Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2017 COMC 8

Date de la décision: 2017-01-20

DANS L'AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Vitamin Health, Inc.

Opposante

et

 

Santé Naturelle A.G. Ltée

Requérante

 

 

 

 



1,534,056 pour NeoFlex

 

Demande

 

 

Introduction

[1]  Santé Naturelle A.G. Ltée (la Requérante) a produit le 30 juin 2011 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce NeoFlex (la Marque) portant le no 1,534,056.

[2]  La demande est fondée sur un emploi projeté de la Marque au Canada. La demande d’enregistrement couvre les produits suivants:

Produits naturels de santé sous forme de capsules, comprimés, gélules, sachets, tisanes, pastilles, gummies, liquides, ampoules et sirops, crèmes et onguents, contenant des extraits de plantes et herbes séchées, des extraits de plantes et herbes concentrées, des extraits de plantes et herbes normalisées, des suppléments de vitamines et de minéraux, des suppléments alimentaires comprenant du sulfate de glucosamine, du collagène de type 2, de l'acide hyaluronique, du MSM, de la coenzye Q10, de l'acide alpha-lipoïque, de la chondroïtine, des extraits de membrane de coquille d'oeuf, des extraits de pépins de raisin, visant le maintien d'une bonne santé articulaire, pour le soulagement des douleurs reliées à l'arthrite et à l'arthrose, pour la formation de cartilages sains, pour la réduction de l'inflammation, la réparation des cartilages, le ralentissement de la progression de l'arthrose, pour soulager les douleurs lombaires, les douleurs arthritiques et les troubles rhumatismaux (les Produits).

 

[3]  La demande d’enregistrement fut annoncée le 22 février 2012 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition.

[4]  Vitamin Health, Inc. (l’Opposante) a produit le 23 juillet 2012 une déclaration d’opposition soulevant les motifs d’opposition fondés sur les articles 16(3) et 2 (caractère distinctif) de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T-13 (la Loi). Ces motifs sont fondés essentiellement sur la prémisse qu’il y a eu emploi antérieur par l’Opposante au Canada de la marque NEOFLEX en liaison avec des suppléments nutritionnels et diététiques pour les os et joints.

[5]  La Requérante a produit le 22 octobre 2012 une contre-déclaration niant tous et chacun des motifs d’opposition plaidés par l’Opposante.

[6]  L’Opposante a produit les affidavits de M. Aaron Shepherd daté du 20 février 2013 et de M. Zhengxiao Yang daté du 22 février 2013. M. Shepherd a été contre-interrogé et la transcription fait partie du dossier.

[7]  La Requérante a produit l’affidavit d’Audrey Couture souscrit le 27 mars 2014. Mme Couture fut contre-interrogée et la transcription fait également partie du dossier.

[8]  Les parties ont produit chacun un plaidoyer écrit et elles étaient représentées lors de l’audience.

[9]  Pour les raisons plus amplement décrites ci-après, je repousse la demande d’enregistrement.

Remarques préliminaires

[10]  Il est à noter que les originaux des affidavits de MM. Yang et Shepherd n’ont pu être retracés et l’Opposante, à la demande du registraire, a produit une copie de ces affidavits. La Requérante a eu l’opportunité de consulter ces copies et, à l’audience, elle s’est déclarée satisfaite du fait que ces copies correspondaient aux copies qui lui avaient été signifiées lors de la production de la preuve de l’Opposante. C’est sur la base de ces copies que la preuve de l’Opposante a été analysée.

[11]  J’ai pris connaissance de toute la preuve versée au dossier et identifiée ci-haut. Toutefois, je me référerai uniquement à ce que je considère pertinent pour les fins de ma décision.

[12]  Je partage l’opinion de la Requérante lorsqu’elle soumet dans son plaidoyer écrit :

La marque de la Requérante est identique du point de vue phonétique et sémantique à la marque alléguée de l’Opposante et similaire au niveau visuel. Les produits sont similaires. La question centrale est donc de déterminer si l’Opposante a des droits antérieurs au 30 juin 2011 à faire prévaloir pour contrer l’enregistrement de la marque de la Requérante.

[13]  Essentiellement, la Requérante soutient que l’emploi de la marque de commerce NEOFLEX par l’Opposante au Canada ne respecte pas la législation canadienne pertinente règlementant l’importation et la vente au Canada des produits naturels. Ainsi, cet emploi ne lui serait pas opposable. Si je ne retiens pas les arguments de la Requérante, l’opposition sera accueillie.

Fardeau de la preuve

[14]  Dans le cadre de la procédure en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, c’est à la requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi. Toutefois, l’opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu'un fardeau de preuve initial soit imposé à l'opposante signifie qu'un motif d'opposition sera pris en considération que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155 (CAF); et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company 2005 CF 722, 41 CPR (4th) 223].

