Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2014 COMC 61

Date de la décision : 2014-03-17

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Scepter Corporation à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1,428,501 pour la marque de commerce SCEPTER au nom de Callidus Technologies, L.L.C.

[1]               Callidus Technologies, L.L.C. (la Requérante) a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce SCEPTER (la Marque). La demande, telle qu'elle a été modifiée, est fondée sur un emploi projeté en liaison avec des « brûleurs à gaz à usages industriel et commercial ainsi que pour utilisation en pétrochimie, nommément des allumeurs pour les brûleurs utilisés dans l'industrie du raffinage et de la pétrochimie ».

[2]               Scepter Corporation (l'Opposante) a contesté la demande, principalement sur la base d'une probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et ses propres marques de commerce SCEPTER, SCEPTER et Dessin (reproduites ci-dessous) et SCEPTERENE et Dessin (reproduite ci-dessous), qui ont déjà été employée en liaison avec divers produits en plastiques et autres

articles, comme des tuyaux, des conduites électriques et des réservoirs de carburant, ainsi que des services liés à la fabrication de moules et à la conception de pièces en plastique.
SCEPTER & DESIGN   SCEPTERENE & DESIGN

[3]               Pour les motifs qui suivent, l'opposition est rejetée.

Historique du dossier

[4]               La Requérante a produit sa demande d'enregistrement de la Marque le 20 février 2009.

[5]               La demande d'enregistrement de la marque a été annoncée dans le Journal des marques de commerce aux fins d'opposition le 4 novembre 2009.

[6]               L'Opposante a contesté la demande d'enregistrement en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 (la Loi) par voie d'une déclaration d'opposition produite le 23 décembre 2009.

[7]               Les motifs d’opposition, qui sont énoncés plus en détail ci-dessous, sont fondés sur les alinéas 30e), 30i), 12(1)d), 16(3)a) et 16(3)c) et sur l'article 2 de la Loi.

[8]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Robert Torokvei, assermenté le 16 août 2011.

[9]               À l'appui de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Manon Goudreau, assermentée le 3 mai 2012.

[10]           Il n'y a eu aucun contre-interrogatoire.

[11]           Seule l'Opposante a produit un plaidoyer écrit.

[12]           Une audience a été tenue et les deux parties y ont assisté.

Fardeau de preuve

[13]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, il revient à priori à l'Opposante de présenter une preuve admissible suffisante de laquelle on peut raisonnablement conclure que les faits allégués à l'appui de chaque motif d'opposition existent [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.) page 298].

Motifs d'opposition sommairement rejetés

Non-conformité – Alinéa 30e)

[14]           L'Opposante a allégué que, contrairement à l'alinéa 30e) de la Loi, au moment où la demande a été produite, la Requérante n'avait pas réellement l'intention d'employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises qui y sont énoncées. 

[15]           Le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30e) est rejeté, parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait. En effet, elle n'a pas produit de preuve ni présenté d'observations relativement à ce motif. 

Non-conformité – Alinéa 30i)

[16]           L'Opposante a fait valoir que la demande n'est pas conforme à l'alinéa 30i) de la Loi, puisque la Requérante ne peut pas avoir été convaincue qu’elle avait le droit d'employer la Marque, étant donné les marques de commerce enregistrées de l'Opposante.

[17]           Lorsqu'un requérant présente la déclaration requise en vertu de l'alinéa 30i), ce motif ne doit être accepté que dans des situations exceptionnelles, comme lorsqu'il y a preuve de mauvaise foi de la part du requérant [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC) à la page 155].

[18]           La Requérante a produit la déclaration nécessaire, et l'Opposante n'a pas démontré qu'il s'agissait d'une situation exceptionnelle. 

[19]           Par conséquent, ce motif est également rejeté.

Analyse des autres motifs d’opposition

Absence de droit à l'enregistrement – Alinéas 16(3)a) et 16(3)c)

[20]           L'Opposante a allégué que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque, au vu des marques SCEPTER, SCEPTER et Dessin et SCEPTERENE et Dessin de l'Opposante qui ont déjà été employées au Canada par l'Opposante.  En outre, l'Opposante a fait valoir que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque étant donné que l'Opposante a déjà employé son nom commercial SCEPTER CORPORATION.

