Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

Dans l’affaire de la procédure prévue à l’article 45 contre l’enregistrement n° LMC118,592 pour la marque  GEISHA                                                                           

 

Le 20 avril 2006, à la demande de Smart & Biggar, le registraire a donné l’avis prévu à l’art. 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985 ch-13 (la « Loi »), à Kawasho Foods Corporation (l’« Inscrivante ») en ce qui concerne l’enregistrement n° LMC118,592 pour la marque de commerce GEISHA (la « Marque »). L’état déclaratif des marchandises se lit comme suit :  

 

[traduction]

 

(1) Bouchées à la chair de crabe, thons, mandarines, champignons, filets de balaou, huîtres, saumon et palourdes. (2) Poissons surgelés, nommément chair de crabe, crevettes, huîtres, cuisses de grenouille, pétoncles, espadons, sébastes, thons, éperlans, calmars et saumons ainsi que des fruits surgelés, nommément mandarines et pêches.

 

Selon l’art. 45 de la Loi, le propriétaire inscrit doit indiquer, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente commence le 20 avril 2003 et se termine le 20 avril 2006. L’art. 4 de la Loi définit les situations qui constituent un emploi de la marque.

 

En réponse à l’avis du registraire, l’Inscrivante a produit un affidavit de Kenichiro (Steve) Yoshiki, daté du 20 octobre 2006 (l’« Affidavit de Yoshiki »). La partie requérante et l’inscrivante ont déposé des observations écrites, mais seule la partie requérante était représentée à l’audience.

 

Il est bien établi que l’objet de l’art. 45 est de prévoir une procédure simple, sommaire et expéditive destinée à éliminer le « bois mort » du registre. De simples allégations d’emploi ne suffisent pas à établir l’emploi [voir Aerosol Fillers Inc. c. Plough (Canada) Ltd. (1979), 45 C.P.R. (2d) 194 (C.F. 1re inst.); conf. 53 C.P.R. (3d) 62 (C.A.F.)]. Le destinataire de l’avis prévu à l’art. 45 de la Loi doit présenter une preuve montrant comment il a employé la marque pour que le registraire soit en mesure de déterminer si les faits constituent un emploi de la marque conformément à l’art. 4 de la Loi. Toutefois, il a également été décidé qu’il n’est pas nécessaire de fournir une preuve surabondante lorsque l’emploi peut être prouvé de manière simple et directe [voir Union Electric Supply Co. c. Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)]. Il est bien établi que les ambiguïtés figurant dans la preuve doivent être interprétées à l’encontre de l’intérêt du propriétaire inscrit. À cet égard, je relève les commentaires suivants formulés par le juge Cattanach dans Aerosol Fillers Inc., précité, aux p. 198‑199 :

 

Les allégations consignées dans un affidavit doivent être précises, surtout lorsqu’il s’agit d’un affidavit produit conformément à l’article 44(2) [aujourd’hui le par. 45(2)] car il constitue alors la seule preuve que le registraire est autorisé à recevoir. L’affidavit ne doit donc être sujet à plus d’une interprétation; si tel est le cas, il convient alors d’adopter l’interprétation qui va à l’encontre de l’intérêt de la partie pour laquelle le document a été rédigé. 

 

Dès le départ, je note que dans ses observations écrites, l’Inscrivante admet que l’Affidavit de Yoshiki ne fait référence qu’à l’emploi de la Marque en liaison avec la chair de crabe surgelée et qu’aucune circonstance spéciale n’a été présentée pour justifier le non-emploi de la Marque en liaison avec les marchandises suivantes : thons, mandarines, champignons, filets de balaou, huîtres, saumons et palourdes; poissons surgelés, nommément crevettes, huîtres, cuisses de grenouille, pétoncles, espadons, sébastes, thons, éperlans, calmars et saumons ainsi que des fruits surgelés, nommément mandarines et pêches. Compte tenu des aveux de l’Inscrivante, les marchandises suivantes seront radiées de l’enregistrement :

 

(1) […] thons, mandarines, champignons, filets de balaou, huîtres, saumons et palourdes. (2) […] crevettes, huîtres, cuisses de grenouille, pétoncles, espadons, sébastes, thons, éperlans, calmars et saumons ainsi que des fruits surgelés, nommément mandarines et pêches. 