Dates pertinentes

[15]  Les dates pertinentes pour chacun des motifs d’opposition soulevés par l’Opposante sont :

·  La date de production de la demande d’enregistrement (30 juin 2011) pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’article 16(3) de la Loi [voir l’article 16 (3) de la loi];

·  La date de production de la déclaration d’opposition (23 juillet 2012) pour le motif fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque [voir Andres Wines Ltd c E&J Gallo Winery (1975), 25 CPR (2d) 126 (CAF) et Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

[16]  La différence d’à peine un an entre ces dates n’aura aucune incidence sur l’analyse de l’argumentaire proposé par la Requérante.

La preuve de l’Opposante

  Affidavit de M. Yang

[17]  M. Yang était étudiant à l’emploi des agents de l’Opposante au moment de la signature de son affidavit. Il explique que le 19 février 2013 il a signalé le numéro 1-800-NEOFLEX (636-3529). Il reproduit ce qu’il a entendu comme message préenregistré. Il a rappelé le même numéro et a utilisé une autre option afin de pouvoir parler à un agent.

[18]  M. Yang affirme que l’agent lui a alors expliqué qu’il était possible de commander par téléphone les produits identifiés sur le site web de l’Opposante tels que «Neoflex-Glucosamine» et «Neoflex- Calcium Supplement» aux prix indiqués sur le site web, qu’il pouvait payer par carte de crédit et que la commande pouvait être livrée au Canada à l’intérieur d’un délai de 7 à 14 jours ouvrables.

[19]  M. Yang affirme qu’il a par la suite visité le site web situé à l’adresse www.neflex.com le 21 février 2013 et il produit comme pièce A à son affidavit les pages de ce site.

[20]  Je vais traiter immédiatement de l’argument soulevé par la Requérante voulant que le contenu de l’affidavit de M. Yang serait non pertinent, car les événements décrits ont eu lieu après l’une ou l’autre des dates pertinentes.

[21]  À cet argument, l’Opposante répond que des faits survenus après les dates pertinentes peuvent démontrer que les activités commerciales de l’Opposante ont eu lieu dans le cours normal des affaires [voir JC Penney Co c Gaberdine Clothing Co 2001 CFPI 1333, 16 CPR (4th) 151 (CF 1re inst)]. Bien que la Requérante plaide que les ventes mises en preuve par l'Opposante ne peuvent être considérées comme ayant été effectuées dans le cours normal des affaires, ces arguments sont d'ordre technique et je les aborderai plus tard. À tout événement, je ne crois pas que la continuité des activités commerciales de l’Opposante soit un enjeu dans ce dossier.

[22]  Je constate que dans JC Penney Co il y avait, tout comme dans le présent dossier, de la preuve d’emploi de la marque de l’opposante avant la date pertinente. La Cour fédérale a accepté la preuve de ventes postérieures à la date pertinente pour conclure qu’il y avait eu emploi de la marque de commerce dans le cours normal du commerce.

[23]  Dans notre situation, l’affidavit de M. Yang ne constitue pas une preuve de l’emploi de la marque de commerce de l’Opposante au sens de l’article 4(1) de la Loi. Je ne retiens pas la preuve présentée par M. Yang pour cette raison.

Affidavit de M. Shepherd

[24]  M Shepherd est le Président et CEO de l’Opposante, une entreprise située au Michigan aux États-Unis. Il affirme que l’Opposante distribue et fait la promotion de produits nutritionnels depuis 2003. Il explique que l’Opposante possède deux lignes principales de produits : des suppléments en liaison avec la marque VITEYES et des suppléments nutritionnels pour les joints et les os en liaison avec la marque NEOFLEX.

[25]  M. Shepherd explique que l’Opposante emploie, entre autres, deux marques de commerce soit NEOFLEX et NEOFLEX & Dessin. Il affirme que l’Opposante a employé et continue d’employer la marque NEOFLEX aux États-Unis et au Canada en liaison avec : des produits de santé neutraceutiques et naturels sous forme de capsule ou poudre, incluant des suppléments nutritionnels contenant du calcium, vitamine D, glucosamine, chondroïtine, ou methylsulfonylmethane (MSM); des récipients pour l’entreposage de pilules; et des services de ventes en ligne, par téléphone et par commande postale de produits naturels neutraceutiques (collectivement appelé les produits et services de l’Opposante).

[26]  M. Shepherd produit comme pièce A des extraits du site web de l’Opposante sur lesquels on retrouve des informations sur les produits NEOFLEX suivants:

  • NEOFLEX Glucosamine, Chondroitin, capsules de MSM;

  • NEOFLEX coquillage et sans Glucosamine, Chondroitin, et poudre MSM;

  • NEOFLEX Calcium et Vitamine D Supplément; et

  • NEOFLEX/VITEYES contenant pour pilules.

 

[27]  M. Shepherd produit également comme pièce B des épreuves d’étiquettes portant la marque NEOFLEX pour les produits NEOFLEX ci-haut énumérés qui sont représentatives des étiquettes employées par l’Opposante, incluant au Canada, depuis novembre 2003. La pièce C est composée de photos de bouteilles portant la marque NEOFLEX.

