Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2010 COMC 70

Date de la décision : 2010-05-26

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Boy Scouts of Canada (maintenant Scouts Canada) à l’encontre de la demande d’enregistrement nº 1,212,279 pour la marque de commerce BENNY’S BEAVER TALES & DESSIN au nom de LESLIE GAGNÉ

Le dossier

[1]       Le 5 avril 2004, Leslie Gagné a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce BENNY’ BEAVER TALES & Dessin, illustrée ci-dessous :

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La demande d’enregistrement est fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises suivantes :


Jeu de plateau, CD-ROM de musique et d’apprentissage, tee-shirts, chemises de golf, pulls d’entraînement, chapeaux, aimants décoratifs, chaînes porteclés, vestes, ponchos imperméables, images, caleçons boxeur,

crayon, stylos, chapeaux en mousse, colliers de dents, balles de golf, règles, marqueurs de balles de golf, sacs de golf, cartes, foulards, couvre-crayons, tirettes de fermeture à glissière, figurines, débardeurs, tatouages temporaires, médailles, canots, compas, tuques, disques volants, épingles de revers, cubes en papier, verres, cravates, calendriers et magazines.


 

[2]       La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 20 avril 2005 et Boy Scouts of Canada s’y est opposé le 20 septembre 2005. Le registraire a fait parvenir une copie de la déclaration d’opposition au requérant, le 4 octobre 2005, comme l’exige le par. 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. Le requérant a répondu en produisant et en signifiant une contre-déclaration, dans laquelle il niait en général les allégations contenues dans la déclaration d’opposition. Je mentionne en passant que la contre-déclaration contient également des observations qui conviennent au plaidoyer écrit et qui sont autrement superflues.

[3]       La preuve de l’opposant est constituée de l’affidavit de John Robert Stewart. La preuve du requérant est constituée de l’affidavit de Leslie Gagné. Seul l’opposant a déposé un plaidoyer écrit et était représenté à l’audience tenue le 4 mai 2010.

 

La déclaration d’opposition

[4]       L’opposant déclare être une personne morale constituée en 1914 par une loi spéciale du Parlement du Canada. Il exerce ses activités en liaison avec des programmes destinés aux jeunes et liés aux activités sportives et de plein air. L’opposant exerce ses activités par l’entremise de plusieurs branches désignées comme BEAVERS, WOLF CUBS, SCOUTS, VENTURERS et ROVERS. Les plus jeunes membres de l’opposant font partie de la section BEAVER ou BEAVERS qui existe depuis environ 1971.

[5]       Depuis 1971, l’opposant emploie les mots BEAVER ou BEAVERS comme marques de commerce, seuls ou en combinaison avec d’autres mots et caractéristiques graphiques, dont des représentations d’un castor (les marques BEAVER de l’opposant). L’opposant emploie ses marques BEAVER au Canada en liaison avec diverses marchandises, dont livres, vêtements, chandails, tee-shirts, chapeaux et foulards.


[6]       Dans le premier motif d’opposition, il est allégué que [traduction] « la demande d’enregistrement ne répond pas aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce . . . [parce que] . . . la marque faisant l’objet de la demande d’enregistrement n’est pas distinctive . . . [et qu’elle] . . . n’est pas une marque de commerce ».

[7]       Dans le deuxième motif d’opposition, il est allégué que la marque BENNY’S BEAVER TALES & Dessin faisant l’objet de la demande n’est pas enregistrable, sous le régime de l’art. 9 de la Loi, du fait que la marque BEAVERS de l’opposant a été notifiée au public en avril 1989.

[8]       Dans le troisième motif d’opposition, il est allégué que le requérant n’a pas droit à l’enregistrement de la marque BENNY’S BEAVER TALES & Dessin, en application de l’art. 16, pour les raisons énoncées au premier motif d’opposition, et parce qu’à la date du dépôt de la demande, cette marque créait de la confusion avec les marques BEAVER de l’opposant, antérieurement employées au Canada.

[9]       Dans le quatrième motif d’opposition, fondé sur l’art. 2, il est allégué que la marque BENNY’S BEAVER TALES & Dessin n’est pas adaptée à distinguer les marchandises du requérant de celles de l’opposant.   