[21]           Afin de s'acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe au titre du motif d'opposition qu'elle invoque en vertu de l'alinéa 16(3)a), l'Opposante doit démontrer qu'au moins une de ses marques alléguées ont été employées au Canada avant le 20 février 2009, date de production de la demande d'enregistrement de la Requérante, et qu'elles n'ont pas été abandonnées à la date de l'annonce de la demande pour la Marque, à savoir le 4 novembre 2009 [paragraphe 16(5) de la Loi]. 

[22]           Afin de s'acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe au titre du motif d’opposition qu'elle invoque en vertu de l'alinéa 16(3)c), l'Opposante doit établir que son nom commercial allégué a été employé au Canada avant la date de dépôt de la Requérante, à savoir le 20 février 2009.

[23]           À l'appui de ces motifs d'opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Robert Torokvei, assermenté le 16 août 2011. 

[24]           J'ai résumé le contenu de l'affidavit de M. Torokvei dans les paragraphes ci-dessous.

L'affidavit Torokvei

[25]           M. Torikvei est employé par l'Opposante depuis 1974, et il est le président de l'Opposante depuis 1992 [voir le paragraphe 1]. 

[26]           Au paragraphe 2, M. Torokvei affirme que la marque SCEPTER a été utilisée sans arrêt au Canada pour des articles en plastique moulés par soufflage, extrudés et moulés par injection, et ce, depuis au moins 1953. 

[27]           Au paragraphe 3, M. Torokvei indique qu'une copie certifiée de l'enregistrement canadien de marque de commerce no LMC240,014 pour la marque de commerce SCEPTER est jointe au présent affidavit.  M. Torokvei affirme que l'enregistrement contient la liste précise de certaines marchandises qui ont été offertes par l'Opposante depuis les dates indiquées dans l'enregistrement, à savoir :

(1) produits en plastique, nommément : contenants, nommément : conserves, bacs, boîtes, bacs de manutention, caisses, y compris des caisses pour boissons; et accessoires pour contenants y compris des bouchons (depuis avril 1958);
(2) tuyaux, raccords de tuyaux, conduites électriques, raccords de conduites électriques (depuis novembre 1955);
(3) accessoires de quincaillerie, nommément des protecteurs de lame (depuis octobre 1960).

[28]           Au paragraphe 4 de son affidavit, M. Torokvei affirme qu'en plus des articles énoncés ci-dessus, les produits de marque SCEPTER comprennent aussi des articles pour les services militaires, comme des contenants pour munitions, ainsi que certains articles servant aux industries de la construction et de l'automobile, comme des contenants pour l'essence, des entonnoirs, des pompes à vide pour recueillir l'huile, des rampes portatives pour les voitures et des contenants pour mélanger le ciment. M. Torokvei indique que ces articles sont vendus au Canada depuis bien avant 2008 et qu'ils sont toujours en vente au Canada. 

[29]           Au paragraphe 5, M. Torokvei affirme que les ventes de produits de marque SCEPTER au Canada ont dépassé 14 400 000 $ en 2007, 20 300 000 $ en 2008, 18 400 000 $ en 2009 et 20 900 000 $ en 2010. Au paragraphe 6, M. Torokvei affirme que les ventes de bidons d'essence et de buses de marque SCEPTER au Canada ont dépassé 5 600 000 $ en 2007, 7 700 000 $ en 2008, 7 700 000 $ en 2009 et 7 600 000 $ en 2010.

[30]           À noter que M. Torovei n'a pas fait référence à l'emploi des marques de commerce SCEPTER et Dessin ou SCEPTERENE et Dessin de l'Opposante dans son affidavit. De plus, l'affidavit de M. Torokvei ne contient aucun renseignement concernant l'emploi du nom commercial de l'Opposante et aucune information n'a été fournie relativement à la façon dont les services de l'Opposante sont exécutés ou annoncés en liaison avec ses marques de commerce. En outre, M. Torokvei n'a fourni aucune facture en pièce de son affidavit ni aucune autre pièce démontrant la manière dont la marque de commerce SCEPTER de l'Opposante a été employée en liaison avec les marchandises de l'Opposante au Canada. Étant donné les ventes importantes qui semblent avoir été conclues, il est probable qu'il eût été relativement plus simple pour l'Opposante de fournir certaines preuves pour démontrer la façon dont la marque de commerce a été employée en liaison avec les marchandises qui ont été vendues. Cependant, pour une raison quelconque, elle a choisi de ne pas produire de telles preuves.