[28]  M. Shepherd allègue que l’Opposante a enregistré la marque NEOFLEX aux États-Unis et il produit une copie du certificat d’enregistrement comme pièce D. Toutefois, cet enregistrement n’est pas vraiment pertinent pour les fins du présent dossier [voir Quantum Instruments Inc c Elinca SA (1995), 60 CPR (3d) 264 (COMC)].

[29]  Concernant la publicité et la promotion au Canada des produits NEOFLEX, M. Shepherd produit des extraits de trois sites web que l’Opposante opère (pièces E, F et G). Ces sites web sont disponibles pour consultation depuis au moins 2005 et, par l’entremise du site WayBack Machine, il produit des extraits de ces sites remontant à la période de 2007 à 2012 comme pièces H, I et J. La marque NEOFLEX apparaît sur ces extraits. Il affirme que tous ces extraits sont représentatifs de la façon dont la marque NEOFLEX apparaissait sur les sites web de l’Opposante.

[30]  M. Shepherd produit une copie d’une brochure, pièce L, incluse avec l’envoi de produits portant la marque VITEYES, faisant la promotion des produits NEOFLEX. Il produit à cet effet une facture pour l’achat de produits portant la marque VITEYES dans laquelle facture il est fait référence à l’inclusion de cette brochure, pièce L.

[31]  M. Shepherd fournit les montants dépensés pour la promotion des produits NEOFLEX depuis 2006, mais ces chiffres concernent les dépenses encourues à travers le monde. Il n’y a pas de montants spécifiés pour le Canada uniquement.

[32]  M. Shepherd énumère les différentes foires commerciales auxquelles l’Opposante a participé pour faire la promotion des produits NEOFLEX et ce depuis novembre 2006. Il produit des photos du kiosque de l’Opposante à deux de ces foires commerciales (pièces M et N). Toutefois, tous ces événements se sont déroulés aux États-Unis.

[33]  M. Shepherd fournit une liste partielle des membres de l’American College of Rheumatology (pièce O) et de l’American Academy of Orthopedic Surgeons (pièce P) dans lesquelles y apparaissent des noms et adresses de membres canadiens.

[34]  M. Shepherd affirme que la vente de produits et services NEOFLEX à des Canadiens, depuis au moins 2005, peut se faire en ligne, par téléphone et par commande postale. Il produit un extrait du site web de l’Opposante comme pièce Q démontrant que le Canada est un pays où la livraison de ces produits peut se faire. Il mentionne que depuis 2009, le site web de l’Opposante a reçu 769 visites d’adresses IP canadiennes.

[35]  M. Shepherd ajoute que les produits NEOFLEX sont également vendus dans des cliniques médicales ou centres de santé, mais aucun point de vente au Canada n’a été identifié.

[36]  M. Shepherd fournit les chiffres des ventes annuelles mondiales pour la période de 2006 à 2012 qui varient entre 29,000 $ US et plus de 107,000 $ US sans toutefois préciser le montant des ventes au Canada.

[37]  M. Shepherd produit un autre extrait du site web de l’Opposante pour démontrer qu’il existe un formulaire pour passer une commande postale à partir du Canada pour les produits NEOFLEX (pièce R).

[38]  Finalement, M. Shepherd produit comme pièce S trois factures émises à des Canadiens pour la vente de produits NEOFLEX au Canada, toutes antérieures aux dates pertinentes identifiées auparavant, la plus ancienne facture remontant à février 2009.

[39]  Lors de son contre-interrogatoire, M. Shepherd a indiqué que :

  • c’est depuis 2002 et non 2003 que l’Opposante distribue des produits nutritionnels et neutraceutiques;

  • les fournisseurs de l’Opposante se conforment aux normes américaines, mais il ne sait pas s’ils se conforment aux normes canadiennes (page 10);

  • l’Opposante a deux fournisseurs pour les trois produits NEOFLEX (page 13);

  • les trois produits NEOFLEX sont:

    1. «Glucosamine chondroitin MSM pills»

    2. «Shellfish-free glucosamine chondroitin MSM powder»

    3. «Calcium and vitamin D supplement» (pages 19-20);

  • les deux étiquettes (pièce B) ont été utilisées depuis 2003 (page 23);

  • Santé Canada n’a pas émis un numéro de produit NPN pour les produits NEOFLEX (page 29);

  • il ne sait pas si une demande d’autorisation à Santé Canada pour la vente des produits NEOFLEX a été soumise (page 30);

  • il admet qu’il n’y a pas de ventes de produits NEOFLEX sur les factures produites comme pièce K;

  • si le consommateur achète directement de l’Opposante, il est responsable du respect des règles du pays où seront acheminés les produits (page 44).

