Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 82

Date de la décision : 2015-04-28

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Smart & Biggar, visant l’enregistrement nº LMC303,667 de la marque de commerce DA VINCI au nom de Constellation Brands Québec, Inc.

[1]               La présente décision a trait à une procédure de radiation sommaire engagée à l’encontre de l’enregistrement no LMC303,667 pour la marque de commerce DA VINCI.

[2]               Les produits visés par l’enregistrement sont « boissons alcoolisées distillées; liqueurs »

[3]               Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être radié.

La procédure

[4]               Le 5 avril 2013, le registraire des marques de commerce a adressé un avis sous l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T-13 (la Loi) à Constellation Brands Québec, Inc. (Constellation), propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC303,667 pour la marque de commerce DA VINCI (la Marque). Cet avis a été adressé à la demande de Smart & Biggar (la partie requérante).

[5]               L’avis du registraire enjoignait Constellation de prouver l’emploi de la Marque au Canada, à un moment quelconque entre les 5 avril 2010 et 5 avril 2013 (la période pertinente), en liaison avec chacun des produits que spécifie l’enregistrement. À défaut d’emploi, l’avis du registraire enjoignait Constellation de démontrer la date à laquelle la Marque a été employée pour la dernière fois et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

[6]               Il est bien établi que l’objet et la portée de l’article 45 de la Loi est de prévoir une procédure simple, sommaire et expéditive visant à débarrasser le registre du « bois mort ». Le critère pour établir l’emploi n’est pas exigeant et une surabondance de preuve n’est pas nécessaire. Cependant, des faits suffisants doivent être présentés pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits ou chacun des services que spécifie l’enregistrement durant la période pertinente [voir Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF)]. De simples allégations d’emploi ne suffisent pas pour démontrer l’emploi de la marque [voir Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)].

[7]               L’article 4(1) de la Loi, applicable en l’espèce, définit l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des produits comme suit :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[8]               En réponse à l’avis du registraire, Constellation a produit l’affidavit de Dominique Berberi, incluant ses pièces DB‑1 à DB‑11.

[9]               Les deux parties ont produit des représentations écrites et étaient représentées à l’audience tenue le 10 février 2015.

La preuve

[10]           À la date de son affidavit, souscrit le 5 novembre 2013, Mme Berberi était Directrice de marques chez Constellation et à l’emploi de Constellation depuis 2012.

[11]           Au paragraphe 7 de son affidavit, Mme Berberi affirme que la Marque a été employée au Canada, tant par Constellation que par l’entremise de ses prédécesseurs en titre, depuis au moins aussitôt que le 14 mars 1985. Par la suite, Mme Berberi présente des éléments de preuve concernant l’emploi de la Marque en liaison avec le produit Amaretto DA VINCI de même qu’en liaison avec des vins.

[12]           Je résume ainsi qu’il suit les éléments de preuve concernant l’emploi de la Marque en liaison avec le produit Amaretto DA VINCI [paragr. 8 à 10 de l’affidavit] :

    une photo d’une bouteille, des spécimens d’étiquettes et des copies de bons de commandes sont joints à l’affidavit sous la pièce DB‑1;

    les bons de commandes couvrent les années 1998, 2003, 2004 et 2006. Le numéro d’item 070474 qui y figure réfère au produit Amaretto DA VINCI; et

    un extrait du Registre des entreprises du Québec est joint à l’affidavit sous la pièce DB‑2 pour démontrer que Dumont Vins & Spiritueux Inc., dont le nom apparaît sur l’étiquette, est un prédécesseur en titre de Constellation.

[13]           Je résume également ainsi qu’il suit les éléments de preuve concernant l’emploi de la Marque en liaison avec des vins [paragr. 11 à 16 de l’affidavit] :

    des copies de bons de commande pour les années 2006 à 2010 sont jointes à l’affidavit sous la pièce DB‑3. Le numéro d’item 10666041 qui y figure réfère aux vins portant la Marque;

    une photographie d’une bouteille de vin portant la Marque est jointe à l’affidavit sous la pièce DB‑4;

    depuis 2007, les ventes de vins associés à la Marque s’élèvent à plus de 3 500 000 $. Depuis la même année, plus de 400 000 bouteilles de vins portant la Marque ont été vendus au Québec seulement; et

    des copies de divers documents promotionnels sont jointes à l’affidavit sous la pièce DB‑5.


