Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45

MARQUE DE COMMERCE : VANITY

NO DENREGISTREMENT : LMCDF052444

 

 

 

Le 29 avril 2002, sur demande de Messieurs Smart et Biggar, le registraire a envoyé un avis en application de l'article 45 à Scott Paper Limited, le propriétaire inscrit du susdit enregistrement de marque de commerce.

 

La marque de commerce VANITY est enregistrée pour être employée en liaison avec les marchandises suivantes : [traduction] « papiers et produits de papier ».

 

L'article 45 de la Loi sur les marques de commerce oblige le propriétaire inscrit d'une marque de commerce à indiquer si la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises et/ou chacun des services que spécifie l'enregistrement à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. La période pertinente en l'espèce est un moment quelconque entre le 29 avril 1999 et le 29 avril 2002.

 


En réponse à l'avis, l'inscrivant a déposé l'affidavit d'Alejandro Teijeira, lequel affidavit a été souscrit le 28 octobre 2002 et auquel des pièces sont jointes. Chacune des deux parties a déposé une plaidoirie écrite. Les deux parties ont été représentées lors de l'audience.

 

Dans son affidavit, M. Teijeira a déclaré qu'il était l'administrateur du marketing et des affaires juridiques de Scott Paper Limited (ci-après « Scott Paper »), qu'il était responsable chez Scott Paper de toutes les questions relatives à la propriété intellectuelle et qu'à ce titre il avait accès sans restriction à la totalité des archives de la société et avait personnellement connaissance de tous les faits indiqués dans son affidavit. M. Teijeira reconnaît qu'au moment de lenvoi de l'avis, Scott Paper ne vendait aucun produit VANITY mais que des plans étaient déjà bien établis pour commencer l'emploi de la marque en 2002 et que l'affidavit prouve que des ventes avaient déjà eu lieu à la date de son affidavit.

 

Il explique qu'au mois d'octobre 2001, c'est-à-dire plus de six mois avant lenvoi de lavis prévu à l'article 45, Scott Paper avait développé des plans précis pour redistribuer au Canada les produits de papier VANITY. Il précise que la Division des Produits Hors Foyer de l'inscrivant, qui met en marché les produits de papier par les voies commerciales et industrielles, a commencé dès la fin de l'été 2001 à discuter des plans concernant la réintroduction des produits VANITY et que ces débats ont été officialisés dans le Rapport sur le plan de marketing pour 2002 de Scott Paper qui figure à l'annexe A. Ce rapport a été distribué et débattu lors d'une réunion de marketing tenue chez Scott Paper au mois d'octobre 2001.

 


La copie du rapport qui a été déposée porte la date d'octobre 2001 et fait état du relancement de la marque VANITY par la Division des Produits Hors Foyer. Il comprend une liste des produits de papier qui doivent être vendus sous cette marque, ainsi qu'un projet de calendrier de lancement (lequel commence au deuxième trimestre 2002, alors que tous les produits devraient avoir été lancés d'ici le quatrième trimestre de la même année). M. Teijeira explique que ce calendrier a été établi pour donner un délai suffisant pour effectuer une analyse de la concurrence, établir des prix de référence, rencontrer les redistributeurs, développer le produit et obtenir la rétroaction des utilisateurs finaux.

 

Il ajoute que, lors de la réunion qui s'est tenue au mois d'octobre 2001, la direction de Scott Paper a décidé d'accepter le plan et de procéder au relancement de la gamme de produits de papier VANITY.

 

M. Teijeira déclare ensuite que les mesures prises par Scott Paper avant lenvoi de l'avis prévu à l'article 45 pour mettre en marché les produits de la marque VANITY comprennent la création dune liste de caractéristiques techniques de ces produits, la mise sur pied d'un calendrier de fabrication dans les usines de l'inscrivant, la création des emballages et des étiquettes et la mise en route des essais sur les marchés de consommation.

 


M. Teijeira déclare que les ventes des produits VANITY ont commencé effectivement au mois de juin 2002. Il joint en pièce B des factures datées du 21 et du 24 juin 2002 dont il prétend qu'elles indiquent des ventes au Canada de serviettes en papier de marque VANITY. Il explique que les ventes ordinaires de la Division des Produits Hors Foyer sont faites à des distributeurs plutôt qu'à des détaillants, et que les ventes sur échantillon constituent la pratique normale du commerce de la Division des Produits Hors Foyer de l'inscrivant.

