Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 19

Date de la décision : 2017-01-30
[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

 

Miller Thomson LLP

 

Partie requérante

et

 

Hilton Worldwide Holding LLP

Propriétaire inscrite

 

 

 



LMC337,529 pour la marque de commerce WALDORF-ASTORIA

Enregistrement

[1]  Le 23 octobre 2014, à la demande de Miller Thomson LLP (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à HLT IP LLC (HLT), qui était alors la propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC337,529 de la marque de commerce WALDORF-ASTORIA (la Marque).

[2]  La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des [Traduction] « services hôteliers ».

[3]  L'avis enjoignait à HLT de fournir une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les services spécifiés dans l'enregistrement à un moment quelconque entre le 23 octobre 2011 et le 23 octobre 2014 (la période pertinente). Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, HLT devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]  Suivant l'envoi de l'avis, le registraire a porté au registre un changement dans la propriété de l'enregistrement au profit d'Hilton Worldwide Holding LLP (la Propriétaire). Je souligne que la cession de la Marque est indiquée comme ayant eu lieu le 30 juin 2014. Ce changement n’est pas en cause dans la présente procédure.

[5]  Il est bien établi que l'article 45 de la Loi a pour objet et portée d'offrir une procédure simple, sommaire et expéditive pour débarrasser le registre du bois mort. Bien que de simples allégations d'emploi ne soient pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [voir Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1979), 45 CPR (2d) 194, conf par (1980), 53 CPR (2d) 63 (CAF)], le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure est peu élevé [Lang, Michener, Lawrence & Shaw c Woods Canada Ltd (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et il n'est pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [voir Union Electric Supply Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)]. Cependant, il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits ou des services spécifiés dans l'enregistrement pendant la période pertinente.

  • [6] La définition pertinente d'« emploi » en l'espèce est énoncée à l'article 4(2) de la Loi :

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[7]  En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a produit un affidavit de Christian Eriksen, avocat, Marques et propriété intellectuelle d'Hilton Worldwide, Inc. (Hilton), souscrit le 22 mai 2015 (l'affidavit Eriksen). Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites.

La preuve de la Propriétaire

[8]  M. Eriksen décrit d'abord brièvement ses fonctions chez Hilton. Il affirme qu'il est responsable des questions relatives aux marques de commerce détenues par le groupe de sociétés Hilton, qui comprend la Propriétaire. Ces responsabilités comprennent la prise de dispositions liées aux recherches dans le registre des marques de commerce, à l'enregistrement et au maintien des marques de commerce, y compris l'exercice des droits relatifs aux marques de commerce. Dans le cadre de ses fonctions, il obtient des renseignements concernant l'emploi des marques de commerce par le groupe de sociétés Hilton et ses licenciés, comme des spécimens d'emploi, des chiffres de vente, des ventes d'unités et des renseignements sur la publicité. M. Eriksen affirme qu'il participe aussi à des projets de promotion hôtelière, notamment pour les hôtels Waldorf Astoria. Il affirme qu'il a une connaissance des questions dont il témoigne dans son affidavit d'après sa connaissance personnelle, ou d'après son examen des dossiers d'Hilton auxquels il a accès dans le cours normal de l'exercice de ses fonctions.

[9]  M. Eriksen fournit des renseignements généraux sur l'histoire et les activités du groupe Hilton, qu'il décrit comme étant [Traduction] « la plus grande société œuvrant dans le secteur de l'accueil au monde » et exploite des hôtels et des centres de villégiature à service complet ainsi que des suites de long séjour et des hôtels à prix moyens. Il affirme que, au sein du groupe Hilton, Hilton Worldwide, Inc. (Hilton Worldwide) est la société mère actuelle. La Propriétaire, comme sa prédecesseure HLT, est une filiale en propriété exclusive d'Hilton Worldwide.

[10]  M. Eriksen fournit ensuite des renseignements généraux sur l'histoire du premier hôtel Waldorf Astoria établi dans la ville de New York et d'autres hôtels exploités aux États-Unis d'Amérique et dans divers pays dans le monde entier en liaison avec la Marque. Je souligne que M. Eriksen fait indifféremment référence aux hôtels WALDORF ASTORIA avec ou sans trait d'union et j'en ferai autant dans l’examen de son affidavit. En tout état de cause, je souligne que tout emploi établi de la Marque sans trait d'union équivaut à l'emploi de la Marque telle qu'elle est enregistrée. J'estime que l'absence de trait d'union constitue une variation mineure qui est sans conséquence; la Marque demeure reconnaissable en soi et conserve son identité [voir les arrêts faisant autorité Registraire des marques de commerce c Compagnie Internationale pour l’Informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF); et Promafil Canada Ltée c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[11]  M. Eriksen aborde ensuite l'emploi de la Marque au Canada.

[12]  M. Eriksen affirme que la Marque est employée au Canada par la Propriétaire et ses prédécesseurs en titre depuis au moins aussi tôt que 1988 en liaison avec les services suivants [Traduction] :

[…] services hôteliers, plus précisément services de réservation et de paiement d'hôtel et services de gestion et de promotion hôtelières.

[13]  En particulier, M. Eriksen affirme que les Canadiens peuvent faire des réservations à n'importe quel hôtel WALDORF ASTORIA dans le monde entier par l'intermédiaire de ce qui suit :

(a)  Des systèmes de réservation d'agences de voyages, dont des agences de voyages en ligne comme Expedia, Travelocity et Orbitz.

(b)  Les sites Web et les applications d'Hilton, dont les sites Web issus des noms de domaine waldorfastoria.com, hilton.com et hhonors.com.

(c)  Les réservations directes auprès d'un hôtel, pour lesquelles le client a communiqué avec l'hôtel en question par courriel, par télécopieur ou par téléphone, ou s'est rendu à la réception pour faire une réservation.

(d)  Les centres de réservation, dans lesquels les clients font des réservations en utilisant des lignes de réservation centrales, dont les numéros sans frais canadiens 1-800-WALDORF et 1-800-HILTONS.

(e)  D'autres moyens qui n'entrent pas dans les catégories susmentionnées, comme les réservations auprès d'employés et les clients se rendant à la réception d'une propriété hôtelière.

[14]  M. Eriksen affirme que le système de réservation est exploité par Hilton Reservations Worldwide, LLC (Hilton Reservations) au nom de toutes les sociétés du groupe de sociétés Hilton. Il affirme qu'Hilton Reservations fait partie du groupe de sociétés Hilton et est une filiale en propriété exclusive d'Hilton Worldwide. Il affirme qu'Hilton Worldwide Manage Limited (Hilton Manage) est autorisée par la Propriétaire, et ses prédécesseurs en titre, à agir à titre de mandataire et à octroyer des sous licence à l'égard de la Marque à Hilton Worldwide et à toutes les autres sociétés du groupe de sociétés Hilton. Il affirme que, selon les termes de l'accord, Hilton Manage est également tenue d'exercer un contrôle sur les caractéristiques et la qualité des services qui lui sont liés.