[31]           Le mot « emploi » est un terme juridique qui est précisément défini à l'article 4 de la Loi; il faut consulter la preuve produite afin de déterminer s’il y a eu, en réalité, emploi de la marque de commerce en liaison avec les marchandises et les services au sens de l'article 4. J'ai reproduit le libellé de l'article 4 de la Loi ci-dessous :

 (1)    Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’un avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2)        Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.

(3)        Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

[32]           À mon avis, le simple affidavit qu'a souscrit M. Torokvei indiquant que la marque de commerce a été employée au Canada sur des « articles en plastique moulé par soufflage, extrudé et moulé par injection », de pair avec les chiffres de ventes qu'il a fournis, ne suffit pas pour me permettre de conclure qu'il y a eu emploi. Comme je n'ai pas vu la façon dont la marque de commerce a été employée, je ne suis pas prête à conclure que l'emploi auquel M. Torokvei fait référence dans son affidavit constitue effectivement un « emploi » au sens de l'article 4 de la Loi.

[33]           À la lumière de ce qui précède, je conclus que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait, à savoir d'établir l'emploi préalable de l'une ou l'autre de ses marques de commerce alléguées ni de son nom commercial allégué. Par conséquent, les motifs invoqués en vertu des alinéas 16(1)a) et c) sont rejetés.

Non-enregistrabilité – Alinéas 12(1)d)

[34]                 L'Opposante a allégué que la Marque ne peut pas être enregistrée, car elle crée de la confusion avec ses marques de commerce enregistrées SCEPTER (enregistrement no LMC240,014), SCEPTER et Dessin (enregistrement no LMC355,211) et SCEPTERENE et Dessin (enregistrement no LMC125,833).

[35]           La date pertinente aux fins d'analyse des motifs d'opposition en vertu de l'alinéa 12(1)d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd and The Registrar of Trade Marks (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[36]           J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire, et j'ai consulté le registre des marques de commerce pour confirmer que les enregistrements de l'Opposante sont en vigueur [voir Quaker Oats Co of Canada c. Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif.

[37]           Comme l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, la Requérante doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre sa marque de commerce et les marques de commerce de l'Opposante.

[38]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[39]           Dans l'application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. On n'attribue pas nécessairement un poids égal à ces facteurs [voir, en général, Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC) et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

[40]           Dans ses observations écrites et à l'audience, l'Opposante s'est concentrée sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce SCEPTER (enregistrement no LCM240,014). Je ferai de même, puisque je considère que les arguments de l'Opposante sont les plus solides en ce qui concerne la comparaison de la Marque et du mot servant de marque SCEPTER. 

Alinéa 6(5)e) – Degré de ressemblance entre les marques de commerce

[41]           Dans la plupart des cas, le facteur dominant au moment de déterminer la question de la confusion concerne le degré de ressemblance entre les marques de commerce, dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent; les autres facteurs en jeu jouent un rôle secondaire dans l'ensemble des circonstances pertinentes [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 CPR (2d) 145, conf. 60 CPR (2d) 70 (CF 1re inst.)].

[42]           Dans Masterpiece, la Cour suprême du Canada a pris en considération l'importance de l'alinéa 6(5)e) au moment d'analyser la probabilité de confusion (voir le paragraphe 49) :

... le degré de ressemblance, soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au para. 6(5) ... si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion. ... ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires...  En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l’étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l’analyse relative à la confusion.

[43]           J’examinerai donc en premier lieu le facteur énoncé à l'alinéa 6(5)e). 

[44]           Les marques de commerce des parties sont identiques. Ce facteur s'applique donc en faveur de l’Opposante. 

[45]          Alinéa 6(5)a) – Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[46]           Comme il a été mentionné précédemment, les marques de commerce sont identiques. Ni l'une ni l'autre des marques de commerce n’ont une signification particulière dans le contexte des marchandises et des services offerts par les parties. Par conséquent, j'estime qu'il est raisonnable de conclure que les marques de commerce des parties sont tout aussi distinctives les unes que les autres et qu'elles possèdent caractère distinctif inhérent assez élevé.