 

[40]  La Requérante s’est opposée à la production de six factures additionnelles aux trois factures produites comme pièce S, et annexées aux réponses aux engagements pris lors du contre-interrogatoire de M Shepherd. La Requérante plaide qu’elle n’avait pas demandé comme engagement la production de ces factures supplémentaires. Pour comprendre la position de la Requérante,  je reproduis les passages pertinents du contre-interrogatoire à ce sujet :

133   Q. Is it fair to say that the three invoices that we can see as Exhibit S of your affidavit are the invoices that you found dated before June 30, 2011 concerning the NEOFLEX products in Canada?

A. We didn’t do an extensive search for every product that we sold in Canada, so I don’t know the answer to that question.

134  Q. You don’t know the answer?

  A. No.

136  Q. So, who made the retrieval of the invoices?

  A. Well, we just provided some examples of invoices.

137  Q. Okay. So, you have others, or you don’t?

  A. I don’t know.

141  Q. Okay. Can you please undertake to confirm that these invoices are the only ones that you found when you prepared the affidavit?

  Ms. Joshi-Lomaga: We will take that under advisement. (Mes soulignements)

 

[41]  Lors de l’audience, l’Opposante a simplement mentionné que la question 141 avait été formulée au temps présent. Ce qui a été demandé comme engagement était de confirmer que les trois factures, pièce S, sont les seules que M. Shepherd avait trouvé quand il a préparé son affidavit. Donc, l’engagement visait le moment où M. Shepherd a rédigé son affidavit.

[42]  Tel qu’il appert de cet extrait, la Requérante n’a jamais demandé à M. Shepherd de produire toutes factures supplémentaires émises par l’Opposante avant le 30 juin 2011. En produisant six factures additionnelles par le biais de réponses aux engagements, l’Opposante produit une preuve additionnelle qui aurait dû faire l’objet d’une requête en ce sens en vertu de la règle 44 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195. Si l’Opposante avait agi ainsi, M. Shepherd aurait été assujetti à un contre-interrogatoire sur le contenu de ces factures, ce qui n’a pu être fait.

[43]  Dans les circonstances, je considère l’objection de la Requérante bien fondée et je ne considère pas ces six factures additionnelles comme faisant partie intégrante du dossier.

Preuve de la Requérante

[44]  Mme Couture est Chef Affaires Scientifiques et Règlementaires de la Requérante depuis le 4 janvier 2005. Elle explique que la Requérante œuvre dans le domaine des produits naturels. Elle allègue que la Requérante a établi au cours des 60 dernières années une réputation comme chef de file scientifique en produits de santé naturels. Elle énumère quatre produits portant la marque NeoFlex soit: NeoFlex Anti-Douleur; NeoFlex Anti-inflammatoire; NeoFlex Soins Préventifs; et NeoFlex Soins Réparateurs (collectivement nommés les produits NeoFlex).

[45]  Mme Couture allègue que vers le mois de juillet 2011 les produits Neoflex ont été vendus pour la première fois au Canada et livrés au mois d’août 2011 aux clients de la Requérante.

[46]  Mme Couture affirme que la Marque apparaît sur des étiquettes, emballages et feuillets insérés dans les emballages et elle produit des exemplaires de ce matériel comme pièces AC-1 à AC-4.

[47]  Mme Couture fournit la valeur des ventes annuelles des produits NeoFlex au Canada en 2012, 2013 et pour les mois de janvier et février 2014 totalisant plus de 230,000 $.

[48]  Mme Couture fournit des exemples de publicité pour la promotion des produits NeoFlex tels que:

  • Pièce AC-5: Feuillet;

  • Pièces AC-6  et AC-7: Extraits du site Internet de la Requérante;

  • Pièce AC-8: Promotions (rabais) dans des circulaires de pharmacies;

  • Pièce AC-9: Infolettres mensuelles distribuées depuis octobre 2011 principalement au Québec aux clients et clients potentiels de la Requérante;

  • Pièce AC-10: Monographies des produits NeoFlex distribuées aux pharmaciens et aux professionnels de la santé;

  • Pièce AC-11: Publicités publiées dans des magazines, diffusées à la radio et à la télévision.

 

[49]  Mme Couture affirme que les produits NeoFlex sont vendus au Québec, Nouveau-Brunswick et en Ontario dans des chaînes de magasins et pharmacies telles que Jean Coutu, Wal Mart, Pharmaprix, Uniprix, Loblaws et Proxim.

[50]  Mme Couture explique comment la Requérante supervise les étapes de contrôle de la qualité des produits NeoFlex. Elle explique que depuis 2004 l’industrie des produits de santé doit se conformer aux normes établies par Santé Canada. Elle ajoute que la règlementation sur la vente des produits de santé naturels stipule qu’un produit de santé naturel doit avoir reçu une licence de mise en marché pour être légalement vendu au Canada.

[51]  Mme Couture explique la démarche à suivre afin qu’un produit de santé naturel obtienne un Numéro de Produit Naturel (NPN).

[52]  Mme Couture ajoute que la règlementation prévoit que le fabricant d’un produit de santé naturel doit détenir une licence d’exploitation valide attribuée par Santé Canada. Elle ajoute que leur importation est également règlementée.