[15]  M. Eriksen affirme que la Marque figure sur le ou les sites Web des hôtels au moment des réservations et des paiements d'hôtel. À l'appui, il joint en pièces A et B de son affidavit des instantanés actuels du site Web du HILTON et du site Web du WALDORF-ASTORIA, respectivement, qui arborent tous deux la Marque. Il joint également en pièce C une copie représentative d'une confirmation envoyée par courriel à un client, laquelle arbore la Marque. M. Eriksen confirme que ces pièces sont représentatives de la manière dont la Marque figurait sur les deux sites Web de réservation et sur les confirmations envoyées par courriel pendant la période pertinente.

[16]  M. Eriksen poursuit en affirmant ce qui suit [Traduction] :

Comme il est d'usage dans l'industrie hôtelière, le terme « services hôteliers » inclut, sans toutefois s'y limiter, des services de réservation, des services de paiement et l'accès à des chambres d'hôtel. Autrement dit, un hôtel ne pourrait pas fonctionner si les clients n'étaient pas en mesure de réserver et de payer les chambres avant leur séjour. Par conséquent, la [Propriétaire] ne facture pas séparément ses services de réservation et de paiement d'hôtel puisque ceux-ci font partie intégrante de la fourniture de services hôteliers. Le coût lié à la fourniture des services de réservation et de paiement de même que des autres services accessoires est […] intégré au prix de la chambre d'hôtel.

[17]  M. Eriksen fournit le nombre de réservations faites par les clients ayant une adresse canadienne qui ont séjourné dans les hôtels WALDORF-ASTORIA pour les années 2011 (octobre à décembre) : 3 000; 2012 : 1 700; 2013 : 16 000; et 2014 (janvier à octobre) : 14 000.

[18]  M. Eriksen affirme que les recettes totales tirées de la location de chambres pendant la période pertinente à des clients canadiens qui ont fait des réservations et ont séjourné à un hôtel WALDORF-ASTORIA s'élèvent à environ 50 000 000 $. Il explique également ce qui suit [Traduction] :

En ce qui concerne les chiffres susmentionnés, et pendant la période pertinente, plus de 1 300 réservations ont été payées au moment où le client canadien a fait la réservation. Autrement dit, une transaction a eu lieu au Canada, et une confirmation du paiement a été envoyée à ces clients au Canada. Ces paiements ne représentent pas un dépôt fait pour la location d'une chambre porté sur une carte de crédit au moment de la réservation; ces paiements représentent plutôt un paiement anticipé non remboursable en échange d'une chambre à rabais.

[19]  M. Eriksen affirme ensuite que, dans le cadre de ses services hôteliers, le groupe de sociétés Hilton offre également aux clients la possibilité d'adhérer à son programme de fidélisation des clients HILTON HHONORS. Il explique que l'adhésion est gratuite. Au premier [Traduction] « niveau » de récompense, les membres profitent d'avantages comme la réservation et l'enregistrement rapides, le départ tardif, le départ express et le gain de « points » en vue de séjours gratuits dans l'un quelconque des hôtels du portefeuille de marques d'hôtels du groupe Hilton, dont les hôtels WALDORF-ASTORIA. Les niveaux subséquents, qui sont atteints à mesure que les membres accumulent des « points », incluent des avantages supplémentaires, dont certains sont propres aux hôtels. À l'appui, il joint en pièce D de son affidavit un instantané du site Web hilton.com, qui explique le programme de fidélisation des clients HILTON HHONORS et qui arbore aussi la Marque. Il confirme que cet instantané est représentatif de la manière dont la Marque figurait sur le site Web en liaison avec le programme de fidélisation des clients HILTON HHONORS pendant la période pertinente. Il affirme également que plus de 400 000 Canadiens ont adhéré à ce programme pendant la période pertinente.

[20]  Dans la dernière partie de son affidavit, M. Eriksen aborde l'établissement d'un hôtel WALDORF-ASTORIA au Canada.

[21]  M. Eriksen affirme que, en juillet 2007, Hilton Worldwide a entamé des négociations avec Monit Investments Inc. (Monit) quant aux [Traduction] « modalités » de la construction d'un hôtel WALDORF-ASTORIA à Montréal. Les négociations comprenaient des contrats avec le groupe Hilton pour assurer la gestion d'un hôtel WALDORF-ASTORIA à Montréal après sa construction, et pour contribuer à la promotion de cette propriété. Une entente a été conclue par les parties le 22 mai 2008. L'ouverture était prévue pour 2011. M. Eriksen fournit ensuite d'autres renseignements à propos de l'entente conclue avec Monit et joint en pièces E et F de son affidavit des copies de plusieurs mentions de l'ouverture prévue de l'hôtel WALDORF-ASTORIA à Montréal. Ces mentions proviennent notamment d'articles publiés sur des sites Web canadiens, comme canada.com (The Gazette, 26 juin 2008), d'un communiqué de presse conjoint annonçant le marché conclu (daté du 25 juin 2008) et d'un instantané du site Web de l'architecte montrant l'hôtel proposé.

[22]  M. Eriksen affirme que, en 2008, il y a eu une crise financière mondiale qui a eu un effet néfaste sur le marché immobilier et, en particulier, le marché des logements et des hôtels de luxe. Étant donné que le promoteur n'était pas en mesure de construire la propriété dans les délais envisagés, l'entente a été résiliée par Hilton Worldwide dans des lettres datées du 15 octobre 2013, indiquant la date d'entrée en vigueur de la résiliation du 16 décembre 2013, conformément aux copies des lettres jointes en pièce G de l'affidavit de M. Eriksen.

[23]  M. Eriksen affirme que la Propriétaire et sa prédecesseure en titre ont toujours eu l'intention d'ouvrir un hôtel WALDORF-ASTORIA au Canada pendant la période pertinente. Il affirme que la Propriétaire et sa prédecesseure en titre avaient un contrat valide et en vigueur avec un promoteur pour la construction d'un hôtel WALDORF-ASTORIA au Canada, lequel hôtel devait aussi être construit et devait ouvrir ses portes pendant la période pertinente. Il affirme que c'est [Traduction] « seulement » en raison du défaut de Monit de construire la propriété que l'hôtel WALDORF-ASTORIA n'a pas été construit comme que prévu.

[24]  M. Eriksen conclut son affidavit en affirmant que, bien que le projet original d'hôtel WALDORF-ASTORIA pour Montréal ne soit plus en cours, la Propriétaire participe à l'heure actuelle à des négociations continues à propos de la construction d'un hôtel WALDORF-ASTORIA au Canada.

Les représentations de la Partie requérante

[25]  La Partie requérante a présenté de nombreuses observations en ce qui concerne l'affidavit Eriksen et les pièces qui l'accompagnent. Comme principaux arguments, elle avance ce qui suit :

-  La preuve doit être écartée en grande partie, car elle présente de simples allégations d'emploi plutôt qu'une preuve d'emploi. Les pièces ne contiennent aucun renseignement pertinent sur l'emploi de la Marque, ainsi que l'exige l'article 45.

-  M. Eriksen admet dans son affidavit qu'il n'y a aucun hôtel WALDORF-ASTORIA au Canada.

