Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 179

Date de la décision : 2014-08-27

TRADUCTION

DANS LAFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE LARTICLE 45 engagée à la demande de StarragHeckert GmbH visant l'enregistrement no LMC619,534 de la marque de commerce WMW & Dessin au nom de World, LLC

[1]               À la demande de StarragHeckert GmbH (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) le 13 mars 2012 à World, LLC (la Propriétaire), propriétaire inscrite de l'enregistrement nLMC619,534 pour la marque de commerce WMW & Dessin (la Marque), reproduite ci-dessous :

WMW & Design

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les marchandises suivantes :

[traduction]
Machines-outils à métaux, nommément tours, meuleuses, machines à tailler les engrenages, fraiseuses, sondeuses et foreuses, centres d’usinage, cellules de fabrication flexibles pour travaux sur métaux; pièces connexes, nommément porte-outils, porte-pièces, magasins d’outils et de pièces, installations de changement d’outils et de pièces, pièces d’outils de tours, fraiseuses, et sondeuses et foreuses.

[3]               L'article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l'égard de chacune des marchandises décrites dans l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant immédiatement la date de l'avis et, dans la négative, qu'il précise la date à laquelle la marque a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               En l'espèce, la période pertinente pour établir l'emploi s'étend du 13 mars 2009 au 13 mars 2012 et la définition pertinente d'« emploi » est énoncée à l'article 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point quavis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit de Cornel Circiumaru, président de la Propriétaire, souscrit le 11 octobre 2012 à New York. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites et étaient toutes deux représentées à une audience.

Preuve d'emploi

[6]               Dans son affidavit, M. Circiumaru atteste que la Propriétaire exerce ses activités sous le nom de WmW Machinery Company, qui vend ses produits industriels arborant la Marque à des fabricants plutôt qu'à des consommateurs finaux. Il atteste que les machines-outils à métaux de la Propriétaire sont : [traduction] « généralement à usages multiples et peuvent remplir un certain nombre de fonctions, y compris le fraisage, le forage, le sondage et, avec les éléments appropriés, le meulage et le taillage des engrenages ». De même, il atteste que les pièces de la Propriétaire sont [traduction] « convenables pour emploi » avec plus d'un type de machine-outil à métaux. Il explique que ses marchandises pièces pour machines-outils sont expédiées de New York à ses clients au Canada et que ses marchandises machines-outils sont expédiées [traduction] « la plupart du temps » de l'usine européenne du partenaire commercial de la Propriétaire directement à un port canadien et du port à l'installation des clients canadiens.

[7]               M. Circiumaru joint un tableau en pièce E de son affidavit, qui, explique-t-il, est un résumé de la preuve fournie par la Propriétaire. Dans le tableau, il identifie la marchandise spécifique visée par l'enregistrement, avec les photographies (pièces F à J), factures (pièces K à L) et bordereau d'expédition (pièce M) correspondants pertinents, comme décrits ci-dessous. Il atteste que, au cours de la période pertinente, la Propriétaire a vendu plus de 50 000 $ de pièces de machines-outils à métaux au Canada et plus de 10 000 $ de services liés aux machines-outils à métaux et aux pièces.

[8]               À l'appui, M. Circiumaru joint les pièces suivantes à son affidavit :

         La pièce F consiste en des photographies d'une fraiseuse qui, atteste M. Circiumaru, a été vendue par la Propriétaire en novembre 2010 à un fabricant canadien de machinerie industrielle et commerciale. Il atteste que les [traduction] « photographies servent à illustrer comment la marque de commerce est employée directement sur une marchandise machine-outil à métaux ». Il fournit une preuve de paiement, qui, explique-t-il, a été effectué en deux versements, totalisant plus de 100 000 $ en pièce K. Le deuxième paiement semble avoir été fait le 24 novembre 2011 par une entité située en Ontario. Même si le paiement a été effectué à partir d'une adresse canadienne, M. Circiumaru ne fournit, notamment, aucune preuve quant à l'endroit où a été expédiée la machine, à l'opposé de la preuve en ce qui concerne les marchandises pièces d'outils décrites ci-dessous.

         Les pièces G, H, I et J consistent en des photographies d'emballages de diverses pièces d'outils expédiées à des clients. Comme identifiés en pièce E de l'affidavit, ces produits correspondent à la dernière portion de l'état déclaratif des marchandises, c'est-à-dire : « ...pièces connexes, nommément porte-outils, porte-pièces, magasins d’outils et de pièces, installations de changement d’outils et de pièces, pièces d’outils de tours, fraiseuses, et sondeuses et foreuses ». La Marque figure bien en vue sur l'emballage.

         La pièce L consiste en plus de deux douzaines de factures partiellement expurgées en liaison avec la vente et l'expédition de pièces d'outils identifiées au tableau en pièce E et illustrées en pièces G à J. Je confirme que les factures montrent des ventes de diverses pièces d'outils à des clients avec des adresses canadiennes au cours de la période pertinente, correspondant à la portion [traduction] « pièces connexes » de l'état déclaratif des marchandises, ainsi que l'atteste M. Circiumaru.

