Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2011 COMC 49

Date de la décision: 2011-03-30

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagée à la demande de Heenan Blaikie LLP visant l’enregistrement no LMC367,282 de la marque de commerce THE AQUAMASTER au nom de GROUPE D’ACHAT M.P. INC.

[1]               Le 7 mai 2009, à la demande de Heenan Blaikie LLP (la Requérante), le registraire a envoyé l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à Groupe d’Achat M.P. Inc. (l’Inscrivante), propriétaire inscrit de l’enregistrement nLMC367,282 pour la marque de commerce THE AQUAMASTER (la Marque) enregistrée en liaison avec les services suivants :

Service d'exploitation de magasins de vente en gros et au détail de piscines, produits et accessoires, produits chimiques d'entretien et de nettoyage de piscines et de meubles de jardin, et service d'entretien et de réparation de piscines et accessoires (les Services).

[2]               Selon l’article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit d’une marque de commerce doit démontrer, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, que la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. La période pertinente en l’espèce se situe entre le 7 mai 2006 et le 7 mai 2009.

[3]               L’emploi en liaison avec des services est décrit comme suit à l’article 4 de la Loi :

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

 

[4]               Il est bien établi que l'article 45 a pour objet de prévoir une procédure simple, sommaire et expéditive visant à débarrasser le registre du « bois mort », de sorte que le test applicable est peu exigeant. Je reprends ici à mon compte les observations formulées par le juge Russell dans Uvex Toko Canada Ltd. c. Performance Apparel Corp. (2004), 31 C.P.R. (4th) 270  (C.F.) :

86. Nous savons que l’objet de l’article 45 est de débarrasser le registre du « bois mort ». Nous savons que la simple affirmation par le propriétaire de l’emploi de sa marque de commerce ne suffit pas et que le propriétaire doit « indiquer » quand et où la marque a été employée. Il nous faut des éléments de preuve suffisants pour être en mesure de nous former une opinion en vertu de l’article 45 et d’appliquer cette disposition. Également, nous devons maintenir le sens des proportions et éviter la preuve surabondante. Nous savons également que le genre de preuve exigée varie d’une affaire à l’autre, en fonction d’une gamme de facteurs tels que la nature du commerce et les pratiques commerciales du propriétaire de la marque de commerce.

[5]               S’il est vrai que le test applicable à l'établissement de l'emploi dans les procédures de cette nature est peu exigeant et qu'il n'appelle pas la production d'une surabondance d’éléments de preuve, il n'en faut pas moins communiquer des faits suffisants pour permettre au registraire d'arriver à la conclusion que la marque de commerce a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services que spécifie l'enregistrement. En outre, le propriétaire inscrit supporte en totalité la charge de la preuve [88766 Inc. c. George Weston Ltd. (1987), 15 C.P.R. (3d) 260 (C.F. 1re inst.)], et toute ambiguïté dans la preuve doit être interprétée contre lui [Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)].

[6]               En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a produit l’affidavit de Jean-Roch Perron, vice-président et actionnaire de l’Inscrivante, souscrit le 17 juillet 2009. Aucune pièce n’est jointe à cet affidavit. Les deux parties ont produit des représentations écrites; aucune n’a demandé la tenue d’une audience.

[7]               Il convient de noter à titre de remarque préliminaire que l’Inscrivante a joint en annexe à ses représentations écrites divers documents (soit une copie d’une photo « de la façade de l’entrepôt » de l’Inscrivante et des extraits des sites Internet www.yellowpages.ca, www.maitrepiscinier.com, et www.aquamastergroup.com). Aucun de ces documents n’a été produit de la manière prescrite. Ces documents se devaient en effet d’être produits à titre de pièces jointes à un affidavit (tel celui souscrit le 17 juillet 2009 par M. Perron), le tout à l’intérieur du délai imparti à l’Inscrivante pour produire sa preuve. Conséquemment, ces divers documents ne seront pas pris en compte dans mon analyse de la preuve. Qui plus est, même si ces documents avaient été correctement soumis en preuve, je note qu’à l’exception de la copie de la photo, pour laquelle aucune indication de date n’est fournie, chacun de ces documents est daté postérieurement à la période pertinente.

[8]               J’analyserai maintenant l’affidavit, fort bref, de M. Perron, en regard des principes de droit applicables et des commentaires de la Requérante.

[9]               M. Perron affirme au paragraphe 2 de son affidavit que « [l’Inscrivante] a enregistré à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, la [M]arque le 30 mars 1990, sous le numéro [LMC]367,282 ». M. Perron affirme au paragraphe 3 que « [l’Inscrivante] a toujours utilisé et utilise toujours la [Marque] et ce, en ce qui concerne le service d’exploitation d’un magasin de vente en gros et au détail de piscine [sic], produits et accessoires, produits chimiques, d’entretien et de nettoyage de piscines et de meubles de jardin et service d’entretien et de réparation de piscines et accessoires ».