 

Sous la cote C, il a annexé des échantillons d'étiquettes dont il prétend qu'elles apparaissent effectivement sur les boîtes contenant les serviettes en papier VANITY qui sont expédiées aux clients. Ces étiquettes portent clairement la marque enregistrée, ainsi que la description des serviettes en papier, le contenu et un numéro de référence d'article.

 

La pièce D est une photographie qui montre la manière dont les serviettes en papier VANITY sont emballées et expédiées ; sur l'emballage en carton figure l'étiquette déposée comme pièce C.

 

M. Teijeira ajoute que Scott Paper n'avait pas l'intention d'abandonner la marque avant ou après lenvoi de lavis prévu à l'article 45, et que les ventes actuelles reflètent le caractère permanent de son engagement envers la marque VANITY.

 

Après avoir étudié la preuve, je conclus que celle-ci est totalement silencieuse en ce qui concerne les marchandises qualifiées de « papier » et qu'en conséquence celles-ci seront radiées de l’état déclaratif des marchandises.

 


En ce qui concerne les « produits de papier », il appert clairement de la preuve déposée en l'instance que la marque de commerce n'était pas employée en liaison avec de telles marchandises au cours de la période pertinente. Par conséquent, la question en litige consiste à décider si la preuve indique que l'absence d'emploi est due à des circonstances spéciales justifiant cette absence.

 

 

À laudience, l'avocat de la partie requérante a prétendu quen lespèce l'inscrivant ne devrait pas être autorisé à se fonder sur des circonstances spéciales pour justifier le défaut d'emploi de la marque de commerce en liaison avec les « produits de papier », étant donné que ce dernier ne s'est pas conformé aux obligations préliminaires énoncées au paragraphe 45(1) de la Loi sur les marques de commerce en ce qui concerne la fourniture de la date du dernier emploi et des motifs du défaut d'emploi depuis cette date. Bien que la partie requérante ait précisé qu'elle était prête, vu la jurisprudence, à reconnaître que le défaut d'indiquer la date du dernier emploi n'est pas fatal, le défaut de justifier le défaut d'emploi qui s'ajoute à l'absence d'indication de la date du dernier emploi est, quant à lui, fatal.

 


Bien que le paragraphe 45(1) de la Loi semble rendre absolument obligatoire l'indication de la date du dernier emploi et de la raison du défaut d'emploi depuis cette date, le paragraphe 45(3) de la Loi indique qu'il est possible de se fonder sur les circonstances spéciales dans la mesure où la marque de commerce n'a pas été employée au cours de la période de trois années qui a précédé la date de l'avis prévu à l'article 45 (voir GPS (U.K.) Ltd. c. Rainbow Jean Co. Ltd, 58 C.P.R. (3d) 535, à la p. 538; et Marks & Clerk c. SC Prodal 94 SRL, une décision en application de l’article 45 du 25 février 2005, marque de commerce STALINSKAYA, numéro d’enregistrement 501347, où l’on s’est penché sur la question soulevée par l’absence d’une date de dernier emploi).  À mon avis, la date du dernier emploi de la marque de commerce et la raison du défaut d'emploi sont des éléments dont il convient de tenir compte dans lexamen des circonstances spéciales. Cependant, il m'est impossible d'agréer avec la prétention de la partie requérante selon laquelle l'inscrivant ne peut se fonder sur les circonstances spéciales en l'absence de preuve d'une date du dernier emploi et de raisons du défaut d'emploi.

 

Je me pencherai maintenant sur les autres prétentions de la partie requérante.

 

La partie requérante prétend que la jurisprudence a décidé que trois critères doivent être étudiés dans le cadre de l'examen des circonstances spéciales. Le premier critère est la durée du défaut d'emploi de la marque ; le second est le degré de contrôle exercé par le propriétaire inscrit sur les raisons du défaut d'emploi ; le troisième est la preuve d'une intention sérieuse de reprendre dans un bref délai l'emploi de la marque (voir Registraire des marques de commerce c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985) 4 C.P.R. (3d) 488 (C.A.F.); NTD Apparel Inc. c. Ryan 27 C.P.R. (4d) 73 (C.F. 1re inst.); Ridout & Maybee c. Sealy Canada Ltd. (1999), 87 C.P.R. (3d) 307 (C.F. 1re inst.)).