-  La preuve n'indique pas ni ne confirme que des services de réservation ont été retenus ou fournis au Canada. Toute réservation faite par des Canadiens pourrait avoir été faite à l'extérieur du Canada. De plus, la preuve produite à cet égard constitue du ouï-dire inadmissible.

-  De même, l'offre aux clients qui séjournent dans les hôtels Hilton à l'extérieur du Canada d'adhérer au programme de fidélisation des clients HILTON HHONORS ne constitue pas la fourniture des services visés par l'enregistrement au Canada.

-  En ce qui concerne les circonstances spéciales, les périodes de récession générale en soi ne peuvent justifier le défaut d’emploi d'une marque de commerce. De plus, le fait que la Propriétaire n'a pas procédé à la construction d'un hôtel WADORF-ASTORIA au Canada depuis 2007 confirme le fait qu'il n'y a pas eu emploi de la Marque, ainsi qu'il est exigé au Canada.

[26]  Plus particulièrement, dans ses observations sur les instantanés produits en pièces A, B et C, la Partie requérante soutient que le simple fait qu'un certain nombre de Canadiens consultent chaque année le site Web de la Propriétaire ne constitue pas la fourniture de services hôteliers à ces clients. La Partie requérante établit un parallèle entre la présente espèce et l'affaire Bellagio Limousines c Mirage Resorts Inc (2012) COMC 220 [Bellagio], pour laquelle le registraire a affirmé ce qui suit [Traduction] :

Contrairement aux services de magasin de vente au détail, pour lesquels le registraire et les tribunaux ont reconnu que la technologie a évolué au point tel qu'on peut apprécier l'expérience d'achat au détail sans même devoir quitter son domicile, je ne dispose d'aucune preuve que les services hôteliers ont ainsi évolué. Plus simplement, je suis d'avis qu'une présence « traditionnelle » au Canada est requise pour de tels services hôteliers. Un hôtel ne peut pas être exploité par Internet ou au moyen d'un numéro sans frais; il est contraire au sens commun d'assimiler la possibilité d'effectuer une réservation dans un hôtel à l'exploitation d'un hôtel. En effet, je souligne la décision rendue dans l'affaire Motel 6 c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst), qui indique expressément que [Traduction] « …le fait de recevoir et de confirmer des réservations de chambres de motel aux États-Unis ne constitue pas un emploi de la Marque au Canada en liaison avec des services de motel ». [au paragraphe 17]

[27]  La Partie requérante soutient que, comme l'a conclu le registraire dans cette affaire, en lien avec la question de savoir si l'emploi en liaison avec des services de réservation d'hôtel en l'absence d'un emplacement physique au Canada constitue un emploi en liaison avec des services hôteliers, la simple consultation par les internautes canadiens des sites Web de la Propriétaire ne peut pas remplacer la présence [Traduction] « traditionnelle » requise au Canada. Bien que les hôtels WALDORF-ASTORIA puissent être bien connus des Canadiens, les services de réservation d'hôtel en ligne n'équivalent pas à la fourniture des [Traduction] « services hôteliers » visés par l'enregistrement, à moins que la Propriétaire exploite véritablement un hôtel au Canada.

Les représentations de la Propriétaire

[28]  En réponse à l'argument de la Partie requérante selon lequel un hôtel [Traduction] « traditionnel » est requis au Canada pour que des [Traduction] « services hôteliers » soient fournis, la Propriétaire soutient que cet argument n'est pas étayé par la jurisprudence.

[29]  La Propriétaire soutient que la décision TSA Stores Inc c Canada (2011) 91 CPR (4th) 324 (CF 1re inst) [TSA] établit que si [Traduction] « les Canadiens profitent de ces services [de site Web] », lesquels sont les mêmes ou sont accessoires à ceux fournis dans un magasin de vente au détail, l'emploi d'une marque de commerce déposée sur un tel site Web peut alors étayer l'emploi de cette marque de commerce en liaison avec des services de magasin de vente au détail. En l'espèce, la Propriétaire permet aux Canadiens de réserver des chambres dans les hôtels WALDORF-ASTORIA par divers moyens, et ce, alors que les consommateurs se trouvent physiquement au Canada. La Propriétaire soutient qu'il n'y a aucune différence fonctionnelle entre la réservation et le paiement d'une chambre d'hôtel en ligne ou en personne.

[30]  La Propriétaire soutient également que l'affaire Bellagio se distingue pour au moins les raisons suivantes.

[31]  Premièrement, dans Bellagio, l'enregistrement visait des [Traduction] « hôtels », et non des [Traduction] « services hôteliers », qui sont les services en cause en l'espèce. La Propriétaire soutient que le terme [Traduction] « services hôteliers » englobe clairement les services qui sont accessoires à l'exploitation des hôtels et, tel que souligné dans l'affaire TSA, la Loi n'établit aucune distinction entre l'emploi en liaison avec des services principaux et l'emploi en liaison avec des services accessoires ou secondaires.

[32]  Deuxièmement, dans Bellagio, l'enregistrement visait non seulement des [Traduction] « hôtels », mais également des services de réservation d'hôtel et de casino. Le registraire a conclu à l'emploi de la marque de commerce en liaison avec ces services de réservation devant des faits semblables. La Propriétaire soutient que, dans Bellagio, le registraire n'a pas été en mesure de conclure que la même preuve établissait l'emploi en liaison à la fois avec des [Traduction] « hôtels » et des « services de réservation » alors que chacun d'entre eux était énoncé de manière indépendante dans l'enregistrement. À l'inverse, l'enregistrement de la marque WALDORF-ASTORIA vise des [Traduction] « services hôteliers » seulement.

[33]  Troisièmement, dans Bellagio, le registraire a souligné que, contrairement à l'affaire Borden Ladner Gervais LLP c WestCoast Hotels, Inc (2006) 53 CPR (4th) 361 (COMC) [Westcoast] (examinée davantage ci-dessous), dans laquelle le propriétaire inscrit offrait des services liés à un programme de fidélisation, il n'y avait aucune preuve dans l'affaire Bellagio de tels services. En l'espèce, la Propriétaire fait valoir que des services liés à un programme de fidélisation, lequel compte 400 000 membres canadiens, sont offerts par le groupe Hilton.

[34]  La Propriétaire soutient également qu'il n'est pas rare que la prestation d'un service particulier évolue au fil du temps. Par exemple, on a toujours considéré que les [Traduction] « services de magasin de vente au détail » renvoyaient à un emplacement [Traduction] « traditionnel » dans lequel des produits étaient vendus. Cependant, il est maintenant bien établi en droit que d'autres activités (comme l'exploitation d'un site Web) peuvent permettre d'établir l'emploi d'une marque de commerce en liaison avec des [Traduction] « services de magasin de vente au détail ». La Propriétaire soutient que, de la même façon, de nos jours, une [Traduction] « chambre d'hôtel » physique n'est qu'un aspect des [Traduction] « services hôteliers ». D'autres services sont maintenant offerts, permettant notamment de faire un paiement anticipé pour une chambre afin d'obtenir un rabais et d'accumuler des « points » dans le cadre de programmes de fidélisation.

