Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : SEAFRESH

NUMÉRO D’ENREGISTREMENT : LMC 112433

 

 

Le 21 avril 2004, à la demande de Johnston Wassenaar LLP (la « partie requérante »), le registraire a transmis à High Liner Foods Incorporated/Les Aliments High Liner Incorporée, la propriétaire inscrite de la marque de commerce susmentionnée, l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce.

 

La marque de commerce SEAFRESH est enregistrée en liaison avec le « poisson frais et congelé ».

 

Conformément à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, le propriétaire inscrit de la marque de commerce est tenu d’établir que la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services que spécifie l’enregistrement, à un moment quelconque, au cours des trois ans qui précèdent la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi à un moment quelconque s’étend du 21 avril 2001 au 21 avril 2004.

 

L’« emploi » en liaison avec des marchandises est décrit comme suit aux paragraphes 4(1) et 4(3) de la Loi sur les marques de commerce :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[]

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

En réponse à l’avis du registraire, la propriétaire inscrite a fourni l’affidavit de Claire E. Milton. La partie requérante et la propriétaire inscrite ont toutes deux déposé un plaidoyer écrit et étaient représentées à l’audience.

 

Dans son affidavit, Claire E. Milton explique qu’elle occupe, depuis  1997, le poste d’avocate de société pour le compte de la propriétaire inscrite. Elle affirme ensuite : [traduction] « En raison du poste que j’occupe, et après avoir examiné les dossiers commerciaux de High Liner, j’ai une connaissance personnelle des points énoncés dans la présente affaire. »

 

Elle explique que la propriétaire inscrite exploite une entreprise de transformation et de vente de poissons et fruits de mer, pâtes alimentaires et autres produits alimentaires de haute qualité. En ce qui concerne la marque en l’espèce, elle déclare : [traduction] « High Liner a continuellement employé la marque de commerce SEAFRESH en liaison avec du poisson (les « produits SEAFRESH ») dans la pratique normale du commerce au Canada au cours des trois ans précédant le 21 avril 2004 (la « période pertinente »). »

 

En ce qui a trait à la façon dont la marque de commerce était liée aux produits SEAFRESH au moment du transfert, Mme Milton a annexé comme pièce « B » de son affidavit des photographies d’échantillons d’emballage. Elle déclare clairement que cet emballage a été [traduction] « employé au cours de la période pertinente en liaison avec les produits SEAFRESH ». J’observe que la marque de commerce SEAFRESH est manifestement visible sur l’emballage dans tous les cas, et comme l’a souligné la partie requérante, elle semble stylisée en ce qui a trait aux éléments du dessin. En particulier, je remarque que la marque de commerce se présente soit avec un dessin non distinctif (à savoir, une illustration fantaisiste d’un poisson avec des vagues), soit simplement dans un contour rectangulaire avec des vagues en bas. Cependant, je ne considère pas ces caractéristiques comme étant fatales. Je suis d’avis que le mot SEAFRESH occupe une place très importante par rapport aux éléments du dessin, que par lui-même, il peut être reconnu comme marque de commerce dans la mesure où l’impression commerciale uniforme demeure la même, et que les consommateurs concluraient, selon toute probabilité, que la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée désignent toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine [voir Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 (C.A.F.) et Compagnie Internationale pour l’Informatique CII Honeywell Bull c. Registraire des marques de commerce (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.)].

 

La partie requérante a également déclaré que l’emballage présente la Marque avec d’autres termes, comme [traduction] « filets » ou « FRY-O-PAK », et elle soutient que l’ajout de ces autres termes n’est pas sans importance. Ceci est d’autant plus vrai, selon elle, du fait que la marque de commerce déposée n’est pas désignée au moyen du symbole MC ou de tout autre indice du genre. Hormis le fait qu’une telle exigence de désignation n’existe pas, les autres mots semblent être suffisamment éloignés de la Marque, de sorte que les consommateurs ne les percevraient pas comme faisant partie intégrante de la Marque elle-même, mais qu’ils les percevraient plutôt comme étant descriptifs (« filets ») ou comme constituant une marque de commerce distincte (« FRY-O-PAK »). J’ajouterais que rien n’empêche d’employer en même temps deux marques de commerce sur un emballage. (A.W. Allen Ltd c. Warner-Lambert Canada Inc. 6 C.P.R. (3d) 270).