 

[14]           Au paragraphe 17 de son affidavit, Mme Berberi déclare :

De plus, selon mon expérience dans le domaine des boissons alcoolisées, je suis en mesure d’affirmer que le terme liqueurs englobent et a été utilisé pour englober, de façon générale, des boissons alcoolisées incluant des vins;

[15]           Finalement, Mme Berberi fait état de recherches qu’elle a effectuées pour les termes « liqueur » et « vin ». Elle affirme essentiellement ce qui suit [paragr. 18 à 29 de l’affidavit] :

    le dictionnaire Reverso, un portail d’outils linguistiques, définit « liqueur » comme boisson, alcool et « vin » comme boisson alcoolisée obtenue par la fermentation du jus de raisin, cépages, cru [pièce DB‑6];

    selon le service de traduction disponible sur le moteur de recherche Google, la traduction anglaise du terme « liqueur » est « liquor » [pièce DB‑7];

    selon les dictionnaires Oxford, Merriam-Webster et Collins :

o   le terme « liquor » signifie « an alcoholic drink » ou « any alcoholic drink » [pièce DB‑8]; et

o   le terme « wine » signifie « an alcoholic drink produced by the fermenting of grapes with water and sugar », « an alcoholic drink made from the juice of grapes » et « an alcoholic drink made from fermented grape juice » [pièce DB‑9];

    selon l’historique de la SAQ, disponible sur le site web de celle-ci, son prédécesseur s’appelait la Commission des liqueurs [pièce DB‑10]; et

    le terme « vin de liqueur » se retrouve dans le Nouveau Larousse des vins de 1979 [pièce DB‑11].

Observations préliminaires

[16]           Je note que la partie requérante a annexé à ses représentations écrites des extraits de « Google Translate » et de dictionnaires. De même, son recueil de jurisprudence pour l’audience contenait des extraits de « Google translate » et de dictionnaires.

[17]           À l’audience, Constellation a soumis que la partie requérante tentait incorrectement de produire de la preuve dans la présente procédure. En réponse aux prétentions de Constellation, la partie requérante a soumis qu’il est tout à fait acceptable qu’elle réfère à des définitions de dictionnaires dans le cadre de ses représentations écrites et orales. Pour appuyer sa position, la partie requérante a noté que dans l’exercice de la discrétion du registraire, je suis habilitée à référer moi-même à un dictionnaire. C’est d’ailleurs ce que la partie requérante m’a ultimement invitée à faire.

[18]           En effet, en plus de remettre en cause la fiabilité du portail d’outils linguistiques Reverso, la partie requérante remet en cause l’exactitude du service de traduction disponible sur le moteur de recherche Google lors de sa consultation par Mme Berberi. La partie requérante soumet que le terme « liqueur » se traduit en anglais par « liqueur », non par « liquor ». Toujours selon la partie requérante, les extraits des dictionnaires joints sous la pièce DB‑8 à l’affidavit de Mme Berberi contredisent son affirmation que le terme anglais « liquor » réfère à une boisson alcoolisée en ce qu’ils démontrent que ce terme réfère plus particulièrement à une boisson alcoolisée distillée.

[19]           Je conviens avec la partie requérante que je peux me référer à un dictionnaire. Ainsi, en me référant aux dictionnaires français-anglais Robert & Collins et Oxford-Hachette, je conviens que le terme « liqueur » se traduit en anglais par « liqueur ». Ceci dit, puisque l’état déclaratif de l’enregistrement est en français, les questions de la traduction anglaise du terme « liqueur » ou de la signification du terme anglais « liquor » semblent soulever un faux débat. Quoiqu’il en soit, j’estime que ni la traduction anglaise du terme « liqueur », ni les définitions du terme anglais « liquor » n’ont d’incidence en l’espèce. En conséquence, je ne reviendrai pas sur ces questions dans l’analyse qui suit.