[35]  S'appuyant sur la décision TSA, la Propriétaire soutient qu'elle a produit une preuve convaincante qui démontre que la signification habituelle de [Traduction] « services hôteliers » va au-delà de l'offre d'une chambre physique. La Propriétaire prétend que cette signification élargie n'a pas été contestée dans Bellagio.

[36]  De même, la Propriétaire cite la décision rendue dans l'affaire Venice Simplon-Orient-Express, Inc c Société Nationale des Chemins de fer Français SNCF (2000) 9 CPR (4th), 443 (COMC) [Venice Orient-Express], dans laquelle le registraire a affirmé ce qui suit [Traduction] :

[…], l'une des principales questions à trancher dans la présente procédure est de décider si l'expression « services de voyage, nommément service de transport de passagers par train », qui figure dans l'état des services de l'enregistrement, doit recevoir une interprétation étroite, c'est-à-dire « l'exploitation d'un train » ou une interprétation plus large, soit « tous services ou activités accessoires accomplis pour le transport de passagers par train et dont l'exploitation d'un train ne représente qu'une dimension. » [sic]

La Loi ne donne aucune définition des « services ». Elle n'établit donc pas de distinction entre des services primaires, connexes ou accessoires. Il suffit qu'il s'agisse de services et selon la jurisprudence, il semble que, dans la mesure où des membres du public, des consommateurs ou des acheteurs bénéficient d'une activité, il s'agit d'un service. À cet égard, voir Kraft Limited c. Registraire des marques de commerce, 1 C.P.R. (3d) 457, Anheuser-Bush, Inc. c. Carling O'Keefe of Canada Ltd., 4 C.P.R. (3d) 216 et Saks & Co. c. Registraire des marques de commerce, 24 C.P.R. (3d) 49.

Je suis incliné à convenir avec l'avocat du propriétaire inscrit que l'expression « service de transport de passagers par train », même au singulier, est pleinement significative et comprend plus que l'exploitation d'un train. À mes yeux, l'expression suggère un certain nombre d'idées et je ne vois pas pourquoi il faudrait en donner une interprétation restrictive.

[37]  La Propriétaire soutient également que, dans WestCoast, le registraire a conclu que l'emploi de la marque de commerce déposée en liaison avec des services de réservation et un programme de fidélisation constituait un emploi de la marque de commerce en liaison avec des [Traduction] « services d’hôtel ». En particulier, la Propriétaire souligne le passage suivant à la page 367 [Traduction] :

À mon avis, les mots « services d’hôtel » ne devraient pas non plus recevoir une interprétation étroite et j’accepte que les services de réservation et les services liés à un programme de fidélisation constituent des services d’hôtel. De plus, je suis convaincue que ces services ont été fournis au Canada en liaison avec la marque de commerce WESTCOAST par l’inscrivante durant la période pertinente de trois ans…

[38]  La Propriétaire soutient que, dans Bellagio, le registraire s'est fondé, en partie, sur l'affaire Motel 6, pour laquelle il a été conclu que [Traduction] « le fait de recevoir et de confirmer des réservations de chambres de motel aux États-Unis ne constitue pas un emploi de la Marque au Canada en liaison avec des services de motel ». Cependant, elle souligne que, dans la décision WestCoast, le registraire a tenté d'établir une distinction avec l'affaire Motel 6 à plusieurs égards, affirmant ce qui suit [à la page 366] [Traduction] :

  1. Dans une procédure prévue à l’article 45, le fardeau de la preuve est beaucoup plus léger que dans une procédure prévue à l’article 57, car l’article 45 n’est pas censé être une procédure contradictoire mais bien une procédure sommaire permettant d’éliminer du registre des marques de commerce qui ne sont plus employées. […]

  2. Dans la présente affaire, il était possible de faire des réservations à partir du Canada par l’intermédiaire de Coast qu’on peut considérer comme une mandataire de l’inscrivante située au Canada.

  3. L’inscrivante actuelle avait clairement un service de réservation central.

  4. L’inscrivante actuelle s’est bel et bien adressée au public canadien, par exemple en distribuant des bulletins.

  5. Outre les services de réservation, l’inscrivante a offert des services d’un programme de fidélisation à des résidents canadiens.

  6. Dans la présente affaire, les gens peuvent bénéficier des services de l’inscrivante tout en résidant au Canada.

[39]  La Propriétaire soutient que ces facteurs s'appliquent également à la présente espèce. En particulier, elle souligne qu'il s'agit d'une procédure prévue à l'article 45, et non d'une procédure prévue à l'article 57; qu'il est possible de faire des réservations au Canada; que la Propriétaire a un service de réservation central; que la Propriétaire s'adresse au public par l'intermédiaire de son site Web et d'autres moyens publicitaires; que la Propriétaire offre des services liés à un programme de fidélisation aux résidents canadiens; et que les Canadiens bénéficient des services de la Propriétaire tout en résidant au Canada.

[40]  La Propriétaire soutient également que les faits de la présente espèce se distinguent de ceux de l'affaire Fetherstonhaugh & Co c Supershuttle International, Inc 2014 COMC 155 [Supershuttle], étant donné que l'enregistrement dans cette affaire ne visait pas des [Traduction] « services hôteliers », mais plutôt des [Traduction] « services de transport terrestre de passagers d’aéroport ». La Propriétaire soutient que, comme l'a souligné la Cour fédérale en appel, [Traduction] « il est largement reconnu que l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec un service doit être apprécié au cas par cas » [2015 CF 1259 au para 41]. En outre, dans la décision sous-jacente du registraire, il a été conclu que [Traduction] « il faut donner aux services décrits dans l'enregistrement leur signification habituelle et les interpréter conformément au sens commun » [au para 31].

[41]  La Propriétaire soutient que la [Traduction] « signification habituelle » de « services hôteliers » est les services généralement offerts par un hôtel, qui doivent inclure les services de réservation et de paiement et ceux liés à la promotion et à la gestion des hôtels. Elle fait valoir que cela est fondamentalement différent de services comme des [Traduction] « hôtels » ou « l'exploitation d'un hôtel », pour lesquels la signification habituelle peut se limiter à l'exploitation d'un hôtel [Traduction] « traditionnel ».

[42]  La Propriétaire souligne que, dans une décision rendue en Australie en 2013, devant des faits semblables, l'enregistrement de la Propriétaire visant des [Traduction] « services hôteliers » a été maintenu. Elle soutient que la décision australienne était compatible avec les décisions rendues dans TSA, WestCoast et Venice-Orient-Express au Canada, alors qu'un hôtel traditionnel physique en Australie n'était pas requis pour conclure à l'emploi en Australie en liaison avec des services hôteliers.