 


En ce qui concerne le premier critère, faute de preuve d’une date de dernier emploi je considère généralement que la date de l’enregistrement est celle du dernier emploi (voir GPS (U.K.) Ltd. c. Rainbow, précité). Cependant, si la marque de commerce a été cédée après la date d’enregistrement, comme c’est le cas en l’espèce – la page d’enregistrement indique que Scott Paper Limited est devenue propriétaire le 28 mars 1989 – on considérera généralement que la période de défaut d’emploi pour les fins de l’appréciation des circonstances spéciales commencera à la date à laquelle le nouveau propriétaire (c’est-à-dire Scott Paper Limited) a acquis la marque de commerce (voir Arrowhead Spring Water Ltd. c. Arrowhead Water Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 412 (AAMC), confirmé par 47 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.).) En conséquence, étant donné qu’en l’instance la page d’enregistrement de la marque de commerce indique que le propriétaire actuel a acquis la marque le 28 mars 1989, je conclus que le défaut d’emploi de la marque de commerce par le propriétaire inscrit a duré approximativement 13 années.

 

En ce qui concerne le second critère, étant donné que l'inscrivant n'a fourni aucune raison pour le défaut d'emploi de la marque de commerce depuis le 28 mars 1989, je conviens avec la partie requérante qu'il faut en déduire que le défaut d'emploi résultait d’une décision volontaire et délibérée du propriétaire inscrit.

 

En ce qui concerne le troisième critère, c'est-à-dire la preuve par l'inscrivant d'une intention sérieuse de reprendre dans un bref délai l'emploi de la marque de commerce en liaison avec les « produits de papier », nous sommes en présence ici d'une reprise de l'emploi bien que les ventes se soient produites après la date de l'avis.

 


La partie requérante prétend que Scott Paper n'a pas prouvé qu'elle avait une intention sérieuse avant la date de l'avis. Elle prétend que la plus grande partie de la preuve consiste en simples affirmations et qu'il n'y a pas eu suffisamment de détails ni de précisions en ce qui concerne les mesures prises avant la date de l'avis de l'article 45. Elle prétend que le seul document déposé est le rapport de marketing et que certaines parties de ce document ont été supprimées sans justification. La partie requérante prétend qu'en raison de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de contre-interroger, et de la difficulté qu'il y a à déterminer si le rapport porte exclusivement sur la marque de commerce VANITY, il convient de tirer une inférence négative de ce rapport.

 

En ce qui concerne le rapport, bien que je sois d'avis qu'il eût été préférable que l'inscrivant ait expliqué pourquoi certaines parties du rapport avaient été supprimées, ce document ne doit pas être interprété isolément mais plutôt de concert avec les déclarations qui figurent dans l'affidavit. En l'espèce, je suis convaincue par la preuve que le document porte sur le lancement des produits de la marque de VANITY et que ce document décrit les mesures à prendre pour lancer les produits VANITY sur le marché.

 

La partie requérante a ajouté que l'inscrivant aurait dû prouver les étapes décrites dans le rapport qui ont été franchies avant la date de l'avis.

 


À l’encontre, l'inscrivant prétend que le niveau de preuve exigé par la partie requérante est exagéré. Il prétend qu’il faut faire une lecture honnête de la preuve déposée et non l’analyser dans le détail et qu’il faut en faire une interprétation globale. Il prétend que le plan de marketing d'octobre 2001 constitue une « preuve tangible » de l'existence d'une intention sérieuse de reprendre l'emploi avant la date de l'avis, c'est-à-dire six mois avant celle-ci. L'inscrivant prétend que les ventes de « serviettes en papier » en liaison avec la marque de commerce, effectués les 21 et 24 juin 2002, revêtent une importance cruciale dans la mesure où elles confirment que toutes les mesures telles que la création de caractéristiques techniques pour les produits VANITY, la fabrication de ces produits, la création d'emballages et d'étiquettes ainsi que les essais de mise en marché des produits, ont eu lieu.