Analyse et raisons pour décision

[20]           De façon générale, la partie requérante convient que les éléments de preuve sont suffisants pour conclure à l’emploi de la Marque durant la période pertinente au sens de l’article 4(1) de la Loi. Elle soumet toutefois que la preuve ne démontre pas l’emploi en liaison avec chacun des produits que spécifie l’enregistrement.

[21]           En effet, la partie requérante soumet que la preuve ne démontre pas l’emploi de la Marque en liaison avec « boissons alcoolisées distillées ». La partie requérante soumet également que l’emploi de la Marque en liaison avec des vins ne constitue pas un emploi en liaison avec le produit « liqueurs » que spécifie l’enregistrement.

[22]           Toujours de façon générale, Constellation a soumis dans ses représentations écrites que sa preuve démontre l’emploi de la Marque, durant la période pertinente, en liaison avec chacun des produits que spécifie l’enregistrement. Cependant, lors de l’audience, Constellation a reconnu que l’affidavit de Mme Berberi ne présente aucune preuve relativement à l’emploi de la Marque en liaison avec « boissons alcoolisées distillées ».

[23]           Lors de l’audience, Constellation a aussi reconnu que selon sa preuve les ventes du produit Amaretto DA VINCI avaient cessées en 2006; par la suite, seuls des vins ont été vendus en liaison avec la Marque. Cependant, Constellation a maintenu ses représentations écrites selon lesquelles la preuve d’emploi de la Marque en liaison avec des vins constitue une preuve d’emploi en liaison avec des « liqueurs ». Constellation prend la position que le terme « liqueur » utilisé dans l’état déclaratif de l’enregistrement « sous-tend une interprétation large d’un éventail de boissons alcoolisées dont le vin fait partie intégrante ».

[24]           Puisque Constellation a ultimement reconnu l’absence de preuve d’emploi de la Marque pour « boissons alcoolisées distillées» et que la preuve ne fait pas état de circonstances spéciales justifiant ce défaut d'emploi, j’estime que je peux sommairement conclure à la radiation du produit « boissons alcoolisées distillées» que spécifie l’enregistrement.

[25]           Par conséquent, suite aux représentations des parties, la seule question qu’il reste à trancher en l’espèce est :

Est-ce que la preuve d’emploi de la Marque en liaison avec des vins, durant la période pertinente, constitue une preuve d’emploi en liaison avec le produit « liqueurs » que spécifie l’enregistrement?

[26]           Je vais débuter l’analyse de cette question en revenant plus en détail sur les représentations des parties que je vais néanmoins résumer. Je discuterai par la suite de ces représentations et des raisons pour lesquelles je décide de trancher la question à l’encontre de Constellation.

Représentations de la partie requérante

[27]           Outre ses représentations concernant la fiabilité ou l’exactitude d’outils de référence consultés par Mme Berberi, la partie requérante soumet ce qui suit :

      l’opinion de Mme Berberi concernant l’emploi du terme « liqueurs » dans le domaine des boissons alcoolisées est irrecevable parce que sa qualité d’experte n’a pas été mise en preuve; aucun poids ne doit être accordé à son opinion;

      en l’absence de preuve d’expert suggérant une signification différente, le registraire a interprété l’état déclaratif des produits conformément au sens commun des termes retrouvés dans l’enregistrement [voir Levi Strauss & Co c Canada (Registrar of Trade-Marks) (2006), 51 CPR (4th) 434 (CF)];

      les définitions de dictionnaires mentionnées par Mme Berberi ne suggèrent pas que « liqueur » est un terme communément compris comme incluant du vin;

      l’entrée pour « liqueur (vin de) » retrouvée dans le Nouveau Larousse des vins de 1979 indique que le chef de file de ces vins est le porto; cette entrée ne supporte pas l’argument que le terme « liqueur » inclut des vins. Quoiqu’il en soit, le registraire a refusé de considérer des définitions qui ne représentent pas le sens commun d’un terme. En particulier, des définitions obscures qui incluraient techniquement un produit spécifié dans l’enregistrement doivent être ignorées [voir Wrangler Apparel Corp c Pacific Rim Sportswear Co (2000), 10 CPR (4th) 568 (COMC)]; et