[43]  La Propriétaire soutient aussi que, contrairement à l'observation de la Partie requérante selon laquelle la preuve n'indique pas ni ne confirme que des services de réservation ont été retenus ou fournis au Canada, M. Eriksen affirme que 50 000 clients ayant une adresse canadienne ont fait des réservations pour séjourner dans les hôtels WALDORF-ASTORIA pendant la période pertinente et que les recettes totales tirées de la location de chambres pendant la même période à des clients canadiens se sont élevées à environ 50 000 000 $. De ces réservations, quelque 1 300 réservations ont été payées lorsque les réservations ont été faites [Traduction] « au Canada », et une confirmation du paiement a été envoyée à ces clients au Canada. En outre, étant donné que ces paiements étaient non remboursables, la Propriétaire soutient que cela constitue une preuve de l'achat de [Traduction] « services hôteliers » au Canada pendant la période pertinente. Encore une fois, tel qu'il est décrit ci-dessus, la Propriétaire offre aussi un programme de fidélisation des clients, HILTON HHONOR; la Propriétaire souligne que les membres ont des avantages comme la réservation et l'enregistrement rapides, le départ tardif, le départ express et le gain de « points » en vue de séjours gratuits, notamment dans les hôtels WALDORF-ASTORIA.

[44]  À titre subsidiaire, la Propriétaire soutient que, même s'il n'y a pas eu [Traduction] « emploi » pendant la période pertinente, il existe des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi.

[45]  En réponse à l'argument de la Partie requérante voulant que les périodes de récession ne puissent en soi constituer des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi, la Propriétaire soutient que ce n'est pas ce qu'elle prétend.

[46]  La Propriétaire soutient qu'il est [Traduction] « incontestable » que la Propriétaire [Traduction] « avait une intention sérieuse d'employer la [Marque] pendant la période pertinente, de sorte que le seul sujet de contestation est celui de savoir si les raisons du défaut d'emploi étaient indépendantes de la volonté de la [Propriétaire] ».

[47]  À cet égard, la Propriétaire souligne que, en 2007, avant la période pertinente, elle a entamé des négociations avec un tiers pour la construction d'un hôtel WALDORF-ASTORIA au Canada. Les négociations se sont terminées en 2008, la date d'achèvement prévue étant 2011. En raison de la crise financière de 2008, le promoteur n'a pas été en mesure d'obtenir du financement, et cette situation s'est poursuivie jusqu'en 2013. Pendant ce temps, compte tenu de ses obligations contractuelles, la Propriétaire dépendait du promoteur. En raison des délais et des coûts liés à la construction d'un hôtel de luxe, la Propriétaire soutient qu'il n'était pas indiqué pour elle d'entamer des négociations avec un autre tiers tant qu'il ne serait pas évident que cette entente serait résiliée. Ce n'est qu'une fois que l'entente a effectivement été résiliée, en décembre 2013, que la Propriétaire a été en mesure de rechercher activement un nouveau promoteur.

[48]  Par conséquent, la Propriétaire soutient que le retard dans la construction d'un hôtel WALDORF-ASTORIA est clairement attribuable à l'incapacité du promoteur d'obtenir du financement pendant une crise financière, ce qui était indépendant de la volonté de la Propriétaire.

Analyse

La Propriétaire a-t-elle établi l'emploi de la Marque au Canada en liaison avec des [Traduction] « services hôteliers » au sens des articles 4 et 45 de la Loi?

[49]  Je souligne que les représentations écrites des parties recoupaient apparemment la décision datée du 23 décembre 2015 rendue par cette Commission dans l'affaire Stikeman Elliott LLP c Millennium & Copthorne International Limited 2015 COMC 231 [M Hotel], concernant une procédure prévue à l'article 45 engagée à l'égard de l'enregistrement relatif à la marque de commerce M HOTEL & Dessin en liaison avec des [Traduction] « services hôteliers et services de réservation en rapport avec des hôtels ».

[50]  Comme en l'espèce, il apparaissait clairement qu'il n'y avait aucune présence physique au Canada d'un M Hotel, lequel était situé à Singapour. En accord avec la décision rendue dans l'affaire Bellagio, le registraire a conclu que le propriétaire avait établi l'emploi de la marque de commerce M Hotel en liaison avec des [Traduction] « services de réservation en rapport avec des hôtels », mais pas en liaison avec des [Traduction] « services hôteliers », au sens des articles 4 et 45 de la Loi. Pour en arriver à cette conclusion, le registraire a examiné à fond la jurisprudence précitée par la Propriétaire en l'espèce et les services [Traduction] « accessoires » connexes comme suit [Traduction] :

[32] La Propriétaire [Millenium & Copthorne International Limited] se compare favorablement au propriétaire inscrit dans Orient-Express, supra. Dans Orient Express, la Cour fédérale a rejeté un appel d'une décision du registraire [(1995), 64 CPR (3d) 87 (COMC)] dans laquelle le registraire avait jugé que les services en question, des [Traduction] « services de voyage, nommément services de transport de passagers par train » englobaient des services tels que [Traduction] « la vente de billets de train et la réservation de sièges dans un train ». Dans cette décision, le registraire s'était appuyé sur les termes « accessoires » et « secondaires » utilisés dans Kraft Ltd c le Registraire des marques de commerce (1984), 1 CPR (3d) 457 (CF 1re inst) pour donner une interprétation large aux services visés par l'enregistrement, et avait formulé l'observation suivante : [Traduction] « à mes yeux, l'expression suggère un certain nombre d'idées et je ne vois pas pourquoi il faudrait interpréter cette expression de façon restrictive » [à la page 90].

[33] Cependant, je ne considère pas que Orient Express appuie le principe voulant que la possibilité de réserver certains services ou de payer pour certains services à partir du Canada équivaut à l'exécution de ces services au Canada. La décision de la Cour fédérale dans cette affaire confirme seulement le caractère raisonnable de la décision du registraire dans le contexte de la preuve d'emploi qui avait été produite par rapport à la combinaison de services qui était en cause. À cet égard, je souligne que la Cour fédérale, dans cette affaire, n'a pas adopté le raisonnement du registraire en soi. Elle a plutôt formulé les observations suivantes, au paragraphe 10 :

Le terme « services » a reçu une interprétation large dans Saks & Co. c Canada (Registraire des marques de commerce) (1989), 24 C.P.R. (3d) 49 (CF 1re inst). Dans cette affaire, Saks n'avait pas de magasin au Canada, mais recevait du Canada des commandes postales et téléphoniques de marchandises. Dans ce cas, les services étaient fournis sans que les clients canadiens n’aient à quitter le Canada. À mon avis, les mots « services de voyage, nommément des services de transport de passagers par train » ne devraient pas recevoir une portée plus étroite. Il était donc raisonnable de conclure que la prestation au Canada par une agence de voyages de services de réservation et de vente de billets constituait la prestation au Canada de tels services par le propriétaire inscrit.

[34] À mon avis, la Cour n'a pas explicitement adhéré au raisonnement du registraire dans cette affaire, elle a seulement admis que des [Traduction] « services de voyage, nommément des services de transport de passagers par train » pouvaient être interprétés largement de manière à englober les services de type agences de voyages qui étaient véritablement décrits dans la preuve.

[35] À ce titre, bien que la Cour fédérale, dans Orient Express, ait rejeté l'appel de la décision du registraire, elle n'a pas déclaré invalides les principes énoncés dans Marineland, supra, et dans Motel 6, supra, à l’égard de ce qui constitue l'exécution de services au Canada. En effet, plus récemment, la Cour fédérale a cité Marineland favorablement tout en donnant à Orient Express une interprétation étroite [voir Express File Inc c HRB Royalty Inc (2005), 2005 CF 542, 39 CPR (4th) 59 (CF)].