         La pièce M consiste en plusieurs bordereaux d'expédition partiellement expurgés de la période pertinente montrant l'expédition au Canada de pièces identifiées au tableau en pièce E, illustrées en pièces G à J et facturées en pièce L.

[9]               Compte tenu de la preuve produite, j'estime que la Propriétaire a démontré l'emploi de la Marque en liaison avec la deuxième portion de l'état déclaratif des marchandises, c'est-à-dire les [traduction] « pièces » de machines-outils à métaux identifiées dans l'état déclaratif des marchandises.

[10]           En ce qui concerne la première partie de l'état déclaratif, c'est-à-dire les machines-outils elles-mêmes, il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de présenter une surabondance de preuves [Union Electric Supply Co Ltd c Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst.)], il faut néanmoins produire des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure à un emploi de la marque de commerce en liaison avec chacune des marchandises visées par l’enregistrement au cours de la période pertinente.

[11]           En l'espèce, la Propriétaire a fourni la preuve d'une seule vente d'une machine-outil à métaux, identifiée comme une [traduction] « fraiseuse ». La preuve d'une seule vente peut être suffisante pour établir l'emploi d'une marque de commerce dans la pratique normale du commerce, selon les circonstances entourant la transaction [Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 (CF 1re inst.)]. Toutefois, dans Guido Berlucci & C Srl c Brouilette Kosie (2007), 56 CPR (4th) 401 (CF), la Cour fédérale a déclaré ce qui suit au paragraphe 20 :

[traduction]...si un propriétaire inscrit choisit de ne produire la preuve que d'une seule vente, il joue avec le feu, car il doit alors fournir suffisamment de renseignements concernant le contexte dans lequel s'est déroulée la vente pour éviter de susciter dans l'esprit du registraire ou de la Cour des doutes qui pourraient jouer contre lui.

[12]           En l'espèce, M. Circiumaru déclare notamment que [traduction] « la plupart du temps », ses machines-outils à métaux sont expédiées de son fabricant européen vers le Canada. Toutefois, rien dans son affidavit ne démontre clairement que la fraiseuse fournie en preuve a effectivement été expédiée vers le Canada. En réalité, même si la Propriétaire fournit une preuve d'expédition en ce qui concerne ses diverses pièces de machines-outils (en pièce M), elle ne fournit aucune preuve de la sorte ni même une assertion en ce qui concerne la fraiseuse. Même si le paiement de la machine peut provenir d'une adresse canadienne, l'expédition de la machine de l'Europe vers une installation propriété d'une entreprise canadienne, mais qui n’est pas située au Canada, ne constituerait pas un transfert au Canada au sens de la Loi. Il aurait été facile pour la Propriétaire de déclarer ou bien de fournir une preuve que la machine a, de fait, été expédiée vers le Canada; selon la décision Plough, précitée, cette ambiguïté doit être résolue à l'encontre de la Propriétaire.

[13]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré l'emploi de la Marque en liaison avec les [traduction] « machines-outils à métaux » au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

Circonstances spéciales

[14]           En l’absence de conclusion d'emploi en ce qui concerne les [traduction] « machines-outils à métaux », la Propriétaire allègue qu'il y avait des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi. En règle générale, la question de savoir s'il existait des circonstances spéciales repose sur l'examen de trois critères : le premier est la durée de la période pendant laquelle la marque n'a pas été employée, le deuxième consiste à déterminer si les raisons du défaut d'emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit, et le troisième consiste à déterminer s'il existe une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la marque à court terme [tel qu'il a été établi dans Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)].

[15]           La Cour d'appel fédérale a apporté des précisions quant à l'interprétation du deuxième critère, à savoir que ce critère doit obligatoirement être rempli pour que l'on puisse conclure à l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi d'une marque de commerce [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd (2008), 65 CPR (4th) 303 (CAF)]. En d'autres termes, les deux autres critères sont pertinents, mais ils ne sauraient à eux seuls constituer des circonstances spéciales. Enfin, l'intention de reprendre l'emploi doit être corroborée par la preuve [voir Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst.); NTD Apparel Inc c Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst.)].

Durée du défaut d'emploi

[16]           En règle générale, comme en l'espèce, lorsqu'une date de dernier emploi n'est pas fournie, le registraire considère la date de l'enregistrement comme la date pertinente aux fins de la détermination de la durée du défaut d'emploi [voir Clark, Woods c Canaglobe International Inc (1992), 47 CPR (3d) 122 (COMC); Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Rath (2010), 82 CPR (4th) 77 (COMC)]. En l'espèce, la Marque a été enregistrée le 15 septembre 2004, alors que l'avis prévu à l'article 45 a été envoyé le 13 mars 2012, soit plus de sept ans de défaut d'emploi après la date de l'enregistrement.