[47]           La force d'une marque de commerce peut être accrue si on la fait connaître au Canada par la promotion ou l'usage. Je vais maintenant examiner la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.

[48]           L'Opposante n'a pas fourni d'information concernant la façon dont ses marchandises ont été annoncées ou la promotion faite en liaison avec sa marque de commerce. En outre, l'Opposante n'a pas fourni de preuve suffisante pour me permettre de conclure qu'il y a eu emploi de sa marque de commerce SCEPTER au sens de l'article 4 de la Loi. Je suis donc incapable d'évaluer correctement la mesure dans laquelle la marque de commerce est devenue connue.

[49]           La seule preuve produite par la Requérante est l'affidavit Goudreau. Au paragraphe 1, Mme Goudreau atteste qu'elle occupe le poste de commis au cabinet d'avocats de l'agent de la Requérante. Mme Goudreau indique que le 3 mai 2012, elle a consulté le site Web de la Requérante à l'adresse www.callidus.com et a utilisé la fonction de recherche du site pour accéder à un dépliant portant sur un produit SCEPTER de la Requérante, à savoir une veilleuse d'allumage pour brûleur. Une copie du dépliant est jointe en pièce MG-2 de l'affidavit de Mme Goudreau. Dans le dépliant se trouvent des images du produit de la Requérante, sur lequel est apposée la marque de commerce SCEPTER, ainsi que des renseignements sur le produit et les industries qui l'utilisent (p. ex. les industries du pétrole et de la pétrochimie).

[50]           À l'audience, l'Opposante a fait valoir que cette preuve n'est pas très utile, puisque la présence d'un dépliant sur le site Web de la Requérante ne permet pas d'établir qu'il y a eu emploi de la marque de commerce de la Requérante au Canada. Je suis d’accord.

[51]           À la lumière de ce qui précède, je dois conclure que ce facteur ne s'applique en faveur d'aucune des deux parties.

Alinéa 6(5)b) – La période d'emploi

[52]           La Requérante n'a pas produit de preuve d'emploi de la Marque, et l'existence de l'enregistrement de l'Opposante me permet simplement de présumer un emploi de minimus de sa marque de commerce [voir Entre Computer Centers Inc c. Global Upholstery Co (1991), 40 CPR (3d) 427 (COMC) à la page 430]. Au mieux, ce facteur ne s'applique donc que très légèrement en faveur de l'Opposante.

[53]           Par ailleurs, j'aimerais noter que même si j'avais accepté l'affidavit de M. Torokvei comme corroborant les dates de premier emploi revendiquées remontant aux dates de premier emploi énoncées dans l'enregistrement de l'Opposante, cela ne changerait en rien l'issue de cette procédure d'opposition, à la lumière de mon analyse des facteurs prévus aux alinéas 6(5)c) et d), telle qu'elle est présentée ci-dessous.

Alinéas 6(5)c) et d) – Le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[54]           Mon appréciation de ce facteur est fonction de l’examen de l’état déclaratif des services de la Requérante, tel qu’il figure dans la demande d’enregistrement par rapport aux marchandises et aux services visés par les enregistrements de l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktein c. Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); Mr. Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); Miss Universe Inc c. Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)]. 

[55]           L'état déclaratif des marchandises que contient la demande de la Requérante est actuellement le suivant :

« brûleurs à gaz à usages industriel et commercial ainsi que pour utilisation en pétrochimie, nommément des allumeurs pour les brûleurs utilisés dans l'industrie du raffinage et de la pétrochimie ».

[56]           L'état déclaratif des marchandises qui figure dans l'enregistrement de l'Opposante est le suivant :

(1) produits en plastique, nommément : contenants, nommément : conserves, bacs, boîtes, bacs de manutention, caisses, y compris des caisses pour boissons; et accessoires pour contenants y compris des bouchons;
(2) tuyaux, raccords de tuyaux, conduites électriques, raccords de conduites électriques;
(3) accessoires de quincaillerie, nommément des protecteurs de lame.