 

Au paragraphe 5 de son affidavit, Mme Milton explique que la propriétaire inscrite, dans la pratique normale de son commerce, assure la distribution des produits SEAFRESH sous la marque en cause à des détaillants et à des distributeurs dans tout le Canada. Elle annexe, comme pièce « C », un [traduction] « échantillonnage représentatif de factures attestant la vente de produits SEAFRESH pendant la période pertinente ». Elle explique que sur les factures, il est fait mention de la marque de commerce SEAFRESH avec l’abréviation « SF » sous la rubrique « Description ». J’observe que la totalité des vingt-deux factures sont datées de la période pertinente et que seize d’entre elles indiquent clairement que la propriétaire inscrite a effectué des ventes relativement à des produits « SF » au Canada. Les autres factures portent sur des ventes de produits « SF » à des entités américaines pendant la période pertinente, et comme je suis convaincue que la marque de commerce a été mise sur ces marchandises au Canada avant leur exportation, les exigences du paragraphe 4(3) de la loi semblent avoir été respectées dans ce cas.

 

Enfin, Mme Milton fournit d’importants chiffres de ventes annuelles pour les produits SEAFRESH, des ventes qui, selon elle, ont été réalisées par sa société au Canada entre 2001 et avril 2004. La fiabilité des chiffres de ventes a été contestée par la partie requérante en raison du fait que les factures produites pour étayer la prétention de la déposante, à savoir qu’il s’agit de ventes réalisées au Canada, comprenaient à la fois des factures établies pour des ventes aux États-Unis et au Canada. Cependant, même si je commettais une erreur en concluant que les ventes à des entités américaines satisfont aux exigences du paragraphe 4(3) de la Loi, je reconnais que les seize autres factures constituent une preuve de transferts commerciaux véritables de marchandises au Canada; conséquemment, je n’ai pas à tenir compte des chiffres de ventes. Quoiqu’il en soit, puisque seize des factures représentatives présentées en preuve indiquent clairement des ventes réalisées au Canada, j’estimerais raisonnable de conclure qu’au moins une partie des chiffres de ventes soumis en preuve représenterait également des ventes réalisées au Canada.

 

Maintenant que j’ai résumé la preuve, je vais examiner ce que je considère être les observations les plus pertinentes des parties. Si je comprends bien, la partie requérante soutient principalement que la propriétaire inscrite n’a pas su démontrer qu’elle a employé la marque en cause au Canada en liaison avec les marchandises visées par l’enregistrement pendant la période pertinente. À cet égard, elle fait valoir que, dans l’affidavit de Mme Milton, il n’est fait mention que de [traduction] « poisson », contrairement aux marchandises décrites avec plus de précision, soit le [traduction] « poisson frais et congelé » comme l’indique l’enregistrement de la marque en cause. De plus, elle soutient qu’il s’agit d’une preuve d’emploi en liaison avec des [traduction] « poissons et fruits de mer transformés », des marchandises qui ne sont pas visées par l’enregistrement en cause. Elle arrive à cette conclusion à partir de la liste d’ingrédients figurant sur l’échantillon d’emballages annexé comme pièce « B », et aussi à partir d’inférences tirées des descriptions de produit abrégées indiquées sur les factures de la pièce « C ».

 

Après avoir examiné les éléments de preuve, je conviens qu’il n’existe aucune preuve d’emploi de la Marque en liaison avec le [traduction] « poisson frais ». Ce n’est pas uniquement en raison de l’absence évidente de mention de poisson « frais » dans l’affidavit de Mme Milton que j’arrive à cette conclusion, mais aussi à partir d’inférences tirées de la liste d’ingrédients figurant sur les échantillons d’emballage, et aussi, en raison des descriptions de produit abrégées indiquées sur les factures, notamment BTTD (battered) - en pâte à frire - et BRD (breaded)pané ‑ ou autrement préparé. Étant donné que, selon le Merriam-Webster Online Dictionary, « frais » signifie [traduction] « […] sans avoir subi de préparation […] légumes frais […] », ces marchandises ne semblent pas pouvoir être qualifiées de produits frais. Cette conclusion semble également aller dans le sens de ce qu’atteste la déposante au deuxième paragraphe de son affidavit quand elle précise que la propriétaire inscrite exploite une entreprise de transformation de poissons et fruits de mer de haute qualité [Les italiques sont de moi.].