 

La preuve au dossier   

La preuve de l’opposant - John Robert Stewart

[10]     M. Stewart se présente comme membre du personnel de l’opposant depuis 1982, exerçant à présent les fonctions de commissaire général et directeur général de l’opposant. L’affidavit de M. Stewart confirme de façon générale les arguments de l’opposant exposés aux par. 4 et 5 précédents. Plus particulièrement, le registraire a donné les avis publics prévus à l’art. 9 le 5 avril 1989, pour les marques BEAVERS de l’opposant (sous le no 903,521), le 12 mai 1993 pour la marque BEAVERS CANADA & Dessin (sous le no 905,897), et le 18 février 1998 pour la marque JUMP START FOR BEAVERS (sous le no 909,603). Les services de vente au détail de l’opposant se trouvent à Ottawa. L’opposant tient des « boutiques scoutes » partout au Canada et fournit également des marchandises à des distributeurs officiels. Les marchandises de l’opposant sont presque indispensables pour participer à ses activités et comprennent des vêtements, des uniformes, des badges, des équipements de camping, des sac à dos et des sacs de voyage. En 1976, il y avait environ 106 distributeurs officiels et 19 boutiques scoutes au Canada. À la date de l’affidavit de M. Stewart (2 juin 2006), il restait 24 boutiques scoutes et un distributeur officiel. Les marques BEAVER de l’opposant sont employées en liaison avec divers marchandises, dont des vêtements, des fanions, des drapeaux, des crayons, des signets, des plaques et des épinglettes. De nombreuses pièces annexées à l’affidavit de M. Stewart corroborent son témoignage.

 

La preuve du requérant - Leslie Gagné

[11]     M. Gagné se présente comme l’unique directeur de The Big Beaver Theme Park Inc. BENNY THE BEAVER est un personnage fictif et la mascotte du parc thématique. Le requérant emploie la marque BENNY THE BEAVER depuis novembre 2001 et personne ne lui a demandé si la mascotte est reliée à l’opposant. Le requérant est le propriétaire de la marque déposée THE BIG BEAVER & Dessin, illustrée ci-dessus, employée depuis environ juillet 2002. 

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marchandises

Vente de marchandises, nommément teeshirts et polos de golf, pulls d’entraînement, et chapeaux. Autres articles à vendre : sirop d’érable, biscuits, articles souvenirs canadiens, nommément castors rembourrés, drapeaux, bannières, fanions, macarons, aimants, chaînettes porte-clés,

manches à air, pièces de monnaie, chapeaux, tee-shirts, chandails, chandails à col roulé, vestes, parapluies, ponchos imperméables, sirop d’érable, images, paniers-cadeaux, ornements de Noël, figurines, tirettes de fermeture à glissière, balles gravées, souvenirs tissés à la main, chapeaux foamés à grands bords, cravates, caleçons boxeur, autocollants pour parechocs, bâtons de hockey, crayons, stylos, sacs, grosses tasses, verres, chaises de parterre, balles de golf, tte-shirts de golf, serviettes de golf, marqueurs de balles de golf, lampes de poche, décapsuleurs, boîtes de rangement, calendriers, flacons de vin, cubes en papier, dessous de verres, règles, jeux de table, chapeaux de crayon en figurines, épinglettes, tuques, disques volants, enveloppes de pneus, tabliers de cuisine, gants de


cuisine, bandeaux antisudoripares, jeu "crazy chords", livres thématiques canadiens (contes illustrés), lunettes de soleil, cartes, foulards, cache-oreilles et lacets; et aliments pré-emballés, nommément homards, saumon, bison, bière embouteillée, eau, fudge, et vin portant le thème et l’icône The Big Beaver, tablettes de chocolat, barres granola (régals sains avec sirop d’érable), pâtisseries, tartes maison et desserts.

 

services


Portail de site Web pour la promotion de tout ce qui est canadien, nommément destinations de voyage distinctives, attractions touristiques,

festivals, histoire, célébrités canadiennes, aliments, réalisations

importantes, comme le bras de la navette spatiale et l’importance

du castor au Canada.


 

[12]      Le requérant déclare qu’il emploie les marques THE BIG BEAVER, BENNY THE BEAVER et BENNY’S BEAVER TALES sur son site Web depuis environ 2004 et que personne ne lui a demandé si ces marques ou son parc thématique sont reliés à l’opposant. Le requérant a témoigné également qu’un tiers, Bell Canada, emploie deux castors « parlants » appelés Frank et Gordon pour faire la publicité de ses services.                    

 

Le motif d’opposition invoquant l’absence de droit à l’enregistrement

[13]      Le premier motif d’opposition n’est pas un motif en soi et dépend de l’issue favorable du quatrième motif fondé sur l’absence de caractère distinctif de la marque BENNY’S BEAVER TALES & Dessin. Dans son plaidoyer écrit, l’opposant insiste sur le troisième motif d’opposition et je procéderai de la même manière.