[57]           Dans le dépliant joint en pièce MG-2 de l'affidavit de Mme Goudreau, les produits de la Requérante sont identifiés comme étant précisément conçus pour résister à l'utilisation robuste qu'exigent les industries du raffinage et de la pétrochimie. Les allumeurs pour brûleurs vendus par la Requérante sont décrits plus en détail en pièce MG-2, où l'on indique qu'ils sont offerts selon deux modèles. Le premier est le modèle « original », lequel est fait d'acier inoxydable et comprend des composantes électroniques intégrées ainsi qu'une enceinte hermétiquement close dans laquelle se trouve flamme et les tiges d'allumage. Le deuxième est le modèle portatif, lequel comprend une lance d'allumage, des composantes électroniques d'allumage ainsi qu'une bombonne de propane ou de propylène. Le modèle portatif est décrit comme étant une solution fiable et sécuritaire pour les applications les plus difficiles, y compris dans les situations où il y a présence de pluie ou de vapeur. L'appareil peut être utilisé pendant le remplacement des allumeurs usés ou dans des situations d'urgence où l'allumage des brûleurs ne se fait pas en raison d'une panne de courant.

[58]           Avant de procéder, j'aimerais reconnaître le fait que la manière dont la preuve de la Requérante a été produite soulève certaines questions en matière de ouï-dire, puisque Mme Goudreau occupe un poste de commis au cabinet d'avocats de la Requérante et ne connaît pas personnellement la Requérante ni son entreprise. Elle a simplement consulté le site Web de la Requérante pour accéder au dépliant, lequel est joint en pièce MG-2 de son affidavit. Néanmoins, j'ai accordé un certain poids à cette preuve puisqu'elle nous éclaire en quelque sorte sur la nature des marchandises de la Requérante et de leurs voies de commercialisation, et aussi parce que l'Opposante s'est également appuyée sur cette preuve pour présenter ses observations à l'audience [voir McDonald's Corp c. Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR 3(d) 168 (CAF) à la page 169]. S’il s’avère que j’ai commis de la sorte une erreur de droit, je tiens à dire qu'elle n’aura aucune incidence sur ma décision finale, puisque la description des marchandises dans la demande d'enregistrement de la Marque est suffisante pour me permettre d'en arriver à la même conclusion au sujet de la nature des marchandises de la Requérante et de ses voies de commercialisation.

[59]           À l'audience, l'Opposante a allégué qu'il y a un lien entre ses « bidons d'essence » et les marchandises de la Requérante, puisque les marchandises de la Requérante peuvent servir à la manipulation ou au stockage de l'essence, et les bidons d'essence de l'Opposante sont associés au stockage de carburant. Cependant, je ne suis pas sûre qu'un tel lien joue beaucoup en faveur de l'Opposante. Bien que l'état déclaratif des marchandises contenu dans l'enregistrement de l'Opposante englobe de façon générale les « bidons », M. Torokvei indique précisément dans son affidavit que les « réservoirs de carburant » et les « bidons d'essence » de l'Opposante sont utilisés dans les industries de l'automobile et de la construction [voir le paragraphe 4]. À mon avis, il s'agit d'industries entièrement différentes de celles du raffinage et de la pétrochimie. En outre, un « bidon d'essence » utilisé dans les industries de l'automobile et de la construction serait probablement différent d'une bouteille de propylène ou de propane, lesquelles font partie des produits d'allumage pour brûleurs de la Requérante.

[60]           L'Opposante a également soutenu à l'audience qu'il existe un lien entre les marchandises de la Requérante et les « tuyaux », « raccords pour tuyaux », « conduites électriques » et « raccords pour conduites électriques », puisqu'il n'y a aucune restriction dans l'état déclaratif des marchandises de l'Opposante et que ces articles pourraient donc être inclus, d'une certaine façon, dans une usine de raffinage ou pétrochimique, peut-être dans une structure, un appareil ou une pièce d'équipement, ou pourraient être vendus à de telles industries. 

[61]           Même s'il est vrai que les « tuyaux », « raccords pour tuyaux », « conduites électriques » et « raccords pour conduites électriques » de l'Opposante pourraient être présents dans une usine de raffinage ou pétrochimique, ou lui être vendus, il ne s'ensuit pas nécessairement que de telles marchandises seraient considérées comme chevauchant celles de la Requérante ou comme y étant, en quelque sorte, reliées.

