Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 256

Date de la décision : 2012‑12‑21

DANS L’AFFAIRE DES PROCÉDURES EN VERTU DE L’ARTICLE 45 engagées par MG Icon LLC contre les demandes d'enregistrement nos TMA368480, TMA354797, TMA481499 et TMA467630 pour les marques de commerce MATERIAL GIRL, M.G. MATERIAL GIRL Dessin, MATERIAL GIRL BY H.G. ESSENTIAL KNITS (& Design) et MATERIAL GIRL par H.G. THE ORIGINATOR & Design au nom de Les Ventes Universelles S.H. Inc.

[1]               À la demande de MG Icon LLC (le requérant), le registraire a délivré des avis au titre de l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi) à Les Ventes Universelles S.H. Inc. (le propriétaire inscrit), titulaire des enregistrements pour les marques de commerce (les marques) suivantes, aux dates suivantes :

         TMA368480 pour la marque de commerce MATERIAL GIRL, le 27 août 2010;

         TMA354797 pour la marque de commerce M.G. MATERIAL GIRL Dessin, illustrée ci‑dessous, le 27 août 2010 :

M.G. MATERIAL GIRL DESSIN

         TMA481499 pour la marque de commerce MATERIAL GIRL BY H.G. ESSENTIAL KNITS (& Design), illustrée ci‑dessous, le 25 août 2010 :

MATERIAL GIRL BY H.G. ESSENTIAL KNITS (& DESIGN)

         TMA467630 pour la marque de commerce MATERIAL GIRL BY H.G. THE ORIGINATOR & Design, illustrée ci‑dessous, le 25 août 2010 :

MATERIAL GIRL BY H.G. THE ORIGINATOR & DESIGN

[2]               Les enregistrements nos TMA368480 et TMA354797 visent un emploi de la marque en liaison avec les marchandises suivantes : vêtements pour femmes, à savoir : shorts, blousons, pantalons et complets; vêtements sportifs pour femmes, à savoir : chandails en molleton et chasubles.

[3]               Les enregistrements nos TMA481499 et TMA467630 visent un emploi de la marque en liaison avec les marchandises suivantes : vêtements pour femmes, y compris les marchandises spécifiques suivantes, à savoir, shorts, jupes, chemisiers, pantalons, vestons, vestes, tenues coordonnées, t‑shirts, pantalons en molleton, chandails en molleton, chasubles, ensembles de jogging, cols roulés et leggings.

[4]               Conformément à l’article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit d’une marque de commerce doit montrer que la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chaque marchandise et service mentionné dans l’enregistrement, à un moment quelconque au cours des trois ans précédant immédiatement la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a ainsi été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. Ainsi, dans la présente espèce, la période pertinente pour montrer l’emploi de la marque pour les enregistrements nos TMA368480 et TMA354797 est entre le 27 août 2007 et le 27 août 2010 et la période pertinente pour les enregistrements nos TMA481499 et TMA467630 est entre le 25 août 2007 et le 25 août 2010 (comme l'écart de deux jours est sans conséquence, ces périodes sont désignées collectivement comme étant la période pertinente dans la présente).

[5]               Le paragraphe 4(1) de la Loi définit « emploi » de la façon suivante pour ce qui est des marchandises :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession           est transférée.

[6]               En réponse aux avis délivrés au titre de l'article 45, le propriétaire inscrit a fourni les affidavits de Robert Hodhod, un de ses actionnaires, faits sous serment le 25 mars 2011. Je remarque que le contenu des affidavits est sensiblement le même, tel que précisé plus loin. Seul le requérant a présenté des observations écrites dans chacun des cas; aucune audience n'a eu lieu. 

[7]               Dans ses affidavits, M. Hodhod atteste que depuis sa constitution en société en 1986, le propriétaire inscrit était une entreprise ayant pour activités commerciales la conception et la fabrication de vêtements pour femmes et enfants vendus au Canada et aux États‑Unis. Cependant, le 8 février 2006, le propriétaire inscrit a demandé la protection de la loi sur les faillites dans la province de Québec. 