Raisons du défaut d’emploi

[17]           En ce qui concerne la question de savoir si les raisons du défaut d'emploi étaient indépendantes de la volonté de la Propriétaire, M. Circiumaru atteste que les machines-outils à métaux fabriquées et vendues par la Propriétaire sont [traduction] « des machines industrielles coûteuses et spécialisées qui ont une vie utile de plusieurs décennies ». Il explique que, pour plusieurs des clients et des clients potentiels de la Propriétaire, [traduction] « l'achat d'une nouvelle machine à métaux industrielle est une dépense importante, mais (compte tenu de la vie utile de ces machines) peu fréquente ». Il fournit une preuve de deux ventes à des clients aux États-Unis (en pièce N) et déclare que la Propriétaire a fourni des prix pour ses machines-outils à métaux à des clients canadiens au cours de la période pertinente, fournissant des exemples en pièces O, P et Q.

[18]           Je souligne, cependant, que des conditions de marché difficiles ou défavorables ne sont généralement pas considérées comme des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi [voir Harris Knitting, précité; Rogers, Bereskin & Parr c Registraire des marques de commerce (1987), 17 CPR (3d) 197 (CF 1re inst.); Lander Co Canada Ltd c Alex E Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1re inst.)]. De même, dans des cas où le propriétaire inscrit n'avait pas l'intention d'abandonner sa marque au Canada, mais n'avait reçu aucune commande de clients canadiens au cours de la période pertinente, il a été déterminé qu'une telle situation n'était pas, en soi, suffisante pour maintenir l'enregistrement [voir Garrett c Langguth Cosmetic GMBH (1991), 39 CPR (3d) 572 (COMC)].

[19]           Je comprends que les machines-outils à métaux de la Propriétaire sont des achats « peu fréquents » et « coûteux ». Toutefois, en l’absence de preuve de toute vente au Canada avant ou au cours de la période pertinente, il est difficile de conclure qu'une telle absence de vente était, de fait, indépendante de la volonté de la Propriétaire, plutôt que de découler, par exemple, d'une décision volontaire de donner la priorité à d'autres marchés avant le Canada.

Intention sérieuse de reprendre l'emploi

[20]           De même, en ce qui concerne le troisième critère, on ignore combien de temps encore durera le défaut d'emploi. M. Circiumaru déclare que [traduction] « en tout temps » au cours de la période pertinente, la Propriétaire [traduction] « était en mesure de répondre aux commandes de clients canadiens de machines-outils à métaux ». Toutefois, comme aucune preuve de vente antérieure n'a été fournie, il n'est pas possible d'inférer quand des ventes futures pourraient être enregistrées au Canada. Rien dans la preuve ne laisse croire à un changement particulier dans la volonté de la Propriétaire de reprendre l'emploi de la Marque à court terme.

[21]           Compte tenu de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque au cours de la période pertinente en liaison avec les [traduction] « machines-outils à métaux ».

Décision

[22]           Malheureusement, compte tenu du libellé de l'état déclaratif des marchandises visées par l'enregistrement, il n'est pas possible de simplement radier la première portion des marchandises, c'est-à-dire les [traduction] « machines-outils à métaux » elles-mêmes, sans rendre le reste de l'état déclaratif des marchandises incohérent. À cet égard, même s'il est nécessaire de radier la première portion de l'état déclaratif, il est nécessaire de développer la portion [traduction] « pièces connexes » pour conserver la référence à de telles machines afin de bien délimiter la portée de l'enregistrement aux pièces d'outils particulières pour les machines-outils à métaux particulières comme visées à l'origine par l'enregistrement.

[23]           Il ne s'agit pas d'un cas où le registraire est appelé à outrepasser son autorité dans le cadre d'une procédure en vertu de l'article 45 en restreignant un enregistrement malgré la preuve d'emploi en liaison avec les marchandises visées par l'enregistrement [voir Shapiro Cohen c Trapeze Software Inc (2000), 8 CPR (4th) 409 (COMC)]. Ici, compte tenu des conclusions précédentes, les parties semblent apparemment convenir qu'une modification comme celle envisagée ici est nécessaire pour éviter que l'état déclaratif des marchandises soit trop restrictif ou trop large à la lumière de la preuve fournie.

[24]           Par conséquent, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi et, conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi, l’enregistrement sera modifié comme suit :

[traduction]
Pièces (de machines-outils à métaux, nommément tours, meuleuses, machines à tailler les engrenages, fraiseuses, sondeuses et foreuses, centres d’usinage, cellules de fabrication flexibles pour travaux sur métaux), nommément porte-outils, porte-pièces, magasins d’outils et de pièces, installations de changement d’outils et de pièces, pièces d’outils de tours, fraiseuses, et sondeuses et foreuses.

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Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 

 

 


Traduction certifiée conforme
Nathalie Tremblay

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