 

Je conviens avec l'inscrivant que la preuve suffit pour démontrer que celui-ci avait l'intention sérieuse d'employer la marque de commerce avant la date de l’avis de l'article 45. Le plan de marketing d'octobre 2001 énonce clairement les mesures que l'inscrivant devait prendre avant le lancement et indiquent un projet de calendrier du lancement. Le plan est instructif et constitue la preuve que l'inscrivant avait développé des plans concrets avant la date de l'avis de l'article 45 pour distribuer les produits de papier VANITY au Canada.

 

En outre, étant donné que des ventes se sont produites peu après la date de l’avis, on peut conclure que les mesures nécessaires pour lancer les produits de papier visés dans le rapport de marketing ont été prises et je reconnais qu’elles ont été prises avant le 29 avril 2002, c'est-à-dire la date de l'avis, tout comme M. Teijeira l'a déclaré sous serment.

 


La partie requérante a prétendu que les deux factures déposées en preuve portent des dates à trois jours d'écart l'une de l'autre et qu'elles sont presque identiques ; que chaque facture indique la vente de vingt caisses de serviettes en papier VANITY au même acheteur, qu’elles portent toutes deux le même numéro de commande et que tous les produits vendus sont virtuellement identiques à l'exception de la dernière inscription. La partie requérante prétend qu'il convient d’en déduire que la deuxième facture est une mise à jour de la première. Je conviens avec la partie requérante que l'identité des numéros de commandes sur les deux factures soulève des questions. Cependant, il est clair qu'au moins une vente de produits de papier s'est produite peu après la période pertinente et que cette vente semble authentique. Par conséquent, l'existence d'une pluralité de transactions n'est pas une question pertinente.

 

À mon avis, le fait que l'inscrivant ait pris des mesures avant la date de l'avis et qu'il ait effectué des ventes peu après cette date revêt une importance cruciale et indique clairement que la marque de commerce de l'inscrivant n'est pas morte. Ces circonstances permettent de distinguer la présente espèce de la jurisprudence invoquée par la partie requérante. En conséquence, je conclus que l'inscrivant a déposé des éléments de preuve qui peuvent être qualifiés de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la marque de commerce en ce qui concerne les produits de papier (voir Ridout and Maybee c. Sealy Canada Ltd. (87 C.P.R. (3d) 307 (C.F. 1re inst.), et Oyen, Wiggs, Green & Mutala c. Pauma Pacific Inc., dossier no A‑603‑97 [publié dans 84 C.P.R. (3d) 287] ).

 

Pour tirer cette conclusion, j’ai eu à l’esprit les commentaires faits par le juge Lemieux au paragraphe 50 de l’arrêt Ridout and Maybee c. Sealy, précité :


Jarrive à cette conclusion en gardant à lesprit lintention du Parlement exprimée dans larticle 45 de la Loi. Cette intention est de radier du registre des marques de commerce les marques de commerce qui nont pas été employées et dont il est raisonnable de croire quelles ne le seront pas. À mes yeux, il ne sagit pas du cas dun propriétaire inscrit qui, sur réception de lavis du registraire prévu à larticle 45, sempresse de trouver un acheteur pour établir son intention demployer la marque. Je suis persuadé dans la présente affaire que la relation entre Sealy et The Brick est sérieuse et réelle eu égard aux matelas et sommiers à ressorts FANTASY. À mon avis, lintention du Parlement nétait pas de radier une marque dans ces circonstances.

 

L’existence de circonstances spéciales permettant de justifier le défaut d’emploi ayant été établie, je conclus que l’enregistrement de la marque de commerce devrait être maintenu en ce qui concerne les marchandises qualifiées de « produits de papier ».

 

L’enregistrement numéro 52444 sera modifié de manière à ce que la description des marchandises se lise comme suit : [traduction] « produits de papier », en conformité avec les dispositions du paragraphe 45(5) de la Loi sur les marques de commerce.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 24 NOVEMBRE 2005.

 

D. Savard

Agent d’audition supérieure

Article 45

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.