 

Cependant, à l’encontre de la position de la partie requérante, je ne considère pas nécessairement que ces marchandises et la désignation [traduction] « poisson congelé » s’excluent mutuellement. Malgré toute préparation ou transformation apparente, il ressort clairement de l’emballage, qu’en ce qui a trait au contenu, il est question de poisson ou de filets de poisson. Le mot « filet » pris dans son sens courant et tel que défini dans The American Heritage® Dictionary of the English Language, Fourth Edition (2006), signifie : [traduction] « Morceau de chair levé d’un poisson ou de viande désossé, … »; dans le Canadian Oxford Dictionary, on le définit aussi comme étant un [traduction] « morceau de viande désossé provenant d’une région qui se trouve à proximité de la longe ou des côtes (comme dans le filet complet), en d’autres mots, la portion inférieure de la surlonge, un morceau de chair levé de part et d’autre de l’arrête d’un poisson » [Les italiques sont de moi.]. De plus, sur l’emballage figurant à la page 3 de la pièce « B », les termes [traduction] « poisson haché ou filets de poisson (goberge ou morue ou églefin ou sole) » apparaissent comme premier ingrédient sur la liste. Je conclus qu’il est donc raisonnable d’inférer que les consommateurs considéreraient le poisson comme étant l’ingrédient principal.

 

De plus, compte tenu de la nature hautement périssable du poisson, du type d’emballage présenté en preuve, et de la distance à franchir avant que le produit n’arrive aux consommateurs, comme en font foi les factures, je conclus qu’il est raisonnable d’accepter qu’il s’agit en l’espèce de marchandises congelées. En conséquence, je suis prête à accepter, étant donné l’esprit et l’objet de l’article 45, que la preuve vient appuyer l’emploi en liaison avec du « poisson congelé ».

 

Fait intéressant, la propriétaire inscrite soutient qu’étant donné que le « poisson congelé » et le « poisson frais » appartiennent à la même catégorie générale de marchandises, nommément le « poisson », il suffit de faire la preuve d’un emploi en liaison avec du « poisson congelé » pour que l’emploi des mots « poisson frais » satisfasse aux exigences de l’article 45. À l’appui de cette proposition, elle se réfère à Countryside Canners Co. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1981), 55 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1ère inst.); Rideout & Maybee LLP c. Omega SA (2004), 39 C.P.R. (4th) 261 (C.F.), et Saks & Co. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1989), 24 C.P.R. (3d) 49 (C. F. 1ère inst.)].

 

Cependant, en ce qui a trait à la prétention de la propriétaire inscrite, je suis d’avis que les faits propres à la présente affaire ne me permettent pas d’arriver à une telle conclusion. Quoique la preuve d’emploi soit décrite dans l’affidavit comme étant « représentative », comme je l’ai expliqué précédemment, je ne vois aucune preuve d’emploi en liaison avec du « poisson frais ». J’ajouterais que la jurisprudence susmentionnée invoquée par la propriétaire inscrite à l’appui de sa position selon laquelle un emploi en liaison avec du poisson congelé suffit pour que l’enregistrement demeure tel quel, peut être distinguée de la façon suivante :

i.                    La question de savoir si le mot « poisson » pourrait signifier du poisson frais ou du poisson congelé n’est pas en soi difficile; quoique les produits frais et les produits congelés soient étroitement liés, la distinction est évidente;

ii.                  L’enregistrement ne comprend que deux marchandises et d’exiger une preuve d’emploi pour chacune d’entre elles n’aurait pas représenté un fardeau déraisonnable pour la propriétaire inscrite;

iii.                L’affidavit ne contenait aucune déclaration particulière confirmant sans équivoque l’emploi en liaison avec chacune des marchandises visées par l’enregistrement et le fondement factuel ne permet pas non plus de conclure l’existence d’un tel emploi;

iv.                L’enregistrement ne portait pas sur la catégorie plus générale de marchandises, nommément le « poisson ».