[36] Bien que Orient Express soit souvent citée à titre de décision confirmant le principe selon lequel les services devraient être interprétés de façon large, le principe fondamental énoncé dans Kraft concerne les activités qui peuvent constituer un service; il ne sous-entend pas que toute activité peut équivaloir à l'exécution d'un service donné. De plus, la Cour d’appel fédérale a reconnu que l’interprétation large de services a des limites [voir, par exemple : Boutique Limité Inc c Limco Investments, Inc (1998) 84 CPR (3d) 164 (CAF), dans laquelle le fait qu'un magasin des États-Unis fournissait des remboursements à des Canadiens a été jugé insuffisant pour justifier le maintien au Canada d'un enregistrement visant des [Traduction] « services de magasin de détail de vêtements pour femmes »].

[37] De façon similaire, je ne considère pas que la décision dans TSA s’applique en l’espèce. La décision dans TSA concernait l’exécution de services de magasin de détail et a été rendue dans la foulée d’une série de décisions ayant clairement établi qu’une présence physique au Canada n’est pas nécessaire pour établir l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec de tels services. Par exemple, l’exploitation d’un site Web de vente au détail ou d’un simple numéro sans frais peut s’avérer suffisant [selon Law Office of Philip B Kerr c Face Stockholm Ltd (2001) 16 CPR (4th) 105 (COMC); et Saks, supra]. À ce titre, la question dans TSA était de savoir à partir de quel seuil les services fournis pouvaient être considérés comme équivalant à l’exécution de [Traduction] « services de magasin de détail » au Canada.

[38] Cependant, contrairement à de [sic] services de magasin de détail, un hôtel ne peut pas être exploité par Internet ou par téléphone; il est contraire au sens commun d'assimiler la possibilité d'effectuer une réservation dans un hôtel à l'exploitation d'un hôtel [voir Bellagio, supra, au paragraphe 17]. En effet, dans Motel 6, la Cour fédérale a clairement indiqué que [Traduction] « … le fait de recevoir et de confirmer des réservations de chambres de motel aux États-Unis ne constitue pas un emploi de la Marque au Canada en liaison avec des services de motel » [à la page 57].

[39] Cette idée va également de pair avec l'importance fondamentale que revêt le concept d'« emploi » en droit des marques de commerce au Canada, c'est-à-dire qu'une marque de commerce doit être employée au Canada pour que son propriétaire ait le privilège de l'exclusivité. Bien qu'un propriétaire de marque de commerce étranger puisse faire enregistrer sa marque de commerce au Canada (p. ex. en vertu de l'article 16(2) de la Loi) et ainsi bénéficier des avantages que confère l'enregistrement, le maintien de son enregistrement est conditionnel à l'emploi de la marque au Canada.

[40] Nonobstant l’emploi des termes « principaux », « accessoires » ou « secondaires » dans certaines décisions faisant jurisprudence, ces termes ne sont pas employés dans la Loi et encore moins définis. L'idée dans Kraft est qu'il n'est pas nécessaire de faire une distinction entre des services « accessoires », « secondaires » ou « principaux », pour déterminer ce qui constitue un « service » au sens de la Loi. Partant, l'emploi de ces termes lorsqu'il s'agit de déterminer si une activité donnée équivaut à un service visé par un enregistrement est tout aussi injustifié. Au regard de la Loi, un tel exercice est pratiquement dépourvu de fondement et mène inévitablement à des arguments et à des résultats absurdes.

[41] L'article 30 de la Loi prévoit plutôt que les services doivent être décrits dans les termes ordinaires du commerce et la question de savoir si une marque de commerce a été employée en liaison avec les services visés par l'enregistrement doit être décidée en fonction des faits propres à chaque espèce [Express File, supra]. Par conséquent, il faut donner aux services visés par l'enregistrement leur signification habituelle et les interpréter conformément au sens commun.

[42] En l’espèce, la Propriétaire semble confondre l’offre de services de réservation et l’annonce de son hôtel situé à Singapour avec l’exécution véritable de services hôteliers au Canada. La Marque est peut-être bien connue au Canada. Cependant, le fait d'annoncer des services sur un site Web ne constitue pas l’exécution de ces services. Bien que l’hôtel de la Propriétaire puisse être annoncé au Canada, il ne s'agit pas d'un emploi de la Marque au Canada en liaison avec des [Traduction] « services hôteliers », à moins que la Propriétaire exécute ou soit prête à exécuter ses services hôteliers au Canada.

[43] Cela concorde avec le sens ordinaire des termes employés dans l'état déclaratif des services et avec la preuve qui a été produite. Les services de [Traduction] « prise de réservation, planification et réservation » ne constituent pas des [Traduction] « services hôteliers » et l'enregistrement ne devrait pas être maintenu à cet égard au seul motif que le service qui est véritablement disponible « au Canada » est indirectement lié.

[44] Aucun poids ne devrait être accordé à l'argument voulant que « techniquement parlant » l'exécution d'une certaine activité constitue un emploi. À cet égard, les tribunaux considèrent généralement d'un mauvais œil les activités commerciales symboliques exécutées dans le seul but de protéger des droits de propriété intellectuelle. […]

[45] Maintenir l'enregistrement en l'espèce à l’égard des [Traduction] « services hôteliers » équivaudrait à accorder à la Propriétaire une protection exagérément étendue à l'égard de services qu’elle n'exécute pas véritablement au Canada. Lorsqu'un propriétaire de marque de commerce qui exécute des services dans un autre pays souhaite obtenir et maintenir un enregistrement au Canada en liaison avec la même Marque et les mêmes services, il doit généralement exécuter les services en question de la même manière au Canada; le simple fait d’offrir ces services n'est pas suffisant.

[46] Ce raisonnement est conforme à la récente décision du registraire dans Fetherstonhaugh & Co c Supershuttle, Inc, 2014 COMC 155 [conf 2015 CF 1259]. Dans Supershuttle, le registraire a établi une distinction entre TSA et Orient Express en s'appuyant sur l'idée que ce n’est pas n'importe quelle activité qui peut équivaloir à l'exécution d'un service donné [au paragraphe 25].

[47] À ce titre, je ne dispose d'aucun élément de preuve portant que la Propriétaire a exécuté ou était en mesure d’exécuter des [Traduction] « services hôteliers » au Canada au cours de la période pertinente. […]

[Je souligne.]

[51]  Bien que le principe du stare decisis ne s'applique pas aux décisions rendues par les membres et les agents d'audience qui agissent au nom du registraire, je ne vois aucune raison de ne pas suivre le principe de l'adhésion déférente aux décisions et d'adopter le même raisonnement en l'espèce.

