Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : CELEBRAtion

No d'enregistrement : LMC 181134

 

Le 28 septembre 2005, à la demande de Christopher P. Brett, le registraire a, en application de l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, fait parvenir un avis à Molson Canada (maintenant Molson Canada 2005), propriétaire inscrite de la marque de commerce susmentionnée.

 

La marque de commerce CELEBRATION est enregistrée pour un emploi en liaison avec les marchandises : 

 

[traduction] « boissons de brasserie alcoolisés, à savoir bière, ale, lager, porter et stout »

 

Conformément à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, le propriétaire inscrit d'une marque de commerce est tenu d'établir que la marque de commerce a été employée au Canada à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement à un moment quelconque au cours de la période de trois ans qui précède immédiatement la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. En l'espèce, la période pertinente pour établir l'emploi se situe entre le 28 septembre  2002 et le 28 septembre  2005.

 

Les dispositions applicables à l’emploi en liaison avec les marchandises sont énoncées au paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce :

 

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

Les dispositions relatives à l’exportation des marchandises figurent au paragraphe 4(3) de la Loi :

 

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

En réponse à l'avis du registraire, l’inscrivante a produit l’affidavit de Lori Ball, directrice, Propriété intellectuelle, pour Molson Canada 2005 (Molson). Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et ont comparu à l’audience. 

 

Mme Ball déclare que Molson brasse et met en bouteille des boissons alcoolisées tant pour les marchés intérieurs que les marchés d'exportation. Elle déclare en outre que Molson exporte la bière de marque CELEBRATION et elle joint la copie d’une lettre de transport datée du 26 septembre 2005, un connaissement et une formulaire de déclaration de droits d'accise liés à un envoi comprenant une caisse de 24 bouteilles de bière CELEBRATION de Molson à Coors Burton Brewery, au Royaume-Uni.

 

Est jointe comme pièce B la copie d’une étiquette type. Je constate que la marque de commerce en cause apparaît clairement sur l’étiquette. L’auteur de l’affidavit déclare que les bières de marque CELEBRATION exportées comme il est décrit ci-dessus étaient étiquetées de la façon indiquée dans la pièce B. Mme Ball indique en outre que ladite bière était embouteillée au Canada et que les étiquettes décrites dans la pièce B étaient apposées sur les bouteilles avant qu’elles ne soient exportées du Canada.

 

La preuve de l’inscrivante concerne l’exportation des marchandises en cause et, par conséquent, il s’agit d’une situation à laquelle s’applique le paragraphe  4(3) de la Loi.

 

Comme il a été précédemment mentionné, la loi exige ce qui suit :

a)      que la marque de commerce soit apposée au Canada

b)      sur les marchandises ou les colis qui les contiennent et

c)      que ces marchandises soient exportées du Canada.

 

L'exportation d'un seul article portant la marque en question peut être suffisant pour satisfaire aux exigences relatives à l'emploi d'une marque de commerce selon le paragraphe 4(3) de la Loi (Molson Companies Ltd. c. Moosehead Breweries Ltd. (1990) 32 C.P.R. (3d) 363), à la condition que l’exportation soit essentiellement une opération commerciale (Brouillette Kosie c. Molson Breweries, a Partnership (2002) 22 C.P.R. 412, p. 415 (agent d'audience principal des marques de commerce).  

 

Dans Molson c. Moosehead, précité, à la page 373, la Cour déclare ce qui suit : 

Il se peut que, dans un cas donné d'exportation, il soit possible de démontrer l'emploi présumé au Canada par la preuve d'une opération commerciale isolée ou unique. 

 

Toujours à la page 373, la Cour ajoute : 

À mon avis, selon le paragraphe 4(3), pour que l'emploi de la marque de commerce à l'égard de marchandises exportées soit considéré comme un emploi au Canada, les marchandises ou les emballages sur lesquels la marque de commerce est apposée au Canada doivent être envoyés du Canada à un autre pays dans le cadre d'une opération commerciale. 

 

Il ressort de la décision Molson c. Moosehead, précitée, que bien qu'il faille démontrer l'existence d'une opération commerciale, le paragraphe 4(3) n'exige pas que la vente en question ait eu lieu dans la pratique normale du commerce.

 

Dans l’affaire Brouillette Kosie, précitée, il ressort clairement de la décision de l’agent d’audience que la preuve de la vente ou du transfert (contrairement à un don) est nécessaire pour établir l’opération commerciale. Dans cette affaire, l’exportation de la bière portant la marque de commerce TRIBUTE a été retenue comme emploi conformément au 4(3), au motif que des factures établissaient que le client avait été facturé par l’inscrivante pour la bière exportée.

 

Pièce A

La partie requérante fait valoir que les documents joints comme pièce A sont insuffisants pour établir l’emploi conformément au paragraphe 4(3).