[53]  Mme Couture affirme que «seul un détenteur de licence d’exploitation valide peut obtenir une licence de mise en marché pour un produit de santé naturel donné». Elle ajoute que, depuis le 1er juin 2010, tous les produits de santé naturels importés doivent se conformer aux exigences de la Loi sur les aliments et drogues et ses règlements et elle produit comme pièce AC-12 une copie de la politique de Santé Canada sur l’importation et l’exportation des produits de santé naturels.

[54]  Mme Couture produit comme pièce AC-13 un extrait du site de Santé Canada qui fait état des licences obtenues par la Requérante pour la vente des produits NeoFlex et elle affirme qu’elle n’a pas trouvé de licence au nom de l’Opposante pour un produit NEOFLEX.

[55]  Durant son contre-interrogatoire Mme Couture a fourni les explications suivantes:

  • l’acronyme NPN signifie Numéro de Produit Naturel;

  • elle a été engagée par la Requérante en janvier 2005, mais occupe le présent poste depuis janvier 2007 (page 20);

  • les Produits sont également vendus chez Familiprix;

  • les comprimés sont fabriqués par des sous-traitants, dont un situé dans le New Jersey (pages 35-36);

  • les feuillets AC-4 et AC-5 ne sont pas visibles quand le consommateur achète un des Produits (pages 49 et 52);

  • les étiquettes à la première page de AC-1 et AC-2 correspondent au produit NeoFlex antidouleur (page 57);

  • les étiquettes à la deuxième page de AC-1 et AC-2 correspondent au produit NeoFlex anti-inflammatoire (page 57);

  • les produits NeoFlex antidouleur et NeoFlex anti-inflammatoire ne contiennent pas de glucosamine (page 58);

  • les réponses aux engagements contiennent le nombre d’unités vendues annuellement de Produits NeoFlex en 2012 (6793), en 2013 (5341) et au cours des mois de janvier et février 2014 (487).

 

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque

[56]  La Cour fédérale dans Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427 a statué que :

·  une marque doit être connue au Canada au moins jusqu'à un certain point pour annuler le caractère distinctif d'une autre marque; ou

  • une marque pourrait annuler le caractère distinctif d'une autre marque si elle est bien connue dans une région précise du Canada.

[57]  L’Opposante avait donc le fardeau initial de prouver que sa marque de commerce NEOFLEX était connue au Canada jusqu’à un certain point ou était bien connue dans une région précise du Canada au 23 juillet 2012. Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial.

[58]  M. Shepherd fournit les sommes dépensées mondialement par l’Opposante pour la promotion et la publicité de ses produits NEOFLEX. Or, nous n’avons pas les sommes dépensées au Canada uniquement.

[59]  M Shepherd fournit également les chiffres des ventes annuelles mondiales des produits NEOFLEX sans encore une fois fournir le montant des ventes annuelles au Canada.

[60]  Quant aux trois factures, pièce S, qui représentent des ventes au Canada pour un montant inférieur à 60 $, tous à Terrace, Colombie-Britannique, elles sont insuffisantes pour satisfaire ce fardeau initial de preuve.

[61]  M. Shepherd indique que l’Opposante était présente à certaines réunions annuelles d’associations américaines dont font partie des membres canadiens. Or, nous n’avons pas le nombre de participants canadiens à chacune de ces réunions.

[62]  L’affirmation de M. Shepherd selon laquelle, depuis 2009, le site web de l’Opposante a été visité par 769 personnes ayant des adresses IP canadiennes ne me permet pas de tirer quelque conclusion significative que ce soit en ce qui concerne la connaissance de la marque NEOFLEX de l’Opposante au Canada. D’une part, je rappelle que M. Shepherd a souscrit son affidavit le 20 février 2013. Partant, il est impossible d’inférer que toutes les 769 visites ont eu lieu avant la date pertinente. Autrement dit, nous ne savons pas combien il y a eu de visites entre 2009 et le 23 juillet 2012. De plus, nous ne savons pas si plusieurs visites ont été effectuées par la même personne. Ultimement, je suis d’avis que la preuve des visites, telle que présentée par M. Shepherd ne me permet pas de conclure que la marque NEOFLEX de l’Opposante était connue  au Canada à la date pertinente.

[63]  Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque car l’Opposante n’a pas satisfait son fardeau de preuve initial.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3) de la Loi

[64]  L’Opposante s’est-elle déchargée de son fardeau initial de prouver l’emploi de sa marque NEOFLEX au Canada en liaison avec des produits de santé naturels avant le 30 juin 2011 et qu’elle n’avait pas abandonné l’emploi de cette marque à la date de l’annonce dans le Journal des marques de commerce?

[65]  Pour ce faire l’Opposante, à l'aide de l’affidavit de M. Shepherd, a produit trois factures (pièce S), toutes datées antérieurement au 30 juin 2011. Je peux inférer que ces factures ont toutes été émises au même client canadien puisque, bien que l’adresse postale ait été oblitérée, la ville et le code postal y apparaissant sont les mêmes sur chacune d’elles. Elles font toutes référence à la vente de «Neoflex calcium (2 months supply)».