[52]  À cet égard, en ce qui concerne l'argument de la Propriétaire selon lequel les [Traduction] « services hôteliers » ont reçu une interprétation large dans WestCoast, le registraire a souligné dans Bellagio que l'affaire WestCoast été tranchée sur le fondement de ses propres faits et que la preuve dans cette affaire ne se limitait pas à des services de réservation et à des services liés à un [Traduction] « programme de fidélisation », affirmant ce qui suit [au paragraphe 18] [Traduction] :

[…] Je souligne que les « services hôteliers » ont reçu une interprétation large dans Borden Ladner Gervais LLP c WestCoast Hotels Inc (2006), 53 CPR (4th) 361 (COMC). Cependant, je suis d'avis que, malgré les déclarations faites dans cette affaire sur la question de savoir si les services de réservation constituent des « services d’hôtel », l'affaire WestCoast Hotels été tranchée sur le fondement des faits qui lui étaient propres. Je souligne que la preuve a démontré que, au-delà de simples services de réservation, des services liés à un « programme de fidélisation » ont également été exécutés et, plus important encore, que [Traduction] « …il semble qu’à la toute fin de la période pertinente, les Canadiens pouvaient non seulement faire des réservations de chambre d’hôtel au Canada, mais également séjourner dans un hôtel au Canada qui employait la marque WESTCOAST comme marque secondaire ou marque maison » [à la page 367]. Par conséquent, j'estime que l'affaire WestCoast Hotels ne s'applique pas non plus en l'espèce. [Je souligne.]

[53]  Bien que je reconnaisse que, sur le plan scientifique et linguistique, les [Traduction] « services hôteliers » pourraient recevoir une interprétation plus large, je ne suis pas en mesure de conclure que le registraire a eu tort d'affirmer dans l'affaire M Hotel que, dans les « termes ordinaires du commerce », les services de [Traduction] « prise de réservation », de « planification » et de « réservation » ne constituent pas des [Traduction] « services hôteliers ».

[54]  De plus, j'estime que la position adoptée par la Propriétaire, selon laquelle une distinction doit être faite entre des services décrits comme des [Traduction] « hôtels »/« exploitation d'un hôtel » et des [Traduction] « services hôteliers », n'est pas convaincante. À titre d'exemple, selon ma compréhension de la position de la Propriétaire, si la Propriétaire avait deux enregistrements distincts, tous deux relatifs à la Marque, mais l'un visant des [Traduction] « hôtels » et l'autre visant des [Traduction] « services hôteliers », il me faudrait maintenir l'enregistrement visant des [Traduction] « services hôteliers », mais radier l'enregistrement visant des [Traduction] « hôtels » (en l'absence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi).

[55]  Les états déclaratifs des produits et des services doivent être dressés dans les termes ordinaires du commerce et on doit les interpréter ainsi. Il s'agit d'une interprétation téléologique, et non d'une interprétation scientifique. Si quelqu'un dit qu'il offre des [Traduction] « services hôteliers » au Canada, le consommateur moyen s'attend à trouver un hôtel. Si le client doit quitter le Canada pour pouvoir profiter réellement du service, il ne s'agit pas de [Traduction] « services hôteliers ». Tel qu'indiqué dans Bellagio et M Hotel, il est contraire au sens commun d'assimiler la possibilité d'effectuer une réservation dans un hôtel à l'exploitation d'un hôtel. De même, même si l'on peut profiter d'un programme de fidélisation au Canada/à partir du Canada, il ne s'agit pas de l'offre de [Traduction] « services hôteliers ». Les [Traduction] « services hôteliers » ne sont pas les termes ordinaires du commerce pour un programme de fidélisation.

[56]  Par ailleurs, je souligne que cette conclusion est logique du point de vue de l'examen à l'étape de la demande. Si une distinction doit être faite entre des services décrits comme des [Traduction] « hôtels » par rapport à des [Traduction] « services hôteliers », il faudrait que le registraire accepte les [Traduction] « hôtels », mais conteste les [Traduction] « services hôteliers », s'ils recevaient une interprétation large. Cependant, conformément à ses énoncés de pratique, le registraire ne les met pas en doute, pas plus qu'ils ne doivent être mis en doute. En réalité, je souligne que le Manuel des produits et des services de l'OPIC prévoit expressément les termes [Traduction] « services hôteliers » et « hôtels » comme termes préapprouvés, distincts d'autres services liés aux hôtels comme la [Traduction] « réservation d'hôtels », les « services de réservation d'hôtels », la « gestion hôtelière » et la « gérance administrative d'hôtels pour des tiers ».

[57]  En l'espèce, il apparaît clairement que l'exécution des [Traduction] « services hôteliers » de la Propriétaire ne peut être réalisée qu'en voyageant à l'étranger. Bien que les Canadiens puissent réserver les services fournis par la Propriétaire, ils ne peuvent pas profiter de ses services hôteliers sans d'abord quitter le Canada.

[58]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les [Traduction] « services hôteliers » visés par l'enregistrement au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[59]  Par conséquent, la question qui se pose en l'espèce est celle de savoir s'il existait des circonstances spéciales, au titre de l'article 45(3) de la Loi, justifiant le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec les services pendant la période pertinente.

Existait-il des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque?

[60]  Comme l'a indiqué la Cour fédérale dans Gouverneur Inc c The One Group LLC, (2015) CF 128 aux paragraphes 37 à 39 (confirmée sur ce point par The One Group c Gouverneur Inc, (2016) CAF 109, mais infirmée pour d'autres motifs), la question de savoir s'il existait des circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque repose sur une analyse en trois volets [Traduction] :

Premièrement, [le registraire] doit identifier la raison qui explique le défaut d’emploi d’une marque de commerce. Autrement dit, le registraire doit déterminer, à la lumière de la preuve, pourquoi le propriétaire inscrit n’a pas employé sa marque de commerce au cours de la période de trois ans.

Le registraire doit ensuite se demander si les circonstances qui expliquent le défaut d’emploi constituent des « circonstances spéciales ». Pour être considérées comme « spéciales », les circonstances doivent être des circonstances qui ne se retrouvent pas dans la majorité des cas de défaut d’emploi. Elles doivent être inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles.

Troisièmement, si le registraire est satisfait que le défaut d’emploi de la marque de commerce est attribuable à des « circonstances spéciales », il doit ensuite déterminer si ces « circonstances spéciales » justifient le défaut d’emploi. Pour justifier le défaut d’emploi, les circonstances spéciales doivent être telles que, dans le cas d’espèce, la marque de commerce ne devrait pas être radiée. Pour trancher cette question, le registraire doit tenir compte de trois facteurs : la durée de la période de non‑emploi, la question de savoir si le propriétaire inscrit a l’intention de reprendre à brève échéance l’emploi de la marque et, surtout, la question de savoir si le défaut d’emploi était attribuable à des circonstances indépendantes de sa volonté. Ce dernier facteur est essentiel.

[61]  En l'espèce, la position de la Propriétaire est que le défaut d'emploi de la Marque pendant la période pertinente était attribuable au défaut d'un tiers, à savoir le promoteur Monit, de réaliser le projet donné à contrat.

[62]  Tel qu'il est décrit ci-dessus, la Propriétaire était partie à une entente en vue de la promotion et de la gestion d'un hôtel WALDORF-ASTORIA pendant la période pertinente. L'hôtel avait été annoncé, une entente avait été signée, la propriété avait été acquise et des dessins d'architecture avaient été préparés. Cependant, en raison de la crise financière mondiale, le promoteur n'a pas été en mesure de construire la propriété dans les délais prévus et l'entente a été résiliée.