 

Le premier document est une lettre de transport datée du 26 septembre 2005 (à l’intérieur de la période pertinente). La lettre de transport désigne LC Navigation Ltd. comme transporteur de la cargaison et Molson Coors Brewing Co. comme « expéditeur/exportateur ». La lettre de transport indique que le chargement du fret à bord a eu lieu le 26 septembre 2005. Je constate que le document en question mentionne le chargement de 120 caisses de bière, mais qu’il n’identifie pas la bière par marque.

 

Le deuxième document est un connaissement qui identifie Molson Canada Inc. comme expéditeur et qui indique, comme autre renseignement, Coors Burton Brewery sur la ligne intitulée « sold to » (vendu à). En outre, sur la partie inférieure du document, se trouve l’expression « Unrelated/Non Lié » dans l’espace alloué à l’identification de la relation entre les parties. La relation entre ce document et la lettre de transport n’est pas claire, puisque le connaissement indique une date de départ (9 septembre 2005) qui ne correspond pas à la date de chargement (26 septembre 2005) indiquée sur la lettre de transport. Cela porte quelque peu à confusion, étant donné que l’auteur de l’affidavit déclare au paragraphe 6 que tous les documents sont liés à [traduction] « un envoi comprenant une caisse de 24 bouteilles de bière de marque CELEBRATION (je souligne). À mon avis, une interprétation raisonnable de cette déclaration serait que tous les documents sont liés au même envoi; toutefois, compte tenu des différences dans les documents présentés, cela s’avère improbable.

 

Un formulaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada est également au nombre des documents joints comme pièce A. Même si ce document renvoie aux mêmes numéros de livraison que le connaissement, comme l’a indiqué la partie requérante, ni la section relative au certificat d’exportation ni le certificat de déchargement n’ont été remplis. Je ne peux donc pas conclure, sans autre explication dans l’affidavit concernant le but et la fonction de ce document, qu’il appuie la déclaration d’exportation des marchandises en cause faite par l’auteur de l’affidavit.

 

Dans la présente espèce, il m’apparaît plutôt curieux qu’aucune facture réelle n’ait été jointe pour attester de l’opération commerciale effectuée entre l’inscrivante et Coors Burton Brewery. Dans la décision Parlee McLaws LLP c. Molson Canada (21 juin 2007 COMC) (non publiée) rendue récemment en application de l’article 45, l’emploi de la marque de commerce sur la bière de marque GRIZZLY en application du paragraphe 4(3) de la Loi a été reconnu au vu des documents présentés, soit une facture, un bordereau d’emballage et un certificat d’origine, portant tous une date correspondant à la période pertinente.

 

Outre cette observation, je souligne à nouveau que dans le paragraphe 6 de l’affidavit de Mme Ball, il est mentionné que la lettre de transport, le connaissement et le formulaire Déclaration de droits d'accise sont liés à un « envoi » comprenant la bière de marque CELEBRATION. À mon avis, un « envoi » n’est pas nécessairement une opération commerciale. L’affidavit ne mentionne nulle part que ces documents sont liés à la « vente » de bière.

 

Même si la lettre de transport peut sembler constituer un certain appui à cet égard, du fait qu’elle désigne Coors Burton Brewery sur la ligne intitulée « sold to », j’estime que cela n’est pas suffisant. Je ne considère pas que cette inscription, qui ne figure que sur l’un des trois documents, constitue une preuve non équivoque et manifeste de l’opération commerciale. En l’absence de documents additionnels ou d’une déclaration solennelle de la part de l’auteur de l’affidavit, fournissant une preuve suffisante de l’« opération commerciale » requise, il m’est impossible de conclure que l’emploi réputé au Canada a été établi de manière à satisfaire aux exigences du paragraphe 4 (3) de la Loi

                                                          

Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire d'examiner les autres observations faites par la partie requérante concernant l’entité susceptible d’avoir employé la marque; il n’est pas nécessaire également d’établir si l’emploi de la marque sur la bière peut être considéré comme un emploi de la marque sur toutes les marchandises qui figurent dans l’enregistrement. Toutefois, je dirais, en me fondant sur l’arrêt John Labatt Ltd. c. Rainier Brewing Co. (1984), 80 C.P.R. (2d) 228 (C.A.F.), que même si un emploi avait été constaté, la preuve n’aurait appuyé qu’un emploi sur les « boissons de brasserie alcoolisés, à savoir la bière ».

 

Par conséquent, je conclus que la marque de commerce LMC 181134, CELEBRATION, doit être radiée, en raison du défaut de fournir une preuve d’emploi conformément à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 19 MARS 2008.

 

 

P. Heidi Sprung

Membre, Commission des oppositions des marques de commerce

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