 

Bien que l’Inscrivante ne l’ait pas allégué de façon spécifique dans ses observations écrites, je conclus qu’elle est d’avis que la preuve introduite par l’Affidavit de Yoshiki s’applique à la « chair de crabe » et aux « poissons surgelés, nommément chair de crabe ».

 

Dans la mesure où cela est pertinent en l’espèce, selon l’enregistrement, l’Inscrivante est devenue propriétaire de la Marque à la suite de la cession effectuée par Kawasho Corporation le 1er octobre 2004, laquelle a été enregistrée le 15 février 2005. Par conséquent, le commentaire suivant à la page 4 des observations écrites de l’Inscrivante est incorrect : [traduction] « Les dossiers de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada indiquent clairement la cession de la marque effectuée par Kawasho Corp [sic] en faveur de Kawasho Foods Corporation le 1er octobre 1994 ».

 

La partie requérante a présenté plusieurs observations concernant le ouï-dire, le manque de clarté et le manque de précision dans l’Affidavit de Yoshiki. À l’audience, l’avocat de la partie requérante a même soutenu que l’Affidavit de Yoshiki avait été [traduction] « rédigé avec soin », laissant entendre qu’il visait à masquer les faits véritables, voire même à délibérément induire le registraire en erreur. Sans souscrire à son opinion, je conviens que l’Affidavit de Yoshiki peut être contesté à plusieurs niveaux, comme il en est question ci-après.  

 

Monsieur Yoshiki affirme qu’il est le premier vice-président de JFE Shoji Trade America Inc. (« JFE Shoji ») depuis un an. Il ajoute que JFE Shoji, une société américaine, et l’Inscrivante, une société japonaise, sont liées par l’entremise de leur société mère JFE Shoji Holdings, Inc. (« Shoji Holdings ») et qu’elles sont toutes les deux des filiales en propriété exclusive de Shoji Holdings [paragraphes 1 à 3]. Il n’explique pas quel est le lien, le cas échéant, entre JFE Shoji et le prédécesseur en titre de l’Inscrivante, Kawasho Corporation.

 

Monsieur Yoshiki affirme que les activités commerciales de l’Inscrivante sont concentrées dans le secteur des [traduction] « produits alimentaires » de Shoji Holdings, qui est l’un des quatre (4) secteurs d’activités de Shoji Holdings [paragraphes 4 et 5]. Il ajoute que dans le cadre du secteur des « produits alimentaires », JFE Shoji s’occupe [traduction] « des ventes américaines des produits de Kawasho » (ces produits sont définis dans l’Affidavit de Yoshiki comme étant les marchandises visées par l’enregistrement) [paragraphe 6]. Selon M. Yoshiki, l’Inscrivante [traduction] « fabrique et distribue les produits de Kawasho, comme la chair de crabe GEISHA » [paragraphe 7]. Comme la partie requérante l’a judicieusement fait remarquer, M. Yoshiki ne mentionne nulle part que JFE Shoji s’occupait des ventes des produits de l’Inscrivante pendant la période pertinente ou que l’Inscrivante exerçait ses activités au Canada pendant ladite période. De plus, j’estime que la référence aux [traduction] « ventes américaines » peut être interprétée de plusieurs façons, en ce sens qu’il pourrait s’agir d’une référence aux ventes effectuées aux États-Unis d’Amérique, en Amérique du Nord ou même dans tout l’hémisphère occidental. Si M. Yoshiki faisait référence aux ventes aux États-Unis d’Amérique, puisque j’estime que c’est la façon raisonnable dont réagirait une personne à l’idée de  « ventes américaines », il omet alors d’expliquer en quoi le fait que JFE Shoji s’occupe des ventes aux États-Unis est pertinent au Canada.