[8]               M. Hodhod explique que jusqu'à la fin de 2005, il était président et directeur du propriétaire inscrit et responsable de la conception et de la fabrication des gammes de vêtements du propriétaire inscrit. Il atteste qu'il a quitté l'entreprise pour travailler avec son épouse, Helen Grimaldi,  laquelle avait, plus tôt en 2005, quitté le propriétaire inscrit pour fonder sa propre entreprise de conception et de fabrication de vêtements, Odyssey Knits Incorporated (OKI). M. Hodhod atteste que lui et ses deux frères sont demeurés actionnaires du propriétaire inscrit. Il atteste ensuite que les actionnaires ont convenu de céder les marques à M. Hodhod, étant donné que les marques étaient « intimement liées » à Mme Grimaldi, la conceptrice. 

[9]               Toutefois, malgré cet accord présumé entre les actionnaires du propriétaire inscrit, le créancier garanti du propriétaire inscrit, la Banque HSBC du Canada, a exercé ses droits sur tous les actifs du propriétaire inscrit, y compris les marques, à la suite de la faillite du propriétaire inscrite en février 2006. 

[10]           M. Hodhod déclare qu'à la suite de la faillite du propriétaire inscrit, il a joué un rôle déterminant en aidant HSBC à recouvrer les créances pour le paiement de la dette du propriétaire inscrit envers HSBC. En outre, il atteste qu'« en remerciement des services rendus, HSBC, représentée par son agent [H.H. Davis & Associates Inc.], a conclu un accord avec moi pour le transfert et la cession [des marques] ». Il atteste que pendant toute la période pertinente, ses efforts pour la cession des marques avec le syndic se sont poursuivis, mais que « le processus a été compliqué par le règlement étalé des dettes [du propriétaire inscrit] et, plus particulièrement, de la dette envers HSBC, et par le fait que les marques MATERIAL GIRL faisaient l'objet de l'hypothèque avec HSBC ». 

[11]           M. Hodhod atteste qu'à la date de dépôt de ses affidavits, « HSBC n'avait pas encore renoncé officiellement à ses droits relatifs aux marques MATERIAL GIRL ». En outre, il atteste que « par conséquent, le syndic ne pouvait pas me céder officiellement les marques MATERIAL GIRL du [propriétaire inscrit] en mon nom personnel ». Il atteste que tant qu'HSBC ne consentira pas à la cession officielle des marques, il ne pourra pas les employer.

[12]           Sur ce chapitre, je ferai remarquer que la cession des marques à M. Hodhod a récemment été inscrite au registre, le 23 novembre 2012. 

[13]           Toutefois, as M. Hodhod confirme dans son affidavit que les marques n'ont pas été employées durant la période pertinente, et la question en l'espèce est de savoir si des circonstances particulières justifient l'absence d'emploi des marques.

[14]           En règle générale, lorsqu'il faut déterminer si des circonstances particulières justifient l'absence d'emploi, trois critères doivent être pris en compte, tel qu'énoncé dans Registrar of Trade Marks c. Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 C.P.R. (3d) 488 (CAF) (Harris). Le premier critère est la période pendant laquelle la marque de commerce n'a pas été employée, le deuxième est si les motifs de l'absence d'emploi étaient indépendants de la volonté du propriétaire inscrit et le troisième est s'il existe une intention sérieuse de reprendre l'emploi sous peu. La décision dans Smart & Biggar c. Scott Paper Ltd (2008), 65 C.P.R. (4e) 303 (CAF) (Scott Paper) fournit plus de précisions quant à l'interprétation du deuxième critère, en établissant que ce volet du critère doit être satisfait pour conclure que des circonstances particulières justifient l'absence d'emploi de la marque de commerce. Autrement dit, les deux autres critères sont pertinents, mais ils ne peuvent constituer à eux seuls des circonstances particulières si on les considère séparément. En outre, l'intention de reprendre l'emploi doit être corroborée par une preuve [Arrowhead Spring Water Ltd c. Arrowhead Water Corp (1993), 47 C.P.R. (3d) 217 (CF); NTD Apparel Inc c. Ryan (2003), 27 C.P.R. (4e) 73 (CF)].