[10]           Comme l’a fait remarquer la Requérante, ces affirmations sont inexactes. Il ressort en effet du registre des marques de commerce que la Marque a été enregistrée le 30 mars 1990 au nom de la société Industries Vogue Ltée – Vogue Industries Ltd. La Marque a été cédée une première fois à la société 2679965 Canada Inc. en date du 4 mars 1991, laquelle société l’a cédé à son tour à l’Inscrivante en date du 3 mars 1998. Par conséquent, l’Inscrivante ne peut avoir employé celle-ci depuis son enregistrement tel que M. Perron l’affirme dans son affidavit, à moins que cet emploi n’ait été sous licence, ce que l’affidavit ne précise aucunement.

[11]           M. Perron poursuit son affidavit en affirmant au paragraphe 4 qu’« [e]n effet, [l’Inscrivante] utilise la [Marque] sous forme de bannière et la [Marque] se retrouve en autres, sans restreindre les termes ci-après employés, savoir [sic] : sur les cartes d’affaires; sur l’enseigne du magasin; sur un site Internet; dans les pages jaunes; Internet ». Tel qu’indiqué plus haut et souligné par la Requérante, ces affirmations ne sont corroborées par aucune pièce faisant voir la Marque telle qu’employée en liaison avec les Services.

[12]           La simple référence par M. Perron à « un site Internet » indéfini, de même qu’à l’« Internet » au sens large ne saurait être qualifiée d’affirmation de fait détaillée. Il en est de même de la simple référence aux « pages jaunes ». Pour ce qui est de la référence à des « cartes d’affaires » et à une « enseigne », les affirmations de M. Perron sont ambiguës en ce que M. Perron ne précise pas que celles-ci ont été employées pendant la période pertinente. Bien que le paragraphe 4 de l’affidavit de M. Perron doive être lu en regard du paragraphe 3 précédent, le temps de verbe employé par M. Perron crée en effet une ambiguïté à savoir si pareil matériel a de fait bel et bien été employé pendant la période pertinente. Ceci est d’autant plus incertain considérant les inexactitudes relevées plus haut en regard des paragraphes 2 et 3 de son affidavit. Qui plus est, bien que M. Perron réfère à la « Marque », rien n’indique que celle-ci a de fait été employée telle quelle par l’Inscrivante. Il pourrait s’agir, compte tenu des inexactitudes et imprécisions relevées plus haut, d’une version modifiée de la Marque.

[13]           M. Perron termine son affidavit en affirmant au paragraphe 5 que l’Inscrivante est aussi « actuellement en négociation avec des gens d’affaires de l’Ontario et d’ailleurs au Canada, afin d’élargir les horizons et l’utilisation de la [Marque] ». Tel que l’a fait remarquer la Requérante, cette dernière affirmation s’avère peu pertinente en l’espèce. Les projets d’expansion de l’Inscrivante s’inscrivent en dehors de la période pertinente. Ils n’ont également pas été allégués à titre de circonstances spéciales pouvant justifier un quelconque défaut d’emploi de la Marque à l’égard des Services pendant la période pertinente.

[14]           La Requérante fait valoir que l’affidavit de M. Perron ne contient rien de plus que de vagues affirmations d’emploi, lesquelles s’avèrent insuffisantes dans les circonstances pour maintenir l’enregistrement de la Marque [voir à cet effet Aerosol Fillers Inc., précitée]. Je suis d’accord.

[15]           Tel qu’il ressort de ma revue plus haut de l’affidavit de M. Perron, les affirmations d’emploi de M. Perron sont pour l’essentiel, soit inexactes soit imprécises, n’étant corroborées par aucune pièce faisant voir la Marque telle qu’employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce des Services pendant la période pertinente. Or, tel que souligné par le juge Addy dans Saks & Co. v. Registrar of Trade Marks (1989), 24 C.P.R. (3d) 49 (C.F. 1re inst.), une affirmation à l’effet qu’une marque de commerce est employée au Canada relève à la fois d’une question de fait et de droit :

The jurisprudence has established as a general rule and it is undoubtedly well-founded, that it is not sufficient for an owner to merely state that the mark was in use in Canada at the relevant time in order to conform to s. 44(1). Some other evidence of use must be produced. This rule, which is evidentiary in nature, was instituted in order to prevent the owner of the mark to simply state that the mark was in use without giving any facts to substantiate the statement. To merely state, without more, that the mark is in use is to boldly declare as a fact the conclusion to which the registrar (or the court on appeal from the latter) is called upon to arrive at. The statement that a mark is in use in Canada includes both fact and law as it comprises the actions which constitute use at law and the legal concepts which permit the tribunal to arrive at that conclusion.

[16]           Compte tenu de ce qui précède et du fait que les ambiguïtés relevées dans la preuve doivent être interprétées à l’encontre des intérêts du propriétaire inscrit, je me dois de conclure que l’Inscrivante n’a pas démontré l’emploi au Canada de la Marque en liaison avec les Services pendant la période pertinente.

[17]           J’ajouterai en terminant que le présent dossier ne concerne pas une situation où des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque à l’égard des services couverts par l’enregistrement s’appliquent. L’Inscrivante n’a pas soutenu pareil argument pas plus qu’il n’existe d’élément de preuve étayant une telle thèse.

Décision

[18]           Par conséquent, en vertu des pouvoirs qui m'ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, l'enregistrement LMC367,282 pour la marque de commerce THE AQUAMASTER sera radié conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

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