 

Monsieur Yoshiki affirme qu’en raison de ses fonctions et de son poste, il a accès à tous les documents et renseignements pertinents [paragraphe 8] et qu’il connaît généralement l’entreprise de l’Inscrivante au Canada et les circonstances de l’espèce. Il ajoute qu’il est pleinement compétent pour représenter l’Inscrivante en l’espèce et qu’il est également autorisé à soumettre son affidavit en réponse à l’avis du registraire [paragraphe 9]. La partie requérante soutient que M. Yoshiki ne précise pas quelles sont ses fonctions ou en quoi son poste de premier vice-président de JFE Shoji lui ferait connaître l’entreprise de l’Inscrivante au Canada. Comme M. Yoshiki affirme avoir accès à tous les documents et renseignements pertinents, je suis prête à considérer son affidavit comme une preuve admissible en l’espèce. J’aimerais ajouter que, même si j’ai tort de le faire, la décision finale en l’espèce serait la même parce que, pour les raisons énoncées ci-dessous, je ne suis pas convaincue que l’Affidavit de Yoshiki démontre l’emploi de la Marque en liaison avec la « chair de crabe » et les « poissons surgelés, nommément chair de crabe » au sens de l’art. 45 de la Loi et de la façon prévue à l’art. 4 de la Loi.

 

Je reproduis ci-après les paragraphes 11 à 17 de l’Affidavit de Yoshiki se rapportant à l’emploi de la Marque au Canada :

 

           

 

[traduction ]

 

11. À titre d’exemple des ventes de produits auxquels la MARQUE DE COMMERCE est associée, j’annexe aux présentes dans [sic] comme pièce SY-1 à l’appui de mon affidavit, une facture en date du 16 juillet 2004 qui représente [sic] la vente et la livraison à Maloney Seafoods, une entité située aux États-Unis, de morceaux de crabe surgelés auxquels la MARQUE DE COMMERCE est associée. La MARQUE DE COMMERCE apparaît clairement sur ladite facture. 

 

12.  Tel qu’indiqué sur la facture SY-1, les morceaux de crabe surgelés vendus à Maloney Seafood ont été exportés de Old Pelican à Terre-Neuve (Canada) aux États-Unis par l’entremise de l’agent de Kawasho [l’Inscrivante].

 

13.  Par l’entremise de l’agent, Kawasho, à titre de propriétaire de la MARQUE DE COMMERCE, contrôle les caractéristiques ou la qualité des produits, puis [sic] l’emploi, la publicité et l’exposition de la MARQUE DE COMMERCE au Canada.

 

14.  Un tel contrôle est exercé suivant les lignes directrices établies par Kawasho.

 

15.  Une façon de contrôler l’emploi de la MARQUE DE COMMERCE est de s’assurer qu’elle est correctement apposée, au Canada, sur les boîtes dans lesquelles les produits sont emballés avant d’être exportés du Canada aux États-Unis, et bien entendu, de la qualité de la chair de crabe.

 

16.  Comme exemple de l’emballage sur lequel apparaît la MARQUE DE COMMERCE visée par la facture SY-1, une boîte en carton sur laquelle est imprimée la MARQUE DE COMMERCE est jointe à mon affidavit sous la pièce SY-2 et elle représente le marquage utilisé pendant la période pertinente.

 

17.  Je sais que Kawasho exige systématiquement que la Marque figure sur chaque boîte exportée du Canada.

 

La facture du 16 juillet 2004 semble se rapporter à la vente d’emballages de 20 livres de morceaux de crabe surgelés. Elle affiche « (Geisha Brand) » sous le titre DESCRIPTION OF GOODS. Elle désigne le Canada comme le pays de fabrication. Quin-Sea Fisheries Limited, à Terre-Neuve, est reconnue comme [traduction] « l’exportateur, l’expéditeur et le vendeur » et Maloney Foods c/o World Wide Food Products, aux États-Unis, comme le « destinataire ». Il y a également une référence à Deringer en tant que courtier en douane. La facture ne comporte aucune information sur l’Inscrivante ou sur Kawasho Corporation, son prédécesseur en titre. Le nom de JFE Shoji n’apparaît pas sur la facture.  