 

Le fardeau ultime et le fardeau initial de preuve

[14]      C’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce comme l’allègue l’opposant dans sa déclaration d’opposition. Le fardeau imposé au requérant signifie que, en l’absence d’une conclusion décisive au terme de la production de l’ensemble des éléments de preuve, la question doit être tranchée à son encontre. L’opposant a cependant aussi, en vertu des règles habituelles de preuve, le fardeau de prouver les faits inhérents aux allégations contenues dans sa déclaration d’opposition : voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30  C.P.R. (3d)  293, à la page  298. L’existence d’un fardeau de la preuve incombant à l’opposant relativement à une question en particulier signifie que cette question ne pourra être prise en considération que s’il existe des éléments de preuve suffisants à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de cette question.

[15]      En l’espèce, la preuve de l’opposant suffit pour que soit valablement soulevé le troisième motif d’opposition. Par conséquent, c’est au requérant qu’incombe le fardeau ultime de démontrer qu’à la date du dépôt de la demande, la marque BENNY’S BEAVER TALES & Dessin ne créait pas de confusion avec les marques BEAVER de l’opposant : voir al. 16(3)a) de la Loi.

 

Les facteurs prévus au paragraphe 6(5)

[16]      Dans l’appréciation de la confusion entre deux marques, les facteurs à prendre en considération sont exposés au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques ont été en usage; le genre des marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en compte. Tous les facteurs n’ont pas nécessairement le même poids. Le poids à accorder à chacun peut varier : voir la décision Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et Le registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re  inst.).                  

[17]      Les marques BEAVER de l’opposant possèdent un certain caractère distinctif inhérent, mais ces marques sont relativement faibles, vu que le castor est généralement perçu comme un symbole du Canada. Dans le même ordre d’idées, la marque BENNY’S BEAVER TALES & Dessin est relativement faible, vu qu’elle est composée d’éléments faibles. À la date pertinente, soit le 5 avril 2004, je suis disposé à conclure (en dépit des lacunes que comporte l’affidavit de M. Stewart) que les marques BEAVER de l’opposant ont acquis une certaine réputation au Canada en liaison avec les programmes destinés aux jeunes et dans une moindre mesure en liaison avec ses marchandises telles que des vêtements, des foulards, des badges, des épinglettes et des signets qui font partie intégrante des programmes de l’opposant. La preuve de M. Gagné comporte davantage de lacunes que celle de M. Stewart et je ne suis pas disposé à inférer que les marques du requérant auxquelles fait référence M. Gagné ont acquis davantage qu’une réputation minimale au Canada pendant la période pertinente. Il est évident que la marque faisant l’objet de la demande n’a acquis aucune réputation pendant la période commençant le 5 avril 2004, vu que la demande est fondée sur l’emploi projeté. Le fait que le requérant est le propriétaire de la marque déposée THE BIG BEAVER & Dessin ne lui est d’aucun secours en l’espèce : voir, par exemple, Groupe Lavo Inc. c. Proctor & Gamble Inc., 32 C.P.R. (3d) 533, à la page 538 (C.O.M.C.).

[18] La période pendant laquelle les marques en cause ont été en usage favorise l’opposant, puisqu’il a commencé à employer ses marques BEAVER en 1971. Les marchandises du requérant recoupent celles de l’opposant et il semble qu’une partie de ces marchandises cible le même groupe d’âge que les programmes de scoutisme de l’opposant. Il y a un degré de ressemblance passablement élevé entre les marques en cause, vu que le mot BEAVER et l’image d’un castor constituent des éléments flagrants de la marque faisant l’objet de la demande. Le requérant a intégré l’ensemble de la marque BEAVER de l’opposant dans la marque faisant l’objet de la demande.                                                                             

 

Conclusion

[19]      Compte tenu de ce qui précède et étant donné la ressemblance entre les marques en cause, le recoupement des marchandises des parties et le recoupement apparent de leurs cibles démographiques, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le requérant n’a pas établi que sa marque BENNY’S BEAVER TALES & Dessin ne créait pas de confusion avec les marques BEAVER de l’opposant à la date pertinente, soit le 5 avril 2004. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition. Pour des affaires similaires, voir Boy Scouts of Canada c. Leslie Gagné  (21 mars 2007 C.O.M.C. (non publiée) demande d’enregistrement no 1,121,302) où la Commission a repoussé la demande d’enregistrement de la marque nominale BENNY THE BEAVER, et Boy Scouts of Canada c. Moehring (1993), 48 C.P.R. (3d) 557, où la Commission a repoussé la demande d’enregistrement pour la marque EAGER BEAVER. 

[20]      Compte tenu de ce qui précède, la demande d’enregistrement est repoussée. Cette décision est rendue en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués conformément au par. 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

 

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Myer Herzig               

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 

  

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