[15]           Dans la présente espèce, M. Hodhod atteste que les marques ont été employées pour la dernière fois immédiatement avant la faillite du propriétaire inscrit, le 8 février 2006. À la date de ses affidavits, l'emploi des marques n'avait pas repris, ce qui signifie une absence d'emploi d'au moins cinq ans.

[16]           En ce qui concerne le deuxième critère énoncé dans Harris, M. Hodhod déclare que « les motifs justifiant l'absence d'emploi de la ou des marques est la faillite du propriétaire inscrit et la suspension des activités et le fait que la marque faisait l'objet d'une hypothèque avec HSBC, exigeant au syndic d'obtenir le consentement de HSBC pour me céder officiellement les marques MATERIAL GIRL du propriétaire en mon nom personnel ».

[17]           D'après l'affidavit de M. Hodhod, il semblerait que le syndic du propriétaire inscrit ait centré ses efforts sur la liquidation des actifs de ce dernier et sur le paiement, dans la mesure du possible, de la dette envers le créancier garanti du propriétaire inscrit, HSBC. Ce qui n'est pas clair est si le syndic n'avait pas d'autres options pour la cession des marques durant la période pertinente, par exemple, continuer les activités commerciales du propriétaire inscrit. Assurément, selon M. Hodhod, les motifs de l'absence d'emploi des marques étaient indépendants de sa volonté. Toutefois, il n'était pas le propriétaire inscrit des marques à ce moment. 

[18]           Il s'agit d'une situation inhabituelle en ce sens que M. Hodhod, en tant qu'actionnaire du propriétaire inscrit, semble détenir un droit dans l'entreprise du propriétaire inscrit et sur les marques. Cependant, il n'avait aucun contrôle sur l'emploi des marques durant la période pertinente. C'était plutôt le propriétaire inscrit, par l'intermédiaire de son syndic de faillite et probablement sous la direction de HSBC (le créditeur garanti), qui était responsable de l'emploi continu ou de la cession des marques.

[19]           À ce titre, même si je reconnais les efforts déployés par M. Hodhod pour acquérir les marques, aux fins de ces procédures au titre de l'article 45, M. Hodhod n'était qu'un cessionnaire éventuel des marques durant la période pertinente. À ce titre, ses motifs pour justifier l'absence d'emploi des marques durant cette période ne sont pas pertinents. 

[20]           Le requérant fait remarquer dans ses observations écrites que les allégations de M. Hodhod concernant la cession projetée des marques, aux autres actionnaires avant la faillite du propriétaire inscrit et à HSBC après la faillite, ne sont pas corroborées. De la même manière, le syndic et HSBC n'ont pas fourni d'affidavits attestant la validité de la déclaration de M. Hodhod selon laquelle ils projetaient de lui céder les marques. 

[21]           Dans tous les cas, on ne connait pas les motifs du syndic ou du créancier garanti du propriétaire inscrit, HSBC, pour justifier l'absence d'emploi des marques durant la période pertinente. Toutefois, si l'on considère la valeur nominale de l'affidavit de M. Hodhod, il semblerait que HSBC ait conservé ses droits sur les marques afin d'obtenir la coopération de M. Hodhod pour le paiement des dettes du propriétaire inscrit à HSBC.

[22]           Cependant, comme mentionné plus haut, le syndic et HSBC n'ont fait aucune allégation. Dans l'espèce, la raison pour laquelle le syndic n'a pas employé les marques de façon continue, dans la pratique normale du commerce ou, subsidiairement, pourquoi il ne les a pas liquidées plus rapidement pendant les procédures de faillite du propriétaire inscrit, n'est pas complètement claire. 

[23]           En tout cas, la faillite du propriétaire inscrit a certainement perturbé ses activités commerciales, mais les faillites en soi ne constituent pas des circonstances particulières justifiant l'absence d'emploi d'une marque de commerce aux termes de l'article 45 de la Loi. Même si les faillites sont parfois indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit, elles sont invoquées pour justifier de courtes absences d'emploi seulement [voir, par exemple, Rogers & Scott c. Naturade Products Inc (1988), 19 C.P.R. (3d) 504 (COMC); Lapointe Ronsenstein c. Maxwell Taylor’s Grill Inc (2001), 19 C.P.R. (4e) 263 (COMC)]. Lorsqu'un nouveau propriétaire vient d'acquérir une marque de commerce, la faillite peut constituer un motif pertinent pour justifier une absence d'emploi par le nouveau propriétaire durant la période pertinente. Toutefois, elle ne constitue pas un motif pertinent dans des cas comme la présence espèce, lorsque la marque de commerce a été acquise longtemps après la délivrance de l'avis au terme de l'article 45 et après la fin de la période pertinente. 