 

Je pense que la partie requérante avait raison de dire que la référence à un agent anonyme au paragraphe 12 de l’Affidavit de Yoshiki est ambigüe. De toute façon, même si je suis disposée à inférer que la référence à « l’agent de Kawasho » est une référence à Quin-Sea Fisheries Limited, rien n’explique le lien entre Quin-Sea Fisheries Limited et Kawasho Corporation, le propriétaire de la marque le 16 juillet 2004. De plus, comme l’Affidavit de Yoshiki n’explique pas le lien, s’il y en a un, entre l’Inscrivante et l’ancien propriétaire de la Marque, je suis d’accord avec la partie requérante pour dire qu’on ne sait pas clairement comment ou pourquoi l’Inscrivante aurait participé de quelque façon que ce soit à l’exportation de chair de crabe en liaison avec la Marque avant la cession du 1er octobre 2004. En d’autres mots, l’Affidavit de Yoshiki ne donne aucun détail sur le lien entre les ventes du 16 juillet 2004 et l’Inscrivante. Compte tenu ce qui précède, je n’accorde aucune importance à la pièce SY-1 à titre de preuve en l’espèce.

 

La pièce SY-2 semble être des photocopies du devant et du côté d’une boîte en carton pouvant contenir 2 livres de pattes et de pinces de crabe surgelées. La boîte affiche la Marque. La partie requérante prétend qu’étant donné que la boîte en carton ne respecte pas les exigences relatives à l’étiquetage prévues par la Food and Drugs Act des États‑Unis, elle ne peut être la boîte en carton dans laquelle les marchandises énumérées sur la facture étaient emballées. Qu’il suffise de dire qu’il a été statué dans plusieurs affaires que l’observation des textes législatifs autres que la Loi n’est pas un facteur pertinent dans une procédure prévue à l’art. 45 de la Loi [voir Lewis Thomson & Sons Ltd. c. Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 C.P.R. (3d) 483 (C.F.)]. La partie requérante soutient également que la boîte en carton ne peut certainement pas être celle dans laquelle les marchandises énumérées sur la facture étaient emballées puisque la facture indique des emballages de 20 livres. Bien que la prétention de la partie requérante ne soit pas sans fondement, il n’y a pas matière à débat puisque, comme je j’ai déjà indiqué, je n’accorde aucune importance à la facture. 

 

Même si j’acceptais la pièce SY-2 comme représentative de l’emballage utilisé pendant la période pertinente, M. Yoshiki ne dit pas clairement qu’elle est représentative de l’emballage utilisé au Canada. Je ne suis pas prête à déduire de l’Affidavit de Yoshiki que la pièce SY-2 est représentative d’une boîte en carton qui aurait été utilisée au Canada par le propriétaire de la Marque pendant la période pertinente.

 

Enfin, la simple allégation au paragraphe 17 ne constitue pas une preuve de l’emploi de la Marque au Canada conformément au par. 4(3) de la Loi à quelque moment que ce soit. 

 

En fin de compte, je conviens avec la partie requérante que l’Affidavit de Yoshiki contient trop d’ambiguïtés pour me permettre de conclure que la Marque a été employée en liaison avec la « chair de crabe » et les « poissons surgelés, nommément chair de crabe » de la manière requise par l’art. 4 au sens de l’art. 45 de la Loi.

 

Compte tenu de tout ce qui précède, l’enregistrement n° LMC118,592 sera radié conformément au par. 45(5) de la Loi.

 

FAIT À MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 23 DÉCEMBRE 2008.

 

 

 

 

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

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