[66]  La Requérante soumet que l’Opposante ne peut pas se référer à ces trois factures pour prouver l’emploi de la marque NEOFLEX au Canada car elles représentent des ventes :

·  pour des quantités excédant l’exception pour l’importation pour usage «personnel» prévu dans la règlementation ci-après décrite;

·  sans que l’Opposante ait obtenu une licence de mise en marché;

·  sans que l’Opposante ait obtenu un numéro NPN;

·  sans que l’Opposante ait une licence d’exploitation; et

·  qui ne sont pas dans le cours normal du commerce.

[67]  La preuve au dossier démontre que :

·  l’Opposante n’a pas de numéro NPN (voir page 29 de la transcription de M. Shepherd);

·  l’Opposante a refusé de produire comme engagement une copie de la licence de fabrication ainsi que les autorisations émises par Santé Canada pour la vente des produits NEOFLEX;

·  l’Opposante a refusé de vérifier si elle avait demandé une autorisation auprès de Santé Canada pour la vente de ses produits NEOFLEX et d’en produire une copie, le cas échéant;

·  les trois factures (pièce S à l’affidavit de M. Shepherd) sont pour une quantité couvrant une période de six mois d’usage et non pour une quantité couvrant une période de trois mois; cette dernière quantité étant exclue du champ d’application de la règlementation sur la vente de produits naturels par la politique sur l’importation de produits de santé naturels adoptée le 1er juin 2010.

[68]  Je vais d’abord décider si ces refus de répondre aux questions et/ou de fournir les documents demandés lors du contre-interrogatoire de M. Shepherd étaient bien fondés.

[69]  L’Opposante a indiqué, dans les réponses aux engagements de M. Shepherd, que ces questions étaient non pertinentes à ce litige («irrelevant to these proceedings»). Rien de significatif n’a été ajouté lors de l’audience.

[70]  Il ne fait aucun doute que la Requérante a soulevé, dans sa preuve, la règlementation concernant la vente de produits naturels au Canada. Ainsi, les questions posées sur ce sujet peuvent, à première vue, apparaître pertinentes.

[71]  La Requérante me demande de tirer une inférence négative suite à ces refus de répondre à ces questions ou de fournir la documentation demandée, citant la décision Mr Goodwrench Inc c General Motors Corp 1992 CarswellNat 814 (COMC). Il est vrai que dans cette décision le registraire avait tiré une inférence négative à la suite du refus du déposant de répondre à des questions. Toutefois, les questions avaient été jugées pertinentes par le registraire.

[72]  Bien que les questions lors d’un contre-interrogatoire sur affidavit dans une procédure d’opposition peuvent aller au-delà du contenu de l’affidavit, [voir Coca-Cola Ltd c Cie Française de Commerce International Cofci SA (1991), 35 CPR (3d) 406 (COMC)] rien ne laissait présager au moment du contre-interrogatoire de M. Shepherd que la Requérante allait attaquer l’emploi de la marque NEOFLEX au Canada par l’Opposante au motif que les ventes de produits naturels par l’Opposante contrevenaient à la règlementation en vigueur au Canada sur la vente de tels produits. À tout événement, M. Shepherd lors de son contre-interrogatoire confirme qu’il ignorait l’existence d’une telle règlementation [voir les questions 49, et 151 et suivantes].

[73]  Je note que la contre-déclaration de la Requérante, produite le 22 octobre 2012, ne fait aucunement référence à la règlementation pertinente en vigueur concernant la vente de produits naturels au Canada. Or, M. Shepherd a été contre-interrogé sur son affidavit le 9 septembre 2013. Ce n’est que le 3 avril 2014 que la Requérante a produit l’affidavit de Mme Couture dans lequel il est soulevé pour la première fois la question de savoir si les ventes de produits NEOFLEX de l’Opposante au Canada respectaient la règlementation en vigueur.

[74]  Dans les circonstances, puisque lors du contre-interrogatoire de M. Shepherd  il n’y avait aucune indication au dossier que la question de la non-conformité à la règlementation en vigueur concernant la vente de produits naturels au Canada serait soulevée par la Requérante, je considère que les objections de l’Opposante étaient bien fondées lorsqu’elles ont été formulées [voir Ottawa Athletic Club Inc DBA The Ottawa Athletic  Club c The Athletic Club Group Inc and The Registrar of Trade-marks 2014 CF 672].

[75]  La Requérante soumet que le registraire a déjà statué en faveur d’une requérante lorsque l’opposante se fonde sur un emploi de mauvaise foi ou illégal pour faire obstacle à une demande d’enregistrement de marque de commerce. Chaque cause qu’elle cite peut être distinguée.

[76]  Ainsi, dans l’affaire Direct TV Cable Systems Inc c Hughes Communications, Inc 1999 CanLII 19573 (CA COMC), la preuve d’emploi antérieur reposait sur une seule facture, manuscrite et sur laquelle il n’était pas clair que la marque de l’opposante y apparaissait.

