raisonnable en l'espèce, comme Mme Nguyen a clairement attesté n'avoir aucune connaissance de l'emploi de la Marque par l'ancien propriétaire. Par conséquent, la période de défaut d'emploi à prendre en compte en l'espèce, en raison de la cession récente de la Marque en novembre 2011, est d'environ six mois.

[22]           En ce qui concerne les raisons du défaut d'emploi et de savoir si elles sont justifiables, il a été statué qu'une cession récente justifie parfois un bref défaut d'emploi, mais qu'une cession, en soi, ne constitue pas une circonstance spéciale [Taogosei Co c Servicios Corporativos De Administracion GMZ, SA De CV (1999), 3 CPR (4th) 275 (COMC)].

[23]           Il existe un certain nombre de cas où une cession récente ou l'acquisition d'une marque de commerce au cours de la période pertinente a permis de justifier le défaut d'emploi, puisqu'il était raisonnable, dans ces cas, de présumer que le nouveau propriétaire puisse avoir besoin de plus de temps pour prendre des dispositions concernant l'emploi d'une marque de commerce nouvellement acquise [voir, par exemple, Baker & McKenzie c Garfield’s Fashions Ltd (1993), 52 CPR (3d) 274 (COMC); Scott Paper Co c Lander Co Canada Ltd (1996), 67 CPR (3d) 274 (COMC); Sim & McBurney c Hugo Boss AG (1996), 67 CPR (3d) 269 (COMC); IPC – Intellectual Property Centre c Nada Fashion Designs Inc, 2010 COMC 109 (CanLII); et Hudson’s Bay Co c Bombay & Co Inc, 2013 COMC 159]. Plus particulièrement, dans ces cas, cependant, les raisons du défaut d’emploi n’étaient pas simplement attribuables à une acquisition récente de la marque de commerce; il a également été tenu compte des circonstances individuelles considérées comme étant indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit qui affectaient raisonnablement le moment de la réintroduction des produits en liaison avec la marque de commerce en question. Par exemple, des difficultés encourues pour trouver le financement nécessaire pour relancer la gamme de produits, des difficultés techniques dans la fabrication ou des difficultés à trouver un fournisseur convenable, etc. Dans chacun des cas, des mesures concrètes ont été prises pour reprendre l'emploi avant la date de l'avis donné en vertu de l'article 45. De plus, dans plusieurs de ces cas, la preuve a été conclue avec des ventes réelles postérieures à la signification de l'avis, ce qui a réaffirmé les efforts continus et l'intention véritable des propriétaires de reprendre l'emploi de leurs marques de commerce récemment acquises.

[24]           En l'espèce, bien que la Marque ait été acquise seulement six mois avant la date de l'avis prévu à l'article 45, comme le soutient la Partie requérante, la raison de défaut d'emploi est fondée sur des considérations financières et les dépenses additionnelles que représentent l'impression et le nouvel étiquetage de tous les produits existants. La Partie requérante soutient que ces circonstances ne constituent pas des circonstances spéciales et inhabituelles indépendantes de la volonté de la propriétaire inscrite. Je suis d’accord. Selon les propres mots de Mme Nguyen, la propriétaire inscrite a pris la [traduction] « décision opérationnelle frugale » de d'abord épuiser le stock de lits pour animaux de compagnie existant en employant les anciennes étiquettes volantes. Il n'y a aucune indication expliquant que l'impression et le nouvel étiquetage auraient entraîné des dépenses dont le coût aurait été prohibitif, pas plus qu'il n'y a de raison expliquant pourquoi la propriétaire inscrite aurait nécessairement besoin d'étiqueter de nouveau tous les produits existants. De plus, la preuve démontre que la propriétaire inscrite avait un marché existant pour des ventes de produits au Canada. Cela semble avoir été une décision délibérée de la part de la propriétaire inscrite et, par conséquent, il ne s'agissait pas d'une circonstance indépendante de sa volonté. Selon Harris Knitting, précité, à la page 493, il est difficile de voir comment un défaut d'emploi en raison uniquement d'une décision délibérée du propriétaire d'une marque de commerce serait justifiable.

[25]           De plus, il ne s'agit pas d'une situation comparable à celles des cas susmentionnés impliquant des marques de commerce récemment acquises. En l'espèce, la preuve ne démontre pas clairement que des mesures concrètes ont été prises avant la date de l'avis prévu à l'article 45 pour reprendre l'emploi. À cet égard, la preuve est vague et ambiguë, puisque Mme Nguyen déclare seulement qu'en décembre (c’est-à-dire presque sept mois après la date de l'avis prévu à l'article 45, et treize mois après l'acquisition de la Marque par Jax), Jax a conclu des ententes de distribution additionnelles au Canada et a également pris des dispositions pour la production de nouvelles étiquettes arborant la Marque. Mme Nguyen ne fournit aucun détail supplémentaire à l'égard des ententes de distribution ou des dispositions qui ont été prises en particulier en ce qui concerne l'obtention de nouvelles étiquettes.

[26]           En dernier lieu, alors que Mme Nguyen déclare que la propriétaire inscrite a la ferme intention de commencer cet emploi en date de la mi-2013, je remarque que cette date serait environ 19 mois après l'acquisition de la Marque. Pourtant, la preuve démontre que la propriétaire inscrite était entièrement en mesure de vendre des lits pour animaux de compagnie au Canada au cours de cette période, mais qu'elle a pris une décision opérationnelle délibérée de ne pas employer la Marque sur aucun des lits pour animaux de compagnie vendus.

[27]           Compte tenu de ce qui précède, je ne peux conclure que les raisons du défaut d'emploi sont telles qu'une exception devrait être faite à la règle générale voulant que l'enregistrement d'une marque qui n'est pas employée devrait être radié.

Décision

[28]           En conséquence, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu de l'article 63(3) de la Loi, l'enregistrement sera radié conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi.

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Kathryn Barnett

Agente d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

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