 

À l’audience, l’avocate de la propriétaire inscrite a présenté un argument additionnel en déclarant que le mot « et » dans l’état déclaratif des marchandises n’est pas employé dans un sens conjonctif, mais plutôt pour désigner un ensemble unique de sorte que les marchandises décrites dans l’enregistrement doivent être considérées comme une seule et même marchandise. L’avocate a aussi ajouté que, conformément à Ridout & Maybee c. Omega S.A. (2005), 43 C.P.R. (4th) 18 (C.A.F.), la validité du libellé de l’enregistrement n’est pas en litige. Cependant, j’estime que, selon le sens clair de l’enregistrement, le mot « et » est employé comme conjonction. De plus, étant donné que le poisson ne peut être à la fois frais et congelé, il est évident que les marchandises dont il est question sont distinctes l’une de l’autre.

 

Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que la situation en l’espèce est analogue à celle dans John Labatt Ltd. c. Rainier Brewing Co. et al (80 C.P.R. (2d) 228 (C.A.F.). Conséquemment, les principes énoncés dans cet arrêt sont d’avantage susceptibles de s’appliquer en l’espèce. Voici ce que le juge a déclaré dans cet arrêt :

 

La précision de marchandises autres que la bière suggère, en l’absence de preuve contraire, que chacune d’elles est effectivement différente des autres dans une certaine mesure et de la « bière » elle-même, sinon les mots « ale, porter, stout, boissons à base de malt, sirop de malt et extraits de malt » sont superflus.

 

Et à la page 236, il a ajouté :

À mon avis, le fait que les autres marchandises indiquées tombent dans un groupe de marchandises qui se rapportent d’une façon quelconque à la bière n’est pas suffisant pour garder intact l’enregistrement. Il aurait pu en être ainsi si l’intimée avait également démontré que la marque de commerce était employée au Canada à l’égard de chacune de ces autres marchandises.

 

De la même façon, en l’espèce, même si les marchandises se rapportent l’une à l’autre, une distinction entre le poisson frais et le poisson congelé a clairement été établie dans l’enregistrement. C’est pourquoi, je suis d’avis qu’en l’absence de tout élément de preuve ou de toute déclaration de faits me permettant de conclure autrement, l’emploi en liaison avec le « poisson congelé » seulement n’est pas suffisant pour maintenir l’enregistrement à la fois à l’égard du poisson frais et du poisson congelé.

 

Enfin, en plus de soutenir que la propriétaire inscrite n’a pas su démontrer qu’elle a employé la marque en cause au Canada en liaison avec les marchandises visées par l’enregistrement, la partie requérante prétend que la preuve ne démontre pas clairement que la propriétaire inscrite était à l’origine des marchandises. À cet égard, elle fait valoir qu’au paragraphe 5 de l’affidavit de Mme Milton, il est écrit [traduction] « ma société distribue » plutôt que [traduction] « vend ». Elle soutient de plus, que l’identité ou le siège d’affaire de la société responsable de la transformation, de la production ou de la distribution du produit en vue de la revente, ou pour le compte de laquelle l’opération a été faite, ne figure pas sur l’emballage du produit illustré à la pièce « B », et que le nom de High Liner n’y est pas non plus.

 

Cependant, j’estime que l’absence du nom de la propriétaire inscrite sur l’emballage n’est pas une considération pertinente compte tenu que les factures constituant la pièce « C » indiquent clairement que la propriétaire inscrite était à l’origine des marchandises.

 

Compte tenu de ce qui précède et du principe bien connu selon lequel l’article 45 constitue une procédure sommaire destinée à débarrasser le registre des marques de commerce qui constituent du « bois mort », je suis convaincue qu’il y a eu emploi de la marque de commerce en cause en liaison avec les marchandises décrites comme du « poisson congelé »; l’emploi de la marque en liaison avec les marchandises désignées comme du « poisson frais » et l’existence de circonstances spéciales justifiant l’absence d’emploi n’ont pas été démontrés. L’enregistrement numéro LMC 112433 sera conséquemment modifié afin de radier le terme « poisson frais » de l’état déclaratif des marchandises pour défaut d’emploi, conformément à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13.

 

 

FAIT À GATINEAU (QUEBEC), LE 16 JANVIER 2009.

 

 

 

 

K. Barnett

Agente d’audience

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Judes Basque, B. Trad.

 

 

 

 

 

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