      même en faisant abstraction de l’irrecevabilité du site web de la SAQ en raison de ouï-dire, la Marque a été enregistrée en 1985 alors que le nom « Commission des liqueurs du Québec » remonte à l’année 1921 et a été changé en 1961 pour « Régie des alcools du Québec ». Depuis, le terme « liqueurs » n’a jamais été employé dans le nom de la SAQ ou de son prédécesseur.


 

Représentations de Constellation

[28]           Je résume ainsi qu’il suit les représentations de Constellation, incluant ses représentations en réponses à celle de la partie requérante:

      compte tenu du but d’une procédure sous l’article 45 de la Loi, les termes de l’état déclaratif d’un enregistrement doivent être interprétés de manière large;

      le terme « liqueur » a toujours été utilisé pour englober et englobe toujours les boissons alcoolisés de manière générale, notamment les produits du vin;

      Mme Berberi n’a pas à être reconnue à titre d’experte pour affirmer que le terme « liqueurs » englobe, de façon générale, des boissons alcoolisées incluant des vins. Il s’agit d’une affirmation basée sur le sens commun octroyé au terme « liqueur » dans le domaine des boissons alcoolisées et non pas une d’une opinion en matière linguistique;

      la jurisprudence enseigne que la personne baignant dans l’industrie (« immersed in the industry »), en l’espèce Mme Berberi qui représente Constellation, est la mieux placée pour fournir une interprétation des termes utilisés dans l’état déclaratif des produits [voir Wrangler Apparel Corp, précitée];

      l’affirmation de Mme Berberi en elle-même suffit pour conclure que le terme « liqueurs » englobe des boissons alcoolisées incluant des vins. Les définitions présentées en preuve ne servent qu’à soutenir cette affirmation;

      contrairement aux prétentions de la partie requérante, il n’a pas été décidé dans Levi Strauss & Co, précité, qu’une preuve d’expert est nécessaire pour déroger au sens commun d’un mot. Constellation s’en remet précisément au fait que le sens commun de la définition de « liqueur » dans le domaine des boissons alcoolisées inclut du vin selon une approche générale. Qui plus est :

o   les outils linguistiques définissent le terme « liqueur » comme « boisson, alcool »;

o   le terme « vin » est défini par de nombreux outils linguistiques comme « boisson alcoolisée obtenue par la fermentation du jus de raisin »;

o   le terme « vin de liqueur » ne réfère pas uniquement à des portos. Il s’agit d’une catégorie de vin définie largement, sauf en France où elle est soumise à des normes spécifiques; et

      l’historique de la SAQ démontre que le terme « liqueur » a toujours été employé pour désigner tant des spiritueux que des vins. Il est de connaissance générale que la Commission des liqueurs du Québec, le prédécesseur de la SAQ, vendait également des vins et des spiritueux. Le choix du changement de nom de la Commission des liqueurs du Québec à la Société des alcools du Québec [mon soulignement] démontre que le terme « liqueur » sous-tend une définition au moins aussi large que celle d’alcool et inclut indéniablement le vin.

Discussion

[29]           Pour débuter, je souligne que bien que j’ai résumé les représentations des parties pour les fins de ma décision, j’ai considéré toutes leurs représentations. Également, j’ai considéré toutes les décisions que les parties ont portées à mon attention bien que je n’ai référé qu’aux décisions Levi Strauss& Co et Wrangler Apparel Corp, précitées. D’ailleurs, je constate que malgré leurs positions divergentes sur la question en l’espèce, les parties semblent s’entendre sur la pertinence de ces deux décisions à tout le moins dans la mesure où celles-ci abordent des questions d’interprétation de l’état déclaratif d’un enregistrement dans le cadre de procédures sous l’article 45 de la Loi.