[77]  Dans Becon Pty Ltd c Fast Company Distributors, Inc, 2012 COMC 190, le registraire se réfère au jugement de la cour fédérale dans McCabe c Yamamoto & Co (America) Inc (1983), 23 CPR (3d) 498 (CF 1re inst.) pour conclure qu’un emploi illégal par l’opposante ne pouvait être invoqué au soutien d’un motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(2) de la Loi. Or, l’illégalité de l’emploi d’une marque par un opposant à la fois dans Becon et dans McCabe résultait du fait que ces opposants, dans les deux cas, étaient des licenciés ou distributeurs de la Requérante. Le registraire voulait ainsi faire échec à la situation où un opposant tentait de se servir de son emploi d’une marque, ayant comme origine un cadre contractuel de licencié ou de distributeur, pour empêcher le véritable propriétaire de la marque d’obtenir l’enregistrement de celle-ci.

[78]  Dans l’affaire Mister Coffee & Services  Inc c Mr Coffee, Inc, 2002 CanLII 61245 (CA COMC), la requérante avait soulevé l’existence de procédures judiciaires pendantes devant la Cour fédérale concernant l’emploi de la marque de l’opposante. Le registraire cite effectivement de longs passages de l’arrêt McCabe, pour finalement conclure qu’il ne pouvait pas s’agir d’un emploi illicite de la part de l’opposante en l’absence d’un jugement en ce sens de la part de la Cour fédérale.

[79]  Tel qu’indiqué dans le plaidoyer écrit de la Requérante l’affaire Rezk Hassanin c Uncle Moe’s Donair Chicken, Falafel Inc 2011 COMC 5 concernait l’opposition d’un franchisé qui s’opposait à l’enregistrement de la marque de son franchiseur sur la base de son propre emploi à titre de franchisé.

[80]  La Requérante cite également la décision du registraire dans Laboratoire Gemmologique du Canada OG inc c Kuehn (Canadian institute of Gemmology), 1994 CanLII 10048 (CA COMC) au soutien de ses prétentions. Or, dans cette affaire le registraire a conclu que la preuve documentaire au dossier ne constituait pas une preuve d’emploi de la marque de l’opposante. Le registraire ne fait aucunement mention d’emploi «illicite» d’une marque. Il en est de même dans les décisions Pub John Bull Inc c Ind Coppe Limited, 1994 CanLII 10070 (CA COMC) et Yao Tsai Company Limited c Chan, 2003 CanLII 71291 (CA COMC).

[81]  Finalement, la Requérante cite la décision du registraire dans l’affaire Lunettes Cartier Ltée c Cartier, Inc (1991) CarswellNat1441 (CA COMC), 36 CPR (3d) 391(COMC) pour supporter son argument qu’un opposant ne peut fonder son opposition sur un usage «illicite» d’une marque de commerce. Or dans ce cas, la Cour fédérale avait émis une injonction contre l’opposante l’enjoignant de ne pas vendre des lunettes en liaison avec la marque sur laquelle elle fondait son opposition. C’est dans ce contexte que le registraire a conclu que l’opposante ne pouvait fonder son opposition sur un emploi antérieur de cette marque de commerce.

[82]  Ainsi, il ne fait aucun doute qu’un opposant ne puisse pas fonder une opposition sur son propre emploi à titre de distributeur, licencié ou franchisé des produits ou services couverts par la demande d’enregistrement sous opposition. C’est fondamentalement cet aspect qui ressort de l’arrêt McCabe maintes fois cité dans des cas où une partie prétend que la partie adverse se fonde sur un emploi «illicite» d’une marque de commerce. Bien que l’arrêt McCabe fasse état de principes généraux sur ce que pourrait constituer un emploi «illicite» d’une marque de commerce et qu’un tel emploi ne pourrait générer des droits sur lesquels une partie pourrait se fonder, il n’a pas été porté à mon attention des jugements où ces principes auraient été retenus dans un cadre autre que ceux définis ci-haut et rattachés à une relation commerciale de distribution, de franchise ou de licence.

[83]  Je suis parfaitement conscient que le registraire, dans le passé, a refusé l’enregistrement d’une marque de commerce sur la base que l’emploi de la marque faisant l’objet de la demande d’enregistrement contrevenait à une loi ou règlementation fédérale telle que la Loi sur les aliments et drogues, Loi sur le droit d’auteur, Loi sur les associations coopératives, etc…[voir à titre d’exemples Institut national des appellations d’origine c Brick Brewing Co 1995 CarswellNat 2926, 66 CPR (3d) 351 (COMC); E.Remy Martin & Co SA c Magret Trading Corp (HK) (1988), 23 CPR (3d) 242 (COMC); et Co-operative Union of Canada c Tele Direct (Publications) Inc (1991), 38 CPR (3d) 263 (COMC)].  