[24]           Là encore, M. Hodhod a présenté un affidavit représentant son point de vue, et il aurait pu parler des options du syndic et des délais habituels relatifs aux procédures de faillite en général, mais il ne le fait pas. En réalité, le syndic de faillite aurait été mieux placé pour expliquer la longue absence d'emploi des marques. Il faut donc conclure que, au mieux, le syndic a décidé de liquider les actifs du propriétaire inscrit, au lieu d'employer les marques dans la pratique normale du commerce. D'après les déclarations faites par M. Hodhod dans son affidavit, il semblerait que HSBC ait obtenu la coopération de ce dernier dans la collecte des sommes qui lui étaient dues en échange d'une promesse de cession des marques. Si cela est vrai, sans autres allégations du syndic ou de HSBC, les motifs justifiant l'absence d'emploi semblent provenir d'une décision commerciale délibérée du propriétaire inscrit, par l'intermédiaire de son syndic de faillite, de ne pas employer les marques durant la période pertinente.

[25]           Dans tous les cas, même si j'acceptais que l'absence d'emploi des marques était indépendante de la volonté du propriétaire inscrit, l'affidavit de M. Hodhod ne montre pas, à mon avis, une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la marque.

[26]           M. Hodhod atteste qu'il avait « une intention sérieuse et réelle d'employer [les marques] sur les marchandises et qu'il projetait de le faire dès que la cession [des marques] serait officialisée avec le syndic et, plus spécifiquement, sous une licence au nom d'Odyssey Knits Inc. ». En outre, il déclare qu'OKI « possède les ressources, commerciales et créatives, pour vendre et distribuer des vêtements portant [les marques] au Canada et ailleurs dans le monde. Depuis sa création et sous ma direction, [OKI] a gagné et conservé beaucoup de clients pour ses vêtements pour femmes, notamment de grands détaillants comme Sears ».

[27]           Une fois de plus, je comprends le fait que M. Hodhod avait en quelque sorte les mains liées, selon lui, sans acquisition officielle des marques. Toutefois, la jurisprudence est claire et indique que l'intention de reprendre l'emploi doit être corroborée par une preuve. Comme le fait remarquer le requérant, « la simple intention de reprendre l'emploi n'est pas suffisante et doit être corroborée par des faits, comme des bons de commande ou, du moins, une date de reprise précise » [Lander Co Canada Ltd c. Alex E Macrae & Co (1993), 46 C.P.R. (3d) 417 (CF) au paragraphe 15]. Naturellement, M. Hodhod ne peut pas fournir ces précisions; néanmoins, malgré la bonne volonté de M. Hodhod, je dois appuyer l'évaluation du requérant selon laquelle « on ne sait pendant combien de temps l'absence d'emploi durera ».   

[28]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que les motifs justifiant l'absence d'emploi étaient indépendants de la volonté du propriétaire inscrit. Subsidiairement, je ne suis pas convaincu qu'il existe une intention sérieuse de reprendre l'emploi sous peu. Par conséquent, conformément à la décision Scott Paper précitée, je dois conclure que le propriétaire inscrit n'a pas fait la preuve de circonstances particulières justifiant l'absence d'emploi des marques durant la période pertinente au sens du paragraphe 45(3) de la Loi.

Décision

[29]           En conséquence, en vertu du pouvoir qui m’est conféré par le paragraphe 63(3) de la Loi, les enregistrements seront radiés en vertu des dispositions contenues à l'article 45 de la Loi.

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Andrew Bene

Agent d’audition

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada 

 

                          

 

Traduction certifiée conforme

Lou-Ann Dubé, trad.

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