[30]           Je note d’entrée de jeu que je n’ai pas l’intention de discuter longuement des représentations des parties quant à la pertinence en l’espèce des extraits du site web de la SAQ, dont le prédécesseur était la Commission des liqueurs du Québec. Qu’il suffise de dire que Constellation ne m’a ni convaincue de la force probante de ce site web pour démontrer que le terme « liqueur » a été employé pour désigner tant des spiritueux que des vins, ni de la pertinence du changement de nom de la Commission des liqueurs du Québec pour démontrer que le terme « liqueur » inclut indéniablement le vin.

[31]           Également, pour ce qui est des définitions dans le langage courant des termes « liqueur » et « vin », j’ai décidé de me référer au dictionnaire Le Petit Robert où j’ai retrouvé les définitions suivantes:

      liqueur : « … boisson sucrée et aromatisée à base d’alcool ou d’eau-de-vie … »

      vin : « boisson alcoolisée provenant de la fermentation du raisin »

[32]           Je reconnais que des liqueurs et des vins correspondent à des boissons alcoolisées. Je reconnais aussi que la Cour dans la décision Levi Strauss & Co, précitée, a indiqué ce qui suit:

[TRADUCTION]

[17]    La jurisprudence relève de façon constante qu'il faut se garder d'examiner avec un soin méticuleux le langage utilisé dans un état déclaratif des marchandises. Par exemple, le débat séculaire sur la question de savoir si la tomate est un fruit n'a pas besoin d'être résolu sur le plan des marques de commerce: l'emploi d'une marque pour des tomates peut justifier un enregistrement relatif à un fruit (voir Countryside Canners Co. v. Canada (Registrar of Trade Marks) (1981), 55 C.P.R. (2d) 25 (Fed. T.D.)); même l'emploi à l'égard de maïs peut donner lieu à un enregistrement comprenant des fruits (Fetherstonhaugh & Co. v. ConAgra Inc. (2002), 23 C.P.R. (4th) 49 (Fed. T.D.)).

[33]           Je note que Constellation a également porté à mon attention la décision Fetherstonhaugh & Co, précitée. À mon avis, le commentaire suivant de la Cour dans cette affaire, où l’enregistrement a été maintenu sur le fondement du sens purement botanique du mot « fruit », est particulièrement à propos :

[TRADUCTION]

[23]    Je suis d'accord avec ConAgra pour dire qu'une interprétation raisonnable du membre de phrase « plats d'accompagnement à base de légumes et de fruits » utilisé dans la description des marchandises visées par la marque de commerce litigieuse comprendrait [TRADUCTION] des « plats d'accompagnement à base de légumes et de maïs, ou [des] plats d'accompagnement à base de légumes », si le maïs n'était pas un fruit. Une telle interprétation éviterait de radier une marque de commerce dont l'emploi est établi en conformité avec le paragraphe 45(1) en raison uniquement de l'ambigüité de la description des marchandises qu'elle vise. […].

[Mon soulignement]

[34]           Dans le cas présent, j’estime que le terme « liqueurs » dans l’état déclaratif de l’enregistrement n’est pas ambigu.

[35]           Ce dernier commentaire m’amène à discuter de la force probante de l’affirmation de Mme Berberi, au paragraphe 17 de son affidavit, que le terme « liqueurs » englobe et a toujours été utilisé pour englober des boissons alcoolisées incluant des vins.

[36]           Je n’ai pas l’intention de discuter des représentations des parties quant à savoir s’il est approprié pour Mme Berberi de faire cette affirmation. En effet, il me semble que ces représentations soulèvent un faux débat. Quoiqu’il en soit, je n’accepte pas la position de Constellation qu’en application de la décision Wranger Apparel Corp, précitée, je dois conclure que le terme « liqueurs » englobe des vins en raison de la simple affirmation de Mme Berberi.