[84]  Or, dans tous ces cas c’est la marque qui faisait l’objet de la demande d’enregistrement qui contrevenait à une disposition législative fédérale, soit que l’emploi de la marque était prohibé hors de ce cadre législatif, ou que la marque violait de façon prima facie un droit statutaire accordé à un opposant.

[85]  Qu’en est-il maintenant de la présente situation? Il s’agit des ventes de l’Opposante au Canada de produits naturels qui auraient été faites sans une licence émise par les autorités compétentes et/ou pour des quantités supérieures à celles permises en vertu d’une politique sur l’importation de tels produits en vigueur depuis le 1er juin 2010.

[86]  Cette situation diffère de celles résumées ci-haut. Je ne suis pas convaincu que la légitimité de l’emploi de la marque NEOFLEX par l’Opposante soit en cause ici. De plus, même si je présume que les ventes de l’Opposante de produits naturels au Canada contrevenaient à la règlementation pertinente en vigueur, je n'ai pas de preuve que cette règlementation prohibe l’emploi de la marque NEOFLEX. L’emploi de la marque NEOFLEX par l’Opposante dans les circonstances ci-haut décrites n’est pas «illicite» en soi.

[87]  La position de la Requérante est un faux débat. Le droit de l’Opposante d’employer sa marque NEOFLEX en liaison avec les produits en cause n’est pas la question à trancher dans le contexte de cette procédure d’opposition. Ce que je dois déterminer est le droit de la Requérante à l’enregistrement de la Marque compte tenu des motifs d’opposition soulevés par l’Opposante.

[88]  Dans l’éventualité où je serais dans l’erreur, j’ajouterais que je n’ai aucune preuve par expert concernant les conséquences de ventes de produits naturels sans licence et donc en contravention à la règlementation. Est-ce une simple amende? Je ne suis pas habilité à me substituer au pouvoir décisionnel qui doit mettre en application cette règlementation.

[89]  Au surplus, même si les trois ventes (factures pièce S à l’affidavit de M. Shepherd) auraient été faites sans licence, le législateur a voulu permettre la vente à des Canadiens de produits naturels pourvu que les quantités vendues soient pour un usage personnel pour une période d’au plus trois mois. Or, selon la Requérante, les quantités vendues seraient pour une période six mois (deux fois la quantité pour un dosage sur une période de trois mois). J’estime que la vente de quantités supérieures à celles permises en vertu d’une politique sur l’importation de produits naturels n’est pas un emploi «illicite» d’une marque de commerce tel que défini ci-haut.

[90]  Quant à savoir si ces ventes ont eu lieu dans la pratique normale du commerce, M. Shepherd a clairement expliqué dans son affidavit et dans le cadre de son contre-interrogatoire que l’Opposante vendait des produits naturels en liaison avec la Marque à des consommateurs canadiens qui pouvaient en faire la demande par commande téléphonique ou par Internet. Dans les circonstances, les ventes de l’Opposante de produits naturels en liaison avec la marque NEOFLEX ont été effectuées dans le cours normal du commerce de l’Opposante.

[91]  Finalement, je n’ai aucun élément de preuve qui me permettrait de conclure que l’Opposante avait abandonné le 22 février 2012 l’emploi de sa marque NEOFLEX au Canada [voir l’article 16(5) de la Loi)].

[92]  Pour tous ces motifs, je conclus que l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de prouver qu’elle avait employé, au sens de l’article 4(1) de la loi, la marque NEOFLEX antérieurement au 30 juin 2011 en liaison avec des produits naturels.

[93]  Il incombe donc à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits ne causera pas de la confusion avec la marque NEOFLEX de l’Opposante. Le test à appliquer pour trancher cette question est énoncé à l’article 6(2) de la Loi. Ce test ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais plutôt la confusion quant à l’origine des Produits. Ainsi, je dois déterminer si un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque NEOFLEX de l’Opposante et qui voit la Marque employée en liaison avec les Produits, croirait que ceux-ci sont offerts par l’Opposante ou sont autorisés par cette dernière.

[94]  Je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun de ces facteurs [voir Mattel Inc c 3894207 Canada Inc 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée [2006] 1 RCS 824, 2006 CSC 23, et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc et al 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse plus approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

[95]  Tel que mentionné par la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, dans la plupart des cas le critère le plus important est celui du degré de ressemblance entre les marques en présence.

[96]  Puisque les marques en présence sont virtuellement identiques et que les Produits sont similaires aux produits NEOFLEX, j’estime que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’emploi de la Marque à la date pertinente ne créait pas de confusion avec la marque NEOFLEX de l’Opposante.

[97]  Pour toutes ces raisons, j’accueille donc ce motif d’opposition.


 

Disposition

[98]  Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE: 2016-11-08

 

 

COMPARUTIONS

 

Me Janet M. Furher  Pour l’Opposante

 

Me Chantal Desjardins  Pour la Requérante

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

Ridout & Maybee LLP  Pour l’Opposante

 

Goudreau Gage Dubuc SENCR/LLP  Pour la Requérante



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