[63]  Plus particulièrement, M. Eriksen explique dans son affidavit que la promotion et la construction d'un hôtel de luxe exigent [Traduction] « de nombreuses années » et « des centaines de millions de dollars ». Par conséquent, [Traduction] « il peut s'écouler une décennie ou plus entre la date à laquelle les négociations sont initialement entamées et la date à laquelle un hôtel est construit ».

[64]  M. Eriksen explique que, compte tenu de l'engagement financier important, il est d'usage dans l'industrie des hôtels de luxe, y compris au Canada, depuis au moins les 10 dernières années, de prévoir qu'une partie de tels projets inclut des composantes résidentielles, généralement des condominiums. Ceci permet au promoteur de vendre les condominiums avant la construction de l'hôtel, générant ainsi un flux de revenus qui aide à obtenir du financement. M. Eriksen affirme que le projet de construction de l'hôtel WALDORF-ASTORIA de Montréal devait se faire selon ce format.

[65]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, M. Eriksen affirme que, en 2008, il y a eu une crise financière mondiale qui a eu un effet néfaste sur le marché immobilier et, en particulier, le marché des logements et des hôtels de luxe. Étant donné que le promoteur n'était pas en mesure de construire la propriété dans les délais requis énoncés dans les ententes, en raison d'un manque de financement, Hilton a résilié les ententes en octobre 2013, la date d'entrée en vigueur de la résiliation étant le 16 décembre 2013.

[66]  Bien que je souligne que M. Eriksen ne l'affirme pas expressément dans son affidavit, la Propriétaire soutient qu'il n'est pas déraisonnable qu'elle n'ait pas conclu d'entente avec un autre tiers tant que le contrat original avec Monit était en vigueur.

[67]  Néanmoins, la décision de la Propriétaire de conclure cette entente et de centrer ses efforts pour établir un hôtel WALDORF-ASTORIA au Canada avec Monit semble avoir été une décision d'affaires volontaire.

[68]  Quoi qu'il en soit, M. Eriksen ne fournit aucun renseignement quant à la manière dont l'engagement financier important nécessaire à la construction et à la promotion d'un hôtel – une condition du marché pour toutes les sociétés de l'industrie de l'accueil – a eu une incidence exceptionnelle sur les activités de la Propriétaire. Il est bien établi que, en général, des conditions de marché défavorables ne font pas partie du genre de circonstances inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles qui constituent des circonstances spéciales [voir, par exemple, Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills, (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF); et John Labatt Ltd c Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst)].

[69]  Je ne suis donc pas convaincue que la Propriétaire a fourni des raisons du défaut d’emploi de la Marque qui puissent constituer des « circonstances spéciales ».

[70]  À titre subsidiaire, je ne serais pas convaincue que les raisons du défaut d’emploi répondent aux trois critères énoncés pour le dernier volet du test formulé dans The One Group.

[71]  De façon générale, lorsque la date du dernier emploi n’est pas fournie, le registraire considère la date de l’enregistrement comme étant la date pertinente aux fins de la détermination de la durée de la période du défaut d'emploi [voir Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Rath, 2010 COMC 34, 82 CPR (4th) 77]. En l’espèce, la Marque a été enregistrée en février 1988, alors que l’avis prévu à l’article 45 a été donné en octobre 2014, ce qui représente plus de 26 ans de défaut d’emploi après l’enregistrement. Exception faite de l'entente conclue avec Monit en 2008, rien n'indique que la Propriétaire a été proactive et a fait preuve de diligence afin de tenter de construire et de promouvoir un hôtel WALDORF-ASTORIA dans les années qui ont suivi l'enregistrement de la Marque.

[72]  En ce qui concerne la question de savoir si la Propriétaire a l'intention de débuter l'emploi à court terme, M. Eriksen affirme ce qui suit au dernier paragraphe de son affidavit [Traduction] :

Bien que le projet original d'hôtel WALDORF-ASTORIA pour Montréal ne soit plus en cours, la [Propriétaire] participe à l'heure actuelle à des négociations continues à propos de la promotion d'un hôtel WALDORF-ASTORIA au Canada. Cependant, pour des raisons d'affaires, notamment les exigences en matière de confidentialité, l'identité des parties et l'emplacement proposé ne peuvent être divulgués.

[73]  Cependant, M. Eriksen ne fournit aucun renseignement sur l'évolution de ces négociations. Il n'y a absolument rien qui indique à quel moment l'emploi de la Marque débuterait. Au mieux, la déclaration de M. Eriksen indique une possibilité que l'emploi de la Marque débuterait à un moment donné dans l'avenir. Bien que je convienne qu'il puisse y avoir des raisons d'affaires et des questions de confidentialité qui empêchent la Propriétaire de divulguer l'identité des parties et l'emplacement proposé, il demeure que l'intention de la Propriétaire de reprendre ou de débuter l'emploi doit être étayée par la preuve [voir Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst); et NTD Apparel Inc c Ryan (2003), 2003 CF 1re inst 780, 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst)]. En l’espèce, la preuve est beaucoup trop vague et n’est pas suffisante pour démontrer une intention sérieuse de débuter à court terme l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les services visés par l’enregistrement.

[74]  En ce qui concerne la question de savoir si les raisons du défaut d'emploi étaient indépendantes de la volonté de la Propriétaire, même si j'admettais que le défaut de Monit de réaliser le projet était indépendant de la volonté de la Propriétaire, je ne suis pas convaincue que le défaut d’emploi de la Marque découlait et dépendait uniquement de circonstances indépendantes de la volonté de la Propriétaire. Comme je l'ai indiqué ci-dessus, l'entente conclue avec Monit a été résiliée par Hilton en 2013 (une année avant la fin de la période pertinente), mais surtout, il n'y a aucune preuve que la Propriétaire a fait des efforts pour établir un hôtel WALDORF-ASTORIA au Canada avant 2007. Vraisemblablement, cela découlait de décisions d'affaires volontaires de la Propriétaire.

[75]  Quoi qu'il en soit, la présente espèce fait ressortir la pertinence du premier critère, soit la période de défaut d'emploi. Bien qu'une courte période de défaut d'emploi puisse être justifiée, la Propriétaire ne peut pas s'appuyer uniquement sur les circonstances malheureuses qui étaient en jeu entre 2008 et 2013. N'eût été le défaut de Monit, la Propriétaire en serait peut-être venue à effectivement employer la Marque pendant la période pertinente. Cependant, cela ne justifie pas la longue période de défaut d’emploi remontant à l'enregistrement de la Marque en 1988.

[76]  Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Propriétaire a établi l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec les [Traduction] « services hôteliers » visés par l'enregistrement pendant la période pertinente au sens de l'article 45(3) de la Loi.

Décision

[77]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera radié selon les dispositions de l’article 45 de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

Aucune audience tenue

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Bereskin & Parr LLP / S.E.N.C.R.L., S.R.L.  POUR LA PROPRIÉTAIRE

 

Miller Thomson LLP  POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

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