[37]           Dans l’affaire Wranger Apparel Corp l’auteur de l’affidavit aurait déclaré que la marque avait été employée en liaison avec une gamme de vêtements de coton incluant les marchandises visées par l’enregistrement. Dans cette affaire Jill Bradbury, agissant au nom du registraire, a écrit [page 571]:

The onus in Section 45 proceedings is on the registrant. It is not a heavy onus but I do believe that the registrant ought to make it clear as to what the ordinary commercial term is for the specific wares in association with which it is claiming use of the mark. To put it another way, the onus is on the registrant to make the correlation between the wares shown to be in use and the registered wares. It is inappropriate that the lawyers should be left to argue over whether a particular pair of pants are in fact jeans based on dictionary definitions when an individual who is obviously immersed in the industry has omitted, intentionally or not, to indicate whether or not the pants in question are jeans. That said, I will interpret the ambiguity in the affidavit concerning the ordinary commercial term of the wares sold against the affiant.

[Mon soulignement reflète l’extrait de la décision cité par Constellation.]

[38]           Les extraits suivants de la décision résument essentiellement les raisons pour lesquelles Mme Bradbury a jugé l’affidavit ambigu et conclut que l’emploi de la marque en liaison avec des pantalons ne constituait pas un emploi en liaison avec des jeans :

I am however concerned by the fact that Mr. Pau never refers to the pants as jeans. This is an ambiguity that I am entitled to interpret against the interest of the affiant. Jeans certainly are a type of pants but the pants introduced into evidence are not what are typically thought of as jeans. It would have been a simple matter for Mr. Pau to refer to these pants as jeans, if in fact that is what he considers them to be. In the absence of any such reference, I am left with the competing definitions of jeans provided in the parties' arguments. In its written argument, the requesting party takes the position that jeans are commonly understood to be "denim pants, generally blue in colour and fitted, with front 'hand' pockets and rear patch pockets".

[…]

The pants in question are made of cotton, but they are olive green wide wale corduroy trousers, which are pleated and cuffed, with side pockets and buttoned front and rear pockets. They are not what I would commonly call "jeans".

[39]           Dans le cas présent, je rappelle que Mme Berberi a affirmé au paragraphe 7 de son affidavit que la Marque a été employée par Constellation et ses prédécesseurs depuis au moins aussitôt que le 14 mars 1985. Or, tel que noté par la partie requérante, Mme Berberi ne fait pas mention des produits en liaison avec lesquels la Marque aurait été ainsi employée. Même si cette omission, volontaire ou non, n’est pas déterminante, j’estime qu’elle est à tout le moins questionnable. Mme Berberi était-elle hésitante à affirmer que la Marque a été employée avec des liqueurs sachant que les ventes du produit Amaretto DA VINCI, lequel est sans contredit une liqueur, avaient cessées en 2006?

[40]           En bout de ligne, même si j’accepte la position de Constellation selon laquelle des vins et des liqueurs sont des boissons alcoolisées, je n’accepte pas sa position que la preuve d’emploi de la Marque en liaison avec du vin permet de conclure au maintien de l’enregistrement pour le produit « liqueurs ». Du vin n’est pas ce que j’appellerai normalement une liqueur.

[41]           En terminant, je me permets d’ajouter que je doute fortement que si le produit Amaretto DA VINCI avait été vendu durant la période pertinente, Constellation l’aurait présenté comme étant un vin plutôt qu’une liqueur fine, tel qu’indiqué sur l’étiquette du produit. Avec respect pour Constellation, sa position en l’espèce quant à l’interprétation de l’état déclaratif de l’enregistrement m’apparaît excessive en ce qu’elle sous-entend qu’une preuve d’emploi de la Marque avec toute boisson alcoolisée autre qu’une liqueur, par exemple une bière, permettrait de maintenir l’enregistrement pour le produit « liqueurs ».

[42]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la preuve n’établit pas l’emploi de la Marque au Canada, au sens du paragraphe 4(1) et de l'article 45 de la Loi, en liaison avec des « liqueurs ». De plus, la preuve ne fait pas état de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque en liaison avec le produit « liqueurs ».

Décision

[43]           Pour les motifs exposés ci-dessus, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement nº LMC303,667 sera radié conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

                                                             

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

 

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