[62]           Bien que l'Opposante n'ait pas produit de preuve détaillée quant à la nature précise de ses marchandises, M. Torokvei indique au paragraphe 2 de son affidavit que l'Opposante utilise sa marque de commerce SCEPTER sur des « articles en plastique moulés par soufflage, extrudés et moulés par injection ». Cela semble conforme à la description des services dans l'enregistrement de l'Opposante pour SCEPTER et Dessin (enregistrement no LMC335,211), qui décrit les services de l'Opposante comme étant « ... la fabrication de moules, la conception de pièces en plastique ». D'après cette information, j'estime raisonnable de conclure que l'Opposante œuvre dans le domaine du plastique et que ses produits seraient principalement des marchandises en plastique. À mon avis, les « tuyaux », « raccords pour tuyaux », « conduites électriques » et « raccords pour conduites électriques » de l'Opposante sont des marchandises assez élémentaires et ont un champ d'application plutôt général.

[63]           En revanche, les marchandises de la Requérante semblent consister en des articles entièrement assemblés, très spécialisés et comportant des composantes électroniques de pointe. Elles sont précisément utilisées pour l'allumage des brûleurs et sont spécialement conçues pour résister à l'utilisation robuste qu'exigent les industries du raffinage et de la pétrochimie [voir la pièce MG-2 de l'affidavit de Mme Goudreau].

[64]           En résumé, même si je devais accepter les observations de l'Opposante, à savoir que certains de ses produits pourraient être vendus aux mêmes industries que celles de la Requérante, ou être présents dans leurs usines, je demeure d’avis que les marchandises des parties sont considérablement différentes les unes des autres. En outre, le simple fait que certains produits puissent se retrouver dans une même industrie n'entraîne pas forcément la conclusion selon laquelle ils proviennent d'une source commune ou s'adressent au même consommateur.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[65]           En appliquant le test en matière de confusion, j'ai considéré qu'il s'agissait d'une question de première impression et de souvenir imparfait. Même si mon évaluation de la situation en l'espèce m'amène à conclure que les facteurs énoncés aux alinéas 6(5)b) et e) s'appliquent en faveur de l'Opposante, je suis d'avis que les différences entre les marchandises associées aux marques des parties sont suffisamment importantes pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante. Je suis d'avis que, s'il voit la Marque, le consommateur moyen ne devrait pas être confus et croire que ses allumeurs pour brûleurs utilisés dans l'industrie du raffinage et l'industrie pétrochimique proviennent de la même source que les tuyaux, les conduites électriques et les autres marchandises de l'Opposante, laquelle œuvre dans l'industrie de fabrication du plastique.

[66]           Je conclus donc que la Requérante s'est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait, soit d'établir que la confusion entre la Marque et la marque de commerce SCEPTER de l'Opposante, laquelle fait l'objet de la demande d'enregistrement LMC240,014, n'est pas probable. De plus, comme je l'ai déjà mentionné, j'estime qu'une comparaison de la Marque et de la marque de commerce SCEPTER de l'Opposante, portant le numéro d'enregistrement LMC240,014, permet de statuer efficacement sur ce motif d'opposition.

[67]           Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) est donc rejeté.

Absence de caractère distinctif – Article 2

[68]           L'Opposante a allégué que la Marque ne distingue pas ni n'est adaptée de manière à distinguer les marchandises de la Requérante des marchandises ou des services des autres, y compris ceux de l'Opposante.

[69]           La date pertinente aux fins d'analyse de ce motif d'opposition est la date de dépôt de la déclaration d'opposition, soit le 23 décembre 2009 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc., (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[70]           Pour les raisons précédemment mentionnées relativement aux motifs d'opposition invoqués en vertu de l'article 16, je ne suis pas convaincue que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, soit d'établir que l'une ou l'autre de ses marques de commerce ou son nom commercial était devenus suffisamment connus au Canada en date du 23 décembre 2009 pour annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.); Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c. Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. Comme indiqué précédemment, l'Opposante n'a produit aucune preuve de l'emploi réel de ses marques de commerce. De plus, je note que le simple fait de produire un certificat d'enregistrement de marque de commerce ne suffit pas pour satisfaire au fardeau de preuve initial d'un opposant relativement à un motif fondé sur le caractère distinctif [voir Rooxs, Inc c. Edit-SRL (2002), 23 CPR (4th) 265 (COMC)]. 

[71]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est également rejeté.

Décision

[72]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition selon les dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Lisa Reynolds

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

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